Deuxième corps polonais

Deuxième corps polonais

L’histoire de cette unité militaire de la Seconde Guerre mondiale est indissociablement liée à la personne de son fondateur et chef, le général Władysław Anders. De 1942 à 1946, ce commandant d’exception a porté, structuré et imposé cette unité comme un allié sur qui l’on pouvait compter. Le 2e corps polonais a subi, sans jamais dévier de la voie que lui traçait son chef, des épreuves et avatars rares dans la vie d’une unité. Ce fait est d’autant plus à souligner que bien peu, à l’issue de la guerre, ont songé à en reconnaître les mérites et la valeur.

Pour simplifier, on analysera la vie du 2e corps polonais au cours des trois phases majeures qui ponctuent son évolution[1].

Sommaire

L’Armée Anders

Le 4 août 1941, à la suite des accords Sikorski-Maïski, le général Anders est extrait de sa cellule à la prison du NKVD à Moscou, la célèbre Lubianka. Il va rencontrer successivement Beria, Staline, puis le général polonais Zygmunt Bohusz-Szyszko, envoyé du Gouvernement polonais en exil à Londres, et enfin le général Mac Farlane, chef de la mission militaire britannique à Moscou.

Dès le 14 août, l’accord militaire polono-soviétique fut conclu ; les points essentiels en étaient les suivants :

- Une armée polonaise sera organisée sur le territoire de l’URSS, constituant une partie des forces armées de la République polonaise souveraine.

- Elle serait destinée à lutter contre le Reich, en commun avec les armées de l’URSS et celles des autres puissances alliées. A la fin de la guerre, elle rentrera en Pologne. Les unités de ligne polonaises seront utilisées sur le front après avoir acquis une pleine aptitude au combat.

Pratiquement aucune des clauses de l’accord ne sera jamais pleinement appliquée par les autorités soviétiques.

Les prisonniers polonais ne sont libérés qu’au compte-goutte et aucun chiffrage précis de leur nombre ne sera jamais fourni.

Les lieux de rassemblement de l’armée changent souvent, ils ne sont pas aménagés et l’acheminement des recrues n’est pas facilité.

Un désaccord permanent subsiste sur l’organisation et l’emploi opérationnel de l’armée polonaise. Staline veut plusieurs divisions de taille réduite, dispersées au milieu du dispositif soviétique, alors qu’Anders veut plusieurs grosses divisions groupées dans un corps d’armée spécifiquement polonais, représentant ainsi aux yeux des Alliés les Forces Armées polonaises.

Aucun équipement, armement, moyens de transport, ne sera livré en temps et heure et en quantité suffisante. Les rations manquent et les Soviétiques doivent se retourner vers la Britanniques. Médecins et médicaments manquent dramatiquement, alors que les recrues sont épuisées par les épreuves de l’internement.

Le général Anders se convaincra tôt et le premier que « son » armée n’a aucun avenir en Union Soviétique et reste un instrument aux mains de Staline. Anders s’opposera même au Général Sikorski et aux Britanniques sur l’opportunité du maintien de l’armée en URSS. Il fera tout pour en obtenir l’évacuation vers le Moyen-Orient et la jonction avec les Britanniques.

Le 20 mars 1942, une entrevue très tendue a lieu entre Staline et Anders. Staline reproche aux Polonais, qui sont déjà environ 70 000 (en fait 66 000 seulement), de ne pas vouloir se battre. Il attend la montée en ligne de 6 divisions polonaises. Anders réplique que seules les 2e et 5e divisions sont constituées, soit environ 44 000 hommes. Pour Staline, ces deux divisions doivent rester en URSS, le surplus devant être évacué vers l’Iran. Un premier transfert d’environ 25 000 personnes est organisé.

Par la suite, tractations négociations et manœuvres se poursuivent qui aboutiront à l’évacuation vers l’Iran d’environ 70 000 hommes.

Dans ses mémoires le général Anders estime qu’au total environ 115 000 personnes (militaires et civils) ont quitté l’URSS. On est loin du million (et plus) de Polonais capturés en 1939 par les Soviétiques et déportés au Kazakhstan, en Sibérie et jusqu’au Goulag de la Kolyma. Anders portera jusqu’à la fin de sa vie la souffrance d’avoir du abandonner autant de compatriotes.

L’armée polonaise en Orient

Les Polonais évacués d’URSS ont été acheminés à travers la Mer Caspienne du port soviétique de Krasnovodsk vers le port iranien de Bandar-e Pahlavi (alors sous contrôle soviétique).

Dès le 22 août 1942, le général Anders rencontre au Caire Winston Churchill et les dirigeants de l’armée britannique au Moyen-Orient.

Dès septembre, les regroupements ont lieu en vue d’une montée en puissance de l’armée polonaise. En octobre 1942, l’armée est transférée en Iraq à Bagdad. Instruction et entraînement commencent avec les nouveaux uniformes et équipements britanniques.

L’armée est ensuite transférée à Kirkouk, dans le nord de l’Iraq. A cette époque, la brigade des Carpates du général Kopański, évacuée du Levant français après l’armistice de juin 1940 et engagée dans la défense de Tobrouk, est renforcée avec les nouvelles recrues et formera la 3e Division de chasseurs des Carpates, première des deux divisons du futur 2e corps polonais. Le général Kopański en restera le chef avant d’être remplacé à la tête de l’unité par le général Bolesław Bronisław Duch.

La 3e Division de Chasseurs des Carpates sera principalement composée de trois brigades de chasseurs.

Les Britanniques ayant refusé toute composante aérienne à l’armée polonaise d’Orient, 3 500 hommes seront prélevés sur le contingent pour être transférés en Grande-Bretagne aux fins d’entraînement et d’incorporation dans la RAF.

L’armée constituée à ce moment est alors regroupé en Palestine, incorporée à la 9e armée britannique sous le commandement du général William George Holmes. Une grande partie de l’armée est cantonnée à Gaza. 3 000 recrues d’origine juive désertent alors l’armée polonaise pour aller rejoindre les groupes sionistes actifs en Palestine à cette époque.

L’année 1943 est consacrée à la montée en puissance opérationnelle du 2e corps polonais.

Est alors finalisée la constitution d’une deuxième division, la 5e Division d’infanterie des Confins.

Cette 5e Division sera composée de trois brigades d'infanterie (Volhynie, Wilno et Lwów).

Une brigade de chars est constituée (qui deviendra la 2e Division blindée polonaise).

Le corps dispose également d’un puissant groupe d’artillerie lourde.

Une unité non endivisionnée, le 15e régiment de lanciers de Poznań, complète le dispositif.

Le 2e corps polonais est alors prêt au combat et est incorporé à la 8e armée britannique.

Le Deuxième corps et la Campagne d’Italie

Dès février 1944, le 2e corps polonais est engagé dans le dispositif de la 8e armée britannique, sous le commandement du général Leese, où il restera jusqu’à la fin de la guerre.

La remontée vers le nord de l’Italie sera jalonnée de durs combats et d’un haut fait d’armes qui restera dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale : la prise du monastère du Monte Cassino par le 2e corps polonais.

D’autres succès suivront, comme la prise d’Ancône, la bataille pour la rivière Metauro (19 août 1944), la bataille pour Faenza (15 novembre 1944), la bataille de Bologne, la contribution à la prise de la Ligne Gothique, etc.

Au fur et à mesure de l’effondrement du dispositif allemand, le 2e corps se voit renforcé par le retournement des Polonais capturés qui avaient été incorporés de forces dans les unités allemandes.

Fort d’environ 50 000 hommes au début de la campagne, alors qu’il ne pouvait a priori compter sur aucun renfort, le 2e corps polonais atteindra jusqu’à 100 000 à la fin de la guerre.

L'effectif était complété dit-on par la mascotte du corps, l'ours Witek.

Pendant la durée des opérations en Italie, le 2e corps polonais continuait à constituer au Moyen-Orient une 7e Division de réserve.

Une reconnaissance mitigée

Les compagnons d’armes du 2e corps polonais, Britanniques, Américains, Canadiens et Français ont été unanimes dans leur reconnaissance de la valeur militaire et morale du 2e corps polonais comme allié. Tous reconnaîtront sa valeur opérationnelle et son savoir-faire, sa vaillance, sa cohésion et son esprit de camaraderie et de sacrifice envers les compagnons d'armes alliés.

La reconnaissance des politiques est également unanimes, tant qu’il s’agit de conserver le moral d’une unité au combat.

Quelques témoignages cités par le général Anders dans ses mémoires :

Général Oliver Leese :

«  … Je tiens à vous dire que la prise du Mont Cassin est l’œuvre exclusive des Polonais. Je me réjouis que vous soyez ici en ce jour – qui est pour la Pologne un grand jour historique – de la prise du couvent du Mont Cassin par les soldats du 2e corps polonais.

… Avant votre départ, mon général, je tiens beaucoup à vous envoyer mes compliments personnels, à vous et à tout le corps polonais pour ce que vous avez accompli de splendide au cours de cette bataille et, en particulier, lors de la prise de la montagne du Couvent. Cette réalisation magnifique, j’en suis certain, passera à l’Histoire comme l’œuvre puissante des armes polonaises et sera enregistrée dans notre propre histoire militaire comme une des plus importantes victoires de la 8e armée…

…Vous sentez cependant comme moi, j’en suis sûr, qu’au cours de ces durs combats, hommage doit être rendu non seulement aux généraux mais, avant tout, aux troupes combattantes. J’ai été frappé d’étonnement par la valeur que les soldats polonais ont déployée pendant ces terribles combats, par la façon merveilleuse avec laquelle ils supportaient le feu intense des mortiers et des canons ainsi que par l’acharnement de leurs contre-attaques … »

Général Harold Alexander, en décorant Anders de l’Ordre du Bain :

«  Au nom de S.M. le roi de Grande-Bretagne George VI, je vous décore, mon général, de l’Ordre du Bain. Mon Souverain, en conférant l’Ordre du Bain au général Anders, l’a attribué au commandant du 2e corps polonais pour la façon magnifique dont il a exercé son commandement et aussi pour témoigner combien il a de considération pour l’héroïsme, le dévouement et les sacrifices des soldats polonais dans la bataille de Cassino …  »

Général Dewers, en décorant Anders de la « Legion of Merit » et lisant la citation par le président Roosevelt :

«  … En sa qualité de général commandant le 2e corps polonais, le général Anders a conduit admirablement ses soldats jusqu’à l’attaque définitive, qui ne put être repoussée par l’ennemi, et que couronna l’abandon par l’armée allemande de Cassino, puissamment défendu. Ce point d’appui où la résistance était acharnée, fut conquis quand le général Anders conduisit ses troupes à l’attaque, en liaison avec les troupes alliées, contre les positions-clé de l’ennemi, pour lesquelles de durs combats avaient été livrés. Ensuite, par des opérations ultérieures, menées aux bords de l’Adriatique sur le secteur est du front italien, le général Anders conduisit ses soldats jusqu’à la prise du port important d’Ancône. Les dons du général Anders, joints à l’aptitude dont il fit preuve dans la conduite des opérations, contribuèrent pleinement au succès des armées alliées pendant la campagne d’Italie. »

En revanche, les engagements et les paroles d’encouragement des dirigeant alliés n’ont pas été tenus et c’est seulement grâce à l’ascendant du général Anders sur ses troupes que le 2e corps polonais ne s’est pas laissé allé au désespoir ou à la mutinerie dans certaines circonstances pénibles (la Conférence de Yalta et l’Insurrection de Varsovie par exemple).

Le 2e corps polonais est la seule unité alliée de cette importance à n’être pas retournée dans son pays en vainqueur et en libérateur.

Il n'a pas été invité à participer au défilé de la Victoire à Londres le 8 juin 1946[2].

Notes et références

  1. l’essentiel de cet article est inspiré des mémoires du général Anders
  2. Mémoires du général Anders, op. cit., p.445
  • Wladyslaw Anders, Mémoires, 1939-1946, La Jeune Parque, Paris, 1948.

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