Bataille De Pont Saint-Louis

Bataille De Pont Saint-Louis

Bataille de Pont Saint-Louis

La bataille de Pont Saint-Louis est un épisode de la campagne de France de 1940. Elle oppose une section de 9 hommes appartenant au 96e BAF (bataillon alpin français) qui défendent l'accès à un petit poste de douane de Menton à plusieurs milliers de soldats italiens. Pendant une semaine (du 18 au 28 juin), les soldats français résistent héroïquement, ne laissant pas passer les Italiens.

Sommaire

L'édifice du Pont Saint-Louis

L'édifice défensif où se déroula la bataille se trouve à la douane de Menton. C'est un bâtiment de type Maginot dont les projets de réalisation date de 1930. La défense est relativement sommaire, un barrage routier et quelques mètres en avant un barrage antichar situés à proximité directe de la frontière franco-italienne. Le barrage peut-être fermé grâce à une manivelle situé dans un môle en béton situé sur la gauche de la route. De plus, des contreforts en acier permettent d'améliorer la défense du dispositif. Le dispositif défensif peut être actionné par un seul homme mais il est impossible de rester dans l'abri en cas d'attaque, le chasseur alpin n'aurait aucune chance de se défendre. C'est 25 mètres plus loin qu'un véritable dispositif défensif a été mis en place, un petit bunker y est en effet construit et est muni d'un canon antichar. De cet abri, les soldats peuvent directement tirer sur les italiens qui déboucheraient du virage situé en amont de la position. On accède au bloc par une galerie en U de dix mètres de longueur et l'abri bétonné est verrouillé grâce à une porte blindée à deux vantaux superposés[1] Le vantail supérieur est défendu par un fusil-mitrailleur FM 24/29.

Un abri de 7 m2 a aussi été bâti avec un système de ventilation à pédale et un filtre anti-gaz. Ce local servait aussi d'entrepôt et une radio ainsi qu'un téléphone y étaient entreposés. Les soldats vivaient sommairement, les toilettes étaient réduites à une boîte métallique et le dispositif disposait de quatre « lits ». Les hommes pouvaient tenir deux semaines sans ravitaillement. L'ouvrage dispose d'un créneau permettant d'y mettre un jumelage de mitrailleuse Reibel (2 mitrailleuses mac 31F) ou un canon de 37 mm et d'un autre créneau pour fusils-mitrailleurs. De plus, les défenseurs disposent d'une goulotte à grenade. Les douaniers construiront en plus en abri de tôle à proximité du dispositif. Dans la galerie se situe aussi le système de mise à feu du dispositif de mine permanent (DMP).

C'est dans ce fortin exigu que devront se défendre les chasseurs alpins français.

Contexte

À partir du 3 septembre 1939 et l'invasion de la Pologne par l'Allemagne, la France déclare la guerre au Troisième Reich. Ainsi, commence la mobilisation. Mais dès le 2 septembre, le 76e BAF (bataillon alpin français) a été mobilisé et avec lui sont créés les 86e et 96e BAF. C'est ce dernier qui est chargé de la défense du petit édifice gardant le passage du Pont Saint-Louis. Sa défense est assurée par un adjudant-chef, un sergent et sept chasseurs alpins dont un caporal. Les soldats continuent de vivre à proximité de l'édifice défensif dans un calme relatif, Menton a été évacuée préventivement les nuits du 5 au 6 et du 7 au 8 juin 1940.

C'est le 10 juin 1940 à 0 h que les Italiens déclarent la guerre aux Français par l'intermédiaire du ministre italien des Affaires étrangères à l'ambassadeur de France à Rome. Mais c'est à 18 h 30, que l'armée des Alpes est en alerte générale tout comme l'édifice du Pont Saint-Louis qui verrouille la barrière barrant la route à 23 h. Un détachement du génie vient renforcer les chasseurs alpins avec comme mission de faire exploser le dispositif de mines préventive (DMP).

Prélude de la bataille

45 minutes après le verrouillage du barrage, une grosse explosion se fait entendre. Les chasseurs alpins s'enferment dans leur abri, sur l'observatoire du mont Gros, les militaires ne distinguent plus rien à cause de la fumée dû à l'explosion du DMP. Dans le dispositif de Pont Saint-Louis, les soldats souffrent de l'explosion qui a ébranlé le bunker et dont les gaz sont toxiques. Il faudra une demi-heure de ventilation pour expulser les odeurs pestilentielles qui avaient envahi la galerie et le blockhaus. La route est ainsi trouée d'un profond cratère.

Après son travail, le détachement du génie se replie et laisse les 9 hommes du bunker seuls. Les chasseurs alpins dont le téléphone ne fonctionne plus (la déflagration a sectionné le câble de la ligne téléphonique) envoient un message rassurant par la radio au dispositif militaire du cap Martin. Le 12 juin, des vivres sont apportés à la petite garnison ; les hommes sont heureux de voir qu'ils ne sont pas abandonnés. Les jours suivants, le secteur de Menton n'est toujours pas attaqué bien que des combats aient déjà lieu entre l'armée des Alpes et les Italiens. Avec l'annonce de Pétain le 17 juin, les soldats pensent qu'ils n'auront pas à combattre et déjà le chef des chasseurs alpins de Pont Saint-Louis laisse passer des officiers italiens. Le général Montagne le relève de son commandement et après avoir pensé envoyer le sous-lieutenant Roman commander la garnison, il envoie finalement le sous-lieutenant Gros. Ce nouveau chef issu de Saint-Cyr veut se battre. Partant de Cap-Martin, il arrive en toute discrétion à l'avant-poste. L'officier est d'abord frappé par le manque de possibilité d'observation et demande ensuite aux soldats de mettre en place le canon antichar. Peu après, il reçoit du crésyl pour restaurer une hygiène défaillante et notamment supprimer l'odeur nauséabonde régnant dans la galerie. Le sergent Bourgoin et le chasseur alpin Guzzi remplacent ensuite deux chasseurs alpins. Le sergent Bourgoin est un homme à fort caractère et toujours prêt à se battre (volontaire au début de la guerre, il s'engagera dans les FFL ensuite). Il rationne les vivres et demande à ce que le contenu de la boîte métallique servant pour les besoins naturels soit vidé par le créneau du FM, il juge trop dangereux d'aller la vider dans la tranchée extérieure du fait des bombardements.

Déroulement de la bataille

Le 18 juin, il n'a aucune possibilité de communiquer avec l'extérieur et le lendemain, du fait qu'aucun Italien n'approche du poste frontière, des hommes du génie réparent les transmissions.

Au soir du 19, le soldat Boé est remplacé par Cordier. Le 20 juin à 8 h 03, 7 soldats italiens débouchent du virage situé avant le pont et s'avancent vers le poste frontière, ils atteignent le poste de gendarmerie situé juste en amont et de l'autre côté de la route par rapport au poste défensif. Finalement, l'alpin Guzzi chasse les soldats ennemis en tirant quelques coups. Peu après quinze soldats italiens se postent dans le bâtiment des carabiniers avant que 200 soldats ennemis ne débouchent du virage[2]. Les soldats italiens se séparent en deux pour passer des deux côtés du pont. Les chasseurs alpins tirent à la mitrailleuse et ferment la porte blindée. Il est demandé aux batteries du cap Martin de tirer sur les ennemis. Les artilleurs mettent en marche une batterie de 75 mm et pratiquent quelques tirs d'arrêt. Néanmoins les Italiens s'avancent jusqu'à la barrière antichar, le FM de Petrillo ne pouvant tirer car il s'est enrayé, ordre est donné au petit canon servi par Bourgoin de tirer sur la barrière. Le FM est réparé et recommence à tirer, de leur côté les Italiens progressent jusqu'au môle d'ouverture de la barrière et certains avancent jusqu'à la tranchée située juste devant le bunker, les chasseur alpins ripostent en envoyant 8 grenades et les Italiens battent en retraite. Devant cette résistance inattendue, les Italiens attaquent Les Granges-Saint-Paul située au nord de la position et la voie ferrée Nice-Vintimille au sud. L'artillerie française de Fontbonne entre alors en action avant que celle du cap Martin ne se mette elle aussi à tirer. Pendant une demi-heure, les Français vont tirer, les Italiens tentent de détruire avec leurs canons les pièces françaises sans trop de réussite pendant que le colonel Chabrol commandant l'artillerie ordonne à ses hommes de nettoyer les abords du fort de Pont Saint-Louis. Les Italiens finissent par battre en retraite une nouvelle fois. À la fin de l'engagement, le sous-lieutenant Gros demande à cap Martin des munitions ; peu après cependant un soldat italien arrivé en catimini jusqu'à la barrière antichar s'apprête à tirer lorsque le sergent Bourgoin actionne son canon et tue le soldat laissant une trace encore aujourd'hui visible sur la barrière. Devant ces tirs, les canons du cap Martin renouvelleront leurs tirs jusqu'à la fin de la journée où une patrouille française vient aux nouvelles de la garnison. Le lendemain 21 juin à 6 heures du matin, les chasseurs alpins doivent de nouveau faire face aux Italiens et tirent au FM pour les éloigner. Devant de multiples incursions, le sous-lieutenant Gros demande un soutien d'artillerie très vite exécuté. L'avant-poste continue sa résistance, l'observatoire de Roquebrune signalant que des Italiens sont situés sur la falaise juste au dessus de Pont Saint-Louis les batteries de cap Martin reprennent leurs tirs. Les chasseurs alpins arrivent vers midi à entendre des Italiens, ainsi le caporal Robert qui sert un FM abat un Italien qui s'était posté juste devant son arme. Venant du carrefour de Garavan un officier et une dizaine de soldats s'avancent avant d'être repoussés par les Français, l'officier est blessé.

Entre midi et treize heures, deux alpins viennent se ravitailler en huile d'olive dans une auberge abandonnée, le canon antichar manquait de lubrifiant. Le 22 juin, la 5e division d'infanterie italienne précédée par un long tir d'artillerie attaque les crêtes situées aux alentours de Menton, du côté de Pont Saint-Louis, la garnison est informée qu'un groupe de chars et de motocyclistes appuyé par 200 hommes s'approche de la garnison ; en réaction les 75 mm de cap Martin mettent en place un tir de barrage qui détruit plusieurs chars. Les fantassins avancent néanmoins et contournent le poste frontière avant d'être fortement repoussés par l'artillerie.

Le lendemain la radio et le téléphone sont hors-service, le sous-lieutenant Gros ne peut plus recevoir d'information et doit employer les fusées éclairantes s'il veut un soutien d'artillerie. À 10 h 50, les Italiens recommencent leurs attaques de toutes parts, quelques cyclistes sont repoussés de la barrière antichar par des tirs de sommation. Le soldat Pétrillo use beaucoup de son FM et plusieurs grenades sont envoyées de l'autre côté, très vite des drapeaux blancs apparaissent et les Italiens demandent la permission de relever leurs blessés. Le 24 juin, ce sont les mortiers de 220 mm italiens qui tirent sur le poste français dont les défenseurs sont très éprouvés par la fatigue, le soldat Lieutaud est légèrement blessé à l'œil alors qu'il était de garde avec le FM, le soldat Chazarin est lui aussi touché. Les alpins sans aucune information ignorent tout de l'armistice signé entre la France et l'Italie. Le 25 juin à l'aube, le FM tire sur un soldat italien venu de l'arrière, quelques hommes et un officier sont eux aussi repoussés avec un mort et deux blessés. Bourgouin observa peu après à la lunette du FM deux officiers l'air décontracté, il reçoit l'ordre de tirer en l'air, tous les Italiens partirent se réfugier. À 8 h 45, Bourgouin aperçoit un drapeau blanc au niveau du virage bientôt suivi de plusieurs sonneries de trompettes, deux soldats sont envoyés à l'avant, agitant la hampe du drapeau[3]. Ses deux hommes sont bientôt suivis par 150 autres soldats, le sous-lieutenant Gros est intrigué par le silence des batteries de cap Saint-Martin, il ouvre la partie supérieure de la porte avant de demander qu'un seul officier ne traverse le pont. Un colonel italien se présente demandant l'arrêt des combats conformément à l'armistice signée. Le sous-lieutenant Charles Gros répond qu'il n'a reçu aucun ordre de cessez-le-feu et qu'il n'a aucune information concernant cet armistice. Il demande au colonel italien de se retirer lui et ses hommes où il ouvrira le feu, mais les chasseurs alpins indiquent à leur supérieur l'arrivée d'officiers français. Ces derniers apportent l'ordre de cessez-le-feu, le sous-lieutenant Gros reste surpris, les Italiens eux, expriment tout leur honneur envers la belle résistance des chasseurs alpins et demandent l'ouverture de la barrière pour l'évacuation des blessés, Le sous lieutenant Charles Gros accepte et demande que son unité soit relevée en arme. Ainsi à 18 heures, la garnison du fortin du Pont Saint-Louis se retire vers le cap Martin. Le 27 juin, la barrière est totalement ouverte et le lendemain, le sous-lieutenant Piedfort, de garde, se retire définitivement fermant le fortin à clef. Dans la soirée, le général René Olry, chef de l'Armée des Alpes félicite en personne les défenseurs du fort et remet l'insigne du XVe corps d'armée à Gros. Les 9 défenseurs sont cités à l'ordre de l'armée en ces termes :

Citation de la garnison de l’ouvrage d’avant-poste du Pont Saint-Louis à l'ordre de l'Armée en date du 28 juin 1940 :

« Garnison 1/1/7 (96e BAF)

Sous les ordres du sous-lieutenant Gros Charles, ayant pour mission d’interdire le passage du Pont Saint-Louis et de la route entrant en France et ayant été encerclée peu après le début des hostilités avec l'Italie, a continué à assurer sa mission jusqu'à la signature de l'armistice en infligeant des pertes à l'ennemi. Soumise à un violent bombardement d'artillerie puissantes n'a pas failli, bien que pouvant se croire entièrement sacrifiée.
Après l'armistice a continué encore à imposer le respect de sa mission à l'ennemi qui ne pouvait ni ouvrir la barrière coupant la route ni relever le champ de mines antichars, si bien que l'adversaire a admis sa relève par une troupe en armes de même effectif.
Général René Olry

général commandant l'Armées des Alpes »

Notes et références

  1. Michel Truttmann, « L'héroïque défense du Pont Saint-Louis », Histoire de guerre no 51
  2. Ces soldats appartiennent au 90 RI italien venant de Vintimille.
  3. Bernard et Raymond Cima, La glorieuse défense de Port Saint-Louis, éd. Cima
  • Michel Truttman, « L’héroïque défense de Pont Saint-Louis », Histoire de guerre, no 51.
  • Bernard et Raymond Cima, Michel Truttmann, Juin 1940 - La glorieuse défense du Pont Saint-Louis, éd. Cima, 1995 (ISBN 2-9508505-2-9 et ISBN 9782950850522) [lire en ligne sur le site maginot.org] [pdf]
  • Laurent Icardo, membre de l'AMICORF et guide au Go du Cap Martin et à la casemate du Pont Saint-Louis

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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