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Bataille de Nancy
Bataille de Nancy
Le duc René II à la tête de ses troupes suisses devant la ville de Saint-Dié (Liber Nanceidos, Pierre de Blarru, 1519) Informations générales Date 5 janvier 1477 Lieu Nancy Issue Victoire décisive des lorraino-suisses Belligérants Bourguignons Lorrains
SuissesCommandants Charles le Téméraire † René II de Lorraine Forces en présence à peine 3 000 hommes 19 à 20 000 hommes Pertes plus de la moitié Guerre de Bourgogne Batailles Héricourt - Grandson - Morat - Nancy La bataille de Nancy opposa le duc de Bourgogne Charles le Téméraire et le duc de Lorraine René II. Elle se solda par la défaite et la mort du Téméraire. Le principal bénéficiaire de cette bataille fut le roi de France Louis XI qui s'empara d'une partie des états bourguignons. Elle permit aussi bien sûr au duché de Lorraine de rester indépendant. Aujourd'hui encore, quelques « irréductibles lorrains » fêtent le 5 janvier devant la croix de Bourgogne.
Sommaire
Les origines du conflit
L'expansion de la Bourgogne
En 1363, Philippe II le Hardi, fils du roi Jean II le Bon, reçoit en apanage le duché de Bourgogne et épouse une riche héritière, Marguerite, comtesse de Flandre, de Bourgogne (Franche-Comté), d'Artois, de Rethel et de Nevers. Leurs descendants acquirent de diverses manières (mariage, héritage, achat et conquête) une grande partie de ce qui constitue actuellement le Benelux : comtés de Hollande, de Zélande, de Hainaut, de Namur et duchés de Brabant et de Luxembourg.
L'ensemble des états bourguignons était divisé en deux parties : d'une part les duché et comté de Bourgogne, d'autre part, les futurs "Pays-Bas" espagnols (l'actuel Benelux). Entre les deux, la Champagne et les duchés de Lorraine et de Bar.
En 1467, Charles le Téméraire succède à son père Philippe III le Bon. Le projet de sa vie est de relier territorialement ses états, et d'obtenir une investiture royale, recréant l'ancien royaume de Lotharingie. Dans cette optique, il commence par prendre possession de la Haute-Alsace que l'empereur Frédéric III lui a donnée en garantie d'un prêt de cinquante mille florins qu'il est incapable de rembourser. La Haute-Alsace pourrait se révéler une excellente tête de pont pour conquérir les cantons suisses, craignent ceux-ci. En 1473, le Téméraire s'empare du duché de Gueldre, de part et d'autre du Bas-Rhin.
Le traité de Trèves
Le duc de Bourgogne se tourne alors vers la Lorraine. Profitant de la jeunesse du nouveau duc, René II, il le rencontre à Trèves et signe un traité par lequel ils s'engagent à ne pas s'allier à Louis XI dans une alliance qui nuirait à l'autre. De plus René II accorde au Téméraire le libre passage de ses états et autorise l'installation de garnisons bourguignonnes à Charmes, Darney, Épinal, Neufchâteau et Prény. Il faut dire que René II n'a guère le choix, car il ne peut pas compter sur le soutien de Louis XI qui vient de signer une trêve avec Charles.
Très rapidement, les incidents se multiplient entre la population lorraine et les garnisons bourguignonnes.
La rupture de la paix
René II prend alors contact avec les adversaire du duc de Bourgogne : Louis XI, les Confédérés Suisses, menacés par les projets d'expansion du Téméraire, et les villes de Haute-Alsace qui subissent les abus de l'administration bourguignonne.
Louis XI signe plusieurs traités, avec les Suisses (octobre 1474), Frédéric III (décembre 1474) et surtout avec Édouard IV (29 août 1475 à Picquigny) qui isolent Charles le Téméraire. Fort de ces alliances, René II lance son défi à son voisin le 9 mai 1475. Charles commence par signer une nouvelle trêve avec Louis XI, puis envahit la Lorraine à l'automne. Rapidement, il prend Charmes, Épinal et enfin Nancy le 24 novembre 1475 après un mois de siège. La Lorraine semble perdue pour René qui, prudent, se réfugie à Joinville.
Le Téméraire reconstitue ainsi l'ancien royaume de Lothaire avec Nancy pour capitale. De nouveaux baillis sont nommés, des officiers et des capitaines bourguignons sont établis dans les places fortes... les États de Lorraine se rallient au vainqueur et Charles se proclame duc de Lorraine. Le 11 janvier 1476, il quitte la Lorraine pour combattre les Confédérés Suisses.
Les déboires du Téméraire
Ayant acquis la Haute-Alsace, Charles le Téméraire pouvait représenter une menace pour les Cantons suisses, et les agents du roi Louis XI se plaisaient à la souligner. Avec l'aide financière de l'Universelle Aragne, Fribourg et Berne avaient d'ailleurs envahi le Valais et le pays de Vaud, possessions de la famille de Savoie, alliée du duc de Bourgogne. (Jacques de Romont, beau-frère de la duchesse-régente de Savoie Yolande de France, était un des premiers personnages de la cour de Bourgogne).
René II, de son côté, avait rejoint la ligue de Constance, composée des adversaires suisses et alsaciens du Téméraire. Une première bataille eut lieu le 2 mars 1476 à Grandson où les troupes du duc de Bourgogne se débandèrent et, malgré les efforts de celui-ci pour les reprendre en main, s'enfuirent, abandonnant un énorme butin aux Confédérés. Pour venger cet affront, Charles de Bourgogne marcha sur Morat où il fut sévèrement battu le 22 juin 1476. Son armée y fut taillée en pièces et ce qui lui restait d'artillerie fut perdu. Le duc se replia alors sur Dijon où il essaya, tant bien que mal, de reconstituer une armée en levant de nouvelles troupes.
À l'annonce des défaites bourguignonnes, la Lorraine se révolte. Des partisans lorrains s'emparent de Vaudémont, puis chassent les garnisons installées à Arches, Bruyères, Remiremont et Bayon[1]. René II les rejoint à Lunéville qu'ils prennent le 20 juillet. Le 22 juillet, c'est Épinal qui se rend. Le lendemain, René se rend à Fribourg pour obtenir de l'aide, mais n'obtient que la garantie qu'aucun adversaire du duc de Bourgogne ne signera de paix séparée.
Les sièges de Nancy
Le siège de René II
Le 22 août 1476, à la tête d'une armée de quatre à cinq mille hommes, il met le siège devant Nancy, défendue par une garnison bourguignonne de deux mille soldats, majoritairement anglais et dirigés par Jean de Rubempré.
Aucun des messages envoyés par Charles pour annoncer son arrivée prochaine ne parviendra à Nancy, ils seront tous interceptés par l'armée lorraine. Au bout d'un mois et demi, les anglais, dont le chef est tué au cours d'une sortie, et las de manger du chien forcent Rubempré à négocier. La ville ouvre ses portes le 7 octobre, et le lendemain, la garnison bourguignonne quitte Nancy pour rejoindre Campobasso au Luxembourg. Celui-ci était effectivement en train de rassembler une armée dans le nord des états bourguignons.
Le siège du Téméraire
Le 25 septembre, le Téméraire avait quitté Gex à la tête d'une armée de dix mille soldats en direction de Nancy. Le 9 octobre, René II l'attend sur la rive est de la Moselle pour l'empêcher de traverser la rivière, mais Charles reste sur la rive ouest et se dirige vers Toul, où, le 10, il fait la jonction avec Campobasso qui arrive du Luxembourg à la tête de six mille hommes. Le 16 octobre, ils traversent la Moselle et René, à la tête de neuf mille hommes ne peut rien faire pour les en empêcher et se replie à Saint-Nicolas-de-Port. Le 19, sur les conseil de ses capitaines et avec l'assurance que Nancy tiendra deux mois de siège, il se rend en Alsace et en Suisse pour obtenir des renforts.
Le 22 octobre, Charles le Téméraire met le siège devant Nancy, défendu par deux mille soldats, principalement des vétérans de Morat. Son armée s'installe sur une butte qui se trouve sur l'emplacement actuel de la place Thiers, et lui-même s'installe à proximité de la commanderie Saint-Jean. Les capitaines bourguignons préconisent de lever le siège et de se rendre à Pont-à-Mousson ou à Metz, pour reprendre l'offensive au printemps, mais Charles s'entête.
De rares partisans lorrains harcellent les Bourguignons régulièrement et l'hiver est rigoureux, aussi le moral des troupes bourguignonnes baisse et les désertions se multiplient. Ainsi, Campobasso déserte le 31 décembre avec 180 cavaliers. A Nancy, le 23 décembre, on abat les chevaux et on chasse les chiens, les chats et les rats pour se nourrir. L'eau gèle dans les puits et on enlève le bois des toitures pour pouvoir se chauffer.
René II de son côté, ne reste pas inactif. La Confédération Suisse ne souhaite pas intervenir, mais l'autorise à engager neuf mille mercenaires, ce qu'il fait, financé par Louis XI. Huit mille soldats alsaciens le rejoignent également. Le lieu de regroupement des armées est fixé à Saint-Nicolas. Un détachement bourguignon envoyé en éclaireur le 2 janvier 1477 est surpris et taillé en pièces. Le Comte de Campobasso et ses troupes se rallient au Lorrain le 4 janvier. C'est une armée de dix-neuf à vingt mille hommes qui se rassemble.
La bataille de Nancy
Le duc de Bourgogne ne dispose plus que d'environ trois mille hommes (quatre mille selon Philippe de Commynes, à peine deux mille selon Olivier de La Marche). Livrer bataille dans ces conditions est pure folie, entêtement suicidaire. N'importe ! Apprenant l'arrivée prochaine de l'armée de René II, Charles de Bourgogne prend position, avec le peu de troupes qu'il lui reste, sur une éminence à proximité de Jarville. Malgré Morat où, déjà, il avait été attaqué sur son flanc, il néglige la protection de son côté droit, qui est sur la lisière du bois de Saurupt.
Le dimanche 5 janvier, avant l'aube, René II quitte Saint-Nicolas de Port, son armée avance dans la campagne lorraine recouverte de neige. A Laneuveville, des éclaireurs repèrent un guetteur bourguignon et le tuent. Désormais, le Téméraire ne sait rien de l'armée qui arrive. Les capitaines et René II, sur les rapports des éclaireurs décident de contourner l'armée bourguignonne par le bois de Saurupt pour l'attaquer de flanc et, pour donner le change, envoient un petit détachement, commandé par Vautrin Wisse, par la route de Nancy à Saint-Nicolas.
L'effet de surprise est total et le sort de la bataille se joue en quelques minutes. Josse de Lalaing reçoit le premier assaut, est grièvement blessé et est fait prisonnier. Il ne sera libéré que le 4 mai. Jacques Galleotto, blessé, s'échappe avec ses troupes le long de la Meurthe, la traverse au gué à Tomblaine et s'enfuit vers le nord.
Charles le Téméraire tente de se tourner contre l'assaillant, mais l'ensemble de ses maigres troupes se disloque et s'enfuit. Campobasso tient le pont de Bouxières, au nord de Nancy, et massacre les fuyards, se contentant de ne faire prisonnier que les seigneurs importants, dont Olivier de la Marche et Jean Ier baron de Talmayet seigneur d'Heuilley-sur-Saône qui fut emmené en Lombardie. Les défenseurs de la ville font une sortie et pillent le camp bourguignon (Robert VII d'Estouteville, prévôt et vicomte de Paris contribua avec la noblesse de Normandie à la libération de Nancy assiégée par Charles Le Téméraire[réf. nécessaire]).
Les jours suivants
Ce n'est que le surlendemain, sur les indications de Baptiste Colonna, un page du duc de Bourgogne qui l'a vu tomber à proximité de l'étang Saint-Jean, que le corps méconnaissable de Charles le Téméraire est retrouvé et identifié. La tradition rapporte sans grande certitude qu'il est en partie dévoré par les loups. Il est inhumé avec grand soin à la collégiale Saint-Georges. Une croix est posée pour marquer le lieu de la mort du Téméraire, qui correspond à l'actuelle place de la Croix de Bourgogne. De même, devant le numéro 30 de la Grand-Rue à Nancy, une indication 1477 sur les pavés indiquent l'emplacement où le corps du Téméraire fut déposé avant son inhumation.
Conséquences
Louis XI avait signé en 1475 à Picquigny une trêve avec le roi d'Angleterre Édouard IV. Celui-ci, privé du soutien du duc de Bourgogne, se verra contraint de renoncer définitivement à ses ambitions en France.
Dès l'annonce et la confirmation de la mort de Charles le Téméraire, Louis XI s'empare d'une partie des états bourguignons : duché et comté de Bourgogne, Picardie, Artois et Flandre, au détriment de Marie de Bourgogne, la fille du Téméraire. Celle-ci en appelle à son fiancé, Maximilien de Habsbourg, le fils de l'empereur Frédéric III, et récupérera en 1482 la Flandre, l'Artois et la Franche-Comté. Commencent alors plusieurs siècles de luttes entre les rois de France et les Habsbourg. Le fils de Maximilien de Habsbourg et de Marie de Bourgogne, Philippe le Beau, épousera l'héritière de l'Espagne, et sera le père de Charles Quint. Pendant deux siècles, le royaume de France sera entouré de possessions espagnoles : le long des Pyrénées au sud, la Franche-Comté à l'est et les Pays-Bas espagnols au nord.
Le souvenir de la bataille de Nancy dans l'Histoire
- Sur les lieux de la bataille, René II fait édifier l'église Notre-Dame de Bonsecours. Il fait également construire dans la ville l'église des Cordeliers.
- À Saint-Nicolas-de-Port, René II fait bâtir un édifice imposant pour symboliser sa reconnaissance à Saint-Nicolas, saint patron de la Lorraine : la grande basilique de Saint-Nicolas-de-Port.
- En souvenir de la défaite du Téméraire, la ville adopte comme emblème le chardon et comme devise « non inultus premor » (« nul ne s'y frotte », ou « qui s'y frotte s'y pique »).
- Claude Bausmont ou de Bauzemont, vieux soldat châtelain de Saint-Dié, mourut de chagrin dans l'année qui suivit de n'avoir pas reconnu et capturé le prince de Bourgogne en fuite. Les chroniqueurs lui reconnaissent cette méprise. (Il est dit que Bauzemont, sourd, n'aurait pas entendu le Duc lui crier « Sauve Bourgogne » et il l'aurait transpercé de sa lance.)
- Le chanoine de Saint-Dié, Pierre de Blarru, compose un vaste poème, la Nancéide qui dépeint, en 5044 vers latins, la guerre entre Lorrains et Bourguignons, épopée culminant à la bataille de Nancy. Le bel ouvrage est illustré et imprimé en 1518 à Saint-Nicolas-de-Port.
- La Porte Désilles de Nancy présente des bas-reliefs qui évoquent le souvenir de la bataille.
- Eugène Delacroix peint un grand tableau : La Bataille de Nancy, aujourd'hui au musée des Beaux-Arts de Nancy.
- Outre l'église Notre-Dame de Bonsecours, reconstruite sous Stanislas, un monument situé place de la Croix de Bourgogne et un pavage dans la Grande-Rue ( ), marquent à Nancy le souvenir de la bataille et de la mort de Charles le Téméraire.
Le souvenir de la bataille de Nancy aujourd'hui
Tous les ans, le 5 janvier, une petite centaine de personnes se retrouve Place de la Croix-de-Bourgogne pour commémorer la Bataille de Nancy. Cette commémoration préparée par Jean-Marie Cuny et l'association Mémoire des Lorrains se déroule généralement en milieu de soirée (18h30 pour le 5 janvier 2009). Jean-Marie Cuny prononce un discours relatant la célèbre bataille et rappelle les hauts faits de l'Histoire de la Lorraine. À l'issue, les participants partagent le verre de vin chaud aux cris de "Vive la Lorraine".
En 2007 et 2008, il y eut un dépôt de gerbe de la part des Jeunesses identitaires en présence de deux conseillers régionaux du Front national. En 2008, des manifestants anti-fascistes étaient également venus perturber les festivités qui se déroulèrent sous la protection des forces de l'ordre. Les manifestants, souvent très jeunes, criaient des slogans particulièrement hostiles : « La Lorraine, on s'en fout, on veut plus de frontières du tout » ou « Pas de fachos dans notre quartier, pas de quartier pour les fachos ». Cette qualification de « fascistes » a vivement été critiquée par Jean-Marie Cuny dans la Revue Lorraine Populaire.
Notes et références
- ↑ Si Varrin Doron, marchand de Bruyères sorti de l'anonymat par quelques historiens locaux, anime bien une révolte tardive dans sa petite ville marchande, il semble qu'il le fasse en accord avec les intérêts alsaciens. La minuscule ville basse de Saint-Dié n'a rien tenté, la ville haute, composée des maisons canoniales de la Collégiale, est fort favorable aux Bourguignons. Aussi la ville religieuse ouvre simplement ses portes aux armées qui s'y présentent. Mettons un bémol sur ce retournement d'esprit : beaucoup de petits centres lorrains méridionaux, lieux de soi-disantes révoltes, imitent cette relative quiétude.
Sources
- Pierre Frédérix, 5 janvier 1477 - La Mort de Charles le Téméraire, 1966, collection Trente Journées qui ont fait la France
- Cinq-centième anniversaire de la bataille de Nancy (1477) : actes du colloque de Nancy, 22-24 septembre 1977 / organisé par l'Institut de recherche régionale en sciences sociales, humaines et économiques de l'Université de Nancy II. - Nancy : Annales de l'Est, 1979. - 447 p.
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