- Bas fourneau
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Le bas fourneau est un four à combustion interne qui a servi, au début de l'âge du fer, à transformer le minerai de fer (hématite, limonite, etc.) en fer métallique.
Sommaire
Histoire du nom
Le terme « bas fourneau » ne s'est répandu que lorsque le haut fourneau est apparu. Il est donc opposé à l'outil moderne, avec une connotation plutôt péjorative. Mais ce n'est pas sa hauteur qui le distingue du haut fourneau : il existait en effet des bas fourneaux plus hauts que les hauts fourneaux. C'est essentiellement le produit obtenu qui les distingue : le bas fourneau est un fourneau à loupe, par opposition au fourneau de coulée.
Description
Le bas fourneau se présente comme une cheminée de taille humaine (un ou deux mètres de haut) en briques et en terre cuite, dans laquelle on dispose en alternance une couche de minerai de fer et une couche de charbon de bois. Lorsque l'on met le feu, le charbon de bois produit du monoxyde de carbone (gaz CO) qui vient réduire le minerai : le fer est présent dans le minerai sous forme oxydée Fe3O4 ou Fe2O3, par réaction avec le CO, il se forme du fer :
- Fe3O4 + 4CO → 3Fe + 4CO2
Le tirage du fourneau est assuré soit par ventilation naturelle, soit par des soufflets, généralement manuels. Les impuretés qui accompagnent le minerai forment la scorie ou laitier qui s'écoule au bas du fourneau ou dans une fosse ménagée en dessous de sa base (« fourneaux à cuve » à usage unique).
Dans le bas du fourneau s'accumule un solide spongieux, composé de métal et de scorie, que l'on appelle « massiot » ou « loupe ». Le métal obtenu par ce procédé est très hétérogène. Le massiot peut être composé de fer et d'acier allant de 0,02% à 2% de carbone.
La loupe est d'abord épurée et corroyée, par martelage répété, afin de retirer la scorie et de rendre le métal homogène. Il reste quand même des inclusions de scories dans la matrice métallique. On obtient après ce long processus, un bloc de métal qui pourra être mis en forme par le forgeron pour fabriquer l'outil (soc de charrue, serpe, cerclage de roue...) ou l'arme.
Limites du bas fourneau
Le bas fourneau transforme le minerai en une masse de fer spongieuse, la loupe. En effet, d'après le diagramme d'Ellingham, la réduction des oxydes de fer est possible à partir de 900 °C, alors que le point de fusion du fer pur est de 1 535 °C. La réduction sans fusion du métal, plus économique au niveau énergétique, présente cependant de nombreux inconvénients :
- la réduction ne s'oppère efficacément qu'en surface du produit, qui est alors chimiquement très hétérogène ;
- la séparation entre la gangue du minerai et le métal est très difficile ;
- l'accès au fer produit nécessite la démolition du fourneau.
La gangue du minerai, partiellement réduite au cours de la réaction, devient une masse de scories. Certains minerais présentent la possibilité de générer des scories suffisamment liquides pour qu'une partie puisse s'écouler hors du fourneau. Dans d'autres cas, des additions de fondant, comme la castine, peut favoriser l'écoulement des scories.
L'impossibilité d'atteindre des températures suffisantes à la fusion du fer, qui permettrait l'évacuation sous forme liquide du fer et des scories, ainsi que leur séparation par décantation, est essentiellement due au faible débit d'air injecté dans le four. La production de chaleur est alors insuffisante pour compenser les pertes thermiques de l'ensemble. C'est lorsque le soufflage d'air sera réalisé mécaniquement, notamment grâce à l'utilisation de l'énergie hydraulique, que la température de fusion du fer pourra être atteinte. C'est le haut fourneau, que les anglais appellent « blast furnace », c'est-à-dire four à air insufflé, par opposition à « bloomery », qui se réfère au bloom.
La loupe, chimiquement hétérogène et très chargée en impuretés, doit être longuement travaillée par le forgeron pour obtenir un métal de qualité. L'art d'homogénéiser la teneur en carbone et de chasser les impuretés du métal contribuera à créer la légende des katanas ou les épées de Damas.
Bas fourneaux dans le monde
En Afrique, les premiers bas fourneaux remontent à 2500 av. J.-C.. Les populations originaires du Sahara notamment les Noks connaissaient déjà cette technique.
En Europe, les premiers bas fourneaux sont apparus vers 1200 av. J.-C.. Si les premiers bas fourneaux ne produisaient guère plus d'un kilogramme de fer par campagne, ceux-ci grossirent jusqu'à être capable d'atteindre une quinzaine de kilos.
L'usage de l’énergie hydraulique dans de gros fours est attesté, notamment dans certains monastères en France et en Suède dès le début du XIIIe siècle[1]. Des documents comptables prouvent aussi son utilisation en Angleterre en 1408[2]. Dans ces configurations, la loupe peut alors atteindre 300 kg, et si de hautes températures sont possibles jusqu'à atteindre la fusion du métal, le procédé reste « froid ». En effet, l'accroissement de température, en favorisant la diffusion du carbone du charbon de bois dans le fer, produit une fonte qu'on ne sait encore pas bien décarburer.
Vers la fin du Moyen Âge, le four évolua vers le haut fourneau dans une large moitié du nord de l'Europe. La réduction directe au bas fourneau a cependant été pratiquée jusqu'au XIXe siècle dans le sud de l'Europe, dans les « forges catalanes » de la région pyrénéenne.L'Asie, exportait, à partir de centres de productions situés en Inde et en Ouzbékistan, des lingots de wootz, un acier obtenu par affinage d'une loupe produite dans un bas fourneau.
Au japon, l'acier japonais traditionnel, le Tamahagane, était produit dans un tatara, un bas fourneau dont l'évolution s'est fait pas un accroissement de la surface, sans augmentation de la hauteur. La faible hauteur du tatara s'explique par l'utilisation de sable ferrugineux comme minerai, qui n'offre qu'une faible perméabilité gazeuse au chargement du four[3].
Voir aussi
Références
- A. R. Lucas, 'Industrial milling in the ancient and Medieval Worlds' Technology and Culture 46 (2005), 19.
- R. F. Tylecote, A History of Metallurgy, 76.
- Le tatara », Soleil d'acier, 1er octobre 2004 Maurice Burteaux, «
Liens externes
- (en) The Smelter's Art — Experimental Iron Production at The Rockbridge Bloomery, une page de la Washington and Lee University (WLU) expliquant la fabrication du fer avec un bas fourneau (bloomery smelting)
- (en) Historical Background of Damascus blades
- Le fer tombe le masque Dossier présentant la réalisation d'un bas fourneau traditionnel en terre crue construit selon les éléments connus des modes traditionnels de l'âge du fer (expérience d'archéologie). L'objectif était d'essayer de retrouver le même type de scories que celles fournies par les fouilles.
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