- Acier de Damas
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L' acier de Damas (ou aussi acier damassé, à ne pas confondre avec l'acier damasquiné) est un acier iranien qui fut réputé pour sa qualité. Il est caractérisé par son aspect ou ses motifs moirés sur toute la surface.
Sommaire
Histoire et disparition du savoir-faire
Les centres de production de l’acier étaient l’Inde et l'actuel Ouzbékistan. On produisait et exportait des lingots d'une teneur en carbone très hétérogène, appelés wootz, qui étaient ensuite transformés en armes dans les centres iraniens[réf. nécessaire].
Il ne faut en effet pas se méprendre sur le nom donné à cet acier. S'il prend effectivement le nom de la ville de Syrie, il ne provient aucunement de cet endroit : cet acier est iranien. Damas était un centre florissant de commerce d’armes, mais il est possible que l’on ait appelé cet acier par référence à l’étoffe, car l'acier poli a le même aspect moiré que les étoffes de cette ville. Cet acier servait à faire les armes blanches, et les Iraniens ont particulièrement excellé dans la fabrication de cimeterres.
Le wootz est un lingot d'acier de quelques kilos, exporté de l'Inde vers le Moyen-Orient. Issu d'une loupe métallique extraite d'un bas fourneau, un traitement d’homogénéisation grossière et de recarburation en faisait un demi-produit apte au forgeage. Tout le talent du forgeron consistait alors à mélanger les différentes zones du lingot, pour lisser la teneur en carbone.
La qualité de cet acier tient dans le fait qu'il alterne des couches d'acier à la fois hypoeutectoïde et hypereutectoïde (pauvre ou faible en carbone). L'aspect d'acier variant avec sa teneur en carbone, l’alternance de très fines couches d'acier lui donnait un aspect mat avec un effet de moiré. En effet, ces couches microscopiquement fines, obtenues par pliages successifs, étaient très difficile à distinguer à l'oeil nu : le grain des katanas japonais a la même origine. Cet acier, construit comme un matériau composite, combinait la souplesse des aciers faibles en carbone et la dureté des aciers plus riches en carbone, qui leur permettait de conserver leur tranchant.
L'originalité des lames vient donc de leur apparence esthétique, et de l'impossibilité des Occidentaux à le reproduire, ceux-ci n'ayant pas accès au wootz. Les croisés célèbrent la qualité de ces armes autant à cause de leur aspect mystérieux, que pour vanter leurs adversaires, ce qui exaltait d'autant leurs combats. Les arabes, de leur coté, tenaient des propos identiques sur les épées franques[1]…
La fabrication d'objets en acier damassé prit fin vers le XVIIe siècle, peut-être à cause de l'épuisement du minerai, ou des difficultés à maintenir actives les routes commerciales permettant de se fournir avec les métaux nécessaires (le matériau brut semblant être le wootz, importé depuis l'Inde), voire de l'insuffisante transmission des techniques de fabrication, tenues secrètes, et à coup sûr d'une conjonction de ces éléments. La dernière fabrication de lame de Damas semble se situer aux environs de 1750[réf. nécessaire].
Redécouverte de la technique
Les tentatives de reproduction des forgerons occidentaux échouèrent jusqu’en 1823, où un dénommé Bréant[réf. nécessaire] fut salué par toute la communauté scientifique, car il en avait découvert la composition physicochimique, ce qui restait un mystère au XVIIIe siècle.
La reconstitution de la fabrication du wootz, et de la forme du lingot fut plus tardive. Cependant les européens avaient très vite compris que l'acier de Damas pouvait être obtenu par soudure à chaud et martelage de plusieurs bandes d'acier ou de fer à teneur en carbone différente, qui se substituaient à l'utilisation d'un lingot de teneur en carbone variable. C'est le damas soudé ou damas de corroyage. Il est seul utilisé de nos jours pour la production d'aciers damassés.
Ce procédé a été utilisé pour forger des canons de fusil. Au début du XXe siècle, de nombreuses forges de la région liégeoise utilisaient encore ce procédé.
Aujourd'hui, ce procédé existe essentiellement pour la production de lames de collection. L'alternance de couches d'acier est mise en valeur en limitant leur nombre, de manière à pouvoir les distinguer clairement. Certaines lames, comme les kriss malais, alternent même des aciers riches en nickel (qui peuvent être d'origine météoritique), avec des aciers très chargés en carbone, pour un effet de contraste maximal. Cette technique est d'ailleurs la seule susceptible de donner un bon tranchant à partir de fer météoritique, le carbone devenant insoluble dans le fer si celui-ci contient du nickel.
Artisanat actuel
Les lames en acier damassé forgées à la main sont produites encore par quelques couteliers d'art parmi lesquels Christian Moretti, Henri Viallon et Santino Ballestra.
Références
- Madeleine Durand-Charre, Les aciers damassés : Du fer primitif aux aciers modernes, Mines Paris ParisTech Les Presses, coll. « Collection histoire et sociétés », 2007, 206 p. (ISBN 978-2-911762-87-1 et 2-911762-87-8), p. 170
Bibliographie
- (en) Manfred Sachse, Damascus steel Éditions Verlag Stahleisen, Dusseldorf – 1993, (ISBN 978-3514005228)
- Jean-Luc Soubeyras, Manuel de fabrication du damas, Éditions Emotions Primitive, Fontaine – 2008, (ISBN 978-2-35422-125-6)
- (en) (it) E. Albericci, F. Galizzi, L. Pizzi, Damascus: Tecniche di forgiatura / Forging techniques, Éditions Rizzo, Lecce - 2010, (ISBN 978-8890335938)
Liens externes
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