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Auguste Pointelin
Auguste Emmanuel Pointelin (Arbois, 23 juin 1839-Mont-sous-Vaudrey, 9 avril 1933), dit Auguste Pointelin, est un peintre français dont l'œuvre dépeint principalement les paysages du Jura.
Né de parents limonadiers-vignerons, il décide adolescent de devenir peintre. Élève au collège d’Arbois, Auguste Pointelin suit l'enseignement du professeur de dessin arboisien Victor Maire. Sur les conseils de son maître, Pointelin devient professeur et choisit les mathématiques afin de n'avoir que quatorze heures de cours par semaine, au lieu de vingt pour les lettres. Il est tout d'abord répétiteur au Lycée de Douai puis, à partir de 1871, professeur de mathématiques au collège d'Avesnes-sur-Helpe dans le Nord.
En 1865, Pointelin se rend à Paris afin de visiter le Salon des artistes français. Ce Salon fut certainement l’un des plus libéraux, après le scandale du Salon des refusés de 1863, et plus de 3 000 œuvres y étaient exposées, dont des œuvres de Monet, Daubigny, Pissarro, Renoir, Fantin-Latour, le Portrait de Proudhon par Courbet et l’Olympia de Manet. Depuis l’école de Barbizon et Corot, le goût pour le paysage s’est propagé, et le Salon présente de nombreux suiveurs de ces peintres. Robert Fernier, fondateur du musée Gustave Courbet à Ornans, rapporte les souvenirs de Pointelin sur ce premier Salon: “Je vis des tableaux qui semblaient offrir le même intérêt par le sujet et par la manière dont ils étaient traités. Je les comparai et je compris que l'art n'était pas fait d'exécution mais de simplification”[1]. Enthousiasmé et sûr d'y trouver un jour sa place, il y expose effectivement l’année suivante, en 1866, deux toiles. Le Salon de 1866 est particulièrement agité à la suite du suicide de Jules Holtzapfel, l’un des refusés, mais ce sont surtout les deux tableaux de Courbet, La Remise des chevreuils et la Femme au perroquet qui marquent le public. En confrontant ainsi ses premiers essais aux toiles des autres artistes du Salon, il juge ses tableaux "d'une convention stérile"[2] et n'expose à nouveau qu'en 1869. En 1870, il épouse à Paris, Marie Adelina Durand et n'expose pas pendant 3 ans.
Pointelin mène une double vie : professeur de mathématiques pendant près de 20 ans dans le Nord et peintre du Jura, il ne cesse de peindre de souvenir les paysages franc-comtois et suit une carrière "semi-officielle"[3], exposant régulièrement de 1874 jusqu'à sa mort, et récoltant prix et récompenses au cours des années mais restant en marge des cercles artistiques et des courants picturaux majeurs.
Ne cédant ni au courant réaliste, ni à l’idéal rustique des peintres de Barbizon, ni aux tentations coloristes des impressionnistes, son originalité est révélée dans son grand tableau de 1876, Sur un plateau du Jura. Récompensé au Salon par une mention honorable, et aujourd’hui conservé au musée de Dole, il surprend par la taille et l’austérité de ce paysage dénudé et inhabité. A la suite de ce succès et sur la recommandation de Louis Pasteur, le tableau est acheté par l'Etat. C'est à nouveau grâce à l’appui de Pasteur qu'il est nommé en 1878 au lycée Louis-le-Grand à Paris. Pointelin, malgré son choix délibéré de peindre le Jura, souhaite vivre à Paris, "milieu propice à tous les progrès"[4]. Là, comme lors de ses années passées dans le Nord, il ne s’éloigne que rarement de son principal sujet : le "souvenir affectif" [5] des paysages jurassiens, la traduction de son émotion face à une nature dépouillée de tout artifice et de toute anecdote. Il ne peint pas d’après nature mais d’après son sentiment. Jules de Gaultier, célèbre pour son analyse sur le bovarysme, et de fait connaisseur des âmes sensibles, compare l’impression provoquée par les œuvres Pointelin au sentiment de la nature même, à l’émotion intime que l’homme éprouve face au monde[6]. Pointelin, dans ses paysages le plus souvent et volontairement inhabités, sans scène historique ou champêtre, confronte le spectateur à sa propre solitude, "en nous inscrivant en dehors du cadre, à sa propre place, celle de l'artiste"[7]. "Pour ce "méditatif", l’image n’est rien : il va plus loin que l’image, plus loin que l’impression, plus loin que la vie terrestre… Il traduit, en d’insoupçonnables tonalités, le monde des âmes et l’immense univers des aspirations éthérées"[8].
Préférant l'heure indécise entre chien et loup et les aubes incertaines, il devient pour le public et la critique le "peintre des crépuscules". Charles Saunier décrit des "impressions de nuit"[9], et la lumière de ses œuvres qui se devine, se dérobe, se cherche et surprend par son intensité et son étrangeté. Dans ses fusains, les ciels sont électriques et suggèrent des bourrasques et des orages menaçants. "De loin, la profondeur du noir capte le regard, de près, la subtilité des nuances de gris foncé éclairent les paysages"[10]. Les fusains occupent une place primordiale dans son œuvre et deux articles importants lui seront consacrés par ses amis Marie Michaud-Lapeyre et Emmanuel Templeux.Ce dernier, peintre lui-même, évoque un "magma de fusain ( …) où semble-t-il, un monde invisible rayonne, agit et pense"[11].
Dans ses pastels, les impressions colorées donnent à ses paysages d'élection une lumière plus tendre. Il expose son premier pastel au Salon de 1878 et celui-ci est tout de suite remarqué par la critique. Le renouveau du pastel, porté par des artistes très différents les uns des autres, comme Redon ou Degas, se concrétise en 1885 par la création de la Société de Pastellistes français, mais Pointelin ne participera jamais à leurs expositions. Pointelin explorera toutes les possibilités de ce medium jusqu'à la fin de sa vie, comme le fusain, ne semblant privilégier aucune technique au cours de sa carrière. Pointelin créée une atmosphère lumineuse où la solitude mène le spectateur à une rêverie méditative. "Dans les pastels les plus abstraits, les modulations sourdes et l’opacité de la matière engloutissent le spectateur dans des méandres de couleurs. Les sols se dérobent et fusionnent avec un ciel infiniment coloré. Ces pastels montrent des effets atmosphériques lyriques et oniriques plus empruntés aux derniers Turner qu’à aucun peintre français[12].
En 1897, Pointelin revient dans le Jura et s’installe à Mont-sous-Vaudrey, tout en conservant son atelier et son domicile parisiens. Sa vie artistique parisienne n'en continue pas moins et jusqu’à sa mort en 1933, il peint, dessine et expose régulièrement au Salon. En 1899, à l’occasion de ses 60 ans, une exposition rétrospective est organisée à la galerie des Artistes modernes, 19 rue Caumartin. Cette exposition monographique mit particulièrement en valeur son évolution et l'importance de ses pastels et fusains. Elle inaugure également une seconde vie pour le peintre, entièrement consacrée cette fois à ses recherches vers un synthétisme de plus en plus marqué, menant à une abstraction caractérisée par "la réduction de la palette chromatique, un rendu très subtil de la lumière, une volonté de souligner la structure du paysage en éliminant tout élément anecdotique"[13].
À sa mort en 1933, Claude Roger-Marx lui rend hommage dans la Nouvelle Revue française : "À l'image de ces espaces inhabités qui sont peints toujours de souvenir, délivrés du détail et de l'éphémère, l'art de Pointelin, (...) se dénude de plus en plus (...) Éliminant de plus en plus tout accident pour s'en tenir à l'éternité du sol, aux ondulations de terrains, coupés de rares verticales, Pointelin veut que l'intérêt principal du tableau réside dans un dialogue à voix basse: celui de la terre et du ciel. Ici, de toutes les lignes, la plus pathétique se trouve toujours être la ligne d'horizon"[14].
Notes et références
- Propos de Pointelin rapportés par Robert Fernier, dans "Une visite à Pointelin", Franche-Comté et Monts Jura, n. 173, décembre 1933, p. 1.
- Op. cit., p. 1.
- Anne Dary, Auguste Pointelin (1839-1933), Dole, Musée des Beaux-Arts, 1993, p. 4.
- Auguste Emmanuel Pointelin, "Pasteur et les artistes", Franche-Comté et Monts Jura, novembre 1922, n. 41, p. 71.
- Frédéric Paulhan, ami de Pointelin et philosophe, écrit entre autres deux ouvrages sur la mémoire affective et les fonctions évocatrices de l’art dans ce processus : La Fonction de la mémoire et le souvenir affectif, Paris, Alcan, 1904 et L’Esthétique du paysage, Paris, Alcan, 1931.
- Jules de Gaultier, "Le lyrisme intérieur et la peinture : M. Auguste Pointelin", Mercure de France, 1er septembre 1912, p. 54-72.
- Saint-Claude, Musée de l'Abbaye-Donations Guy Bardonne-René Genis, 2010, p. 3. Valérie Pugin, Auguste Pointelin (1839-1933), les dessins,
- Marie-R. Michaud-Lapeyre, “Un grand artiste franc-comtois : Les fusains psychiques de Pointelin”, Revue des provinces de France, 1928, n. 6, p. 348.
- Charles Saunier, “Auguste Pointelin”, La Revue blanche, 15 mars 1899, p. 459.
- Armelle Jacquinot, "Souvenirs du paysage", Auguste Pointelin (1839-1933), les dessins, Saint-Claude, Musée de l'Abbaye-Donations Guy Bardonne-René Genis, 2010, p. 7
- Emmanuel Templeux, “Les fusains polychromes de Pointelin”, Le Pays comtois, n. 8, 20 janvier 1933, p. 220.
- Saint-Claude, Musée de l'Abbaye-Donations Guy Bardonne-René Genis, 2010, p. 8 Armelle Jacquinot, "Souvenirs du paysage", Auguste Pointelin (1839-1933), les dessins,
- Musée des Beaux-Arts, 1993, p. 4 Anne Dary, commissaire d’exposition, Auguste Emmanuel Pointelin, catalogue d'exposition, Dole,
- Claude Roger-Marx, “Auguste Pointelin”, La Nouvelle Revue française, n. 237, 1er juin 1933, p. 993-994
Expositions et récompenses officielles
1866 : Première exposition au Salon des artistes français.
1869 et 1870 : Salon des artistes français
1874-1933 : Expose annuellement au Salon.
1878 : Médaille de troisième classe au Salon grâce à son tableau Une prairie dans la Côte d'Or aussitôt acheté par l'Administration des Beaux-Arts et attribué au Musée de Sens.
1880 : Soir de Septembre, exposé au Salon bien que ne recevant pas de récompense officielle est acheté par l'Etat pour le musée du Luxembourg, le Musée des Artistes Vivants, où il est exposé jusqu'en 1926, date à laquelle le musée de Lons-le-Saunier en obtient le dépôt.
1881 : Médaille de seconde classe, son tableau, Coteau Jurassien, est alors acheté par l'Etat et attribué au musée de Besançon.
1884 : La Combe aux vipères, pastel, est acquis par l'Etat et attribué au musée Sarret de Grozon à Arbois.
1884 : Exposition des dessins de l’école moderne (1780-1884) à l’école des Beaux-Arts, Paris.
1886 : Chevalier de la Légion d'honneur.
1889 : Expose 6 tableaux et 4 dessins à l’Exposition Universelle et reçoit une médaille d’or.
1899 : Galerie des artistes modernes, rue Caumartin à Paris, première exposition rétrospective.
1900 : Exposition Universelle Internationale, fait partie de l’exposition décennale. Médaille d’or.
1904 : Officier de la Légion d'honneur.
1912 : Exposition collective Les Pompiers à la galerie Georges Petit, Paris
1923: Commandeur de la Légion d'honneur.
1927 : Exposition rétrospective au musée de Besançon.
1931 : Salon des Annonciades de Pontarlier.
1933 : Lons-le-Saunier, Musée des Beaux-Arts, Paysages comtois.
1934 : Salon des Annonciades de Pontarlier, exposition rétrospective.
1936 : Exposition rétrospective au Salon des artistes français.
1983 : Arbois, Musée Sarret de Grozon, Auguste Pointelin : 1839-1933, exposition organisée par la Maison des Jeunes et de la Culture d'Arbois
1993, Auguste Pointelin, Dole, Musée des Beaux-Arts, commissaire d'exposition : Anne Dary
2009, Le Mystère Pointelin, Courlans, Antiquités Rouget de Lisle
2010, 30 avril - 29 août, Auguste Pointelin (1839-1933), les dessins, Saint-Claude, Musée de l'Abbaye-Donations Guy Bardonne-René Genis, commissaire d'exposition : Valérie Pugin
Collections Publiques
Arbois, Musée Sarret de Grozon
Besançon, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie
Lons-le-Saunier, Musée des Beaux-Arts
Valenciennes, Musée des Beaux-Arts
Bibliographie
Arsène Alexandre, Auguste Pointelin, catalogue d’exposition de la galerie des Artistes modernes, Paris, 1899
Arsène Alexandre, ed., Auguste Pointelin et la critique, Paris, 1920
Raymond Bouyer, “Auguste Pointelin”, La Chronique des arts et de la curiosité, 11 mars 1899, p. 86-88
Victor Champier, L’Année artistique, Paris, A. Quantin, 1878, p. 126-127
Anne Dary, commissaire d’exposition, Auguste Emmanuel Pointelin, catalogue d'exposition, Dole, Musée des Beaux-Arts, 1993
Maurice du Seigneur, L’Art et les artistes au Salon de 1880, Paris, Paul Ollendorf, 1880, p. 95-96 et 129
J. Etiévant, Une Visite au maître A. Pointelin à Mont-sous-Vaudrey, Arbois, Imprimerie C. Mervant, 1924
Félix Fénéon, “Exposition nationale des Beaux-Arts au Palais de l’Industrie”, La Libre Revue, 1er octobre 1883, p. 18-19
Jules de Gaultier, "Le lyrisme intérieur et la peinture : M. Auguste Pointelin", Mercure de France, 1er septembre 1912, p. 54-72
Marguerite Henri-Rosier, “Pointelin, peintre jurassien: extraits de la conférence donnée au Salon des Artistes français”, Beaux-Arts, 4 septembre 1936, p. 4 et 11 et septembre 1936, p. 4
Armelle Jacquinot, Auguste Emmanuel Pointelin, catalogue d'exposition, Dole, Musée des Beaux-Arts, 1993, p. 7-43
Armelle Jacquinot, "Souvenirs du paysage", Auguste Pointelin (1839-1933), les dessins, Saint-Claude, Musée de l'Abbaye-Donations Guy Bardonne-René Genis, 2010, p. 6-8
Félix Jeantet, Poèmes à Auguste Pointelin, Lons-le-Saunier, L. Declume, 1919
Georges Lafenestre, Le Livre d’or du Salon, Paris, Librairie des bibliophiles, 1881, p. 12-13
Remi et Laurence Machard, Le Mystère Pointelin, catalogue d’exposition, Courlans, Antiquités Rouget de Lisle, 2009
Marie-R. Michaud-Lapeyre, “Un grand artiste franc-comtois : Les fusains psychiques de Pointelin”, Revue des provinces de France, 1928, n. 6, p. 342-348
Octave Mirbeau, “Le Salon”, La France, 29 mai 1885 et 31 mai 1886, n.p.
Robert de Montesquiou-Fezensac, Les Hortensias bleus, 1906, p. 194-196
Frédéric Paulhan, L’Esthétique du paysage, Paris, Alcan, 1931, p. 159-163
Paule Pendeleur-Delanoy, "Le peintre Auguste POINTELIN (1839-1933). Sa vie et son œuvre", Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, nouvelle série, N° 32, 1990, p. 139-147
Auguste Emmanuel Pointelin, « Pasteur et les artistes”, Franche-Comté et Monts Jura, n. 41 (numéro spécial: le centenaire de Pasteur), novembre 1922, p. 70-74
Auguste Emmanuel Pointelin, Credo spiritualiste déduit de la science, Lons-le-Saunier, Imprimerie moderne, 1912
Auguste Emmanuel Pointelin, Art et spiritualisme, Paris, La pensée française, 1925
Auguste Emmanuel Pointelin, "La vie dans l’univers", L’Art, janvier-février 1931, n. 6, p. 216-217
Edmond Potier, “Les Salons de 1892”, Gazette des Beaux-Arts, 1er juin 1892, p. 445-446
Valérie Pugin, Auguste Pointelin (1839-1933), les dessins, Saint-Claude, Musée de l'Abbaye-Donations Guy Bardonne-René Genis, 2010
Karl Robert, Traité pratique de la peinture à l’huile: le paysage, Paris, maison Berville, 1891, p. 167
Claude Roger-Marx, “Auguste Pointelin”, La Nouvelle Revue française, n. 237, 1er juin 1933, p. 993-994
Auguste Rose, “En souvenir du maître Auguste Pointelin”, Franche-Comté et Monts Jura, n. 218, septembre 1937, p. 146-147
Charles Saunier, “Auguste Pointelin”, La Revue blanche, 15 mars 1899, p. 458-459
Emmanuel Templeux, “Les fusains polychromes de Pointelin”, Le Pays comtois, n. 8, 20 janvier 1933, p. 219-221
Emmanuel Templeux, “Une visite à Pointelin”, Franche-Comté et Monts Jura, n. 173, décembre 1933, p. 193-195
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