- Alfred Mosselman
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François Alfred Mosselman (Paris, 25 juin 1810 - 10 janvier 1867) était un industriel et mécène franco-belge.
Sommaire
Sa vie
Mosselman était le neuvième des onze enfants de François-Dominique Mosselman et de Marie-Louise Tacqué. Il avait deux ans de moins que sa sœur Fanny, ce qui peut faire supposer qu'ils partagèrent leurs années de prime jeunesse dans l’ancien hôtel Récamier, la grande maison habitée par les nombreux enfants Mosselman et visitée par d'encore plus nombreux clients et relations du père. Après des études d'ingénieur Alfred devint, tout comme son frère Émile, attaché auprès de l'ambassade de Belgique, dirigée par son beau-frère Charles Le Hon. Après la mort accidentelle d'Émile (1802-1832), il fut le principal représentant de la famille au sein de la société des mines de zinc Vieille Montagne.
Il fut également une figure de la vie mondaine. Dans sa jeunesse il appartenait à la 'jeunesse dorée' parisienne, vivant de façon passablement dissolue. Il comptait parmi ses amis Alfred de Musset, Félix Arvers et Alfred Tattet. Bon cavalier il possédait son propre haras. Tout comme son frère cadet, le cavalier émérite et célibataire endurci Hyppolite Mosselman (1816-1873), il fut l'un des premiers membres du Jockey Club de Paris, fondé en 1834.
Alfred Mosselman épousa en 1835 Eugénie-Claire Gazzini (1814-1856), dite baronne Brentano di Cimaroli, fille de Charles Gazzani et de Charlotte Bertani qui fut une maîtresse éphémère de Napoléon en 1807. Ils eurent quatre enfants :
- – Charlotte (1836-1912) qui épousa son cousin germain Eugène Le Hon (1828-1860), fils de ses oncle et tante Charles Le Hon et Fanny Mosselman. Ils eurent une fille, Marie (1844-1925) et un fils René (1858-1920) qui épousa Amélie Ginoux et qui eut deux filles ;
- – Pauline (1839-1864) ;
- – Maurice (1843) ;
- – Maurice-Alfred (1845-1899).
L'industriel
Après l'accident mortel de son frère Émile, renversé en 1832 par une voiture, Alfred Mosselman devint le membre de la famille se préoccupant le plus de la société familiale Vieille Montagne. Jeune encore il prit la direction de la fabrique de zinc à Valcanville et devint administrateur de la société-mère qui prenait des allures de multinationale.
En outre il s'intéressa à une variété de projets dans les départements normands de la Manche et du Calvados.
En 1837 il reprit la concession du canal de Vire et Taute, qui fut inauguré en 1839. Ses héritiers remirent le canal à l'État en 1870 et il continua à rendre de bons services jusqu'en 1894. En 1838 il fonda la Société des canaux de la Manche qui en 1840 mit en service le canal de la Soulle de Coutance, débouchant à Regnéville-sur-Mer. Les relations avec l'Angleterre se développèrent par ce canal (transports de bois, céréales, charbon). L'une des îles de Saint-Lô a reçu son nom. Mosselman organisa également le commerce entre Carentan et Southampton. Vers l'Angleterre étaient expédiés œufs, viande, volaille et spécialités normandes avec au retour du boius nordisue, du coton des Indes, du charbon. Carenton l'en a remercié en lui donnant un nom de rue.
Les initiatives et activités de Mosselman en Normandie furent nombreuses. Nous citons:
- un ferry rapide entre Saint-Lô et Carentan (trois heures de traversée)
- la canalisation de l'Ouve depuis Saint-Sauveur-le-Vicomte et de la Vire jusqu'à Pont-Farcy
- la construction d'un chemin de fer entre Carentan et Saint-Lô et le projet d'une ligne entre Pont-Farcy et Mayenne
- l'exploitation d'une carrière de pierre calcaire à Meaufle et à Cavigny.
- la promotion de la mécanisation de l'agriculture
- la construction d'une usine de tuyaux de drainage pour des projets d'irrigation (production en 1859 : 500.000 tuyaux)
- le développement d'une pisciculture sur la Vire
- la réouverture d'une mine de mercure à La Chapelle-Enjuger
- la fondation de la Compagnie des lais et relais, canalisations et dessèchements de l’Ouest (baie de Veys, Mont-Saint-Michel).
- la direction de l'usine de zinc de Barfleur
- la direction de la cotonnière de Vast
- la fondation de la Compagnie chaufournière de l’Ouest
- les briqueteries de Porribet à Saint-Fromond (tuyaux de drainage, briques, briques réfractaires, tuiles).
On s'accorde à estimer que Mosselman a fourni une contribution essentielle à l'endiguement et la poldérisation de terrains marécageux en Normandie. Il avait auparavant étudié les problèmes techniques de réalisation, en Belgique et aux Pays-Bas. Par l'entremise du duc de Morny, amant de sa sœur Fanny, il obtint en 1856 la concession de la baie de Veys.
Sa surface industrielle et financière fit qu'en 1843 il fut nommé régent de la Banque de France, fonction qu'il garda jusqu'en 1863.
Amant et mécène
Alfred Mosselman s'est fait peindre avec femme et enfants par Alfred de Dreux (1810-1860). Cette splendide toile intitulée M. et Mme Alfred Mosselman et leurs filles qui date de 1848 est dans la collection du Petit Palais à Paris. Sa collection d'œuvres d'art fut vendue en 1863, à la suite de revers financiers. Bien des œuvres qui lui appartinrent se trouvent dans les grands musées. Ainsi le Metropolitan Museum of Art à New York a acquis en 2008 une œuvre d'Eugène Delacroix, Ovide parmi les Scythes, qui a appartenu à Mosselman.
Celui-ci était en plus un « homme à femmes ». Il eut une très longue liaison (de 1847 à 1861) avec Apollonie Sabatier (1822-1889), surnommée « la présidente », décrite par les Goncourts comme étant « une belle femme un peu canaille ». Il lui offrit une belle demeure, rue Frochot, ou du beau monde se pressait à ses dîners du dimanche soir. Parmi les hôtes réguliers se trouvaient Alfred de Musset, Charles Baudelaire, Théophile Gautier (qui lui envoyait régulièrement des lettres érotiques voire pornographiques), Hector Berlioz, Alexandre Dumas père et Alexandre Dumas fils, Eugène Delacroix, etc. Bien d'autres vinrent s'y ajouter, tels que Gérard de Nerval, Nina de Callias, Arsène Houssaye, Gustave Flaubert, Louis Bouilhet, Maxime du Camp, Gustave Ricard, Auguste Clesinger, Paul de Saint-Victor, Henry Monnier, Victor Hugo, Ernest Meissonnier, Charles Augustin Sainte-Beuve, Charles Jalabert, Gustave Doré, Ernest Reyer, James Pradier, Auguste Préault, Jules Barbey d'Aurevilly et Édouard Manet.
La liaison Mosselman - Sabatier a laissé des traces dans l'art. Le fameux tableau L'Atelier du peintre (1855) de Gustave Courbet, représente parmi d'autres personnages, les deux amants. Ce tableau pend au musée d'Orsay. D'autre part, Mosselman commanda auprès de Clesinger la sculpture, Femme piquée par un serpent pour laquelle l'artiste fit un moulage du corps de 'la Présidente'. Cette œuvre, qui fit scandale au Salon de 1847, se trouve également au musée d'Orsay.
Baudelaire fut un des fidèles des diners du 4, rue Frochot et se consomma d'un amour non-partagé pour Appolonie. Elle lui inspira quelques-uns de ses plus beaux poèmes dans Les Fleurs du mal. Pendant plus de cinq ans il les lui avait envoyés sous le couvert de l'anonymat.
La demi-mondaine Sabatier n'était pas dépourvue de talents. Élève de Messonnier, elle dessinait bien, surtout des miniatures. Elle chantait honorablement. Avec ses cheveux d'or, elle était d'une beauté époustouflante. En 1861 Mosselman la délaissa au profit d'une nouvelle maîtresse, plus jeune et antiquaire de son métier. Sabatier refusa l'indemnité de départ qu'il voulut lui offrir et préféra vendre sa collection d'objets d'art. Elle eut bientôt un nouveau protecteur en la personne de l'aristocrate anglais Sir Richard Wallace (1818-1890), connu pour la Wallace Collection et pour la centaine de fontaines publiques qu'il offrit à la ville de Paris.
Les chevaux, les femmes, quelques revers industriels et un style de vie exubérant eurent à la longue raison de la fortune de Mosselman. En 1860 il vendit son château de Condé-sur-Yton à sa sœur Fanny. En mars 1863 sa collection réputée fut mise aux enchères. À sa mort il n'avait que cinquante six ans.
Liens internes
Littérature
- Carlo Bronne, La Comtesse Le Hon et la première ambassade de Belgique à Paris, Bruxelles, 1952.
- Jean Ziegler, Baudelaireiana. Alfred Mosselman et Madame Sabatier, Bulletin du Bibliophile, 1975, blz. 266 à 273.
- Remy Villand, Alfred Mosselman (1810-1876) et ses tentatives d'industrialisation de la Manche, Revue de la Manche, 1983.
- Sylvie Guitton, L'oeuvre de François Alfred Mosselman dans les départements de la Manche et du Calvados, maîtrise CNRS, 1991 (non publiée)
- Baron Roland d'Anethan & vicomte de Jonghe d'Ardoye, Les Mosselman à Bruxelles, Bruxelles, 1998.
- Elizabeth Wilson, Bohemians, the glamorous outcasts, New Brunswick, New Jersey 2000.
- Virginia Rounding, Grandes Horizontales. The Lives and Legends of Four Nineteenth-Century Courtesans, Bloomsbury, 2003
- Thierry Savatier, Une femme trop gaie : biographie d'un amour de Baudelaire, CNRS Editions, 2003.
- Peter Van Dick, Madame Sabatier. Haar vrienden, haar minnaars, Editions Atlas, 2004
- James S. Patty, Une femme trop gaie : biographie d'un amour de Baudelaire, Nineteenth Century French Studies - Volume 33, Number 1&2, Fall-Winter 2004-2005, pp. 198-199.
- Wendy Nolan Joyce, Sculpting the Modern Muse: Auguste Clésinger's Femme piquée par un serpent, Nineteenth Century French Studies - Volume 35, Number 1, Fall 2006, p. 166-188.
- Dominique Mas, La Perception des aménagements littoraux de la baie des Veys, Société et espaces ruraux, 2007.
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