Affaire des chemises rouges

Affaire des chemises rouges

L'affaire des chemises rouges est un évènement de la Révolution française au cours duquel 54 personnes furent jugées, condamnés à mort et exécutés sur décision du Comité de sûreté générale, pour atteinte à la sureté de l'État mais sans que leur culpabilité ait été formellement établie.

Sommaire

Les faits

Cécile Renault au Tribunal révolutionnaire, médaillon d'après un dessin par Pajou fils.

Le 29 prairial an II, 54 personnes furent condamnées à mort sous le prétexte d’avoir voulu attenter aux jours des « pères du peuple » - Robespierre et Collot d'Herbois. Pour l’occasion, on les revêtit en toute hâte, avec de la toile de sac, de « chemises rouges » - d'où le nom -, tenues d’infamie réservées jusqu’alors aux assassins et empoisonneurs[1]. Ce traitement avait été réservé aux prétendus assassins de Léonard Bourdon à Orléans en 1793, puis à Charlotte Corday. Le procès des cinquante-quatre était l'aboutissement d'un montage politico-policier destiné à faire croire à l’existence d’une grande conspiration royaliste contre les « pères du peuple ». Dans les semaines qui suivirent cette grande exécution, des prétendus « conspirateurs de prison », parmi lesquels des octogénaires et une femme paralytique, seront accusés d’avoir voulu s’évader de prison en franchissant une planche posée entre deux murailles pour aller égorger les membres de la représentation nationale.

Les accusés

À l’origine seuls :

- Henri Admirat, convaincu d’avoir voulu tuer le député Collot d’Herbois, ancien auteur de théâtre et membre éminent du Comité de salut public,

- André Santonax, étudiant en chirurgie accusé d’avoir applaudi l’initiative, d’Admirat,

- la jeune Cécile Renault, âgée de dix-neuf ans, accusée d’avoir voulu assassiner Robespierre - qui s’opposait frontalement à ses collègues après le vote de la loi du 22 prairial, huit jours plus tôt,

- le père de celle-ci,

- le papetier Antoine Renault,

- son frère, Antoine-Jacques Renault, et

- sa tante Edme-Jeanne Renault (ex-religieuse) devaient porter ces oripeaux.

C’est alors que le Comité de sûreté générale qui avait monté cette affaire en concertation étroite avec Barère de Vieuzac, Collot d'Herbois et Billaud-Varennes principalement – Robespierre y fut absolument étranger –, voulut donner un caractère encore plus spectaculaire à l’exécution des prétendus conspirateurs de l’étranger et assassins stipendiés des états de la coalition, convaincus d’avoir voulu attenter aux jours des « pères du peuple ».

Il composa une fournée hétéroclite de cinquante-quatre présumés coupables auxquels on donna un air de complicité en les revêtant de la même façon, y compris les sept condamnés de droit commun adjoints au dernier moment, qui étaient des trafiquants de faux assignats, condamnés par un tribunal ordinaire.

Alcide Hyacinthe Du Bois de Beauchesne dans son ouvrage Louis XVII, sa vie, son agonie, sa mort donne la liste les 54 condamnés, exécutés le 17 juin 1794[2].

Les accusations

Les membres du Comité de sûreté générale sur ordre de Barère de Vieuzac, donnèrent un grand retentissement à ce procès qui s'acheva au soir du 29 prairial an II. L’idée de la jeune fille assassin et jugée comme telle, avait été suggérée au rapporteur du Comité de salut public, Bertrand Barère de Vieuzac, par la presse anglaise qui, une semaine avant l’enlèvement improvisé de Cécile Renault, avait évoqué l’existence d’une nouvelle Charlotte Corday. C’est ainsi que les ennemis de l’Incorruptible - les députés et représentants opposés pour diverses raisons à celui-ci - ont pu baptiser ce montage politico-policier, le procès des assassins de Robespierre. Ce faisant, ils le désignaient comme aspirant à la toute-puissance, à entamer sa popularité et à le déconsidérer dans l’opinion.

Henri Admirat et son entourage, notamment Mme de Lamartinière et plusieurs habitants de son quartier, furent jugés sous l'inculpation d'assassinat prémédité contre la personne de Collot d'Herbois. Or les faits avancés à l'époque du procès ne se virent rien opposer, que le silence des accusés que l'on entendit pas; les pièces versées au dossier forment par ailleurs un tissu de contradictions où les aveux arrachés ou consentis, les dénonciations vraies ou fausses, les procès verbaux tournés et les témoignages ne se recoupent pas. A ces accusés dont on supposa qu'ils étaient envoyés par Pitt et Cobourg, on agrégea des petits groupes de personnes qui avaient entre elles des liens d'amitié, de famille, de domesticité, de quartier ou professionnels.

Pour fixer le caractère politique des projets liberticides et criminels des accusés, Barère et les membres du Comité de sûreté générale avaient choisi d'articuler l'accusation autour de la figure de Jean-Pierre de Batz, ex-Constituant et émigré rentré, retiré en province depuis l’été 1793 et étranger aux complots de l’an II. Mais, pour les auteurs du montage politico-financier, il devait passer pour le premier agent de la conspiration, relié par un « fil invisible » à chacun de ses complices, selon le rapporteur Elie Lacoste, membre du Comité de sûreté générale, qui s’appuya à toutes fins utiles sur le nombre impressionnant de fausses déclarations et de dénonciations fantaisistes que lui fournit le Comité de sûreté générale - la police politique - pièces signées qui provenaient de repris de justice, principalement Dossonville et Louis-Guillaume Armand, également d’un ancien noble devenu indicateur de prison Louis-François de Ferrières-Sauvebeuf. Il s’appuya sur des procès-verbaux d’interrogatoire plus ou moins falsifiés ou pipés, concoctés par le Comité de sûreté générale, sur des procès-verbaux de complaisance d’agents subalternes du Comité de sûreté générale et sur des dénonciations anonymes.

Les condamnés sont inhumées au cimetière de Picpus à Paris.

Notes et références

  1. article 4, titre Ier, 1re partie, Code pénal de 1791
  2. Alcide Hyacinthe Du Bois de Beauchesne Louis XVII, sa vie, son agonie, sa mort 1852, p. 220-222

Bibliographie

  • Olivier Blanc, Les Hommes de Londres, histoire secrète de la Terreur, Paris, Albin Michel, 1989
    Manuscrits inédit, bibliographie, indications biographiques sur les cinquante-quatre accusés.
  • J. Bonnemain, Les Chemises rouges, Paris, l’an V.
    L’auteur, ancien député, a consigné les pièces principales qu’il a relevées dans le dossier d’accusation des prévenus. Une première partie est consacrée au procès des prétendus assassins de Léonard Bourdon à Orléans, jugés à Paris en 1793 et exécutés avec la chemise rouge.
  • Alexandre Tuetey, Répertoire historique des sources manuscrites de l’histoire de Paris pendant la Révolution française, Paris, 1903, volume XI.
    L’auteur analyse chacune des pièces versées au dossier (W) du Tribunal révolutionnaire et y a annexé certaines pièces provenant des dossiers du Comité de sûreté générale (F/7).

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