Domatie

Domatie

La domatie (du latin domus, maison) est une structure spécialement adaptée (tiges enflées, stipules, pseudobulbes, poches foliaires, tubercules, etc) qui se développe sur un organe végétal et qui, le plus souvent en échange de bénéfices réciproques (phénomène de symbiose), attire des arthropodes.

Cette structure, présente dans 300 familles de plantes et 2000 espèces[1], diffère de la galle qui est une excroissance tumorale induite par la piqûres d'animaux parasites.

Domatie pileuse à l'aisselle de nervures de la feuille du Copalme d'Amérique
L'acarien Eriophyoid dans la domatie du camphrier
La domatie à fourmis, à la base de la feuille gaufrée du Tococa, est un renflement en forme d'outre, muni de trichomes

Sommaire

Domaties à acariens ou acarodomaties

Des acariens vivent dans des dépressions à l'aisselle des nervures de feuilles, souvent pileuses, de nombreux arbres (domatie folaire). L'arbre lui sert de gîte et de protection tandis que l'acarien débarrasse l'arbre de parasites (punaises, acariens phytophages, champignons d'autres acariens)[2].

Des expériences faites sur le cotonnier (qui naturellement n'a pas de domatie) ont consisté à introduire des touffes de poils de coton à l'aisselle des feuilles du cotonnier. La colonisation d'acariens dans ces domaties artificielles donne 15% de plus de capsule, les acariens ayant débarrassé la plante de certains de ses parasites l'affaiblissant. Des expériences similaires sur la caféier ont montré une augmentation de productivité de 30%[3].

Une même plante peut avoir des domaties foliaires de morphologies variées selon ses différents habitants (93 variations chez Cinnamomum camphora)[4].

Les acarodomaties existent notamment sur les feuilles d'arbres (chênes, tilleuls, ormes, aulnes, etc.), arbustes (houx).

Domaties à fourmis ou myrmécodomaties

Beaucoup de plantes myrmécophiles utilisent cette domatie qui constitue un site de nidification pour des colonies de fourmis. Il s'agit le plus souvent d'un cas de mutualisme obligatoire et spécialisé issu d'un processus coévolutif[5] mais certaine espèces de fourmis se comportent en parasite.

Plusieurs Acacias ont des stipules transformées en épines enflées : ces domaties fournissent une température et un taux d'humidité idéalement équilibrés pour convenir à certaines colonies de fourmis, en échange de quoi ces dernières défendent l'arbre contre des mammifères herbivores (girafe, éléphant) et les autres insectes phytophages. Elles emportent parfois le corps découpé de ces phytophages dans les domaties, se constituant ainsi des compléments nutritifs ; elles peuvent aussi nourrir en retour l'acacia-hôte : ce mutualisme de nutrition (appelé myrmecotrophie (en)) désigne l'aptitude des acacias à absorber les nutriments prélevés dans les déchets stockés par les fourmis dans les domaties. De même, les Acacias ont une croissance accélérée grâce au CO2 accumulé dans les domaties[6]. À la base de ces domaties, des trous ou des minces fenêtres de tissu à travers permettent aux fourmis d'aller et venir. Pour limiter l'apparition d'autres colonies, des espèces peuvent fabriquer ces trous à leur taille exacte, déposer sur les domaties de la cire glissante, les camoufler chimiquement ou même les couper[7].
Certaines espèces de fourmis pratiquant une castration mécanique de la fleur (destruction des pousses florales, ablation du bourgeon floral, etc.). La reproduction de l'Acacia ayant un coût énergétique, la suppression de sa reproduction lui permet de croître plus rapidement et de développer davantage de domaties[8].
Certaines fourmis patrouilleuses quittent leur hôte quand ce dernier, à cause de l’âge ou d’un investissement redirigé vers la reproduction, leur fournit moins de nectar. La compétition pour les ressource alimentaires (notamment pour le nectar fourni par des nectaires extra-floraux) fait qu'une espèce de fourmis peut coexister avec d'autres ou être même remplacée (agression des colonies, meilleure fécondité ou maturité précoce, etc[7].

Le même type de symbiose existe chez des Cola (la domatie est alors une feuille avec une cavité dans la base du limbe), Vitex (la domatie caulinaire est alors une tige creuse sur toute la longueur des entre-nœuds), Barteria fistulosa (en-dessous du nœud ou à la base de certaines branches). Chez des Rubiaceae myrmécophytes d’Asie, certaines domaties possèdent des structures absorbantes internes afin de prélever les déchets organiques entassés dans ces cavités par les fourmis[9].

Dans les jardins du diable (en) en Amazonie, l'arbre Duroia hirsuta abrite dans ses domaties des colonies de fourmis de l'espèce Myrmelachista schumanni : ces dernières injectent de l'acide formique à la base des feuilles des espèces d'arbres avoisinants, si bien que le seul arbre à pousser dans ces jardins[10] est le Duroia[11].

Références

  1. (en) M. Heil et D. McKey D, Protective ant-plant interactions as model systems in ecological and evolutionary research, Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics, n°34, 2003,p.425-453
  2. (en) Dennis J O'Dowd, « Associations Between Mites and Leaf Domatia », dans Trends in Ecology & Evolution, vol. 6, no 6, juin 1991, p. 179–182 [lien DOI (page consultée le 19 octobre 2010)] 
  3. (en) Cláudia H.C. Matos et coll, Do domatia mediate mutualistic interactions between coffee plants and predatory mites?, Entomologia Experimentalis et Applicata, Vol 118, p. 185–192, mars 2006
  4. (en) Nishida Sachiko et coll, 93 morphological variation in leaf domatia enables coexistence of antagonistic mites in Cinnamomum camphora, Canadian journal of botany, vol. 83, n°1, 2005, p. 93-101
  5. (en) JL Bronstein et coll, The evolution of plant–insect mutualisms, New Phytologist n°172, 2006, p.412-428
  6. (en) DW Davidson et coll, Competition among ants for myrmecophytes and the significance of plant trichomes, Biotropica n°21, 1989, p. 64-73
  7. a et b (en) PG Willmer et GN Stone, How aggressive ant-guards assist seed-set in Acacia flowers, Nature n° 388, 1997, p. 165-167
  8. (en) DW Yu et NE Pierce, A castration parasite of ant-plant mutualism. Proceedings of the Royal Society Biological Research Journal, n° 265, 1998, p. 375-382.
  9. (en) Maschwitz U et Fiala B., Investigations on ant-plant associations in the southeast-Asian genus Neonauclea Merr.(Rubiaceae), Acta Oecol, p. 3-18, 1995
  10. Les Indiens qui y vivaient y voyaient l'œuvre de l'esprit malin de la forêt appelé Chuyathaqi, d'où le terme de jardin du diable.
  11. (en) Deborah Gordon et coll, Ecology : 'Devil's gardens' bedevilled by ants, Nature, n° 437, 2005, p. 495-496

Voir aussi

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Lien externe


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