Անի

Անի

Ani

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Cathédrale d'Ani.
La frontière turco-arménienne vue en contrebas de la colline d'Ani. Vestiges du pont sur l'Akhourian.

Ani (en arménien Անի) est située dans la province turque de Kars, juste au sud de la frontière arménienne. Elle se trouve près de la ville d'Ocaklı et de l'Akhourian, un affluent de l'Araxe, qui forme la frontière entre l'Arménie et la Turquie. Aujourd'hui en ruine, la ville fut la capitale de l'Arménie vers l'an mille, et elle est d'ailleurs surnommée « Capitale de l'an mille » et la « ville aux mille et unes églises ».

Sommaire

Histoire

Article connexe : Histoire de l'Arménie.

Débuts et Âge d'or

Bien qu'un habitat soit attesté sur le site depuis le IIe millénaire av. J.-C., la date de sa fondation n'est pas connue. Il existe déjà une forteresse à l'époque du royaume d'Urartu. Pendant le Moyen Âge, La ville est située dans la province arménienne historique de Shirak (ou Chirak), sur un « promontoire triangulaire ». Ani devient tout d'abord la forteresse des seigneurs de la famille Kamsarakan vers le Ve siècle, puis elle passe sous la main des Bagratides qui quittent la ville de Kars et sa forteresse perchée au IXe siècle[1]. Le Xe siècle et l'an mil est l'époque de la splendeur d'Ani. Le roi d'Arménie Achot III, de cette dynastie, en fait sa capitale en 961 : il construit d'abord les remparts (les premiers de l'histoire de la ville) puis un grand palais et sa citadelle[2].

Cathédrale d'Ani.

Ani se développe, s'agrandit grâce à sa situation sur une route commerciale, et est donc le centre religieux, administratif et aussi culturel de tout l'Arménie médiévale vers 992. La « ville aux mille et unes églises » prend de l'importance. Cette grandeur n'a pas suffi au roi Smbat II — dit le Conquérant ; il fait édifier des murailles plus grandes que les précédentes vers 989[1]. C'est alors que l'on assiste à une « fièvre constructive » : palais, magasins, marchés, auberges, ateliers, etc, sont édifiés. Des bâtiments religieux sont à leur tour construits. La population d'Ani vers l'an mil atteindrait les 100 000 habitants, et la cité est le siège du catholicos arménien. Un nouvel essor secoue la ville sous le règne de Gagik Ier (989-1020), c'est l'époque de la construction de la plupart des églises.

Fin

Mais le déclin se fait sentir, et en 1045, Byzance occupe la ville et la met sous son joug ; il n'y a donc plus de règne bagratide. Le 16 août 1064[3], elle est prise par les Turcs Seldjoukides, sous la conduite d'Alp Arslan et en 1072, la ville est cédée à la famille kurde des Cheddadides (Banou-Cheddâd), représentée par Fazl Manutché (1072-1110), dont la mère était une Bagratide, puis par son fils Abou'l-Sewar (1110-1124). En 1124, les habitants se révoltent contre les Cheddadides et la ville est occupée par les Géorgiens pendant deux ans avant de revenir aux Cheddadides Fadlun Ier (1126-1132), Mahmoud (1132), Cheddâd (mort en 1155) et Fadlun II (1155-1161). Les armées du roi Georges III de Géorgie l'occupent de nouveau entre 1161 et 1163 avant qu'elle ne soit reprise par les Seldjoukides pour 10 ans (1163-1174). En 1174, Ani est reconquise par le prince Iwané Orbéliani puis intégrée dans le domaine royal géorgien en 1177 jusqu'à la mort du roi en 1185. La ville revient ensuite une dernière fois aux Cheddadides[4].

Ani est enfin libérée par les princes Zakarian en 1199[5], qui font notamment édifier des monastères arméniens. La ville devient le centre de l'Arménie zakaride et profite d'un nouvel essor, beaucoup moins brillant que le précédent. Elle est prise par les Mongols en 1231 — ou 1236. Au XIVe siècle, une dynastie turcomane, les Qara Qoyunlu, en fait sa capitale. Après la prise de la ville par Tamerlan à la fin du siècle, les Qara Qoyunlu transfèrent leur capitale à Erevan. La ville est complètement abandonnée. L'histoire selon laquelle la ville aurait été détruite par un tremblement de terre en 1319 serait un mythe[6].

Le site

Enceinte d'Ani, près de la Porte de Kars.

Description de la ville médiévale

La ville est entourée par une double enceinte. Elle était jadis appelée la « cité aux mille et unes églises » en raison de l'important nombre de maisons. En réalité, elle comptait une cinquantaine d'églises. Le plan d'Ani se compose de rues et de places pavées. Il y a un système de canalisation, et des bains publics. Toute la population pourrait être définie comme « cosmopolite ».

Ani compte parmi les plus beaux exemples de l'architecture arménienne.

Monuments d'Ani

Les principaux monuments subsistants sont des églises.

Cathédrale de la ville

Cathédrale d'Ani, construite vers 989 et terminée vers 1001. L'église du Saint-Sauveur se dresse à l'arrière-plan.

La grande cathédrale d'Ani fut commencée pendant le règne du roi Smbat II, vers 989. Par la suite elle est terminée en 1001, date marquée par le règne du roi Gagik Ier. L'auteur du monument est le fameux architecte Tiridate, qui a là « innové » en élargissant la nef principale, et a diminué l'espace des petites nefs, latérales à la nef centrale. Mais malheureusement, un séisme, survenu vers 1319, va détruire la coupole. Ce n'est pas le seul séisme qui a endomagé l'édifice : en 1988, lors du grand tremblement de terre de Spitak, l'angle nord-ouest est totalement détruit.

La cathédrale est architecturalement complexe : une petite arcature aveugle à fines colonnes orne le monument tout du long, des arcs plus importants parent les fenêtres, assez petites, les grandes ouvertures entourent des grands bandeaux d'entrelacs. L'intérieur de l'édifice peut faire penser à l'architecture gothique, car la totalité des arcs et des piliers dessinent des sortes de demi-colonettes. Des fresques décorent la cathédrale d'Ani.

Église du Saint-Sauveur

L'église du Saint-Sauveur d'Ani fut construite en l'année 1036. La moitié du monument s'effondre en 1930 ou en 1957. C'est un octoconque, avec une coupole couvrant des sortes de niches peu profondes. L'église ressemble à des rotondes superposées qui étaient jadis décorées d'arcatures aveugles. L'intérieur de l'édifice religieux présente des peintures avec notamment un beau et grand Christ tenant l'évangile. Des anges et la Cène entourent le personnage. Le prince Ablgharid Pahlavide la fait construire pour abriter un morceau de la Vraie Croix, qu'il avait ramené de Constantinople.

Saint-Grégoire (Abougraments)

Église Saint-Grégoire (Abougraments), avec la citadelle en arrière-plan.

L'église Saint-Grégoire — dite Abougraments — est édifiée vers le Xe siècle[1]. C'est un hexaconque. Sa façade est creusée par six niches. Douze fenêtres sont entourées par un double arc, creusées par un tambour, et des ornements décorent une série de colonnes doubles. Une dalle de tuf (pierre volcanique) est couverte par le toit de la coupole.

Saint-Grégoire (Gagkashen)

Cette église Saint-Grégoire, dite Gagkashen, est construite entre 1001 et 1010, et on attribue sa construction au même architecte, Tiridate, sous le règne de Gagik Ier. Elle s'effondre entre les XIe et XIIe siècles. Ayant pris modèle sur l'église de Zvartnots, près d'Erevan, Saint-Grégoire constitue la plus grande église d'Ani, devant la cathédrale. C'est une rotonde à trois niveaux. On y a découvert la statue du roi Gagik Ier tenant un modèle de son église.

Saint-Grégoire (Tigrane Honents)

Église Saint-Grégoire de Tigrane Honents.

On sait grâce une inscription que l'église de Saint-Grégoire de Tigrane Honents a été édifiée en 1215, grâce à la générosité d'un riche marchand nommé Tigrane Honents. Sur le mur extérieur de l'église est gravée une inscription énumérant des moulins, des trésors, des champs et des vignobles. Tigrane Honents dote sa fondation de ces éléments. L'église possède des peintures intérieures, faites par des Géorgiens, et représentant le saint le plus important de l'Arménie, saint Grégoire Ier l'Illuminateur, le Christ et enfin le jugement dernier. Dans les écoinçons des demi-colonnes sur lesquelles s'appuient les arcatures aveugles de la facade et du tambour se trouvent des représentations d'animaux réels ou fantastiques.

Monastère des Vierges

Le monastère des Vierges est construit vers le XIIe siècle, mais il ne subsiste que l'église principale, d'ailleurs très endomagée avec quelques murs attestant de l'existence d'autres bâtiments. Édifiée sur un socle circulaire, l'église est en forme d'hexaconque, et plusieurs « petits conques » sur la façade sont décorés par des arcatures au nombre de trois, sur une colonne de type double. La « coiffe » de l'église est en ombrelle, et le tambour dodécagonal. Quatre fenêtres percent ce tambour.

Saints-Apôtres

On connaît beaucoup de choses sur le jamatoun de l'église des Saints-Apôtres. Il est construit en 1038, devant l'église Saint-Jean du XIe siècle, fort ruinée. L'église des Saints-Apôtres n'existe plus. Ce jamatoun est de forme quadrangulaire, avec, sur quatre colonnes, une coupole. Un petit lanternon surmonte l'ouverture centrale de cette coupole, et forme une sorte de « pyramide tronquée ». Ce type de jamatoun sera emprunté pour d'autres églises. Les murs, où sont gravés des décisions politiques, économiques, etc. de la ville d'Ani, sont ornementés. De cette manière, on peut observer des décisions comme celles concernant les impôts : impôts pour les magnaniers et tapissiers en 1276, etc. mais aussi d'autres décisions comme l'ordre qui interdit dans les rues pendant les séismes le commerce, datant à peu près du XIIIe siècle.

Fouilles

En 1892, l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg organise les premières fouilles, puis d'autres fouilles vont être exécutées par la suite, qui se poursuivent à ce jour.

École d'Ani

Les création artistiques de l'école d'Ani sont principalement liées à Tiridate[1]. Cet architecte a construit l'église Gagkashen, Saint-Sauveur, Katoghiké et le palais du Catholicos ; ce qui a fait d'Ani une grande école d'architecture ; et ce même architecte a aussi reconstruit en 989 la coupole de l'église Sainte-Sophie de Constantinople (Hagia Sophia).

Gravure des remparts de la ville, autour de la Porte au Lion.

Notes et références

  1. a , b , c  et d Les douze capitales d'Arménie, Éditions COFIMAG, Paris, 2006 (ISBN 2-907070-09-6).[réf. incomplète]
  2. Raymond H. Kévorkian (dir.), Ani, capitale de l'Arménie en l'an 1000, éditions Paris Musées, Paris, 2001 (ISBN 978-2879005430).[réf. incomplète]
  3. René Grousset, Histoire de l'Arménie des origines à 1071, Payot, Paris, 1947 (réimpr. 1984, 1995, 2008) (ISBN 978-2-228-88912-4), p. 615 .
  4. La dernière inscription de l'un de ces princes date de 1199 : elle émane de Shâhanshâh « Sultan b.Mahmud b.Shavur b.Minuchihr » ; (en) Vladimir Minorsky, Studies in Caucasian History: I. New Light on the Shaddadids of Ganja II. The Shaddadids of Ani III. Prehistory of Saladin, CUP Archive, 1953 (ISBN 0521057353), p. 100.
  5. (en) Robert Bedrosian, The Turco-Mongol Invasions and the Lords of Armenia in the 13-14th Centuries, 1979, p. 89-90 [Ph.D. Dissertation, Columbia University (page consultée le 13 août 2008)].
  6. Encyclopédie de l'Islam, tome I A-B, Maisonneuve & Larose SA, Paris, 1975, p. 522-523.

Voir aussi

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Articles connexes

Bibliographie

  • Les douze capitales d'Arménie, Éditions COFIMAG, Paris, 2006 (ISBN 2-907070-09-6).
  • Marie-Félicité Brosset, Les ruines d’Ani, capitale de l'Arménie sous les rois bagratides aux Xe et XIe siècles, v. 1-2, Saint-Рétersbourg, 1860-61 [lire en ligne (page consultée le 14 septembre 2008)].
  • (en) Ashkharbek Kalantar, Armenia from the Stone Age to the Middle Ages — Selected Papers, Civilisations du Proche Orient : Série 1, Vol. 2, Recherches et Publications, Neuchâtel, Paris, 1994 (ISBN 978-2-940032-01-3).
  • (en) Ashkharbek Kalantar, Materials on Armenian and Urartian History, Civilisations du Proche-Orient : Série 4 - Hors Série - CPOHS 3, Neuchâtel, Paris, 2004 (ISBN 978-2-940032-14-3).
  • Raymond H. Kévorkian (dir.), Ani, capitale de l'Arménie en l'an 1000, éditions Paris Musées, Paris, 2001 (ISBN 978-2879005430).
  • Nicolas Yacovlevich Marr (trad. Aïda Tcharkhtchian, préambule Jean-Pierre Kibarian, préf. Parouyr Mouradi), Ani — Rêve d'Arménie, Anagramme éditions, Paris, 2001 (ISBN 2-914571-00-3).

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