- À armes égales (émission télévisée)
-
Pour les articles homonymes, voir À armes égales.
À armes égales était une émission politique française de Michel Bassi, Alain Duhamel, André Campana et Jean-Pierre Alessandri diffusée sur la première chaîne de l'ORTF à partir du 17 février 1970 à 21 heures et réalisée par Igor Barrère.
Sommaire
Présentation générale
Conçue au dernier trimestre de 1969, mise à l’écran pour la première fois le 17 février 1970, l’émission A armes égales s’impose rapidement comme le rendez-vous politique télévisé mensuel au début des années 1970. En attestent, par exemple, l’importance de son taux d’audience et de son indice de satisfaction. Maurice Clavel, qui quitte le plateau de l’émission le 13 décembre 1971 en lançant aux producteurs médusés son fameux “ Messieurs les censeurs, bonsoir ! ”, contribue aussi à imprimer durablement A armes égales dans la mémoire télévisuelle des Français. Les producteurs de l’émission, les invités, les réalisateurs ainsi que la presse quotidienne et spécialisée s’accordent à conférer à cette émission une place importante dans la vie politique française mais aussi parmi les émissions de débat politique. En effet, elle est présentée à l’époque comme renouvelant profondément les émissions politiques et, aujourd’hui encore, l’ensemble des acteurs interrogés continue à tenir ce même discours[1]. Ces supposées innovations peuvent être organisées autour de quatre grands principes : l’impartialité, la théâtralisation du débat politique, la confrontation entre la majorité gaulliste et l’opposition, l’importance donnée au public.
Contexte
On ne peut toutefois pas dissocier l’émission A armes égales du contexte politique, social et audiovisuel du début des années 1970 pour comprendre, d’une part, la mise en avant de ces principes et, d’autre part, la naissance, l’existence et l’arrêt de l’émission. Ce contexte est marqué notamment par les questionnements et les changements issus de Mai 1968, la large diffusion de la télévision parmi la population française, l’accession de Jacques Chaban-Delmas aux fonctions de Premier ministre et la mise en œuvre de son programme d’une “ Nouvelle Société ”. Ce dernier comprend en particulier un volet concernant la libéralisation de l’information télévisée et permet “ l’expérience Desgraupes ” dont A armes égales est un produit direct.
La question de l'indépendance politique
Dans quelle mesure A armes égales est-elle en symbiose avec le contexte politique, social et audiovisuel des années 1970-1973 et notamment quel est son degré d’indépendance politique ?
Il semble, tout d’abord, que A armes égales doit sa naissance et son développement à l'existence d'une conjoncture politique éminemment favorable, conjoncture symbolisée par “ l’expérience Desgraupes ” et la libéralisation de l’information prônée par Jacques Chaban-Delmas. A contrario, le remplacement de Jacques Chaban-Delmas par Pierre Messmer en juillet 1972 et le retour à une politique de l’information plus “ traditionnelle ” a des répercussions importantes sur l’émission et conduit, avec d’autres éléments, à son arrêt en avril 1973. Nonobstant, on peut considérer, dans l’ensemble, A armes égales comme une émission politiquement indépendante même si son environnement politique n’est jamais, semble t-il, totalement clair ainsi que l’illustre bien l’affaire Clavel. A armes égales apparaît aussi en symbiose avec son temps, par les thèmes d’émission choisis qui reprennent les grands questionnements de Mai 68 et les problèmes politiques d’actualité, en se faisant la vitrine de la “ Nouvelle société ” proposée par Jacques Chaban-Delmas et par une réception remarquable concrétisée par un taux d’audience de 28,4 % en moyenne.
Un débat télévisé innovant ?
Dans quelle mesure A armes égales participe-t-elle à la transformation du genre des débats politiques et des formes de l’expression politique ?
En outre, sa conjoncture politique de naissance a permis à A armes égales d'intervenir au moment opportun à la télévision française. Il semble que les producteurs ont réussi à percevoir et à saisir une grande partie des évolutions novatrices qui animaient alors le genre des débats politiques et qu’ils soient parvenus à organiser celles-ci de manière cohérente pour aboutir à une émission élaborée. Les principes proclamés et appliqués par A armes égales résument parfaitement le sens de ces tendances : impartialité, théâtralisation, duel et participation du public. La thématique de la nouveauté peut alors se développer autour de A armes égales, même si, finalement, peu d'éléments sont réellement nouveaux et si l’émission se situe avant tout dans la continuité de la “ médiatisation de la vie politique ” (René Rémond) qui se développe sous la Vème République. Il reste que A armes égales apparaît à de nombreux contemporains comme une émission innovante. En participant au mouvement d'ensemble du genre des débats politiques, elle semble accélérer la transformation de ce dernier. C’est-à-dire qu’en mettant en lumière des tendances latentes, il est fort possible que A armes égales ait exercé une influence rénovatrice et durable sur le genre des débats politiques et sur les formes d’expression publique du personnel politique, même si celle-ci est encore mal définie par les chercheurs. A cet égard, l’opinion générale de Jérôme Bourdon[2] sur A armes égales semble pleinement justifiée et valide : “ Obligeant les hommes politiques à réfléchir sur la réalisation audiovisuelle et la présentation télévisuelle de soi, familiarisant public et politiques avec les sondages, l'émission est, en tout cas, un véritable laboratoire de communication ”. En outre, les formes que les producteurs donnent à leur métier font qu'ils “ deviennent des partenaires essentiels dans la construction de l'image publique des hommes politiques ”. Et, ce faisant, A armes égales se place indubitablement à l’origine des formes prises par les débats qui la suivent, sans pour autant être l’initiatrice des tendances développées.
Liste des émissions[3]
Quatorze émissions sur trente-trois sont consultables à l'INAthèque de France (N°1, 2, 4, 5, 6, 8, 9, 17, 20, 23, 25, 27, 29, 31).
- 17/02/70 - Michel Debré et Jacques Duclos : « L'idée de Patrie »
- 17/03/70 - Valéry Giscard d'Estaing et Jean-Jacques Servan-Schreiber : « L'égalité des chances »
- 28/04/70 - Eugène Descamps et Jean Riboux : « L'avenir de l'entreprise »
- 19/05/70 - Jean Daniélou et Roger Garaudy : « Chrétiens et marxistes devant le monde moderne »
- 16/06/70 - Edgar Faure et Michel Rocard : « Le rôle de l'État »
- 15/09/70 - Pierre Mendès-France et Alexandre Sanguinetti : « Jeunesse et politique »
- 27/10/70 - François Ceyrac et Georges Séguy : « La grève »
- 17/11/70 - Jean Foyer et Françoise Giroud : « Faut-il décoloniser la femme ? »
- 15/12/70 - Gaston Defferre et Jean-Marcel Jeanneney : « La région dans l'Europe »
- 18/01/71 - Olivier Guichard et François Mitterrand : « L'école et le citoyen devant la société »
- 15/02/71 - Robert Buron et Raymond Cartier : « L'Algérie, la France et le Tiers-Monde »
- 12/03/71 - Biset et Sicco Leenert Mansholt : « L'agriculture »
- 02/04/71 - Maurice Couve de Murville et Roy Jenkins : « France-Angleterre »
- 24/05/71 - Christian Fouchet et Serge Mallet : « L'ordre »
- 21/06/71 - Jean Charbonnel et Hubert Dubedout : « Le rôle des maires »
- 12/07/71 - Pierre Haubtmann et Michel Poniatowski : « L'Église et la politique »
- 20/09/71 - Jacques Chirac et Georges Marchais : « Les partis politiques »
- 18/10/71 - André Bergeron et Guy Verdeil : « Les prix »
- 22/11/71 - Alain Griotteray et Alain Savary : « La politique et l'argent »
- 13/12/71 - Maurice Clavel et Jean Royer : « Les mœurs : la société française est-elle coupable ? »
- 25/01/72 - Michel Habib-Deloncle et Roland Leroy : « Idéologie et culture dans la société française »
- 22/02/72 - Joseph Fontanet et Edmond Maire : « Les conditions de travail en France »
- 14/03/72 - Maurice Couve de Murville et Jean Lecanuet : « La France et l'Europe »
- 16/05/72 - Michel Rocard et Alexandre Sanguinetti : « Le gauchisme »
- 13/06/72 - Michel Debré et François Mitterrand : « Deux politiques de l'avenir »
- 18/07/72 - Sicco Leerner Mansholt et Ambroise Roux : « Faut-il avoir peur de la croissance économique ? »
- 12/09/72 - Georges Marchais et Alain Peyrefitte : « Le monde socialiste : échec ou réussite ? »
- 25/10/72 - Olivier Guichard et Jean-Jacques Servan-Schreiber : « Les Français et l'État »
- 22/11/72 - Gaston Defferre et Edgar Faure : « La politique sociale »
- 13/12/72 - Alain Krivine et Bernard Stasi : « Faut-il changer la politique ? »
- 10/01/73 - François Mitterrand et Alexandre Sanguinetti : « Le rendez-vous de Mars »
- 07/02/73 - Alain Griotteray et Roland Leroy : « Le financement du Programme commun de la gauche et du plan social de la majorité. Les libertés publiques »
- 28/03/73 - André Chandernagor et Robert Boulin : « Le rôle du Parlement »
Notes et références
- LUGLIA Rémi. - A armes égales : monographie d’une émission politique télévisée (1970-1973). - mémoire de D. E. A. sous la direction de Jean-Noël Jeanneney. - Sciences-Po Paris, 1999. - 220 pages.
- BOURDON Jérôme. - Haute fidélité. Pouvoir et télévision : 1935-1993. - Paris : Seuil, 1993. - p. 162.
- LUGLIA Rémi. - A armes égales : monographie d’une émission politique télévisée (1970-1973). - mémoire de D. E. A. sous la direction de Jean-Noël Jeanneney. - Sciences-Po Paris, 1999. - Annexe 1.
Catégories :- Émission de télévision politique
- Émission diffusée sur la première chaîne de l'ORTF
- Émission de télévision française
Wikimedia Foundation. 2010.