Zwi Migdal

Zwi Migdal
Membres suspectés de Zwi Migdal en 1930

La Zwi Migdal est au départ une association de secours mutuel, créée sous le nom de Varsovia le 7 mai 1906 à Avellaneda, Argentine. Ses membres sont des anciens sujets de l'empire russe, émigrés, considérés comme impurs par la communauté juive dont ils sont chassés, qui les prive de salut, refusant leur inhumation dans les carrés israélites. C'est pourquoi, dès sa légalisation, la Varsovia dont c'est la raison sociale, achète sa propre part de cimetière.

D'autres associations du même type l'on précédée, avec lesquelles il ne faut pas la confondre : l'Aszhkenasum Pelosa, le club des 40

Les membres de la Varsovia sont des proxénètes et prostituées. Noe Trauman en est le premier président. L'"œuvre" de solidarité de la Varsovia s'étend en réalité de l'inhumation des morts aux intérêts mafieux et désirs de religion des vivants :

Noé Trauman.

La Varsovia prête de l'argent aux proxénètes partis en remonte en Pologne, à la recherche de jeunes victimes, bien souvent mineures, qu'ils séduisent sous promesse de mariage et de fortune.

La Varsovia structure en réseau pour l'Argentine les complicités internationales qui permettent de duper les victimes, en repérant à l'avance et en amadouant leur famille en Pologne, ou pour faire en sorte qu'elles se présentent avec de faux papiers aux fonctionnaires de l'immigration. À Gdansk et à Marienbourg, en Silésie et en Allemagne, puis à Paris, au Havre et à Bordeaux, à Bucarest, Budapest, Vienne, Constantinople, à Montevideo et Buenos Aires enfin. Il existe des trafics identiques pour Mexico et Cuba, ou simplement l'Europe centrale.

Les rufians préfèrent continuer à user ainsi de ruse et fourberie pour inciter les victimes à se prostituer d'elles-mêmes, de bon gré ou en désespoir de cause; ils recourent à défaut à la violence.

La Varsovia soudoie des douaniers, policiers, inspecteurs de salubrité, juges, qui ferment ainsi les yeux sur ces activités; ils renseignent plutôt les rufians, entrant même en concurrence entre eux.

La Varsovia organise à Buenos Aires la vente aux enchères des prostituées, à son siège social, aux allures d'une synagogue, sise 3280 rue Cordoba, ou au théâtre Alcazar rue Suipacha, ou encore au café Le Parisien 3184 rue Alvear.

Puissante, la Varsovia comme d'autres organisations mafieuses internationales, doit cependant faire face à la lutte croissante contre la traite des blanches, développée par des états qui durcissent leur lois, sous la pression des associations de protection des femmes, avec le concours de la Société des Nations. Mais la législation argentine en la matière reste peu contraignante.

L'année 1926 est a marquer d'une pierre noire pour la Varsovia. Le mystérieux réseau basque français de "Don Enrique", fripier, propriétaire de cabaret, trafiquant d'opium et d'êtres humains, est à l'origine de l'arrestation de membres de la Varsovia: Il aurait facilité la plainte de Perla Przedbordzka, transmise par le journal "el diario israelita" auprès du commissariat de 7ème arrondissement. Ledit commissaire inspecteur, Julio Lazaro Alsogaray-Agnese, est l'artisan de l'audition d'un autre rufian la même année, suivie de son arrestation et de sa condamnation seulement en 1928, à cause des protections dont il bénéficiait. En 1927, le président de la Société Israélite de Protection de la Femme et des Jeunes Filles, Selig Ganopol, porte plainte contre la Varsovia. Le commissaire Martin Perez Estrada, chargé des investigations, protège en réalité les rufians.

En 1929, le 20 août, la Varsovia change de nom et devient la Zwi Migdal, suite à une plainte de l'ambassadeur de Pologne. La même année, le gouvernement argentin d’Hipólito Yrigoyen durcit sa politique d’immigration.

Le 31 décembre 1929, Raquel Liberman, une prostituée, porte plainte auprès d'Alsogaray : elle se croyait affranchie de la férule de son mari proxénète, et ayant accumulé un petit pécule, se lançait dans le commerce. C'était sans compter sur la Zwi Migdal, qui dépêche auprès d'elle l'un de ses membres, qui entreprend de devenir son amant, avant de tenter de la contraindre à exercer à nouveau la prostitution. Cette plainte est enfin à l'origine des faits suivants :

Raquel Liberman.

Le 11 mai 1930, un journal, La Razon, fait état d’un réseau de prostitution découvert par la police et exploitant 15000 européennes. De fait, le juge Ocampo, avec le soutien actif de la communauté juive et une rare efficacité, orchestre à partir de ce moment une vaste campagne médiatique contre les rufians.

Le 14 mai, au cours d'une perquisition rue Cordoba, la police s’empare d’une abondante littérature, dont la liste des rufians de l'ex-Varsovia. Le 24 mai, le juge Dr. Manuel Rodriguez Ocampo rédige le mandat d’arrêt général de 442 membres de l'ex-Varsovia, non pour proxénétisme, mais pour association illicite œuvrant de manière à nuire à la moralité de l’État. Nombre de proxénètes parviennent à s'échapper à l'étranger, grâce à la complicité notamment du commissaire Eduardo Santiago.

Du 23 au 26 septembre 1930, en première instance du procès pour association illicite, « dédiée à la corruption », des membres de l'ex-Varsovia, la chambre criminelle et correctionnelle décrète la prison préventive des 108 prévenus. Leurs biens sont saisis. Le juge fait aussi rechercher 334 contumaces. Alsogaray met en évidence à cette occasion la collusion avec les rufians de nombreuses personnalités politiques et militaires. Fonctionnaire consciencieux, il semble qu'il ait eut raison pour certains d'entre-eux.

Mais Alsogaray est aussi connu pour son engagement politique, pour son aversion pour l'Union Radicale Civique et pour certains amalgames, que l'on a qualifié d'antisémites. Advient le coup d'État du 6 septembre 1930. Alsogaray est promu "commissaire des ordres". Il met en cause, dans une affaire d'homicide poliquue annexe, qui sera suivie d'un non-lieu, Leopoldo Bard, médecin, footballeur, fils de rufian et député URC (1922-1930), alors que celui-ci s'est battu avec constance en faveur des droits des femmes argentines, pour la création d'un fichier des criminels récidivistes, contre le trafic de drogue etc...

Le 27 janvier 1931, les 108 prévenus de la Zwi Migdal sont relaxés collectivement en appel, certes en raison de témoignages insuffisants et au bénéfice du doute pour certains, mais aussi essentiellement parce que l'association était bien légale.

En avril 1931, les autorités promulguent le décret dit « de résidence » qui permet de déchoir les proxénètes arrêtés de leur nationalité d’adoption, de les expulser et de les extrader vers leur pays d’origine ou autre.

Les activités de la Varsovia à Buenos Aires représentent environ 2000 prostibules, 3000 femmes, pour un rendement annuel 108 millions de $ argentins, soit 860 millions de F. A côté prospèrent également les réseaux des français et des italiens.

La Varsovia ou la Zwi Migdal, puisque ce nom est resté, comme organisation proxénète juive possède à l'époque des succursales en province, au Brésil, en Uruguay, à Cuba, ainsi que des précurseurs, équivalents à New York, Constantinople, Thessalonique, Johannesburg. La New York Independent Benevolent Association a été fondée par Martin Engel et Max Hochstim. À Johannesburg, c’est l'American club fondé par Joe Silver.

Les opérations des trafiquants décroissent considérablement après que les bordels soient interdits, à Cuba en 1926, en Uruguay en 1933, à Rosario de Santa Fe en 1933 et finalement en Argentine en 1936. À partir de 1928 et surtout de 1931 à 1935, les rufians cherchent asile, y compris en Pologne, où ils sont identifiés et surveillés.

Le phénomène dépasse le stade du proxénétisme juif "artisanal" à Varsovie, tel qu'il est décrit par Isaac Bashevis Singer, et s'inscrit dans le cadre de l'histoire des flux migratoires, des émigrés de toutes nationalités qui ont dû et pu fuir la pauvreté, les pogrom et autres persécutions, en cherchant fortune dans un nouveau monde pas encore régulé par les lois internationales. Il a amplement été récupéré par la propagande nazie, et continue de l'être, là où paradoxalement les réputations des réseaux proxénètes basques, marseillais, corses, napolitains, irlandais etc, d'une violence comparable, gardent et conservent auprès des publics l'aura des aventuriers.

Sources

  • Julio L Alsogaray, La prostitution en Argentine ; édition Denoël et Steele, Paris 1935, traduit de:
  • Julio L Alsogaray, trilogia de la trata de blancas, Buenos Aires 1933
  • Francisco Ciccotti, La trata de las blanquisimas; biblitheca PAM, Buenos Aires 1932
  • Albert Londres, le chemin de Buenos Aires, 1927
  • Maxence Van der Meersch, femmes à l'encan, 1946
  • Edward J Bristow, Prostitution and prejudice : the jewish fight against White Slavery 1870/1939, Clarendon Press Oxford 1982
  • Stanislawa Paleolog, The women police of Poland (1925 to 1939)England
  • The Dearborn independent, 24 Septembre 1921 http://www.jrbooksonline.com/Intl_Jew_full_version/ij53.htm
  • Charles van Onselen, Le renard et les mouches: Joe Silver dans le monde atlantique: 1868-1918 (en anglais)

[1]

  • Charles van Onselen, les informateurs de police juifs dans le monde atlantique 1880-1914 (en anglais)

[2]

  • Federico G. Figueroa, Zwi Migdal: Un cas exemplaire d’association illicite dans la jurisprudence argentin, sur le site disparu accionpenal.com (en espagnol)
  • Jose Luis Scarsi: Buenos Aires la ténébreuse (en espagnol)[3]
  • Liliana Mabel Martiello, Notes pour une histoire de la prostitution 1920-1940 (en espagnol)[4]
  • Enrique Pereira, dictionnaire biographique national de l'Union civique radicale [5]
  • Claudio Martignoni, terre de rufians (en espagnol) [6]

Romans en français sur le thème

  • Isaac Bashevis Singer, le petit monde de la rue Krochmalna (traduit de shoym, en yiddish, scum en anglais) édition Denoël 1991
  • Edgardo Cozarinsky, le Ruffian Moldave (el rufian moldavo) actes sud 2005
  • Roberto Arlt, les sept fous,(los siete locos) édition Belfond 1981

Liens externes

  • Barrio Pichincha (es)
  • Barrio Pichincha (en)

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