Zoothérapie

Zoothérapie
Page d'aide sur l'homonymie Ne doit pas être confondu avec biothérapie.
Un enfant allongé en arrière sur le dos d'un poney
Zoothérapie équine

La zoothérapie est une thérapie qui utilise la proximité d'un animal domestique ou de compagnie, auprès d'une personne souffrant de troubles mentaux, physiques ou sociaux pour réduire le stress ou les conséquences d'un traitement médical ou des problèmes post-opératoires.

Lorsqu'elle utilise le cheval, on parle d'hippothérapie, d'équithérapie ou de thérapie avec le cheval selon l'approche proposée. Elle peut également utiliser d'autres animaux comme le chien, le lapin, le chat...

Pendant l'adolescence, l'animal peut être un support émotif pour des jeunes en situation difficile.

La zoothérapie peut être un point de départ ou un complément à des thérapies plus traditionnelles. Elle n'est pas restreinte au domaine médical, puisqu'elle s'étend à des questions sociales concernant les rapports avec autrui, l'éducation ou la délinquance. Elle a pu aussi être utilisée dans le cadre de problèmes d'attention et de concentration, de dépréciation de soi, de dépression, de solitude et d'isolement.

Les participants n'ont besoin d'aucune compétence particulière. Le contact avec l'animal est censé avoir un effet calmant sur eux.


Sommaire

Historique

Au IXe siècle des animaux assistent les handicapés à Gheel en Belgique. En 1792, William TUKE fonde le York Retreat dans le Yorkshire en Angleterre, à cette époque les malades mentaux sont traités très durement, ils sont enchaînés, enfermés, battus. En leur proposant de s’occuper d’animaux il va s’apercevoir qu’ils peuvent se concentrer et se responsabiliser. Après la Première Guerre mondiale, le Pawling Army Air Force convalescent Hospital de New York utilise des chiens comme aide à la thérapie pour aider des soldats traumatisés. Toutefois, ce sont les infirmières qui ont implanté la pratique en milieu thérapeutique. Florence Nightingale, fondatrice des techniques infirmières modernes, fut l’une des pionnières dans l’emploi d'animaux pour améliorer la qualité de vie des patients. Durant la guerre de Crimée (1854-1856), elle gardait une tortue à l’hôpital parce qu’elle savait, pour avoir observé le comportement des animaux depuis sa tendre enfance, que ceux-ci avaient le pouvoir de réconforter les gens et de diminuer leur anxiété.

C’est un psychiatre américain, Boris Levinson qui va véritablement découvrir les possibilités du chien dans la thérapie en 1953. Cela va se faire par hasard grâce à son chien Jingles. Levinson reçoit un matin un coup de fil émanant de parents désespérés car leur enfant autiste doit être interné dans un institut spécialisé. Il accepte de les recevoir et oublie que son chien est resté dans son cabinet (d’ordinaire celui-ci lui est interdit). Dès que le couple entre, Jingles se dirige vers l’enfant, le renifle, le lèche et alors là c’est un miracle, l’enfant complètement replié sur lui-même refusant toute communication avec le monde extérieur va se mettre à parler avec le chien, il demandera même à revenir pour le revoir. C’est ainsi qu’est né la Pet Facilitated Psychotherapy (Psychothérapie facilitée par l’animal). D’autres thérapeutes comme Friedmann, Katcher, Lynch, Thomas vont mettre en évidence les effets de l’animal sur la santé : le simple fait de caresser fait baisser la tension artérielle et permet de diminuer la mortalité chez les cardiaques. Le Dr Serpell de Cambridge a démontré que l’animal familier permet de vivre plus vieux et en meilleur santé avec chez les personnes âgées une diminution des fractures du col du fémur. Voelker va prouver que l’animal suscite des réactions psycho-affectives positives et motive les personnes handicapées physiques, par exemple en le soignant. Il résulte une amélioration des capacités psychomotrices et un soutien psychologique. Des expériences d’introduction de chiens dans les prisons aux États-Unis ont eu comme résultat des détenus plus calmes, avec moins de dépression et d’agressivité.

Dans le monde

En Suisse depuis 1989 Pascal Bianchi a dirigé plusieurs études sur les bienfaits, les troubles liés à la maladie d'Alzheimer et la répercussion favorable de l'animal pour les patients en soins palliatifs. Les résultats tendent à démontrer les effets physiologiques que provoque les petits animaux sont tout aussi important que ce que nous pouvons constater avec le chien. La formation en Suisse se déroule sur 4 ans avec des phases pratique et théorique.

Au cours d’une enquête au Québec, Salomon va interroger 216 enfants, seulement 31 d’entre eux refuseront l’animal.

En France

Préférence pour le concept d'Activités Associant l'Animal et de médiation animale

En France, l'usage de la notion de zoothérapie est restée longtemps extrêmement controversée. Le débat vif engagé sur la notion de "thérapie" entre soignant et non soignant a conduit les professionnels à lui préférer les notions de médiation animale ou d'activités associant l'animal[1]. Se servir du concept de A.A.A. permet de différencier avec plus de précisions les objectifs de la rencontre entre l'homme et l'animal[2] : Les AAA sont associées à une intentionnalité : celle d’associer l’animal à un projet professionnel et/ou une compétence spécifique qu’il soit éducatif (AAA-E), social (AAA-S), thérapeutique (AAA-T) ou de recherche (AAA-R)[3].

Ce débat a conduit à un paradoxe : la zoothérapie pratiquée au Canada correspond en France aux Activités Associant l'Animal à visée thérapeutique. Mais en France, la zoothérapie correspond souvent à des Activités Associant l'Animal dont l'objectif serait thérapeutique (comparaison des définitions de la FITRAM, AFIRAC et celles de Zoothérapie sur passeportsante.net).

Les formations

Il convient de préciser qu'en France, la zoothérapie ou de médiation animale ne sont que des spécialisations d'une profession initiale. En effet, il n'existe à ce jour aucune profession reconnue par l’État de "zoothérapeute" ou autre[4]. C'est en raison de cette absence de reconnaissance ""officielle"" que l'emploi du mot de zoothérapeute a été écarté. Il maintient une ambiguïté quant à la formation initiale de l'intervenant. Cette problématique est à replacer dans celle du titre de psychothérapeute[5].

Les organismes fédéraux

En France, l'association française d'information et de recherche sur l'animal de compagnie (AFIRAC) a été créée en 1976 avec pour objectif d'étudier le phénomène social que constitue la cohabitation entre l'animal familier et l'homme et de répondre aux questions suscitées par cette vie en commun. Elle a été présidée par le docteur vétérinaire Ange Condoret, le Professeur Hubert Montagner chercheur à l'Inserm, et depuis 2001 le docteur Didier Vernay, neurologue au CHU de Clermont-Ferrand.

La Fédération internationale de thérapie et de relation d’aide par la médiation[6] réunit des professionnels et des associations de la santé en vue de proposer une assistance par la médiation notamment animale aux personnes en mal être au sens large. La Fédération vise à garantir la qualité de ce type de thérapie au niveau européen et a été reconnu en tant qu'ONGI au sein du Conseil de l'Europe en 2007. Elle est à ce jour le seul organisme à avoir obtenu une reconnaissance supra étatique.

Les animaux les plus couramment utilisés

Le cheval

Trois pratiques à distinguer et qui induisent des formations différentes :

  • Équithérapie : Soin psychique médiatisé par le cheval et dispensé à une personne dans ses dimensions psychique et corporelle (définition de la Société Française d’Équithérapie). À l’origine, terme générique désignant les différentes formes d’équitation à visée thérapeutique.
Article principal : Équithérapie.
  • Équitation adaptée : Référence au sport adapté. Désigne l’ensemble des activités équestres (disciplines : saut, voltige, dressage, attelage, , etc.) pratiquées par des personnes handicapées physiques et / ou mentales (définition de l'association Résilienfance)[7]
  • Thérapie avec le cheval (TAC) : Thérapie corporelle qui propose des possibilités de régression dans une dynamique évolutive de réaménagement des fonctions psychiques et physiologiques. Le remaniement des modalités psychiques s’appuie sur des expériences que la TAC induit largement. Elle introduit petit à petit l’imaginaire et le symbolique aboutissant à une communication passant par la réalité. Elle vise au remaniement des modalités relationnelles, de la communication à soi, à autrui, au monde extérieur

(Définition de la Fédération Nationale des Thérapies Avec le Cheval)[8]. Dans ce cadre, l’objectif n’est pas la monte. Il est accordé une importance aux rencontres à pied avec un cheval en liberté dans un manège ou lors du pansage (en box ou à l’attache).

  • L’hippothérapie constitue une forme de physiothérapie qui tire profit des mouvements du cheval au pas[9],[10].

Le cheval ressent ce que l'homme éprouve et, de ce fait, ne se comportera pas de la même façon avec un handicapé qu'avec une personne expérimentée. Par exemple, un handicapé physique et mental qui perd l'équilibre sur le cheval, ce dernier s'arrêtera de lui-même et attendra que la personne se soit remise en selle avec de repartir au petit pas.

Le chien

Le chien n'est pas le thérapeute, il est simplement un médiateur afin de participer aux mieux-être des personnes.

  • Les hôpitaux : la chaleur de sa fourrure, sa présence affectueuse, son contact physique vont aider le thérapeute à améliorer l’état physique des malades en améliorant leur état moral.
  • Les Maisons de retraite : il va rassurer par sa spontanéité et sa sincérité, il sécurise, il permet de communiquer avec les autres, il permet de renouer avec la vie et d’avoir un but, il redonne confiance en soi, il comble le vide.
  • Les écoles: pédagogique, l’enseignant peut grâce au chien introduire l’apprentissage des pays selon l’origine des races, l’orthographe, les méthodes pour éduquer, les rapports sociaux corrects, etc. Toutefois, dans les ZEP notamment, le travail se portera sur le développement des compétences socles (voir travaux du Professeur Hubert MONTAGNER).
  • Les enfants des quartiers défavorisés : Le chien peut être utilisé comme un moyen d’apprendre le respect de l’autre, il développe l’empathie. Il peut participer à la réintégration sociale en établissant une relation symbiotique, il permet d’aller à la rencontre de l’autre. Remarquons que ce travail peut être appliqué à d'autres populations[11]
  • Le polyhandicap  : Un travail sur l'éveil et la psychomotricité peut être envisagé[9].
  • L'accompagnement à la parentalité : "l’animal peut aider, peut favoriser ce lien et instaurer un climat de confiance entre les différents acteurs. Le professionnel va apporter le cadre, ce fameux cadre contenant et bienveillant! Car n’oublions pas que malgré toutes ses qualités, notre médiateur n’est pas une “baguette magique" Extrait du site www.médiation-animale.org[12]
  • Les établissements pénitentiaires : Patricia Arnoux est précurseure dans le domaine, en étant présente à la maison d'arrêt de Strasbourg depuis 2008. Avec ses chiens Sunny et Evi, mais aussi d'autres animaux (chat, rongeurs, oiseaux), son action consiste à apaiser les tensions entre détenus, avec les surveillants, et à préparer les détenus à leur réinsertion[13].

Autres animaux

Article détaillé : Delphinothérapie.

Critique de la zoothérapie

Les thèses de la zoothérapie, un terme générique qui désigne les bienfaits des animaux sur les humains[15], s’appuient sur une grande variété de disciplines et de perspectives scientifiques (génétiques, biologiques, psychologie développementale, théorie psychanalytique, éthologie, etc.)[16]. La recherche dans ce domaine est prolifique. En 1997 déjà, le Dr Allen, un épidémiologiste américain, avait recensé plus de 1000 études en anglais seulement[17].

Une panacée universelle

Un effort important est déployé non seulement pour donner une validité scientifique au concept de la zoothérapie, mais aussi pour diversifier ses applications. Il existe désormais des chiens détecteurs du cancer de la vessie et des poumons, de l’épilepsie et du diabète, des chiens prothèses pour les sourds, les aveugles et les handicapés en fauteuil roulant et des animaux modulateurs de bonne conduite dans les petites écoles. Sans compter que depuis quelques années des animaux sont intégrés aux soins palliatifs, dans les hôpitaux psychiatriques, les centres de délinquance, les département d'obstétriques pour empêcher les femmes de s'ennuyer pendant les quelques heures d'attente avant l'accouchement, et bien d'autres[18].

Le financement

« À défaut de communauté scientifique, de structures et de crédits publics correspondants, rapporte l’ethnologue français Jean-Pierre Digard, ce sont les industries de produits pharmaceutiques et alimentaires pour animaux qui financent le gros de la recherche dans le domaine de la zoothérapie. » Selon Digard, « les soutiens financiers sont accordés en priorité aux études sur l’alimentation des animaux (qui peuvent se traduire par une diversification des produits offerts à la vente), sur l’attachement des maîtres à leurs animaux, sur les bienfaits des animaux sur la santé des humains (dont dépend principalement la consommation) et sur le bien-être animal qui se traduira positivement en terme d’image et de revenus[19] ».

Les problèmes méthodologiques

Les problèmes méthodologiques associés à cette recherche sont par contre importants et persistants dans la durée[20]. En 1984, les scientifiques américains A.M. Beck et A.H. Katcher ont relevé les failles méthodologiques couramment identifiées dans ce domaine de recherche[21]. Or, bien qu'ils aient complètement démenti les thèses de la zoothérapie, la recherche continue, avec les mêmes lacunes rapportées il y a vingt-sept ans par Beck et Katcher[22].

L’absence d’études quantitatives

Si plusieurs études de recherches sont publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture, selon les règles de l’art, à quelques rares exceptions près, les études en question, y compris celles du psychiatre Boris Levinson le père de la zoothérapie moderne, sont majoritairement des études de cas. Or, bien que ce type d'études soit important pour ouvrir des voies de recherches et identifier des phénomènes nouveaux, elles sont, sur l’échelle des critères de validité scientifique, à ranger sur l’échelon le plus bas. En d’autres termes, ce type d’étude ne démontre absolument rien.

Pour valider une hypothèse correctement, il faut avoir recours à des recherches quantitatives autorisant le recours aux statistiques, comme des études épidémiologiques de grande envergure ou des essais cliniques avec répartition aléatoire. C’est grâce à une combinaison d’études de différents types, qualitatives et quantitatives, que les chercheurs réussissent à se prononcer sur un sujet avec un degré de certitude qui dépend directement de la qualité de ces études, et aussi de leur nombre. C’est idéalement à ce stade-ci, lorsque les résultats des recherches sont relativement fiables, c’est-à-dire reproductibles, que la recherche sur les applications est effectuée[23].

Or, en zoothérapie, les études comme celles qui viennent d'être décrite sont pour ainsi dire absentes. Aucune des 1000 études évoquées ci-dessus par le Dr Allen ne compare la magnitude des effets des cas cités avec un groupe témoin sans animaux ou avec le public en général[24]. Selon les scientifiques américains Krugger et Serpell, « bien qu’impressionnante par leur variété et leur étendue, aucune de ces théories n’a été testée adéquatement par des études quantitatives, et la plupart de celles qui l’ont été ont donné des résultats équivoques ou contradictoires[25] ». Un constat corroboré en 2010 par les scientifiques Anna Chur-Hansen, Cindy Stern et Helen Winefield[26].

Le passage hâtif aux applications

De l'avis du pédopsychiatre français Hubert Montagner, Directeur de la recherche sur les animaux de compagnie à l’INSERM en France (Institut national de la santé et de la recherche médicale), « la tendance est de passer trop vite du stade de la recherche fondamentale à celui de la recherche appliquée[27] ». Au lieu d’être prudent comme tout bon scientifique qui se respecte, au lieu de suivre les préceptes hypothético-déductifs propres à la science, au lieu de dire « si les animaux sont bons pour nous, nous devrions observer telle et telle chose », on dira, par exemple, sans aucune preuve autre que l'intuition, « il est maintenant établi que vivre aux côtés d’un animal de compagnie aurait des incidences positives directement pour notre santé[27] ».

Les contradictions et les informations erronées

Hubert Montagner de l’INSERM, par exemple, est « convaincu que les animaux ont des effets bénéfiques sur le système immunitaire » et que « les enfants avec des animaux ont moins d’allergies que les autres[27] ». Une conviction réfutée par un nombre imposant d’études convaincantes : chez les vétérinaires, par exemple, qui sont exposés sur une base quotidienne à des animaux de toutes les espèces, les allergies sont fréquentes[28]. Selon un document publié par le Réseau québécois de l’asthme et des maladies pulmonaires obstructives chroniques, 65 % des personnes qui souffrent d’asthme ont une allergie aux animaux[29]. Quant aux enfants, les allergies au hamster et autres rongeurs qui leur sont couramment achetés pour des raisons récréatives et pédagogiques sont particulièrement virulentes[30]. Enfin, les allergies aux animaux sont un frein significatif à la consommation et une cause non négligeable d’abandons[31].

Les conclusions hâtives et contradictoires, voire les faussetés, comme celles avancées par M. Montagner sont monnaie courante dans ce domaine. Sur le site Internet de la Chambre syndicale des Fabricants d’aliments préparés pour chiens, chats, oiseaux et autres animaux familiers (FACCO), à la page sur les bienfaits de la zoothérapie, par exemple, on trouve des informations erronées comme celle-ci : « 75 % des compagnons à quatre pattes sont possédés par des personnes âgées vivant dans des établissements […][32]. » Or, les plus grands consommateurs de zoothérapie sont dans cet ordre, les familles avec enfants, les couples sans enfants et enfin les personnes seules, notamment les étudiants. Les personnes âgées sont en nombre les consommateurs de zoothérapie les moins importants[33].

Des biais multiples

Plusieurs affirmations de l’industrie s’appuient sur des études mal faites et peu significatives statistiquement. Le nombre de sujets à l’étude ainsi que la durée de l’étude ne sont pas significatifs; les sujets étudiés sont volontaires au lieu d’être choisi au hasard; les faits concomitants comme l’importance des passe-temps et du réseau social des sujets à l’étude, voire leur hygiène de vie sont ignorés; l’opinion des accompagnateurs d’animaux-thérapeutes sur l’efficacité de leur intervention est prise au pied de la lettre[34]. Ces facteurs occasionnent des biais évidents qui se traduisent par de nombreuses erreurs d’interprétation.

Des bienfaits de nature ésotérique

L’efficacité de la zoothérapie serait due aux animaux en soi qui posséderaient des propriétés uniques dont la nature n’est cependant pas précisée[25]. Or, cette allégation est infondée. Il est prouvé — sans équivoques — que des robots conçus à cette fin font aussi bien l’affaire avec les problèmes en moins (cette technologie qui se développe d’ailleurs principalement au Japon, à une vitesse éclair, va bientôt rendre obsolète l'usage des des animaux à cette fin)[35].

Les animaux n’ont aucun pouvoir magique. Certaines personnes âgées en maison de retraite, par exemple, ressentent un réconfort indéniable lors de la visite des chiens thérapeutes, mais ce regain de vie est surtout dû à l’enthousiasme suscité par la visite des accompagnateurs et tout le brouhaha qui l’accompagne ; certains accompagnateurs, les plus populaires, sont très habiles à faire de cet évènement une véritable fête. En d’autres mots, la visite de la famille, d’amis ou de bénévoles, les activités sociales organisées par le centre de retraite sont aussi efficaces, sinon plus, car rien n’est plus intéressant pour des êtres humains relativement normaux que le contact avec leurs semblables.

L’effet placebo

Quelques études ont par ailleurs montré, comme c’est d’ailleurs le cas pour tous les biens de consommation, que cette forme de néopathie[36] s’estompe rapidement, une fois passé l’intérêt du nouveau. Les animaux ont un effet placebo indéniable chez environ 30 % des gens, comme tous les autres placebos, à une différence près : contrairement à la prière et au cachet de sucre, les animaux sont des êtres vivants qui ne répondent pas toujours aux caprices et aux attentes de leurs maître. Un fait qui expliquerait en partie le nombre phénoménal d’abandons. Selon un sondage réalisé en 2008 par la firme Léger Marketing, les Québécois, par exemple, ont fait détruire en 2007, 575 000 chiens et chats, soit 25 % d’un cheptel de 2,3 millions[37]. Ces chiffres n’incluent ni les animaux exotiques, qui sont aussi nombreux que les autres catégories d’animaux de compagnie, ni les animaux qui sont détruits au tout venant dans les cliniques vétérinaires et ni ceux qui meurent de leur belle mort. En comparaison, au Québec, chez les humains, on dénombrait en 1998, 55 000 décès toutes causes confondues dans l’ensemble de la population québécoise, soit 0,78 % de la population par année, c’est-à-dire 32 fois moins que le nombre d’enfants abandonnés dans les fourrières pour être détruits. « Des chiffres, selon l’Association des médecins vétérinaires du Québec, qui ont de quoi laisser perplexe (sic)[38] ».

La pression des groupes d’intérêt

Parfois les propriétaires eux-mêmes des centres de delphinothérapie ou d’équithérapie, par exemple, s’improvisent chercheurs sans la moindre qualification pertinente autre qu’une licence en psychologie, par exemple, et encore; les données sont compilées par les employés de ces centres puis analysées par les propriétaires eux-mêmes, avec les biais multiples que la situation implique. Les chercheurs de l’extérieur venus pour faire leurs propres études font parfois face au courroux du personnel et des propriétaires de ces centres qui n’aiment pas, pour une raison ou une autre, qu’on vienne se mêler de leurs affaires[39].

Le manque de transparence

Les documents produits sont ensuite publiés, notamment dans des revues comme Anthrozoös, la plus connue, une revue à comité de lecture. Celle-ci appartient à la Société internationale pour l’anthropologie (International Society for Anthropology), une société affiliée à Waltham-Mars, l’un des plus importants fabricants d’aliments pour animaux[40]. Anthrözoos publie volontiers des articles qui mentionnent la maltraitance des dauphins, par exemple, ou des articles sur les problèmes méthodologiques, mais ne publie aucune étude, et ce, depuis son lancement en 1987, sur les méfaits et les dangers de la zoothérapie sur autrui, les animaux de compagnie et la nature. Ceux-ci ne sont pourtant pas mineures[41].

Les fausses études

Certaines études qui servent de promotion à l’industrie n’ont jamais été publiées dans une revue scientifique. C’est le cas, notamment des études de David Lee sur l’importance de la zoothérapie dans les prisons. Ces études qui ont eu une influence majeure sur l’opinion publique, rapportent Beck et Katcher, cités ci-dessus, « ont été montées en épingle par les médias à partir de films documentaires, de communiqués personnels ou de documents internes, fournis par les chercheurs eux-mêmes et qui n‘ont donc jamais été soumis à la critique scientifique »[42]. Sur son site Internet, la FACCO cite des « études » présentées dans des conférences internationales organisées par des associations fédérées appartenant à cette industrie. Il n’est pas spécifié, par contre, si ces études ont été publiées dans des revues scientifiques en bonne et due forme[43].

L’implication prépondérante de la psychologie

Les théoriciens et les promoteurs les plus en vue de ce champ d’études, comme feu Boris Levinson, le père de la zoothérapie moderne, appartiennent tous au domaine de la psychologie. Ce qui soulève un problème de crédibilité et de compétence, car la psychologie en général ne suit pas les critères de scientificité. Selon Jacques Forget, vice-doyen à la recherche en sciences sociales à l’Université du Québec à Montréal, « une psychologie qui se prétend scientifique devrait utiliser une méthode de recherche scientifique. Toutefois, dans bien des cas, on préfère s’appuyer sur l’autorité. […] De plus, en psychologie professionnelle, c'est la recherche qualitative qui est souvent privilégiée; […] Pourtant, et en dépit de son intérêt, l'estimation qualitative ne peut remplacer la recherche quantitative, basée sur des données probantes et reposant sur de nombreuses expériences ou études[44]

Ces nombreuse lacunes soulèvent une forte suspicion de non-neutralité, voire de malfaisance. Or, les citoyens ordinaires n’ayant aucune connaissance scientifique ou très peu sont incapables de faire la part des choses. En d'autres mots, l’industrie joue sur l’ignorance et les émotions du public en lui promettant des résultats mirobolants via la publication de données scientifiques inexactes ou trompeuses[45].

La delphinothérapie

En 1998, puis en 2007, les scientifiques Marino Lori et Lilienfield Scott, les plus grands spécialistes au monde des dauphins, ont dénoncé dans les médias grands publiques, la piètre qualité de la recherche sur les bienfaits thérapeutiques des dauphins sur les enfants autistiques[46]. Selon Lori et Scott, « cette thérapie n’offre aucune amélioration palpable dans l’état des enfants atteints d’un déficit mental. […] fréquemment associée à des blessures et à des infections, cette thérapie est aussi dangereuse pour les enfants que pour les dauphins qui font l’objet d’une chasse effrénée, aussi méconnue que cruelle[47] ». Les rares études fiables comme celles qui sont répertoriées par Tracy Humphries sont unanimes : nager avec les dauphins n’améliore pas la condition psychologique des autistes ni de qui que ce soit d'ailleurs[48].

Les « études » servant à étoffer les bienfaits allégués des autres espèces comme le cheval ne sont, quant à elles, guères plus édifiantes[49].

Et il n'y aucune raison de croire dans l'état des choses que les autres espèces, comme les chiens qui sont de plus en plus employés à cette fin, sont plus efficaces.

Danger pour les enfants

Les blessures infligées par des animaux sont un danger pour les jeunes enfants. Aux États-Unis, par exemple, il y a plus de 5 millions de morsures rapportées par année[50]. Et selon le Centre de documentation et d’information de l’assurance (France CDIA), il y aurait 500 000 cas de morsures déclarés en France, entrainant 60 000 hospitalisations par année[51]. Ne sont pas inclus dans ces chiffres les incidents mineurs qui ne nécessitent pas de soins ou qui ne font pas l’objet d’une plainte, par exemple, lorsque la victime est le maître ou un membre de sa famille. Selon la scientifique américaine Bonnie Beaver, Il est possible que le nombre réel de morsures soit 50 fois plus élevé que le nombre rapporté[52]. Il n’existe aucune statistique relativement aux blessures ou aux agressions attribuables à d’autres espèces, comme le dauphin, le chat, le perroquet, le cheval, les rongeurs, les lagomorphes, le furet, l’iguane, des animaux qui peuvent infliger des blessures parfois très graves. La plupart des victimes sont des garçons de moins de douze ans et le visage est la cible la plus fréquente. Les chiens de type molossoïdes comme le pitbull sont loin d'être les seules races dangereuses. Mme Dinoire la première greffée du visage a été mordue par un labrador.

Aide à la guérison des enfants sous chimiothérapie

Que certains enfants sous chimiothérapie semblent manifester une anxiété moindre et une meilleure attitude en présence d’un animal, état attesté par un taux de cortisol sanguin réduit — une mesure empirique de l’état d’anxiété —, est une observation intéressante en soi, a priori, mais qui ne dit rien sur son lien avec la présence d’un animal. Cette réduction de l’anxiété pourrait aussi provenir d’une manifestation d’intérêt plus grande pour l’enfant ou par la présence d’une personne rassurante envers qui l’enfant éprouve de bons sentiments. L’usage d’un jeu, par exemple, ou la présence d’un ami ou d’un parent, pourraient aussi bien faire l’affaire, sinon mieux, car ce ne sont pas tous les enfants qui sont à l’aise avec un chien ou un autre animal. Pour être valide, ce genre d’observation anecdotique doit être corroboré par une étude conçue selon un protocole standard afin de mesurer le lien de cet effet anxiolytique avec l’animal lui-même (tenant compte de sa durée au quotidien et des visites subséquentes). Pour bien faire, il faudrait également faire une étude de ce genre pour étudier la corrélation entre la présence d’un animal et le taux de survie de l’enfant, études qui n’existent pas.

Le danger des zoonoses

Il est imprudent d’introduire des animaux sur une base régulière dans les hôpitaux pour enfants, les unités de soins palliatifs et les résidences pour personnes âgées. Ces institutions sont notoirement aux prises avec un problème de contamination et de maladies nosocomiales? Les risques de contagion sont réels pour une population par définition vulnérable[53]. La plupart des pandémies d’envergure nous viennent des animaux domestiques. Plus de 60 maladies des chiens sont transmissibles aux humains, et des centaines d’autres par les autres espèces[54].

La popularité des animaux de compagnie semble atteindre un seuil critique qui fait craindre une explosion de maladies contagieuses. C’est à tout le moins ce que pense le Dr Faulkner, un vétérinaire américain spécialiste des zoonoses, qui écrit : « Des anticorps contre Yersinia pestis, l’agent de la peste bubonique ont été trouvés chez le chien. Avec l’augmentation de la densité des populations chez les humains, les chiens et les rats et la multiplication de leurs puces se trouvent réunies toutes les conditions favorables à une épidémie explosive de la peste[55]. »

Contribue à la bonne forme physique

Qu’un chien soit vecteur de bonne santé grâce notamment à l’exercice que son maître doit forcément faire pour le sortir faire ses besoins et s’occuper de lui semble aller de soi à première vue du moins. Mais cette impression est trompeuse.

Si un chien peut obliger son maître à sortir régulièrement, une étude randomisée à double insu du professeur Mike Kelly de l’Université Greenwich aux États-Unis (étude quantitative) a montré que la promenade sans chien est beaucoup plus bénéfique pour la santé. À cause des arrêts pipi fréquents, le cœur n’est pas suffisamment stimulé pour en retirer un bénéfice. Après seulement 14 semaines, le poids, le taux de cholestérol et la pression sanguine de ceux qui se promenaient sans chien étaient beaucoup moins élevés que ceux de l’autre groupe de sujets qui se promenaient avec un chien. La santé générale du groupe sans chien était bien meilleure que celle du groupe avec chien[56].

Ce ne sont pas, par ailleurs, tous les propriétaires qui sortent leur chien. Bon nombre d‘entre eux lui font faire ses besoins sur leur terrain, dans la cour ou dans la maison sur une couche de bébé ou dans une litière pour ce qui est des petits chiens. Un certain nombre de propriétaires ne sortent jamais leur chien et ne réussissent jamais à entrainer leur chien à la propreté. Les problèmes de propreté sont d’ailleurs une cause fréquente d’abandon. D’autre part, beaucoup de chiens sont attachées à une chaine ou enfermés dans un enclos ou une cage, notamment les chiens de garde et de chasse qui sont nombreux dans les pays cynégétiques comme la France. Enfin, les gens qui en ont les moyens délèguent cette tâche à des promeneurs de chiens professionnels.

Des observations confirmées par une étude épidémiologique de grande envergure sur 21 000 personnes (2006), l'une des très rares études quantitatives indépendantes de l'industrie, et qui n'a pas été publiée dans l'un des périodiques scientifiques appartenant à l'industrie. Les scientifiques finlandais Koivusilta Leena K. et Ojanlatva Ansal ont montré que les propriétaires d’animaux sont plus souvent malades. En outre, ils font moins d’exercices que la moyenne : 26 % de ceux qui possèdent des animaux de compagnie font de l’embonpoint, contre 21 % des gens qui n’en ont pas. Quant à l’exercice, 16 % des propriétaires d’animaux en faisaient moins d’une fois par mois, contre 2 % des autres. Le risque de problème de santé est de 10 à 20 % plus élevé, même en tenant compte de facteurs comme l’âge ou le niveau socioéconomique. Il s’agit d’une augmentation du risque considérable, comparable à celle qu’ont les célibataires, les veufs et les divorcés[57].

Favorise les liens sociaux

Il est couramment admis qu’un animal en incitant son propriétaire à sortir, en créant des points communs, pendant les temps morts, peut favoriser les relations sociales. Or, un animal n’incite pas obligatoirement son propriétaire à sortir et à faire plus d’exercice, et qui plus est, les gens ne sont pas forcément intéressés par ce genre de relation sociale. Selon une enquête FACCO-SOFFRES (1998), 22 % des gens, par exemple, achètent un chien pour se protéger des autres. Raison de plus, le chat est plus populaire que le chien et celui-ci ne sort presque jamais de ses appartements. Enfin, comme le dit le sociologue français Jean Yonnet, « la présence d’un animal dans la rue peut tout autant faire obstacle à une rencontre fortuite que la favoriser. Dans les faits, le meneur de chien doit souvent se tenir loin des autres à cause de la peur qu’il suscite (présence d’enfants, d’autres chiens incompatibles, peur des allergies, peur des chiens)[58]. »

Cette raison à peu de poids pour d’autres raisons. Selon un sondage Ipsos Reid (2006) publié dans la Revue vétérinaire canadienne, environ une famille sur deux possède un animal. Et sur ce nombre, seul 20 % possède un chien[59]. Si on soustrait à ces chiffres, les facteurs énumérés ci-dessus, le bassin de gens susceptibles de se servir d’un chien pour nouer des relations sociales est minuscule quoi que non négligeable, car ces derniers peuvent avoir un impact négatif significatif, aussi bien sur la faune, la flore et la paix civique que les animaux.

Divagation et destruction des habitats

Le patrimoine naturel de l’humanité est dangereusement menacé par la popularité de la zoothérapie. Aux États-Unis, où celle-ci est une religion, les citoyens se livrent, selon le mot du journaliste Michael Schaffer, à de véritables « guerres de chiens ». Ainsi, Fort Funstun, par exemple, une réserve naturelle près de San Francisco, la ville dont le nom fait référence à François D'Assise, le saint patron des animaux, est l’endroit où l’on retrouve la plus forte densité au monde d’animaux de compagnie . Les amoureux des bêtes y réclament le droit de laisser leurs chiens errer dans les parcs et les réserves naturelles, mettant ainsi en danger plusieurs espèces animales et botaniques en voie de disparition. En une seule journée, Schaffer a pu apercevoir plus de 400 chiens laissés en liberté pendant que leurs maîtres se livraient à une véritable kermesse pour célébrer l’entrée tant espérée de leurs amis à quatre pattes dans le panthéon de l’humanité[60]. Ce scénario se répète partout dans le monde où sévit la zoothérapie[61].

Le problème crottoir

Un sujet de grand mécontentement est le problème des déjections canines. Dans une grande ville comme Paris, les chiens déposent plus de dix tonnes de crottes par jour sur les trottoirs, dans les rues et les parcs. Sur une base d’élimination moyenne de 300 grammes de fèces et 0,5 litre d’urine par jour et par animal, les huit millions de chiens français déversent sur le sol de leur pays environ un million de tonnes de fèces (45 Titanic pleins) et 1 825 000 mètres cubes d’urine (80 Titanic pleins) par an. Aux États-Unis, avec une population d’environ 80 millions de chiens, on pourrait remplir 450 Titanic de matière fécale et 800 d’urine, par année. Ces chiffres « titanesques » n’incluent pas les excréments et la litière des autres espèces comme le chat — un animal désormais plus populaire que le chien — qui finissent aux poubelles et dans les toilettes. Certains maîtres ramassent les excréments de leur chien, religieusement, à l’aide d’un petit sac en plastique qu’ils jettent dans les poubelles publiques, ou à défaut, dans les massifs et les sous-bois. L’été, l’odeur qui se dégage de ces poubelles parfois remplies de crottes est pestilentielle[62]. Notons que chez les humains, le simple fait d’uriner dans un lieu public peut être passible d’une amende.

Favorise la bonne conduite des enfants

Cette raison est la principale cause de consommation. Les animaux étant généralement perçus comme des modulateurs de bonne conduite, les parents achètent des animaux à leurs enfants non seulement pour les mettre en situation de responsabilité, mais aussi en pensant que le contact avec un animal les aidera à devenir de meilleures personnes, plus tolérantes, compatissantes et généreuses; il est également admis qu’ils apprendront à mieux aimer et à mieux respecter les autres espèces et la nature[63].

Or, si la responsabilité d’un animal peut en théorie inciter certains enfants à être plus disciplinés et à mieux organiser leur temps en fonction des besoins de leur animal, l’histoire ne dit pas si en pratique ce ne sont pas les parents, notamment la maman, qui finissent éventuellement par assumer cette tâche à la place de l’enfant. Certains enfants sont fortement attirés par les animaux, mais aussi par une foule d’autres choses. L’intérêt pour un animal a des fortes chances de s’estomper avec le temps au fur et à mesure que l’enfant grandit et multiplie ses activités. Nombre d’enfants ont par ailleurs peur des animaux. On trouve de tout et son contraire à ce chapitre. Ce sont surtout l’exemple des parents et des figures d’autorités, les règles de discipline apprises au cours de l’éducation qui vont former le caractère des enfants plutôt que le contact avec un animal. En d'autres mots, si un enfant est bien élevé il sera foncièrement responsable aussi bien envers les animaux qu’envers autrui.

Les enfants élevés avec des animaux ne sont pas forcément meilleurs que les autres moralement et spirituellement. Au moins une étude a conclu le contraire[64]. Hitler, et tout le haut gratin nazi en général, avait une passion délirante pour les animaux, notamment de compagnie[65]. Dans Mon combat, Hitler attendri, écrit ceci : « Comme je prie l’habitude de m’éveiller tous les matins avant cinq heures, je pris l’habitude de m’amuser à mettre par terre de petits morceaux de pain dur ou de viande pour les souris qui prenaient leurs ébats dans la petite chambre et de regarder comment ces amusants petits animaux se poursuivaient à la ronde en se disputant ces friandises. J’avais dans mon existence déjà souffert de tant de privations que je ne pouvais que trop bien me représenter la faim et aussi la satisfaction des petits animaux[66]. » Son amour des animaux ne l'a pourtant pas empêché de commettre les pires atrocités de l'histoire. Plusieurs criminels endurcis aiment les animaux, alors que certains meurtriers en série sont reconnus pour s’être fait la main sur des animaux. Dans certains cas de violence conjugale, les animaux sont pris à partie par le mari violent. On trouve de tout et son contraire à ce chapitre. Ce qui indiquerait que les enfants ne puisent pas leur source de bonté et de méchanceté, tout comme le sens des responsabilités, dans le rapport aux animaux en soi. En d’autres mots, la qualité du rapport entre les humains et les animaux est un effet indirecte des règles apprises au contact d’autrui et des institutions au cours de l’apprentissage.

Si vous pensez par ailleurs que le rapport aux animaux peut apprendre aux enfants à mieux aimer les autres espèces et la nature, encore là, détrompez-vous. Le problème se situe dans le concept même d’animal de compagnie. Parfois, il peut être cruel d’être bon[67].

Ce qui est bon pour nous ne l’est pas d’office pour les animaux. Chaque espèce a en effet des besoins en nourriture et en espace, des modes de proximité et de hiérarchie avec les siens, une série d’activités qui lui sont propres. Ces prérogatives qui se sont développées au cours de plusieurs millions d’années d’évolution sont fixées dans ses gènes. Or, un animal domestique ne peut incarner ses prérogatives que partiellement, selon le bon vouloir de son maître et à l’intérieur des limites de sa captivité. Qu’il soit asservi par l’homme depuis plus ou moins longtemps, le chien sera toujours un loup dénaturé privé d’une bonne partie de ses instincts; le chat domestique, un prédateur carnivore en état plus ou moins permanent d’inhibition dépendamment de son degré de liberté; l’oiseau en cage, un être privé, comme les autres, de ses besoins les plus fondamentaux : aller et venir librement, explorer son territoire, socialiser avec ses semblables, maitriser ses distances avec les autres espèces, se reproduire et manger des aliments qui lui conviennent[68].

Un animal captif est presque toujours en déséquilibre. Plusieurs, les plus dociles, s’adaptent relativement bien sans subir trop de séquelles, apparentes du moins, mais de nombreux autres, s’ils ne sont pas abandonnés prématurément, développeront des mécanismes compensatoires de nature névrotique dus non seulement au manque des différents facteurs dont ils ont besoin pour s’épanouir, mais aux liens affectifs de dépendance totale auxquels ils sont soumis[69].

Il y a bien sûr des gestes d’affection dans ce rapport de domination, de supérieur à inférieur, mais comme l’explique le professeur Yi-Fu Tuan de l’Université Yale aux États-Unis, « ces gestes ne sont possibles que dans des relations inégales. Ce sont des gestes de condescendance et de paternalisme qui adoucissent l’exploitation en lui donnant un visage plus humain. Sans eux, il n’y aurait que des victimes. Ils soulagent la souffrance associée à la domination et à l’esclavage. La domination teintée d’affection produit un animal de compagnie[70]. »

Effets de la zoothérapie sur les animaux et la nature

Les soutiens financiers de l’industrie de la zoothérapie sont notamment accordés, en priorité, aux études sur les bienfaits de la zoothérapie sur le bien-être animal[71]. Or, les conditions de vie des animaux de compagnie s’apparentent bien plus à un esclavage qu’au paradis familial que les médias nous renvoient en boucle fermée. L’élevage des animaux domestiqués, toutes espèces confondues, se fait dans des conditions déplorables durant lesquelles beaucoup d'entre eux souffrent et meurent. Les croisements qu’on leur impose pour des raisons esthétiques ou commerciales les rendent vulnérables à toutes sortes de maladies débilitantes. La nourriture qu’on leur donne les expose à des carences qui les affaiblissent et les rendent malades. Leurs propriétaires ne leur accordent souvent qu’une attention minimale et les laissent seuls durant de longues périodes. Les soins médicaux et chirurgicaux qu’ils reçoivent, ainsi que l'abus vaccinal pour des raisons non-scientifiques, sont un autre sévice de plus vu de leur perspective cognitive limitée. Un grand nombre de ces animaux sont littéralement jetés puis détruits dans les déchetteries qui sont mises à la disposition des consommateurs. La situation est encore pire pour les animaux sauvages capturés, tels les oiseaux et les reptiles. Des commerçants de tout acabit leur enlèvent de force une liberté nécessaire à leur bien-être. Un grand nombre meurent dans d’horribles conditions durant leur transport vers les marchés lucratifs, faute de soins et de nourriture appropriée ou à la suite de mauvais traitements. Arrivés chez le consommateur, ils ne s’habitueront probablement jamais à être emprisonnés dans une cage à la merci du bon vouloir d’un maître omnipotent, souvent absent et négligent. Sans parler des retombées écologiques multiples et d’envergure planétaire[72].

Effets de la zoothérapie sur les humains

On peut considérer le rapport avec un animal de compagnie comme étant une forme soft ou édulcorée de domination de la même nature que la domination plus manifestement hard ou violente qui s’exerce envers, mais non exclusivement, les bêtes de rentes. En d’autres mots, cette domination aux visages multiples, et qui varie dans la forme à l’intérieur de ces deux pôles opposés, hard et soft, mais de même nature, est la négation pure et simple du respect et de l’amour au sens propre. Dès lors, la bonté et la méchanceté envers les animaux domestiques sont l’envers et l’avers de la même médaille.

Dans cette perspective, la relation avec les bêtes sert à entretenir de faux sentiments d’amour et d’amitié qui cachent, sous une apparente bienveillance, une volonté de contrôle et de domination qui se traduit par un sadisme parfois évident, mais le plus souvent qu'autrement d’une grande subtilité. Il suffit d’observer la façon dont certaines personnes se comportent avec leur chien. Regardez-les tirer sur la laisse, frapper et invectiver ceux qui font l’objet de leur affection. Regardez-les surtout leur imposer leur volonté. Les concours canins, hippiques et les cours d’obéissance à la télévision sont l’occasion rêvée de voir, sans censure, la banalisation de ce comportement[73].

L’engouement présent pour la zoothérapie, et le rapport aux animaux en général, donne à penser que l’amour au sens propre n’est pas le sentiment dominant, mais la violence et la cruauté sous différentes formes, certaines moins visibles a priori que d'autres. Le rapport entre les humains et les animaux est dans ce sens un révélateur d'authenticité criant de vérité.

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