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Marcel Weinum
Marcel WEINUM Nom de naissance WEINUM, Marcel Naissance 5 février 1924
Brumath (Bas-Rhin)Décès 14 avril 1942 (à 18 ans)
Stuttgart (Allemagne)Nationalité France Profession(s) collégien Marcel Weinum est né à Brumath, au nord de Strasbourg, le 5 février 1924. En septembre 1940, alors qu’il n’a que 16 ans, il crée à Strasbourg, dans une Alsace annexée de fait et quadrillée par les organisations nazies, le réseau de Résistance « La Main Noire ».
Constitué sans le soutien d’aucun adulte, structuré en cellules, doté d’armes et de locaux, spécialisé dans la contre-propagande, le sabotage, et le renseignement, ce groupe se compose en tout et pour tout de 25 jeunes de 14 à 16 ans, presque tous apprentis et fils d’ouvriers. Presque tous agissent à l’insu de leurs parents.
Jugé avec dix de ses camarades par un tribunal spécial à Strasbourg en mars 1942, il a été condamné à mort et décapité le 14 avril 1942 à Stuttgart, en Allemagne. Il venait d’avoir 18 ans. « Si je dois mourir, avait-il écrit à ses parents, je meurs avec un cœur pur[1]. »
La publication en octobre 2007 de l'ouvrage Marcel Weinum et la Main noire[2], avec une préface de Pierre Sudreau, Président de la Fondation de la Résistance et une introduction d'Alfred Grosser a permis d'appeler à nouveau l'attention sur le réseau de la Main noire, presque totalement tombé dans l'oubli, et de rendre enfin l'hommage qui leur était dû à Marcel Weinum et à ses compagnons de la Main Noire, dont seulement cinq étaient alors survivants.
Le parallèle entre le destin posthume de la Rose Blanche de Hans et Sophie Scholl et des jeunes de la Main Noire, eux aussi résistants en terre nazie, est à cet égard éclairant : « Si Hans et Sophie Scholl bénéficiaient d’une grande maturité, d’un haut niveau culturel et d’un environnement familial et intellectuel très favorable – leur père était lui-même un farouche opposant au régime nazi et leur professeur de philosophie, Huber, fut dès l’origine pleinement associé à leur démarche –, rien de tout cela pour les jeunes adolescents alsaciens, sans culture, sans soutien, sans référence. Mais où sont aujourd’hui en Alsace les lycées, les collèges qui commémorent leur sacrifice ? Où sont les livres, les expositions qui font vivre leur mémoire[3] ? »
Sommaire
Biographie de Marcel Weinum
Né à Brumath, au nord de Strasbourg, le 5 février 1924, Marcel Weinum est d’abord mis en nourrice dans la famille Lebold. Marcel Weinum est le fils de Robert Weinum, boucher, et de Mathilde Marie Schneider, qui s’établissent à Strasbourg-Neudorf en 1936.
Il suit les cours de l’école de la maîtrise de la Cathédrale. Après le certificat d’études, il devient apprenti-dessinateur. Lorsque Strasbourg est évacué à la veille de la guerre, la famille est dirigée vers la Dordogne. Elle revient en Alsace en août 1940.
Dès le mois de septembre, Marcel Weinum entreprend de créer un mouvement de résistance. À l’exception de Charles Lebold, son frère de lait, alors séminariste, les 25 membres du groupe sont tous âgés de 14 à 16 ans. Sur la proposition de Jean-Jacques Bastian, le réseau prend le nom de La Main Noire et se donne pour objet de combattre la mainmise allemande sur l’Alsace par des graffitis, des tracts, des écrits et des actes de sabotage.
Le groupe s’est procuré des grenades au Fort Hoche en vue de les lancer contre les vitrines des magasins arborant des emblèmes nazis. Le 8 mai 1941, Marcel Weinum et Albert Uhlrich sont sur el point de jeter leurs grenades contre des vitrines lorsqu’ils repèrent la voiture du Gauleiter Robert Wagner, en stationnement devant le restaurant de la Marne. Ils lancent deux grenades à main dans la voiture et prennent la fuite.
Le 20 mai 1941, Marcel Weinum et son camarade Ceslav Sieradzki, orphelin polonais membre de La Main Noire, quittent Strasbourg à bicyclette pour remettre à « Léo », agent de l’Intelligence Service travaillant au consulat britannique à Bâle, les plans des terrains d’aviation d’Entzheim et de Haguenau. Égarés par le brouillard, ils sont interpellés par des douaniers. Marcel Weinum blesse l’un d’eux. Tous deux parviennent à s’échapper, mais sont bientôt rattrapés près de la frontière et transférés à la prison de Mulhouse pour des interrogatoires. Ni l’un ni l’autre ne parle, mais ils sont trahis par un codétenu de Sieradzki. En juillet 1941, tous les membres du réseau sont arrêtés.
Dix de ses membres comparaissent du 27 au 31 mars 1942 devant le Tribunal spécial de Strasbourg. Weinum est défendu par Me Eber et Albert Uhlrich par Me Léon Rapp. Avec un extraordinaire sang-froid et un sens étonnant de la répartie, Weinum prend sur lui la responsabilité de toutes les activités de la Main Noire et, malgré l’ardent plaidoyer des deux avocats, se retrouve seul condamné à mort. « Je suis fier, déclare-t-il devant le Tribunal, de donner ma vie pour la France. » Le 13 avril 1942, en prison à Stuttgart, il apprend le rejet de son recours en grâce. Il est décapité le lendemain à l’aube.
Sa dépouille est enterrée au cimetière de Cannstatt. En 1949, elle a été transférée au cimetière du Polygone, à Strasbourg-Neuhof. Marcel Weinum a été nommé, à titre posthume, sous-lieutenant des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), chevalier de la Légion d’honneur, médaille de la Résistance avec rosette et croix de guerre.
La Main Noire
Une action très diversifiée
Dès octobre 40, la Main Noire multiplie sur les murs de Strasbourg croix de Lorraine et inscriptions patriotiques. À partir de novembre, l’organisation sabote installations de chemin de fer et postes de transmission de la Wehrmacht, pille les automobiles allemandes en stationnement, crève les pneus et récupère armes, papiers et bons d’essence. En décembre 40, la Main Noire commence à lancer des grenades contre les vitrines qui exposent le buste ou la photo de Hitler : plusieurs commerçants préfèrent dès lors prendre le risque de lourdes amendes plutôt que de voir voler en éclats leur devanture. Le groupe explore les fortins abandonnés de la ligne Maginot et y trouve toutes sortes de munitions – cartouches, grenades, dynamite – qui sont cachés près du domicile des parents.
Marcel Weinum loue en 1941 un appartement qu’il paie avec l’argent récolté lors des cambriolages de bureaux d’organisations nazies. Sur le mur, il affiche le drapeau français, le portrait du général de Gaulle et celui de Churchill. Équipé d’une machine à écrire, il rédige des tracts, le plus souvent signés « La Main Noire » : « Alsaciens, levez-vous pour la Révolution ! » ; « Nous voulons redevenir français » ; « Vive Churchill ! » ; « Vive la France ! » ; « Vive de Gaulle ! » ; « Les Allemands devront quitter la France » ; « Alsaciens, levez-vous pour le combat de la liberté ». Ces tracts sont éparpillés dans la rue, distribués dans les boîtes à lettres, collés aux murs des immeubles ou même expédiés par la poste à certaines personnalités allemandes.
En avril 1941, Weinum, Entzmann et Nicolle récupèrent dans un fort des stocks de munitions. Après un essai infructueux d’attentat au Palais des Fêtes, lors d’une manifestation de la Jeunesse hitlérienne (Hitlerjugend), Weinum et Uhlrich réalisent, le 8 mai 1941 – quatre ans jour pour jour avant la capitulation allemande –, leur attentat contre le Gauleiter Wagner, le plus haut représentant de Hitler en Alsace. Pendant des mois, la presse nazie ne souffle mot de l’attentat. Jusqu’au jour où le Gauleiter, exaspéré par la multiplication des actes de sabotage, réclame lors d’un discours public des mesures plus radicales « contre ceux qui en Alsace ont osé s’en prendre à la vie du représentant du Reich ».
Ceslav Sieradzki, orphelin polonais et premier résistant d'Alsace mort pour la France
Ceslav Sieradzki est né à Barr le 16 juillet 1925 de parents immigrés de Pologne, qui se sont installés dans cette petite ville à Barr en 1924. À la mort de leur mère, en 1932, les quatre enfants sont placés à l’Hospice des orphelins de la ville de Strasbourg.
En 1939, le jeune Ceslav entre en apprentissage chez un boulanger de Strasbourg. Depuis l’invasion de la Pologne, il est passionnément anti-nazi. Il rencontre Weinum alors que la Main Noire vient tout juste d’être créée. Afin de se rendre plus disponible, il quitte son poste d’apprenti boulanger.
Ardent et intrépide, il sera toujours le premier de La Main Noire dans les entreprises les plus risquées. Dès l’automne 1940, à la demande de Weinum, il passe la frontière suisse pour établir le contact avec le consulat britannique à Bâle. Arrêté à la frontière à son retour et incarcéré à Mulhouse, puis à Strasbourg, il y restera de fin décembre 1940 à avril 1941 sans jamais parler de la Main Noire.
En juillet 1941, lorsque les membres de la Main Noire sont tous arrêtés, le cas de Ceslav Sieradzki est traité par les nazis d’une manière très différente. À leurs yeux, il n’est qu’un « ex-ressortissant polonais », et donc un sous-homme. Le 12 décembre 1941 au matin, Ceslav Sieradzki est transféré de la Centrale de Kehl au camp de Schirmeck où ses camarades sont déjà prisonniers. Le même matin, au camp de Schirmeck, certains de ses amis le voient pourchassé par des kapos armés de gourdins : « Une loque humaine ensanglantée, la tête rasée, témoigne Jean-Jacques Bastian, est piétinée sur le gravier. Mais la frêle silhouette se relève, étend les bras et crie ‘’Vive la France’’. » Quelques heures plus tard, les haut-parleurs annoncent que Ceslav Sieradzki a été fusillé « pour cause de résistance ». C’est la première fois qu’est utilisé en Alsace par les nazis le terme de « résistance ». Ceslav Sieradski, orphelin polonais, est ainsi le premier résistant d’Alsace mort pour la France
En 2002, la mention « mort pour la France » a enfin été attribuée à Ceslav Sieradzki dont les restes, probablement incinérés au camp du Struthof, ne reposent dans aucune tombe. Le 8 mai 2004, une plaque « square Ceslav Sieradzki » a été apposée sur une place proche du lycée de Barr en présence du consul de Pologne.
Après le procès : l’incorporation de force
Le 14 avril, les 14 jeunes de la Main Noire qui n’ont pas été traduits devant le Tribunal et sont encore internés à Schirmeck apprennent l’exécution de Weinum. Douze d’entre eux sont libérés et immédiatement incorporés de force dans le Reichsarbeitsdienst (RAD), le service paramilitaire de travail du Reich. Leurs neuf camarades qui ont été jugés par le tribunal sont eux aussi enrôlés de force dans le RAD. Seuls restent à Schirmeck André et René Kleinmann. Après leur période de service paramilitaire, les jeunes résistants sont incorporés de force dans l’armée allemande.
Quelques exemples de leurs itinéraires : Jean-Jacques Bastian servira sous l’uniforme de la Wehrmacht en Russie, Ukraine, Lettonie et Pologne, et sera grièvement brûlé par un sous-officier allemand. Énucléé d’un œil, il subira plus de quarante opérations et greffes. Aimé Martin, envoyé de force en Allemagne, dérobera des pistolets et les transmettra à des groupes de résistants responsables de filières d’évasion de prisonniers. René Kleinmann participera le 6 février 1944 à une manifestation de jeunes Alsaciens dans un camp d’entraînement près de la frontière polonaise. Transféré à Strasbourg et passible de la peine de mort pour « démoralisation de l’armée allemande », il ne sera condamné qu’à un an de réclusion criminelle et renvoyé dans le bataillon disciplinaire de son unité. Il réussit à s’échapper en décembre 1944 et à rejoindre les lignes américaines dans la région d’Aix-la-Chapelle. René Meyer, âgé de 17 ans lors du procès, est incorporé de force dans l’armée allemande et porté disparu.
Notes et références
- ↑ Lettre de Marcel Weinum à ses parents, datée du 7 mars 1942. Cette phrase figure sur la plaque commémorative posée à l'entrée du collège Saint-Étienne à Strasbourg
- ↑ Gérard Pfister(dir.), Marcel Weinum et la Main Noire, avec un hommage de Pierre Sudreau, une préface d’Alfred Grosser, une introduction de Marie Brassart-Goerg et des textes de Marcel Weinum,Jean-Jacques Bastian,René Kleinmann, Aimé Martin et Albert Uhlrich – Éditions Arfuyen, 2007, collection les Carnets Spirituels, ISBN 978-2-845-90109-4
- ↑ Marcel Weinum et la Main Noire, Gérard Pfister : Une croisade des enfants contre le nazisme, p. 24
Bibliographie
- Faligot Roger, « La Rose et l’Edelweiss, ces ados qui combattaient le nazisme, 1933-1945 », La Découverte, Paris, février 2009, 384 p. (ISBN 978-2-7071-5420-0)
Liens externes
- Site des Éditions Arfuyen : biographie, petite anthologie et revue de presse sur Marcel Weinum
- Reportage video sur l'inauguration de la plaque à la mémoire de Marcel Weinum à l'entrée du collège Saint-Étienne, à Strasbourg.
- Inauguration de la plaque à la mémoire de Ceslav Sieradzki, à Barr
- Discours de Robert Grossmann à l'occasion de la remise de la Légion d'honneur à Jean-Jacques Bastian le 2 mai 2009, à l'Hôtel de Ville de Strasbourg
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