Véganisme

Véganisme
Un bus-restaurant végane à Londres. L'inscription au-dessus de la porte dit « Je veux être un poisson dans un monde végane »

Le Véganisme (ou veganisme) est un mode de vie fondé sur le refus de l'exploitation et de la cruauté envers les animaux. Au-delà de l'adoption d'un régime alimentaire végétalien, le véganisme condamne la consommation ou l'achat de tout produit issu d'animaux ou testé sur eux (cuir, fourrure, laine, soie, cire d'abeille, cosmétiques, loisirs, etc.). Par rapport au végétarisme et au végétalisme, qui désignent stricto sensu des régimes alimentaires, le véganisme vise plus largement un mode de vie rattaché à des choix moraux et politiques, comme ceux du mouvement des droits des animaux[1]. On nomme communément végane la personne qui opte pour le véganisme.

Sommaire

Origines

Le premier ouvrage mentionnant la possibilité de ne plus se nourrir de produits animaux date de 1910 : « No animal food » par Ruppert Wheldon[2]. Le terme Vegan a été conçu à partir des premières et dernières lettres de « Vegetarian » en 1944 par le co-fondateur de la Vegan Society, Donald Watson, après que la Vegetarian Society ait refusé de faire la promotion d’un mode de vie sans produits laitiers dans son magazine[2]. Le mot vegan est donc un néologisme issu de l'anglais, généralement orthographié « végane » en français.

Là où le mouvement de défense des Droits des animaux insiste sur la nécessité de ne plus faire souffrir les animaux (sans nécessairement condamner leur consommation) les véganes poussent leur éthique jusqu’à demander de ne pas les blesser, les exploiter, ou les tuer[3]. Certains auteurs ont appelé cette orientation un « appel à la compassion »[4].

La première Vegan Society aux États-Unis a été fondée en 1948 par Catherine Nimmo et Rubin Abramowitz. The American Vegan Society a été fondée par Hom Jay Dinshah (1933 - 2000) en 1960. Il a aussi créé le magazine Ahimsa (d'après le terme sanscrit ahimsa qui évoque la non-violence) qui fut appelé ensuite American Vegan. En 1975, le 23e World Vegetarian Congress organisé par Dinshah est généralement considéré comme l'événement qui a popularisé le végétarisme et le véganisme en Amérique du Nord.

Définitions et origine du terme

La Vegan Society propose une définition du véganisme :

« Le véganisme est le mode de vie qui chercher à exclure, autant qu'il est possible et réalisable, toute forme d'exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s'habiller, ou pour tout autre but[5]. »

Elle décrit les individus vegans ainsi :

« Un végane, c’est quelqu’un qui essaie de vivre sans exploiter les animaux, pour les animaux, les humains et la planète. Concrètement, les véganes excluent tous les produits d’origine animale de leur alimentation (viande, lait, œufs ou miel entre autres). Ils les évitent aussi pour se vêtir (cuir, laine, soie) ainsi qu’à toute autre fin[6]. »

Le véganisme comporte ainsi selon la Vegan Society une dimension écologique générale, au-delà de la préoccupation du bien-être animal.

Selon le directeur de l'Union végétarienne internationale toutes les occurrences du terme "vegetarianism" concorderaient jusqu'en 1847 pour désigner le refus de l'exploitation des animaux, qu'il s'agisse d'en consommer la chair, les œufs et le lait ou de les faire travailler[7] et le changement de définition serait dû à la Vegetarian Society, fondée par plusieurs représentants d'une branche de l'Église méthodiste (Bible christians)[8], qui auraient popularisé le terme "vegetarianism" dans un sens qui leur était propre : pour des raisons religieuses, ils ne consommaient pas de chair animale. Selon un auteur de la société végane française, il s'agit d'une dérive sémantique[9] et l'invention du terme "véganisme" permettrait donc de restaurer à nouveau le principe du végétarisme originel.

Mode de vie

Alimentation

Article détaillé : végétalisme.
Ingrédients de la nourriture végétalienne

Le végétalisme, ou végétarisme strict, est une pratique alimentaire qui, comme tout régime végétarien, exclut toute chair[10] animale (viande, poissons, crustacés, mollusques, etc.) ainsi que les produits dérivés des animaux (gélatine, etc.), et qui rejette, de surcroît, la consommation de ce qu'ils produisent (œufs, lait, miel, etc.). Si le végétalien ne consomme donc aucun aliment provenant du règne animal, il ne consomme, cependant, pas uniquement des produits du règne végétal. Il consomme aussi des champignons (règne des Mycota/Fungi), des bactéries (ex. : « bifidus ») et des substances qui ne proviennent pas du monde vivant (ex. : sel, calcium). Alors que l'Institut national de prévoyance et d'éducation pour la santé (INPES) affirme dans le livre « La santé vient en mangeant » qu'un régime lacto-ovo-végétarien peut être nutritionnellement équilibré[11], l'institut n'est pas du même avis concernant le végétalisme. Il écrit en effet que « ce type de régime rend très difficile la satisfaction des besoins en acides aminés indispensables, en fer, en calcium et en certaines vitamines. Le suivi d'un régime végétalien à long terme fait courir des risques pour la santé, notamment pour les enfants. »[12] Cependant, selon le rapport de 2003 de l'Association américaine de diététique et des Diététistes du Canada[13], un « régime végétalien bien planifié, de même que d'autres régimes végétariens, est adapté à tous les stades de la vie, y compris en cours de grossesse, pendant l'allaitement, la petite enfance, l'enfance et l'adolescence. » mais également que des compléments alimentaires peuvent être nécessaires[14]. En l'absence de vitamine B12, produite par des bactéries et présente dans la chair animale et les sous-produits animaux car les animaux d'élevage en sont nourris[15], dans l'alimentation végétale[16], la Vegan Society recommande également aux végétaliens, et donc notamment les véganes, de se suppléer en B12[17] et ce afin d'en éviter les carences[18],[19].

Vêtements

Un végane ne porte pas de vêtements ayant occasionné une souffrance animale (cuir, fourrure, soie...) ou provenant de leur exploitation (laine, alpaga, cachemire...), car ils sont souvent produits de façon intensive et dans des conditions de vie déplorables pour les animaux[réf. souhaitée].

Cosmétique

Un produit cosmétique végane ne doit contenir aucun ingrédient d’origine animale, y compris le lait, les œufs et le miel. De même, pour éviter la souffrance des animaux de laboratoire (chien, chat, lapins, singe, etc...), un végane n'utilise que des cosmétiques dont le produit fini et les matières premières qui le constituent ne sont pas testés sur les animaux.

Traitement des animaux

Des poulets élevés en batterie avant l'abattage

Il existe deux approches philosophiques de l’éthique concernant le traitement et la simple considération des animaux par les êtres humains, l’une est dite utilitaire (réformiste ou welfariste) et l’autre est fondée sur la notion de «droits naturels» (abolitionniste). La première est représentée par Peter Singer, l’autre par Tom Regan et Gary Francione. Dans l’approche soutenue par Singer, il est principalement question de la conséquence des actions alors que celle de Regan et Francione s’attache à l’éthique de l’action elle-même. Pour établir un parallèle : les promoteurs de la première approche diraient, par exemple, que mentir est une mauvaise action parce qu’elle pourrait rendre quelqu’un malheureux, ceux de la seconde que mentir est une mauvaise action par principe. Singer, par exemple, ne croit pas à des « droits naturels » que posséderaient les animaux. Les réformistes pensent qu’il faut peser les conséquences de l’action lorsqu’on fait souffrir un animal (ce qui fait que se nourrir d'un animal qui n'aurait pas souffert pourrait être acceptable), les abolitionnistes que les animaux ont le même droit moral à vivre librement qu'un être humain[20]. Les véganes engagés sont généralement plus proches de l’approche abolitionniste de Gary Francione que celle, réformiste, de Singer.

Le véganisme dans le mouvement végétarien

Pour nombre de véganes, leur choix est l'aboutissement logique de l'engagement d'origine au végétarisme. Mais beaucoup de végétariens ne se sentent pas capables, pour diverses raisons (impossibilité d'aller au restaurant, achats plus difficiles et plus longs, besoin de flexibilité etc.), de « relever ce défi »[21].

Le véganisme dans le monde

Une enquête de 2009 pour The Vegetarian Resource Group rapportait qu'1% des américains se disaient véganes[22]. En 2007, une enquête similaire indiquait que 2% de britanniques étaient véganes[23] alors qu'en 2005 The Times en comptait 250 000 et The Independent 600 000 en 2006[24]. Aux Pays-Bas, The Netherlands Association for Veganism compte 16000 véganes dans ce pays et en 2007 estime leur population à 0.1%[25]. Il n'y a pas de données sur la proportion de véganes en France. Une « société végane » a été créée à Paris en 2010 [26].

Critiques du véganisme

Peter Singer

Ingrid Newkirk, la présidente de PETA, trouve le véganisme peu adapté à la réalité et a une position welfariste : « Les puristes absolus devraient vivre dans une cave. Quiconque est le témoin de la souffrance des animaux et espère réduire cette souffrance ne peut soutenir que c'est tout ou rien. Nous devons être pragmatique »[27].

Peter Singer, philosophe et professeur de bioéthique à Princeton University, est le promoteur de la « Paris exemption » (l'exception parisienne)[28] qui défend la nécessité d'une certaine flexibilité dans certaines circonstances. En 2006, il déclare que le mouvement végane devrait être plus tolérant à l'égard des personnes qui utilisent des produits animaux, tant que ces dernières s'assurent que les animaux ont eu une vie décente[29] Bruce Friedrich, de PETA, déclare également qu'une adhésion stricte au véganisme peut devenir une obsession[30].

Ces prises de position reflètent une dissension au sein du mouvement pour les droits des animaux où s'expriment des perceptions différentes du statut des animaux. Les « abolitionnistes » représentant la partie qui milite pour un changement de paradigme sur le sort des animaux dans nos sociétés.

Bibliographie

En anglais

Ouvrages

  • Deep vegetarianism Par Michael Allen Fox
  • Cultural Encyclopedia of Vegetarianism Par Margaret Puskar-Pasewicz
  • The animal rights debate: abolition or regulation ? Par Gary L. Francione,Robert Garner
  • Call to Compassion: Reflections on Animal Advocacy from the World's Religions Par Lisa Kemmerer, Anthony J. Nocella
  • New age encyclopedia: a guide to the beliefs, concepts, terms, people, and organizations that make up the new global movement toward spiritual development, health and healing, higher consciousness, and related subjects par J. Gordon Melton, Jerome Clark, Aidan A. Kelly (p. 14 et p. 188)
  • Vegan: the new ethics of eating par Erik Marcus
  • Vegetarians And Vegans in America Today Karen Iacobbo, Michael Iacobbo, Praeger Publishers Inc, 2006.
  • Vegan Freak: Being Vegan in a Non-Vegan World, Bob Torres, PM Press, 2009.

Études

En français

Voir aussi

Notes et références

  1. (en)Interview de Gary Francione
  2. a et b Margaret Puskar-Pasewicz, Cultural Encyclopedia of Vegetarianism, ABC CLIO, LLC, 2010 [présentation en ligne], p. 239 
  3. Gary L. Francione,Robert Garner, The animal rights debate: abolition or regulation?, Columbia University Press, 2010 [présentation en ligne], p. 69 
  4. Lisa Kemmerer, Anthony J. Nocella, Call to Compassion: Reflections on Animal Advocacy from the World's Religions, Lantern Books, 2011 [présentation en ligne], p. 122 
  5. vegan Society, section Who whe are. Texte originel : «  Veganism is a way of living that seeks to exclude, as far as possible and practicable, all forms of exploitation of, and cruelty to, animals for food, clothing and any other purpose
  6. Vegan Society, FAQ What is a vegan
  7. John Davis, Extracts from some journals 1842-48 - the earliest known uses of the word 'vegetarian', publication Internet (section histoire du site de l'Union végétarienne internationale) disponible ici : http://www.ivu.org/history/vegetarian.html
  8. [1]
  9. Constantin Imbs végétarisme = véganisme dans "Végane", n° 1, novembre 2010, p. 3-5 disponible ici : http://societevegane.fr/pdf/magazine/vegane_02.pdf.
  10. Dans cette définition, le mot « chair » désigne toutes les parties comestibles d'un animal, y compris son sang.
  11. Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), « La santé vient en mangeant », Août 2002, p. 95. Consulté le 8 mai 2008.
  12. Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), « La santé vient en mangeant », Août 2002, p. 97. Consulté le 8 mai 2008.
  13. Position of the American Dietetic Association and Dietitians of Canada: vegetarian diets
  14. Journal of the American Dietetic Association, « Position of the American Dietetic Association and Dietitians of Canada: Vegetarian diets », Juin 2003, p. 748. Consulté le 8 mai 2008. Traduction en français (première page)
  15. Carole Drogoul, Raymond Gadoud, Marie-Madeleine Joseph et al.,, Nutrition et alimentation des animaux d'élevage, vol. 2, 2004=pages35 
  16. Health effects of vegetarian and vegan diets p.2 et 3
  17. What every vegan should know about vitamin B12, Vegan Society, 31 octobre 2003. Consulté le 10 avril 2008
  18. Donna Maurer, Vegetarianism: movement or moment?, Temple University Press, 2002 [présentation en ligne], p. 102 
  19. The Vegan Achilles Heel, A little can mean a lot--the truth about vitamin B-12
  20. Francione, Gary and Garner, Robert. The Animal Rights Debate: Abolition Or Regulation?. Columbia University Press, 2010
  21. Michael Allen Fox, Deep vegetarianism, Temple University Press, 1999 [présentation en ligne], p. 178 
  22. Duda, M.D. and Young, K.C. "Americans' attitudes toward animal rights, animal welfare, and the use of animals," Responsible Management, 1997, cited in McDonald, Barbara. "Once You Know Something, You Can't Not Know It: An Empirical Look at Becoming Vegan", Animals and Society, 8:1, 2000, p. 3.
  23. "Data tables", Department for Environment, Food and Rural Affairs, table 210, question F7, accessed February 1, 2011.
  24. "Donald Watson", The Times, December 8, 2005.
  25. "Wat is veganisme?", Nederlandse Vereniging voor Veganisme, accessed October 3, 2007.
  26. Journal Officiel
  27. Dan Fastenberg, « Weekday vegetarian », Time, 23 aout 2010
  28. Peter Singer et Jim Mason dans The Way We Eat, Rodale, 2006, pp. 282–283. L'expression "Paris exemption" (l'exception parisienne) a été inventée en 2004 par Daren Firestone, un étudiant de Chicago "One woman's quest to enjoy her dinner without guilt", Christian Science Monitor, October 27, 2004, p. 2
  29. "Singer says" + [2] et Francione and Garner, 2010, pp. 71–72.
  30. Friedrich, Bruce. "Personal Purity versus Effective Advocacy" et [3].

Liens Externes


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