- Toile d'araignée
-
Une toile d’araignée est un des types de pièges en soie que fabriquent les araignées pour capturer leurs proies. Si toutes les araignées fabriquent de la soie, toutes ne tissent pas de toile. Ce fil de soie (non gluant chez certaines espèces comme la tégénaire des caves) est à la fois un support chimique (de phéromones déposées par le mâle, ou la femelle, ou les petits) et un vecteur vibratoire.
On considère que l’usage initial de la soie était la fabrication du cocon pour protéger les œufs car les araignées considérées comme primitives ne tissent pas de toile.
Beaucoup d’araignées d’espèces fileuses femelles (genre Tegenaria notamment) laissent derrière elles un fil enduit de phéromone qui est presque systématiquement suivi par les mâles. (chez les araignées vagabondes, des signaux visuels remplacent ces signaux hormonaux olfactifs)[1]
Le fil transmet aussi très bien les vibrations. Ils alertent ainsi l’araignée sur le fait qu’une proie est tombée dans son piège ou qu’un mâle s’approche. L’araignée peut aussi détecter la position d’une proie immobile en impulsant une vibration à la toile et en analysant l’écho de cette vibration en retour. Chaque espèce produit des signaux particuliers par vibration de l’abdomen ou par vibration produite par les pattes, à la manière d’un doigt qui fait sonner la corde d'une guitare[1].
Deux araignées (épeire diadème) ont été envoyées par la Nasa dans l’espace dans le Skylab. Leurs premières toiles étaient très mal faites, mais après quelques jours d’adaptation à l’apesanteur, ces araignées ont à nouveau tissé des toiles normales[2].
La toile d'araignée a d'exceptionnelles qualités, surtout en termes de résistance, qui est 5 fois supérieur à celle de l'acier, et élasticité qui permet au fil de s'étirer jusqu'à 40% sans se rompre (réf. Science&Vie HS 253).
Sommaire
Types de toiles
Toile géométrique ou orbiculaire
Elle est constituée d'un cadre porteur en général vertical, de rayons et enfin d'une spirale en soie collante qui seule peut retenir les proies qui viennent heurter la toile en volant. L'araignée se tient à l'affut tête en bas au centre de la toile ou dans un abri en dehors de celle-ci. Alertée par les vibrations de la proie qui se débat, l'araignée accourt par les lignes sèches sur lesquelles elle peut se déplacer sans s'engluer elle-même.
Ce type de toile est tissé par environ 3000 espèces la plupart appartenant à l'ordre des Araneidae. Les toiles des Néphiles géantes de Madagascar atteignent 2m de diamètre et peuvent capturer de petits oiseaux ou des chauve-souris.
Tissage d'une toile orbiculaire
L'araignée lance d'abord un premier fil de soie dans le vent à partir d'un point élevé. S'il s'accroche quelque part, elle le tend le plus horizontalement possible. Elle parcourt ce fil en trainant un nouveau fil détendu qu'elle attache au bout du premier. Ensuite, elle retourne jusqu'au milieu du fil détendu et descend jusqu'à un troisième point d'ancrage en créant donc un troisième fil, vertical cette fois. Ces trois points forment un Y du centre duquel elle fait partir des fils "en rayon" qui vont lui permettre de localiser ses proies. Elle parcourt ensuite la toile en spirale du centre vers l'extérieur pour solidariser l'ensemble puis enfin elle commence à produire une soie collante et revient sur ses pas en dévorant le premier cadre spiralé qu'elle remplace par celui qui servira à piéger les proies. Dans sa partie la plus centrale, elle garde la soie sèche. Il arrive que certaines araignées tissent une nouvelle toile chaque nuit car la soie fraiche est un piège plus efficace. La vieille soie qui est constituée de protéines est réingurgitée. Le tissage d'une toile prend en général moins d'une heure.
Des expériences réalisées par le Pr. Peter N. Witt en 1965[3] ont montré les effets de différentes substances (métamphétamine, caféine, barbital, ...) sur la forme finale de la toile.
Toile en hamac
Un labyrinthe de fils de soie collante et non collante entrecroisés entre des herbes ou des branchages bloque un insecte qui s'y aventure en marchant ou sautant. Il finit par tomber dans le hamac qui est tissé dessous. L'araignée qui se tient tête en bas sous le hamac saisit alors la proie à travers la toile et répare cette dernière quand elle a fini son repas.
La rosée matinale dans une prairie révèle la grande densité des hamacs tissés par les Linyphiidae.
Les araignées sociales tropicales vivent en colonies dans d'immenses toiles de ce type qu'elles tissent en commun. Ces toiles en trois dimensions atteignent fréquemment le volume de 100 m³ et quelques cas de 1200 m³ ont été observés[4].
Toile en drap ou en entonnoir
Elle est constituée d'une toile horizontale qui mène par un entonnoir situé soit au centre soit à un angle, au refuge où se cache l'araignée.
C'est ce type de toile que tisse par exemple l'araignée domestique tégénaire dans les caves.
Toile-échafaudage
C'est un treillage de soie tissé en trois dimensions sans ordre apparent, avec une soie non collante. L'insecte qui se prend dans les mailles du filet repart en volant et se heurte à nouveau dans le treillis. En quelques secondes, l'araignée a localisé, neutralisé et emmailloté sa proie.
La toile presque invisible que tisse le Pholcus à l'angle de nos plafonds est de ce type.
Toile bioindicatrice
Dans les années 1960, des chercheurs ont exposé des araignées à de la caféine, pour voir si elles tisseraient leurs toiles en soirée plutôt qu’à l’aube. Ces araignées ont alors tissé une toile tout à fait anormale.
Plus tard, des expériences ont consisté à exposer des araignées domestiques à divers types de toxines (drogues, caféine, alcool...). Ces araignées ont toutes produit des toiles anormales, avec différentes anomalies, associées au type de toxine ; par exemple, après avoir été mise en contact avec de la marijuana l’araignée ne tissait qu’incomplètement sa toile, et pratiquement pas après une exposition à un somnifère (hydrate de chloral).
L’exposition au benzedrine n’inhibe pas la fabrication de la toile, mais l’araignée y laisse de gros trous et le tissage semble totalement fait au hasard. La caféine induit la production d’une toile où les fils semblent pour une large partie disposés au hasard ou tissés sans continuité avec le début de la toile. Des scientifiques de la NASA (Marshall Space Flight Center, Alabama) ont émis l’hypothèse qu’un logiciel analysant les toiles pourrait produire un indice bioindicateur du niveau d’exposition des araignées à certains polluants ou produits chimiques et pourrait être utilisé pour l’évaluation de la toxicité de certaines molécules[5],[6],[7],[8]. Plus la toxicité du produit est élevée, plus l’araignée laisse de manques dans sa toile[9].
Notes et références
- Film scientifique pédagogique intitulé Le Fil de la communication chez les araignées de 15 minutes daté de 1988, réalisé par Bertrand Kraft.
- (en) Page sur l’histoire de la Nasa présentant une expérience de tissage de toiles par des araignées en apesanteur
- [1] Peter N. Witt, Charles F. Reed - 1965. Spider-Web Building in Science 10 September 1965: 1190-1197.
- Pasquet A & B Krafft - 1989. Colony distribution of the social spider Anelosimus eximius (Araneae, Theridiidae) in French Guyana. Insectes Sociaux 36 : 173-182.
- From issue 1975 of New Scientist magazine, 29 April 1995, page 5
- Images de toiles faites par des araignées exposées à 3 toxines (marijuana, caféine, benzedrine)
- Peter N.Witt & Jerome S. Rovner, Spider Communication: Mechanisms and Ecological Significance, Princeton University Press -1982.
- Autres illustrations (toiles tissées par des araignées exposées à du LSD, de la mescaline, du hachich, de la caféine)
- It appears that one of the most telling measures of toxicity is a decrease, in comparison with a normal web, of the numbers of completed sides [of a web]; the greater the toxicity, the more sides the spider fails to complete ». Paul Hillard, spécialiste araignée au Natural History Museum de Londres : «
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Les araignées - Barbara Taylor. Edition du Korrigan. ISBN 2-7434-1868-0
- Araignées, Portait du monde animal - Paul Sterry. PML Editions. ISBN 2-7434-0552-X
Liens externes
- Animation montrant comment l'épeire diadème crée sa toile, sur le site de l'espace des sciences de Rennes
Wikimedia Foundation. 2010.