- Theoreme de Hille-Yosida
-
Théorème de Hille-Yosida
En théorie des semi-groupes, le théorème de Hille-Yosida est un outil puissant et fondamental reliant les propriétés de dissipation de l'énergie d'un opérateur non borné
à l'existence-unicité et la régularité des solutions d'une équation différentielle (E)
.
Sommaire
Semi-groupes
La théorie des semi-groupes doit son origine à l'étude du flot d'une équation différentielle ordinaire autonome en dimension finie ainsi que de l'exponentielle d'opérateurs.
Définitions
- Soit X un espace de Banach; on dit que la famille d'opérateurs linéaires
est un semi-groupe (fortement continu) si :
- (i)
- (ii)
- (iii)
- (iv)
La condition (iv) est équivalente à ce que
. Si on remplace (iv) par (iv) * :
on dit que
est uniformément continu.
On retrouve (vaguement) avec cette définition la notion de famille à un paramètre de difféomorphismes bien connue en théorie des EDO.
- On définit le générateur infinitésimal (A,D(A)) d'un un semi-groupe fortement continu
comme l'opérateur non borné
où:
Dans le cas où D(A) = X et
la famille d'opérateurs
(définie classiquement par sa série) est un semi-groupe fortement continu de générateur infinitésimal A: c'est pourquoi on note parfois abusivement S(t) = etA.
- On dit que le semi-groupe
est de contraction si
.
Propriétés des semi-groupes de contraction
- Théorème 1: soit X un espace de Banach,
un semi-groupe de contraction sur X et (A,D(A)) son générateur infinitésimal. Alors:
- (i)
le flot
- (ii)
et
, le flot
et vérifie x'(t) = Ax(t)
- (iii) (A,D(A)) est fermé de domaine dense.
- Théorème 2 (caractérisation des générateurs infinitésimaux): soit
un opérateur non borné sur X. On a l'équivalence:
- (i) (A,D(A)) est le générateur infinitésimal d'un semi-groupe de contraction
- (ii) D(A) est dense et pour toute condition initiale
il existe une unique solution
de (E).
De plus sous cette hypothèse la solution x(t) est à valeurs dans D(A) et vérifie
ainsi que
(inégalités d'énergie).
On commence à voir apparaître le lien entre le problème (E) et la notion de semi-groupe. Pour préciser, il faut maintenant introduire la notion d'opérateur dissipatif.
Opérateurs dissipatifs
Définitions
- Un opérateur (A,D(A)) est dissipatif si
0, ~ ||x-\lambda Ax|| \geq ||x||" style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/49/1f47f6c204702ac6f9e2c71ff3babd35.png" border="0">. Dans le cas où X = H est hilbertien on montre que A est dissipatif si et seulement si
H) \leq 0" style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/100/decd3bec9aa5182dee959c78f1dd2bd8.png" border="0">.
Remarque: Si (A,D(A)) est un opérateur dissipatif alors
0" style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/101/e49451520a02ccc94d3892f1924d11a7.png" border="0"> l'opérateur (Id − λA) est injectif car
.
- Si de plus
0, ~ Id - \lambda A" style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/98/b9436ddb4bf2b99da97cb08e5bfee1db.png" border="0"> est surjectif on dit que (A,D(A)) est maximal-dissipatif (ou m-dissipatif). On peut montrer que
0, ~ Id - \lambda A ~ \text{surjectif} \Leftrightarrow \exists \lambda_0 ~ tq ~ Id - \lambda_0 A ~ \text{surjectif}" style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/99/c2bc6c2bcf5e90a87b56246bb71ec7e6.png" border="0">. En pratique pour montrer qu'un opérateur est m-dissipatif on montre d'abord à la main qu'il est dissipatif et on résout ensuite un problème variationnel pour une valeur λ0 bien choisie (par exemple avec le théorème de Lax-Milgram, voir exemple de l'équation de la chaleur traité plus bas).
Dans ce cas l'opérateur (Id − λA) est un isomorphisme (a priori non continu) de L(A,X) et on note Jλ = (Id − λA) − 1. De plus, comme
,
. Nous allons voir que cette propriété de continuité peut être améliorée (on va rendre moins fine la topologie sur (D(A), | | . | | X) en munissant D(A) d'une norme | | . | | D(A)).
Propriétés des opérateurs m-dissipatifs
Prop 1: si (A,D(A)) est m-dissipatif alors c'est un opérateur fermé.
Corollaire 1: pour
on pose | | x | | D(A) = | | x | | X + | | Ax | | X. Alors | | . | | D(A) est une norme pour laquelle D(A) est un espace de Banach et
.
Prop 2: si H est un espace Hilbertien et
est m-dissipatif alors il est à domaine dense.
Prop 3: réciproquement si
est de domaine dense, dissipatif, fermé et tel que son adjoint (A * ,D(A * )) est dissipatif alors (A,D(A)) est m-dissipatif.
Corollaire 3: toujours dans le cadre hilbertien
- (i) si (A,D(A)) est dissipatif autoadjoint à domaine dense alors il est m-dissipatif
- (ii) si (A,D(A)) est antioadjoint à domaine dense alors il est m-dissipatif
Remarque: dans (ii) la condition de dissipativité n'est pas nécessaire car (A,D(A)) autoadjoint entraîne que < Ax,x > H = 0 donc la dissipativité, voir l'exemple de l'équation des ondes plus bas.
Théorème de Hille-Yosida
Enoncé
- Théorème 3 (Hille-Yosida): soit X un espace de Banach et
un opérateur non borné. On a l'équivalence
- (i) (A,D(A)) est m-dissipatif à domaine dense
- (ii) (A,D(A)) est le générateur infinitésimal d'un semi-groupe de contraction
Le point (i) du théorème précédent peut être réécrit en termes de résolvante : (i') (A,D(A)), opérateur fermé à domaine dense, vérifie
et
0 \; \|R_\lambda\| \leq \frac{1}{\lambda} " style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/102/fbbe8f1270b16ec8a2b960b9e7ec8c8b.png" border="0">.
Ainsi sous ces hypothèses et d'après le théorème 2 pour toute condition initiale
il existe une unique solution forte
dans
. Lorsque la condition initiale est prise quelconque dans X on a une solution faible
de classe seulement
( et on montre que toute solution faible est limite dans X de solutions fortes).
Régularité des solutions
On constate que la régularité de la solution est étroitement liée au choix de la condition initiale en fonction du domaine de A: il est donc naturel de penser qu'en imposant plus de "régularité" à x0 on obtienne plus de régularité sur les solutions. Plus précisément on pose pour
. Alors on a le
Théorème 4: on peut munir les D(Ak) des normes
pour lesquels ce sont des espaces de Banach. De plus si la condition initiale
alors la solution est de classe
et
pour i = 1...k et au sens des topologies précédentes.
Exemples
L'équation de la chaleur
On se donne Ω un ouvert borné de classe
de
et on cherche à résoudre l'équation de la chaleur
sur
pour une condition initiale donnée. On peut réécrire cette EDP sous la forme d'une EDO y'(t) = Ay(t) en posant X = H = L2(Ω),
et en définissant (A,D(A)) par
et
pour tout
. Nous sommes dans le bon cadre pour utiliser la théorie des semi-groupes et le théorème de Hille-Yosida; reste à montrer que l'opérateur A est m-dissipatif. Il est bien connu que le laplacien est un opérateur autoadjoint (on a
H=\int_{\Omega}(\triangle u)v = -\int_{\Omega}\nabla u . \nabla v=\int_{\Omega}u(\triangle v ) = _H" style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/102/f63b1652d859a380446a18a222117a51.png" border="0"> par double intégration par parties) et que D(A) est dense dans L2(Ω), il suffit donc de montrer qu'il est dissipatif ou de façon équivalente que
H) \leq 0" style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/53/5b22f9f21cfc7f04d85d964aa7a08530.png" border="0">. Or tout
est de trace nulle, donc en intégrant par parties
H)=-\int_{\Omega}||\nabla x||^2_{\mathbb{R}^n} \leq 0" style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/101/e81dee93ecc2a0e78a1950070c29d381.png" border="0">. Le corollaire 3 et le théorème de Hille-Yosida permettent enfin de conclure quant à l'existence-unicité et la régularité des solutions. Remarquer que
H=2
_H \leq 0" style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/101/ee52b084ee2cf0e1e27d7cb7b707e684.png" border="0">: on retrouve bien sur le côté dissipatif et irréversible de l'équation de la chaleur. L'équation des ondes
L'équation des ondes homogène se formule dans un domaine Ω suffisamment régulier (c'est-à-dire
en pratique) et sur un intervalle de temps [0,T) (avec T > 0) selon
On se place dans la théorie des semi-groupes en mettant l'équation précédente au premier ordre en temps. On pose alors
,
(avec v = u' ) et
l'équation devient alors
.
Le domaine du Laplacien étant
, celui de
est
sur
. Les conditions initiales seront alors prises dans H.
Reste à vérifier que nous sommes bien dans les conditions d'application du théorème de Hille-Yosida :est dense dans H.
est fermé.
est dissipatif. Ce point mérite une preuve : on utilise la caractérisation (i') du théorème. Soient λ > 0 et
. L'équation résolvante s'écrit en (u,v)
d'où (λ2I − Δ)u = λf + g qui admet une unique solution dans
via Lax-Milgram (car d'une part λ2 > 0 et d'autre part les valeurs propres du Laplacien sont strictement négatives donc (λ2I − Δ) est un opérateur elliptique dont la forme bilinéaire associée vérifie les hypothèses du théorème de Lax-Milgram). Et alors v = λu − f est dans
.
L'estimation de l'opérateur résolvant Rλ vient du produit scalaire de ( * )2 par v en remplaçant u par sa valeur dans ( * )1:
D'où, puisque (u,v) = Rλ(f,g), on obtient l'estimation attendue. Le semi-groupe engendré par
est donc un semi-groupe de contraction.
- Portail des mathématiques
Catégorie : Théorème de mathématiques - Soit X un espace de Banach; on dit que la famille d'opérateurs linéaires
Wikimedia Foundation. 2010.