- Sénat de Savoie
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Le Sénat de Savoie - dit Souverain Sénat de Savoie - est une institution judiciaire, créée au lendemain du XVIe siècle par le duc de Savoie, Emmanuel-Philibert.
Sommaire
Création
Jusqu'au XVIe siècle, la justice sur les terres de la Maison de Savoie, en deçà des Alpes, est rendue par un Conseil suprême (conseil comtal) composé d'ecclésiastiques, de barons et de jurisconsultes. Ce dernier prend le titre de Conseil souverain sous le règne du comte Aymon de Savoie. Annexée en 1536 par la France, François Ier de France institue un Parlement installé au château de Chambéry et une politique « modéré(e) et respectueu(se) des droits et usages des populations », bien qu'il y ait eu aussi des abus[1]. Les attributions de ce parlement sont de dépouiller les sacs à procès et en réalité « allaient d'ailleurs plus loin encore ; par la voie juridique, il arrivait à se mêler de tout »[1].
En 1559, à la suite des traités du Cateau-Cambrésis, Emmanuel-Philibert rentre dans ses terres et instaure le Souverain Sénat de Savoie à Chambéry - constitué et confirmé par un édit du 11 février 1560 - qui subsista jusqu'à une nouvelle réunion à la France en 1792[2].
Le Sénat de Savoie fut installé dans le Couvent des Dominicains[3]. Le bâtiment du Palais de Justice (voir photographie ci-dessus) fut construit pour l'y installer ; encore en travaux lors de l'Annexion de 1860, ce bâtiment accueillit finalement la Cour d'Appel, dont la création destinée à remplacer le Sénat de Savoie, avait été négociée lors du traité d'Annexion.
L'historien Avezou résume ainsi son fonctionnement : « Ce corps de magistrats qui, pendant plus de deux siècles, incarna vraiment l'esprit de la vieille Savoie traditionaliste, travailleuse et raisonnable, fut un auxiliaire zélé (du duc) dans sa défense de l'État contre la propagande huguenote »[4].
Organisation et composition
Les Sénateurs furent choisis parmi les meilleurs juristes du duché, et notamment le plus célèbre d'entre eux, le sénateur Antoine Favre qui entra au Sénat en 1587 et qui en devint le président en 1608[5]^, ou Jean-Baptiste Castagnéry[6]. La nomination au Sénat était anoblissante.
L'organisation interne de cette institution fut initiée par l'État français dans un premier temps, sous la conduite du juriste Celse Morin, puis reprise et améliorée par des décisions des Ducs de Savoie. La délimitation des pouvoirs du Sénat de Savoie n'étant pas tranchée de façon rigoureuse, une grande liberté fut offerte aux sénateurs pour leur organisation interne. La création de cette cour de justice (qui décidait en dernier ressort), dotée d'un rôle politique, est un outil de centralisation du pouvoir en Savoie (cf. le rôle double du Conseil d'État).
Le Sénat de Savoie ayant acquis une souveraineté de par le Duc de Savoie, le premier président (nommé par le Prince parmi les sénateurs en poste) gouvernait[7] le duché en l'absence du représentant du Prince.
Lors de chaque session un cérémonial impressionnant et très précis fut décidé pour les apparitions en public, apportant au passage un grand prestige au Sénat et à ceux qui le composent.
Premiers présidents du Sénat de Savoie
Liste des premiers présidents du Sénat de Savoie[8]- 15 août 1559 - Catherin Pobel d'Ainières
- 22 novembre 1571 - Louis Milliet de Faverges
- 15 décembre 1580 - René de Lyobard du Châtelard
- 15 août 1585 - Charles Veillet
- 1 février 1598 - Charles de Rochette
- 1599 - Guillaume d'Oncieux[9]
1600 à 1601 : 2e occupation de la Savoie par les troupes françaises de Lesdiguières.
- octobre 1600 - Claude Lambert Marie de Portier, maître des requêtes
Retour aux États de Savoie :
- 20 juin 1610 - Antoine Favre
- 10 avril 1624 - Hector Milliet de Challes
1630-1631 : 3e occupation de la Savoie
- juin 1630 - Claude Expilly de la Poëpe
- 15 août 1643 : Janus d'Oncieu de Cognac
- 26 juin 1658 : Guillaume de Blancheville
- 21 avril 1659 : François Bertrand de la Pérouse - Il est indiqué parfois que Hector Millet fut lui aussi premier président du Sénat de Savoie en 1678.
- 10 avril 1680 : Janus de Bellegarde
- 27 mai 1687 : Horace Provona
- 21 février 1691 : Victor-Emmanuel de Bertrand de la Pérouse
1690 à 1696 : 4e occupation de la Savoie par les troupes de Louis XIV, menée par le Maréchal Nicolas de Catinat.
- 1699 : Jean-François Noyel de Bellegarde, fils de Janus[10].
1703 à 1713 : 4e occupation française
- 14 janvier 1704 - Antoine Guérin de Tencin
- 26 octobre 1705 - François Guérin de Tencin
Retour aux États de Savoie :
- 16 août 1713 - Antoine Gaud
- 15 septembre 1726 - Louis-Ignace Saint-Georges de Foglis
- 23 novembre 1739 - Horace-Victor Sclandi Spada
1742 à 1749 : Occupation espagnole.
- 23 avril 1749 - Claude Astesan
- 9 octobre 1764 - Jacques Salteur - Seconds présidents pour la période François-Xavier Maistre et Denis d'Arenthon d'Alex
- 9 juillet 1790 - César Lovera di Maria
1792 à 1815 : Annexion de la Savoie.
- 20 novembre 1792 - Joseph Curial
- 30 août 1814 - Louis-Aimé Gattinara di Zubiena
Retour aux États de Savoie :
- 5 mars 1816 - Vincent-Maria Busca della Rocchetta
- 31 décembre 1822 - Lazare Calvi
- 22 avril 1825 - Gaspard Michel Gloria
- 23 juillet 1831 - Joseph Pettiti
- 20 juillet 1844- 1848 - Jean-Baptiste Grillo
Circonscriptions
Le Sénat de Savoie était compétent dans les circonscriptions[11] (avec le siège du juge-mage) :
- de la Bresse, des Dombes et de la Valbonne (10 châtellenies). Siège : Bourg
- du Bugey (7 châtellenies). Siège : Rossillon
- du Chablais (17 châtellenies). Siège : Saint-Maurice-d'Agaune
- de la Novalaise (8 châtellenies). Siège : Voiron
- de la Savoie, qui regroupe les provinces de Savoie propre, de Tarentaise et de Maurienne (17 châtellenies). Mais en raison de la superficie, elle est divisée en deux districts, l'un avec la Savoie Propre et l'autre regroupant Tarentaise et Maurienne. Siège : Chambéry
- du Viennois (9 châtellenies). Siège : Saint-Georges-d'Espéranche
- d'Aoste (5 châtellenies). Siège : Châtel-Argent/Villeneuve
- de Suse (3 châtellenies). Siège : Suse
- après réunion à la Savoie en 1355, le Faucigny. Siège : Bonneville
Compétences
Compétence judiciaire
Le Sénat de Savoie est chargé de rendre la justice au nom du Duc de Savoie. Dans un premier temps, il fut essentiellement chargé du rôle de chambre d'appel des décisions du premier degré. Outre ce rôle de Juge de second degré, il fut également juge de cassation, en dernier ressort en matière criminelle, pouvant aller jusqu'à l’application de la peine capitale. Il fournissait une aide juridictionnelle gratuite aux plus miséreux dans le cadre de la réhabilitation de l’ancien Bureau des pauvres créé à l'origine par Amédée VIII.
Compétence administrative
En matière administrative, Il prit part à la réglementation de la sécurité générale, du respect des bonnes mœurs et de la police urbaine.
Compétence ecclésiastique
Il assuma un rôle de promulgation de décrets dans le cadre de ses relations avec le Saint-Siège de l’Église catholique romaine, afin de pallier l'ignorance de la hiérarchie ecclésiastique régionale.
Compétence législative
Par le biais de ses décisions prises dans le cadre de ses compétences initiales, très vite le Sénat de Savoie devint, dans les faits, une véritable chambre législative et constituante. La supériorité de ses décisions reconnue par l'ensemble des corps de métiers en rapport avec la justice, à savoir les huissiers, les avocats et les notaires, le Sénat apporta une jurisprudence civile abondante et cohérente, plus basée sur l'équité que l'application pure du droit décidée par les Ducs de Savoie surtout.
Rôle diplomatique
Le Sénat de Savoie pouvait exercer un rôle de remontrance[12]. Cette institution bénéficiait d'une importante confiance auprès du pouvoir central, dont il fut un des conseillers les plus écoutés et régulièrement consulté. Vivier de hauts fonctionnaires, les sénateurs remplissaient, lorsque les circonstances l'exigeaient, des missions diplomatiques de tout ordre. Il fut appelé à faire des propositions de lois afin d’infléchir la politique menée à Turin devenue au lendemain de l'occupation française du XVIe siècle, la nouvelle capitale des États de Savoie au détriment de la ville de Chambéry.
Aujourd'hui
Par les aléas de l'histoire, le Sénat de Savoie fut parfois malmené, devenant au besoin défenseur des intérêts locaux lors d'occupations étrangères, puis d'autres fois contesté comme durant les années 1792-1793. Bien que réapparu sous la restauration, l’édit de 1848 fit de l’antique Sénat de Savoie une simple Cour d’appel, décision qui fut reprise par l’État français en 1860 (la France avait alors deux cours d'appel : Paris et Chambéry[13]).
Notes et références de l'article
- Henri Ménabréa, Histoire de la Savoie, éd. Grasset, 1933, pp.116-118
- J.-J. Vernier, Études historiques et géographiques sur la Savoie, Le Livre d'Histoire - Res Universis, 1896, édition 1993 (ISBN 2-7428-0039-5)(ISSN 0993-7129), p. 64.
- Aujourd'hui remplacé par les halles de Chambéry
- R. Avezou, Histoire de la Savoie, coll. Que sais-je ?, éd. PUF, 1944, 1948, p.72
- SSHA F.Mugnier, Antoine Favre. Président de Genevois. Premier Président du Sénat de Savoie, de Mémoires et documents publié par la
- chateauneuf73.free.fr Information issue du site
- antica-editions.com Information issue du site
- D'après Eugène Burnier, Histoire du Sénat de Savoie et des autres compagnies judiciaires de la même province, 1329-1844, Chambéry, Puthod, 1864-1865, 2 vol.
- http://gillesdubois.blogspot.com/2007/01/nobiliaire-de-savoie-op.html
- « Vie religieuse en Savoie, mentalités, associations », Actes du XXXIe Congrès des Sociétés Savantes de Savoie, 1986.
- sabaudia.org. et Ouvrage de J.-J. Vernier, 1896, Études historiques et géographiques sur la Savoie, pp.64-67, édition 1993, Res Universis. Informations issues du site
- sabaudia.org. Informations issues du site
- sabaudia.org Information issue du site
Voir aussi
Bibliographie
- Eugène Burnier, Histoire du Sénat de Savoie et des autres compagnies judiciaires de la même province, 1329-1844, Chambéry, Puthod, 1864-1865, 2 vol.
- Laurent Chevailler, Essai sur le souverain Sénat de Savoie 1559-1793, thèse de doctorat, Droit, Paris, 1948
- Anne Buttin, "Le souverain Sénat de Savoie", L'Histoire en Savoie, Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, n°69, mars 1983
Articles connexes
Liens externes
- (fr) Voir - Un article concernant le Sénat de Savoie sur Sabaudia.org rédigé par l'historienne Anne Weigel.
- (fr) Voir - Les fonds des archives propres du Sénat de Savoie sur le site du Conseil général de la Savoie.
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