Syndrome d’alcoolisation fœtale

Syndrome d’alcoolisation fœtale

Syndrome d'alcoolisation fœtale

Le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF), parfois désigné par le terme embryofœtopathie alcoolique, est une intoxication alcoolique de l'embryon ou du fœtus dû à la consommation d'alcool de la mère pendant la grossesse et qui perturbe le développement des organes. Selon les organes affectés, il peut se manifester par des malformations, des déficiences intellectuelles, ou d'autres troubles congénitaux. Il entraîne souvent de troubles du comportement et une modification des traits du visage.

Sommaire

Épidémiologie

En France on estime que les « troubles du spectre de l'alcoolisation fœtale » touchent 1% des naissances, c'est-à-dire 7 000 nouveaux enfants chaque année. Cela signifie qu'environ 500 000 Français souffrent à des degrés divers des séquelles de l'alcoolisation fœtale. Le syndrome d'alcoolisation fœtale proprement dit est, en France, la première cause de retard mental non génétique. Il touche 1 naissance sur 3 000 dans le Pas-de-Calais. L'alcoolisme touche en France 2 millions de personnes, dont 600 000 femmes (cette dernière statistique est particulièrement sujette à caution : l'évaluation rigoureuse est très difficile en raison d'une dénégation quasi-constante des faits). Pendant la grossesse, 5 % des femmes consomment trois verres d'alcool en moyenne par jour, ce qui constitue déjà un danger pour l'enfant à naître. Les spécialistes estiment aujourd'hui que le risque apparaît dès le premier verre : c'est la raison pour laquelle, pendant la grossesse, il faudrait maintenir une abstinence stricte.

Au Québec, environ 1% de la population serait directement touchée par le syndrome d’alcoolisation fœtale. La majorité des gens sont inconscients du danger qu'il y a pour le fœtus à boire de l'alcool pendant la grossesse.[1] L’organisme SAFERA, qui ne dispose plus d’aucune subvention gouvernementale, est le seul à sensibiliser la population québécoise francophone à ce problème. D’après les données de Santé Canada, 280 000 canadiens sont atteints par ce syndrome en particulier dans les communautés du Nord dans le cadre d'un très vigoureux accroissement démographique et, de façon plus générale, un à trois enfants d’Amérique du Nord sur mille. Environ 15% des nord-américains vivraient avec des problèmes d’alcool.

Histoire et nomenclature

Paul Lemoine, un pédiatre français, débutera en 1958 une étude sur les enfants de mères alcooliques et sera le premier, en 1968, à décrire de façon exhaustive le tableau clinique des enfants souffrant du syndrome. Son étude se basait sur l’observation de 127 enfants issus de 62 familles "alcooliques".

Peu de temps après, en 1973, l’expression FAS (Fetal Alcohol Syndrome) remplacera l’expression FLK (Funny Looking Kid) employée jusque-là.

Un second terme voit le jour, celui d'"effets d'alcoolisation fœtale", ou EAF (aussi appelé SAF partiel par certains praticiens). On parle également de TNDLA (Troubles Neuro-Développementaux Liés à l’Alcool), ou ACLA (Anomalies Congénitales Liées à l’Alcool). Ces deux dernières appellations permettent d’indiquer à quelle « famille » de symptômes du SAF, présent chez un enfant, celui-ci appartient.

Par ailleurs, des recherches récentes ont démontré l’existence du SIFV, le syndrome fœtal d'inhalation aux solvants.

Physiopathologie

L'alcool a un effet tératogène (susceptible de provoquer des malformations congénitales ou de perturber le développement) et neurotoxique (qui empoisonne ou détruit le tissu nerveux).

Les effets physiologiques touchent trois domaines : les traits faciaux, le système nerveux central (SNC) et la croissance (poids, taille et périmètre crânien).

Le risque d'atteinte neurologique irréversible est fonction de la dose reçue par le fœtus, de la durée de l'exposition, et de la période d'exposition (l'alcool est particulièrement nocif pendant la période d'organogenèse, entre 10 jours et 10 semaines d'aménorrhée). L'alcool passe la barrière placentaire, puis passe dans le foie du fœtus. Celui-ci est immature, et ne possède pas les moyens de détoxification d'un foie adulte. Les lésions, une fois constituées, sont définitives.

Trajet de l'alcool à travers le placenta

L’alcool ingéré par la mère passe très rapidement dans son sang. La plus importante voie d’absorption de l’alcool est la muqueuse gastro-intestinale, c'est-à-dire le duodénum et le jéjunum, les deux premières parties de l’intestin grêle. Une fois absorbé, il diffuse dans tous les viscères, dont l’utérus, par les capillaires. « Circulation sanguine entre la mère et le fœtus : l’échange de sang s’effectue au sein des capillaires des villosités placentaires. Le sang du fœtus passe au travers des vaisseaux ombilicaux et le sang maternel circule dans les artères et dans les veines spiralées de l’utérus » Alpha SANTÉ, volume 6. Le sang de la mère et le sang du bébé sont séparés par plusieurs couches fœtales qui agissent comme des filtres. Ces tissus filtrants permettent le passage des molécules d’alcool dissoutes dans le sang. Le foie du fœtus n’ayant pas atteint sa maturité, il ne possède pas la capacité de détoxification d’un foie adulte. Chez un être humain adulte, l’alcool est entièrement transformé dans le foie grâce à l’alcooldéshydrogénase, une enzyme cytoplasmique que le foie encore peu développé du fœtus ne contient pas en assez grande quantité. La dose d’alcool dans le sang du fœtus atteint donc dix fois celle présente dans celui de la mère.

Effets détaillés causés par l'absorption d'alcool

Période d'exposition Quelques effets possibles
Premiers jours Peut empêcher l’ovule de s’implanter
Entre la troisième et la quatrième semaine Conséquences mineures sur le crâne et sur certaines parties du visage de l’embryon
Jusqu’à la septième semaine Peut faire fendre le palais et les lèvres
Septième semaine Peut causer des malformations au niveau des organes génitaux, du cœur et du diaphragme du fœtus
Deuxième trimestre Effets importants sur la motricité et probabilité d’un avortement spontané qui ne cesse d’augmenter
Troisième trimestre Croissance du fœtus énormément ralentie

Selon Philippe Dehaene (1995), l’alcool diminue la circulation sanguine dans le placenta et, de ce fait, provoque des spasmes au niveau des vaisseaux sanguins. Ce phénomène entraîne des malformations, dues à un ralentissement des processus de division cellulaire et au fait que l’organisation neuronale se trouve modifiée. Enfin, la myélinisation des neurones se voit retardée ; la rapidité et le bon passage des influx nerveux sont, de ce fait, compromis.

Les avortements spontanés et les accouchements prématurés sont très fréquents chez les femmes ayant consommé de l'alcool pendant leur grossesse. Il est aussi fait mention de nombreux cas de bébés morts quelques jours après leur naissance en raison d’un trop faible poids ou d’anomalies physiques importantes.

Les enfants souffrant du syndrome de l’alcoolisation fœtale ont un système immunitaire beaucoup plus faible que la normale, ils seront donc souvent atteints par des maladies infectieuses diverses. Des retards du développement physique et des dysfonctionnements du système nerveux central sont souvent observés. L'enfant aura également besoin d’une attention particulière tout au long de son apprentissage de la vie a cause de retard mental plus sérieux, d'un comportement instable et d'un quotient intellectuel plus bas. Les enfants atteints du syndrome d'alcoolisation fœtale éprouvent beaucoup de difficulté à être autonomes. La plupart d'entre eux sont incapables de se nourrir seuls et d'apprendre à s'occuper d'eux-mêmes au même rythme que les autres enfants. Il leur est beaucoup plus difficile de se faire des amis et de s'intégrer à des groupes. En grandissant, ces personnes conserveront toujours certains problèmes d’autonomie; ils éprouvent de la difficulté à se concentrer, à travailler seuls ou à gérer un budget.

Les personnes diagnostiquées plus tard ont des chances beaucoup plus élevées de développer des problèmes de santé mentale, car ils n'auront peut-être pas bénéficié de l'attention que leur état nécessitait.

Diagnostic

Le diagnostic se fait par l'observation d'une triade de facteurs caractéristiques :

  • Retard de croissance intra-utérin : il est harmonieux, c’est-à-dire qu'il touche à la fois le poids, la taille, et le périmètre crânien. Les enfants naissent plus frêles, plus fragiles, et souvent prématurément ;
  • Dysmorphie cranio-faciale : l'alcoolisation fœtale entraîne un aspect typique de la tête du bébé, avec des fentes palpébrales fines, une ensellure nasale marquée, une bosse entre les yeux, des oreilles basses et décollées, un important microrétrognatisme (mandibule petite et trop en arrière), une lèvre supérieure mince et convexe, des narines antéversées (tournées exagérément vers l'avant), un philtrum long et bombant en verre de montre ;
  • Malformations : elles concernent environ 25% des cas, et peuvent toucher le cerveau, le cœur, l'appareil urinaire, etc. ;
  • Troubles psychiatriques : ils apparaissent après la naissance, parfois dans l'enfance ;
    • Syndrome de sevrage alcoolique immédiat : avec tremblements, troubles du sommeil,
    • Hyperactivité pendant l'enfance avec irritabilité, déficit de l'attention, troubles de la concentration,
    • Retard mental : des études ont démontré qu'une consommation de 3 verres d'alcool par jour par la mère entraîne une perte moyenne de 7 points de QI,
    • Troubles du tonus, de la mémoire, de la motricité fine.

Un enfant est atteint d’EAF, lorsque la malformation congénitale est jugée moins sévère que celle rencontrée dans le cadre d'un SAF. La différenciation s’effectue sur base du nombre de symptômes présents chez le sujet.

Le EAF sert à décrire des enfants qui, ayant subi une alcoolisation fœtale, présentent deux des trois caractéristiques officiellement reconnues comme symptômes du SAF. Ceux-ci sont : un retard ou un ralentissement de la croissance ; des malformations congénitales simples ou des troubles d'apprentissage et, pour finir des troubles de comportement (au niveau du SNC). Dans certains cas, ces éléments déterminants ne font leur apparition ou ne sont dépistés que plusieurs mois ou plusieurs années après la naissance. Quel que soit le moment où les symptômes apparaissent, ils sont, dans les deux cas, SAF et EAF, irréversibles.

La plupart des études menées sur ce syndrome utilisent la triade de symptômes décrite ci-dessus pour justifier la sélection qu'ils ont opérée en vue d’obtenir l'échantillon de leur recherche. De même, elles se basent aussi sur ces trois critères pour sélectionner un pôle d'enfants EAF, en soulignant que ces derniers, à l'inverse des enfants présentant un SAF, ne rencontrent que deux de ces trois critères. Il convient de préciser que les critères de diagnostic différentiel entre un SAF et un EAF, font référence à cette triade et aux deux pôles indiquant la sévérité du trouble. Tous les chercheurs et praticiens sont d'accord pour dire qu'un EAF suit la triade diagnostique du SAF, mais sans en rencontrer tous les critères. Ainsi, la triade ne sera que partiellement présente lors du diagnostic d'un EAF, alors qu'elle le sera entièrement dans le cas d'un SAF. Néanmoins, le degré d'intensité du trouble peut être variable, aussi bien dans un cas que dans l’autre.

Prévention

Elle repose sur l'interrogatoire systématique de la femme enceinte consultant pour la première fois sur ses habitudes vis-à-vis de l'alcool. L'information de la patiente est capitale, en étant clair et complet sur les risques pris par la consommation d'alcool. Le message à faire passer est l'objectif « zéro verre ». Dans le cas d'un alcoolisme reconnu, une consultation spécialisée, les groupes d'alcooliques anonymes, les associations d’aide aux malades alcooliques, le soutien psychologique sont d'une grande utilité.

Il faut savoir que ce problème n'est pas forcément lié à un alcoolisme maternel. Même si la fréquence et la gravité des symptômes augmentent avec les quantités d'alcool absorbées par la maman, on ne connaît pas de seuil minimal de dangerosité et même une consommation d'alcool extrêmement modérée peut entraîner un syndrome d'alcoolisation fœtale pour l'enfant. Il est en fait probable que la tolérance du fœtus à l'alcool est extrêmement variable, à la fois pendant la grossesse et suivant les individus, sans que l'on soit en mesure de préciser ces facteurs de sensibilité. C'est pourquoi il est aujourd'hui expressément recommandé aux femmes enceintes d'observer une abstinence totale de l'alcool pendant toute la durée de la grossesse.

Pictogramme apparaissant sur les étiquettes des boissons alcoolisées.

En 2004, la sénatrice réunionnaise Anne-Marie Payet a été à l'origine d'un amendement qui va conduire à l'inscription d'un message de prévention sur l'ensemble des bouteilles d'alcool commercialisées en France. Un pictogramme accompagnera ce message.

Au Canada, dix-sept cosignataires ont signé un manifeste intitulée "Prévention du syndrome d'alcoolisme fœtal (SAF) et des effets de l'alcool sur le fœtus (EAF) au Canada" (réapprouvé en mars 2004).

Notes et références

Voir aussi

Liens externes

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