- Spleen baudelairien
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Charles Baudelaire écrit à sa mère, Mme Aupick, le 30 décembre 1859 : « Ce que je sens, c'est un immense découragement, une sensation d'isolement insupportable, une peur perpétuelle d'un malheur vague, une défiance complète de mes forces, une absence totale de désirs, une impossibilité de trouver un amusement quelconque.[1]»
Le spleen baudelairien est la quintessence de profonds sentiments de découragement, d'isolement, d'angoisse et d'ennui existentiels que le poète des Fleurs du Mal exprime dans plusieurs de ses poèmes.
Sommaire
Origine du nom
Le mot spleen a pour origine le mot anglais spleen (du grec ancien σπλήν splēn) qui signifie « rate » ou « mauvaise humeur ». En effet les Grecs, dans le cadre de la théorie des humeurs, pensaient que la rate déversait un fluide noir dans le corps : la bile noire, responsable de la mélancolie. De nos jours, nous savons bien que ceci est faux, mais l'image est restée.
En France, le spleen représente un état mélancolique maximal sans cause définie. Il est lié aux saisons, au temps, à l'accablement du souvenir et aussi à l'ennui psychologique. Ce terme a été popularisé par le poète Charles Baudelaire (1821 - 1867) mais il était déjà utilisé précédemment, par des écrivains du Romantisme (XIXe siècle), courant alors développé essentiellement en Allemagne et en Grande-Bretagne.
Le syndrome
Le spleen est une des composantes essentielles de l'angoisse d'exister. « Les Limbes », second titre envisagé pour Les Fleurs du Mal, visait à « représenter les agitations et les mélancolies de la jeunesse moderne ». On voit que ce serait une erreur de s'en tenir à un spleen éprouvé par Baudelaire, qui en serait en quelque sorte la victime ou la proie, alors que le poète cherche précisément à représenter cette ancienne passion, dont il connaît les mimes (Lamartine, Musset). Si la Joie peut être un moment de la Beauté, elle n'en est le plus souvent qu'un des ornements les plus vulgaires, dit Baudelaire, « tandis que la Mélancolie en est pour ainsi dire l'illustre compagne ». Perte d'idéal, inhibition de toute activité, les composantes de la mélancolie baudelairienne n'excluent même pas l'ouverture vers la charité (« cette nuit de mélancolie et de charité », écrit-il dans Fusées XV).
- Dans la section des Fleurs du mal, intitulée « Spleen et Idéal », le spleen prend une place centrale et constitue le mal auquel est confronté le poète qui tente de lui opposer l'Idéal, représenté par exemple par l'amour idéalisé.
- Dans les quatre poèmes intitulés Spleen, est décrit cet état spécifique qui définit, selon Baudelaire, la condition humaine.
- Le Spleen de Paris, postérieur aux Fleurs du mal.
- Paul Verlaine, dans son poème « Spleen », a exprimé lui aussi ce curieux sentiment (Romances sans paroles, 1874), tout comme Jules Laforgue dans son poème du même nom (Les Complaintes, 1885), ainsi que Hector Berlioz dans ses Mémoires, qui l'a lui expliqué à l'aide d'une métaphore filée utilisant une expérience chimique avec de l'acide sulfurique
Bibliographie
- Claude Pichois & Jean-Paul Avice, Dictionnaire Baudelaire, Du Lérot, 2002.
- Jean Starobinski, La Mélancolie au miroir, Julliard, 1989.
Exemples
- lire : Spleen (« Pluviôse, irrité contre la ville entière »)
- lire : Spleen (« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans »)
- lire : Spleen (« Je suis comme le roi d’un pays pluvieux »)
- lire : Spleen (« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle »)
Articles connexes
Références
- Difficulté d'être et mal du siècle dans les correspondances et journaux intimes de la première moitié du XIXe siècle. Collection Cahiers d'études sur les correspondances du XIXème siècle, no 8. p. 280-281
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