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Six yogas de Nāropa
Les Six Yogas de Nāropa (Tibétain na-ro'i-chos-drug), littéralement les six Dharmas, pratiques ou enseignements, sont un ensemble de pratiques méditatives tantriques du Bouddhisme Vajrayāna tibétain. Transmises oralement et rassemblées par le Mahāsiddha indien Nāropa (1016-1100), elles parvinrent au Tibet par Marpa Lotsawa, le traducteur, puis furent transmises à Milarépa dont les disciples fondèrent les lignées Kagyüpa. Ces enseignements furent gardés secrets pendant treize générations de disciples, de Marpa jusqu'à Je Tsong Khapa, qui écrivit librement sur le sujet, et en introduisit les pratiques dans les lignées Gelugpa.
Sommaire
But
En tant qu'instructions finales du sentier des tantras, appelé indifféremment vajrayāna, tantrayāna ou encore guhyamantrayāna, véhicule du mantra secret, les six yogas de Nāropa visent l'Éveil complet (samyaksambodhi), possible en une seule vie. Dans ce corpus, l'Éveil est appelé Mahāmudrā ou claire Lumière, et désigne la nature de Bouddha présente en chacun. Les trois premiers yogas mentionnés ci-dessous représentent la voie directe vers cette réalité transcendante, et les autres yogas sont préliminaires, ou exécutés, dirait-on, par défaut.
Contexte
Dans le Vajrayāna, on appelle stade de création, ou de génération [1], la pratique du mandala extérieur, et stade d'accomplissement, ou de perfection [2], la pratique du mandala intérieur. Le mandala intérieur est l'anatomie du corps subtil ou éthérique, permettant la maîtrise des souffles (prānas), des canaux (nādīs), des gouttes (bindus), et des centres de conscience, ou roues d'énergie, appelés chakras. Les pratiques qui y sont liées spiritualisent le corps en en faisant un instrument de réalisation, et s'apparentent aux Hatha- et Kundalini- yogas hindous. Quant au mandala extérieur, on le déploie par le yoga de la Déité (Yidam). Les six yogas sont précisément des pratiques du mandala intérieur, bien que quelques fois on compte aussi le mandala extérieur parmi les yogas de Nāropa.[3] On le considère cependant comme un yoga préliminaire, ou autonome.
Classification
Bien que diversement classifiés, jusqu'à en énumérer dix, les Yogas de Naropa sont plus généralement les suivants :
Yoga Pronociation
(+ épellation Wylie)Sanskrit État de conscience[4] Chakra[5]
(Khor-lo)du Feu intérieur
(de l'Ardente[6])Toummo (gtum-mo) Chandālī Méditation Nirmana
(Ombilic)du Corps illusoire Gyoulü (sgyu lus) Māyākāya Veille Svabhavika
(Fontanelle)de la Claire Lumière Eusel ('od gsal) Prabhāsvara Sommeil profond Dharma
(Cœur)du Rêve Milam (rmi-lam) Svapnadarśana Rêve Sambhoga
(Gorge)de l'État intermédiaire Bardo (bar-do) Antarābhava Entre mort et renaissance (Dharma[7]) du Transfert de conscience Powa ('pho-ba) Samkrānti Au moment de la mort (Svabhavika[8]) Variations
La diversité des classifications tient à ce que certaines pratiques peuvent être comprises comme variantes des autres. Notamment, le yoga du Bardo est une application du Corps illusoire, et le yoga du Rêve est accessoire au yoga de la claire Lumière.
Voici les autres yogas qui sont quelques fois répertoriés:
- Projection délibérée, dans un autre corps récemment décédé (tib.: grong-'jug). Cette technique s'est terminée, pour les Kagyus du moins, avec le décès du fils de Marpa, qui aurait justement projeté sa conscience en Inde dans le corps de celui qui allait être connu sous le nom du yogi Tipoupa[9]. Elle peut encore exister secrètement. Elle est une variante du yoga du transfert de conscience.
- Karmamudrā. (tib.:las kyi phyag rgya) Ceci correspond au fameux yoga sexuel tantrique. Comme les autres yogas de Nāropa en général, il ne peut être pleinement achevé que sur la base du Feu intérieur, dont le Karmamudrā est une extension.
- Nous avons déjà mentionné le stage de génération, ou mandala extérieur, habituellement séparé.
- Nāropa lui-même, dans les Versets Vajra de la tradition chuchotée, rajoute la pratique de l'auto-libération dans la sagesse de la non-dualité [10], ce qui est la plus haute perspective, non-tantrique, du Mahāmudrā de l'essence et du Dzogchen. Mais ceci est toujours considéré comme une voie distincte.
- Il existe plusieurs préliminaires au feu intérieur, ainsi que des exercices physiques appelés yantras. Un bon exemple de préliminaire est la visualisation du corps creux : Ici le corps et les canaux d'énergie (nadis) doivent être vus comme complètement transparents et irradiants". [11]. Puis encore: Imaginez que votre peau devient clair, transparente, et comme un arc-en-ciel, n'offre plus aucune résistance à la matière.[12] Cette technique essentielle vise à dénouer les tensions et les obstructions, donc à donner de la souplesse aux canaux prāniques pour permettre l'harmonisation des différents centres.
Les Tantras racines
Le Feu intérieur
La claire Lumière
Le Corps illusoire
Historique
- Tilopa (988-1069)
- À l'université bouddhique médiévale de Nālandā, lorsque Shāntideva fut sommé de produire un discours publique dans un très bref délai, il avait été accusé de paresser et dormir tout au long des ses études. En fait il pratiquait les yogas du rêve et de la claire Lumière. Ce discours deviendra célèbre sous le titre de Bodhicaryāvatāra, il s'y était préparé par une méditation du mantra du bodhisattva de sagesse, Mañjuśrī.
Tradition parallèle
Les six yogas de Niguma sont presque identiques aux six yogas de Nāropa. Dépendamment des sources, Niguma était soit la sœur soit sa consort spirituelle, son épouse mystique en quelque sorte. Sous son nom de yoginī Sukhasiddhī, ses enseignements ont été transmis à Khyungpu Neldjor, le fondateur de l'école Shangpa Kagyu, à distinguer des Kagyupas encore existants qui sont en fait des Marpa Kagyu
Notes
- ↑ utpattikrama en sanskrit, kyérim en tibétain
- ↑ sampannakrama en sanskrit, dzogrim en tibétain.
- ↑ Glenn H. Mullins, Readings on the Six Yogas of NaropaSnow Lion Publications, Ithaca (USA), 1997. 175p./ p.34 ISBN 1-55939-074-3
- ↑ Reginald A. RaySecrets of the Vajra World, The Tantric Buddhism of Tibet. Shambhala Publications, Boston, 2002. ISBN 1-57062-917-X 524p./p.237
- ↑ Aussi associés aux Corps (Kāya) de la Bouddhéité, voir par exemple Dharmakāya.
- ↑ canda: ardent, brûlant, violent. Voir: canda et lî, de lîna, attacher, adhérer /cacher, absorber
- ↑ Toutes le énergies se rassemblent au cœur; il ne reste que qu'un bindu, point-essence, qui porte la conscience dans l'entre-deux
- ↑ C'est par la fontanelle que la conscience est ejectée dans le cœur d'un bouddha
- ↑ Ce dernier a enseigné à Rétchungpa, le principal disciple, avec Gampopa, de Milarépa.
- ↑ Ibid.3, p.39
- ↑ Ibid.3, p.58
- ↑ Gueshé Kelzang Gyatso, Claire Lumière de Félicité : Le Mahamudra dans le Buddhisme du Vajrayana Editions Dharma,1986. 271 p.
- ↑ Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du Bouddhisme. Editions du Seuil, Paris, 2001. 843 p./ p.541.[ISBN ]
Voir aussi
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