- Asymétrie cérébrale
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En neurosciences cognitives, l'asymétrie cérébrale désigne l'inégale implication des deux hémisphères du cerveau dans les différentes fonctions mentales. Dans leur anatomie générale, les deux hémisphères sont très semblables mais il existe un certain nombre de caractéristiques plus fines qui les distinguent l'un de l'autre. Le lien entre ces différences structurelles et les différences fonctionnelles reste mal compris.
L'asymétrie du fonctionnement cérébral a été mise en évidence à la fois par l'étude des conséquences de lésions cérébrales accidentelles sur les facultés cognitives mais aussi, plus récemment, grâce aux techniques d'imagerie cérébrale qui montrent des activations asymétriques suivant les opérations mentales qu'effectue la personne dont on enregistre des indices de l'activité cérébrales. Malgré d'important progrès sur cette question, il reste de nombreux points de débats : sur le lien entre ces asymétries et la dominance hémisphérique, sur les mécanismes neurodéveloppementaux qui aboutissent à ces asymétries ou sur l'influence des facteurs environnementaux ou génétiques.
Sommaire
Historique
L'observation d'asymétries dans le fonctionnement du cerveau a été pris très tôt comme un argument en faveur de la théorie d'un cerveau ayant des zones aux fonctions distinctes, le localisationnisme, contre celle d'un fonctionnement diffus et global, le holisme cérébral. Ainsi en 1865, Paul Broca observe que les lésions du lobe frontal gauche (et plus particulièrement, ce qu'on appellera par la suite l'aire de Broca) ont des conséquences plus dramatiques que celles du lobe frontal droit sur la production de langage oral. De son côté, Carl Wernicke met en évidence en 1873 une autre zone liée au langage, l'aire de Wernicke, elle aussi davantage latéralisée dans l'hémisphère gauche. L'asymétrie des hémisphères est donc mise en évidence par l'identification de ces zones spécifiques du cerveau gauche, mais elle n'est pas encore directement un sujet d'étude.
Au cours du XXe siècle, le neurologue Roger Wolcott Sperry va consacrer une large part de ses recherches à l'asymétrie cérébrale et à la connectivité inter-hémisphérique ; celles-ci lui vaudront de recevoir le prix Nobel de physiologie et médecine en 1981.
Par la suite d'importants progrès viendront de l'avènement de la neuroimagerie et en particulier de l'IRM fonctionnelle, au début des années 1990, une méthode dont la résolution spatiale dépasse toutes les autres techniques existant alors. De nombreux travaux mettront alors en évidence des asymétries cérébrales dans le traitement des informations comme le nombre et la quantité, la perception des visages, la rotation mentale d'objets tridimensionnels...
Certains chercheurs proposeront de relier ces asymétries fonctionnelles à d'autres manifestations comportementales. C'est ainsi que les neurologues Norman Geschwind et Albert Galaburda émirent l'hypothèse selon laquelle certaines asymétries seraient liées à la présence d'hormones sexuelles qui auraient pour conséquence de stabiliser certains circuits plus tôt que d'autres jusqu'à la puberté et ce, de façon différente selon le sexe de l'individu établissant un lien entre dimorphisme sexuel et asymétrie cérébrale[1].
La médiatisation des « cerveau droit » et « cerveau gauche »
Bien que dans la communauté scientifique, la question de l'asymétrie cérébrale fasse l'objet de nombreuses controverses, ce thème connaît une grande célébrité auprès du « grand public ». De nombreux auteurs et journalistes ont ainsi popularisé une dichotomie entre « cerveau gauche » (associé au langage, au raisonnement, ...) et « cerveau droit » (émotions, intuition, ...) caricaturant les travaux scientifiques qui se contentaient de montrer une différence de degré entre les implications de chaque hémisphère. Cette simplification autorisant des déductions et des interprétations abusives est vivement dénoncée par la communauté scientifique comme tenant du mythe[2].
En France c'est un médecin cancérologue, Lucien Israël, qui en 1996 ose sur le sujet un ouvrage qui, comme il le précise bien lui même, ne relève absolument pas de la vulgarisation scientifique mais de l'exploration conceptuelle (il n'y est pas question d'exposer des vérités mais d'explorer des idées): Cerveau droit, cerveau gauche. Il est suivi par Béatrice Millêtre, psychothérapeute, qui applique le concept à l'amélioration du bien-être des personnes qu'elle reçoit, partant du constat qu'au moins un tiers des personnes qu'elle reçoit sont "neuro-droitières" et ont développé un malaise du fait qu'elles l'ignorent et ne savent pas en tirer parti. Forte de son expérience, elle publie alors Petit guide à l'usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués.
En 2008, aux États-Unis, Jill Bolte Taylor, une neuroanatomiste qui avait été frappée d'un accident vasculaire cérébral dans l'hémisphère gauche, se fera connaître du grand public en racontant l'expérience « vécue de l'intérieur » de voir « disparaître les fonctions du cerveau gauche »[3]. Rencontrant un large succès, elle sera critiquée pour avoir mêlé dans son discours un certain cachet scientifique et un lyrisme poétique de son expérience[4].
Répartition « spatiale » des fonctions
Chaque hémisphère est relié à la partie opposée du corps. C'est-à-dire que si quelque chose touche la partie gauche de votre corps l'information ira au cerveau droit, et si vous attrapez cette chose avec votre main droite, l'ordre vient du cerveau gauche.
La répartition « psychique » ne peut pas être aussi formelle, d'autant qu'il s'agit de fonction dominante et qu'il existe toujours une « coopération » entre les deux côtés.
Cerveau gauche
- On le dit analytique, logique, mathématique, séquentiel.
- Il fonctionne de préférence à partir du détail, il s'en sert pour aller vers la complexité.
- C'est le siège préférentiel du langage, mais pas exclusivement.
L'étude des aphasies (troubles du langage liés à une lésion cérébrale localisée) a permis de montrer qu'à une lésion localisée ne coïncident pas toujours les mêmes pathologies. Ainsi, environ un quart des gauchers ont une configuration hémisphérique opposée pour le langage. Remarquons de plus que la latéralisation n'est pas encore établie chez l'enfant, le cerveau est encore malléable jusque vers l'âge de 9 à 11 ans, certains disent jusqu'à l'adolescence, ce qui serait en accord avec le processus de myélinisation. D'autres exceptions peuvent encore être citées : les analphabètes (en effet, l'apprentissage de l'écriture renforcerait la dominance à gauche pour le langage), les bilingues et les polyglottes (l'hémisphère cérébral droit du droitier peut jouer un rôle dans l'acquisition d'une langue seconde, tout particulièrement lorsque l'apprentissage a lieu à l'âge adulte). Enfin, on observe une variabilité symptomatologique en fonction des structures propres à la langue des locuteurs (toutes les langues ne sont pas traitées de la même façon).
Cerveau droit
- On le dit analogique, empirique, intuitif.
- Il fonctionne plutôt sur la globalité, l'expérience et l'erreur, la déduction.
- C'est le siège préférentiel du traitement de l'image et de la communication non verbale
Les applications de cette théorie
La localisation spatiale ne peut être exacte, et elle peut varier largement d'un individu à l'autre, mais il en ressort un découpage de fonctions qui permet une répartition non plus spatiale mais psychique avec la mise en opposition de deux formes d'intelligence contradictoires et complémentaires.
Cette opposition logique se retrouve en psychologie cognitive. On peut notamment montrer le tableau établi par Daniel Durand dans le que sais-je? sur la systémique. Pour arriver à cette synthèse, il se base sur les travaux de Jean Piaget et d'Herbert Simon. Il superpose à la séparation intuitif/raisonné (ici dénommés flous et rigoureux) la séparation ajout/suppression (ici nommé généralisant et discriminant):
Tableau de raisonnement Rigoureux Flous Généralisants Induction Analogie Discriminants Déduction Abduction L'intelligence analytique
Elle est exacte par nature et s'exprime pleinement dans le détail, dans l'abstraction, dans l'indexation. C'est la base des sciences, qui permet d'affirmer que 1 + 1 = 2. En théorie, elle ne peut être prise en défaut, et permet d'atteindre tous les niveaux de complexité par addition. La tentation est forte de l'assimiler aux mathématiques, mais c'est aussi la base du langage. Son plus gros défaut est qu'elle ne supporte pas les lacunes. Voir : pensée verbale | René Descartes | Algèbre de Boole (logique) | raison
L'intelligence empirique
Elle est intuitive et s'exprime mieux dans le recoupement, l'expérience et donc la globalité. Elle intervient plus dans l'adresse physique, dans les mathématiques complexes, ou quand le langage devient poétique. Elle permet de résoudre un problème sans en avoir toutes les bases, mais s'accommode mal de l'abstraction, car tout apport doit s'intégrer à l'ensemble. On l'assimilerait à l'intelligence artistique, ou l'intelligence de l'image. Voir : pensée visuelle | Logique floue | Inférence | systémique.
Les applications controversées
Ont été rattachés à l'asymétrie cérébrale (à tort ou à raison):
- L'épilepsie Peut être un surplus de communication entre les hémisphères cérébraux. La méthode de guérison chirurgicale consiste à sectionner une zone de liaison entre les hémisphères.
- La migraine qui affecte un hémisphère indépendamment de l'autre et parfois la moitié associée du corps en provoquant une hémiplégie partielle ou totale.
- L'autisme Selon certains, rupture totale ou partielle des connexions entre les hémisphères. (Mais c'est une autre forme de « découpage » qui prend le pas : problème de liaison entre la perception - les stimuli - et le reste de l'activité cérébrale).
- La dyslexie Problème de connexion entre les hémisphères ou lacune latéralisée. Thèse acceptée dans le cas de dyslexie traumatique résultant d'un accident cérébral, mais pas pour « la dyslexie » en général.
Annexes
Références
- en:Geschwind-Galaburda Hypothesis) Geschwind, N., & Galaburda, A.M. (1987). Cerebral Lateralization: biological mechanisms, associations and pathology. MIT press: Cambridge, MA. (Voir aussi l'article anglais
- http://www.psyvig.com/default_page.php?menu=1010&page=9
- http://dangerousintersection.org/2008/04/15/can-someone-really-know-what-its-like-to-have-a-stroke-comments-regarding-stroke-of-insight/
- http://www.mindhacks.com/blog/2008/03/a_stroke_of_insight.html
Articles connexes
- Théorie des intelligences multiples
- (Théorie du) Cerveau triunique
- Hémisphère dominant
- Latéralisation cérébrale inversée
- Jill Bolte Taylor
- Modèle Herrmann
Liens externes
Bibliographie
- (en) Mirror reading as a method of analysing factors involved in word perception, M.A. Tinker et F.L. Goodenough, 1931. J Educ. Psych. 22, 493
- (en)Reversals tendencies in reading causes Diagnosis prevention and correction A I. Gates et CL. Bennet . New York - bureau of publications teachers. College Columbia University 1933
- Cerveau droit, cerveau gauche, Lucien Israël, Plon, 1996.
- The asymmetrical brain, Kenneth Hugdahl & Richard Davidson (Eds), MIT Press, 2003.
- (en) My stroke of insight, Jill Bolte Taylor, 2006, (ISBN 1430300612 et 9781430300618)
- Petit guide à l'usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués, Béatrice Millêtre, Payot, 2007.
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