Réforme des PTT de 1990

Réforme des PTT de 1990

La réforme des PTT en 1990 est le dispositif législatif et réglementaire qui permet la création, à partir de l'administration publique française des Postes et Téléphones, appelée PTT dans le langage courant, de deux entreprises publiques, disposant de la personnalité juridique et d'un budget : La Poste et France Télécom.
Annoncée comme définitive, cette réforme, pour France Télécom, est la première d'une série de lois qui transforment l'ancienne Direction générale des Télécommunications en une société anonyme à capitaux privés.

Sommaire

Ce qui existait

Le statut juridique des PTT

L'administration des Postes et Télégraphes avait été créée en 1878, réunissant la direction de la Poste, qui dépendait du ministère des Finances, et la direction des Télégraphes, qui relevait du ministère de l'Intérieur. L'année suivante, était créé le ministère des Postes et Télégraphes. À partir de 1889, l'exploitation du Téléphone lui était adjointe. Le terme PTT devient courant dès la fin du XIXe siècle. Le ministère, au gré des fluctuations politiques, étant associé à l'Industrie ou aux Travaux publics, le "patron des PTT était alors souvent le sous-secrétaire d'État aux PTT. Concernant le statut de cette administration publique, la seule modification importante qui soit intervenue au cours des cent années suivant sa création se situe en 1923.

La loi de finances du 30 juin 1923 dote les PTT d'un budget annexe et crée auprès du ministre chargé des PTT un conseil, se réunissant "au moins une fois par mois" (article 69), conçu comme une instance consultative "obligatoire" sur tout ce qui a trait à "l'organisation générale des services". Le budget annexe est défini par l'article 70. En établissant un état des recettes et des dépenses, et un compte général d'exploitation, en créant un agent comptable chargé de centraliser toutes les opérations budgétaires, il doit permettre l’autonomie des PTT par rapport aux impératifs fiscaux et politiques de l'État. Dans les faits, il n'en sera rien ou très peu. Les discussions annuelles du budget des PTT laissent le champ libre à la tutelle politique et le budget annexe sert éventuellement à l'État de se défausser de certaines de ses obligations. Quant au conseil créé auprès du ministre, le Conseil supérieur des PTT, où siégeaient à l'origine 6 représentants du personnel, élus directement par les agents, d'organisme de "démocratie participative" qu'il pouvait être, il devient au fil des années une institution peu réunie, une instance d'enregistrement dont la consultation obligatoire n'est que formelle. De plus les élections annuelles qui devaient renouveler les élus, supprimées en 1939 pour cause de mobilisation militaire, ne sont pas rétablies après la Libération.

La nécessité du changement

L'accroissement des échanges, la révolution des modes de communications mettent en évidence l'inadaptation du système administratif. La reconstruction de la France après 1945, puis le boom économique des "trente glorieuses", ne sont pas mis à profit par les PTT pour opérer une modernisation de son outil de production. Faute d'un pilotage économique prospectif, faute d'une volonté politique qui assure les évolutions techniques, ce n'est qu'au début des années 1970, que débute l'automatisation du tri du courrier. Celle-ci nécessite de forts investissements. De même le téléphone a pris un retard tel que sa modernisation exige des fonds que seul le marché financier peut lui procurer.

La conscience qu'il faut changer le fonctionnement des PTT est partagée par tous. Les organisations syndicales demandent l'application réelle du budget annexe, la démocratisation des choix et le renforcement du service public. Les responsables administratifs réclament l'autonomie de décision et des moyens financiers à la hauteur des défis technologiques. Les responsables politiques sont partagés entre libéralisme ouvrant les activités des PTT aux marchés, et étatisme planificateur. Surtout ils redoutent le coût social d'une réforme. La grande grève des PTT de l'automne 1974 a mis en évidence la sensibilité du personnel des PTT sur tout ce qui peut mettre en cause leur statut de fonctionnaire et le service rendu au public.

1974-1988, l'expertise et les essais

  • 1974 . Commission d'enquête parlementaire : proposition de séparation du Téléphone de la Poste, création d'un établissement public pour le téléphone.
  • 1976 . Création d’une société d'économie mixte, Transpac, chargée de la transmission de données
  • 1978 . Deux rapports d'experts, l'un général (rapport Nora-Minc) et l'autre spécifique aux PTT (rapport Rippert) : séparation des PTT, remise en question du statut des personnels.
  • 1984 . Le ministre des PTT du gouvernement socialiste, Louis Mexandeau commande à son tour un rapport. Celui-ci (rapport Chevallier) abonde dans me même sens que les précédents : scission des PTT, réformes de structures, recours au privé.
  • 1984 . La CGT des PTT publie, sous la direction d'un chercheur des télécommunications, Pierre Musso un livre dont le titre résume le tout : PTT, si on gérait autrement ?
  • 1985 . Création aux PTT d'une Direction à la stratégie, par le ministre Mexandeau, ministre ayant en charge les PTT de façon continue entre 1981 et 1986.
  • 1987 . Projet de séparation de la Poste et des Télécom, du ministre du gouvernement de "cohabitation", Gérard Longuet.

Les acteurs et le processus de la réforme

Les deux "entreprises" de l'administration PTT

Dans les faits, la césure entre la Poste et les Télécommunications est une réalité. Le secrétariat général des PTT, unificateur, disparait en 1971. Les deux directions qui cohabitent, Direction générale de la Poste et Direction générale des Télécommunications, tendent à rompre toute passerelle possible entre les personnels. Cependant au delà de cette volonté affirmée d'autres facteurs interviennent qui différencient les deux branches des PTT. Le poids économique :

  • chiffres d'affaires (année 1988)
    • la Poste (+ filiales) : 64,8 milliards de francs
    • les télécoms (+ filiales) : 99,4 milliards de francs
  • investissements
    • la Poste : 3,5 milliards, dont 0,15 pour la recherche
    • les Télécoms : 29,2 milliards, dont 2,4 pour la recherche

De même au niveau des métiers. En 1989, les PTT emploient 470 576 salariés (dont 33 628 contractuels et auxiliaires), dont les chiffres font ressortir l'entreprise de main-d’œuvre qu'est la Poste. Ils se répartissent en :

  • la Poste : 302 568 postiers, dont 273 369 fonctionnaires
  • Télécom : 159 016 télécommunicants dont 154 553 fonctionnaires
  • services communs : 9 026 fonctionnaires.

Les pourcentages par catégories de la fonction publique marquent également les différences :

  • catégorie A (ingénieurs et cadres) - Poste : 7 % . - Télécom : 12,9 %
  • catégorie B (techniciens, contrôleurs) - Poste : 29,2 % . - Télécom : 40,3 %
  • catégorie C (employés) - Poste : 61 % . - Télécom : 44,9 %
  • catégorie D - Poste : 2,7 % . - Télécom : 1,8 %

La "méthode Quilès"

Paul Quilès est nommé ministre des PTT le 12 mai 1988, dans le gouvernement dirigé par Michel Rocard. Il prend la suite de Gérard Longuet, qui vient d'échouer dans un tentative de réforme imposé par le haut, sans réel débat préalable. Sa méthode, pour réformer les PTT, prend l'exact contre-pied de son prédécesseur. Durant plus de 6 mois il fait s'exprimer les divers acteurs possibles, tout en pilotant l'organisation de cette expression vers le but qu'il poursuit : sortir les PTT du système administratif en vue de rendre compétitives les deux branches du "plus grand service à caractère industriel et commercial de France", pour les inclure "dans la perspective européenne" de dérégulation et de mise en concurrence des "opérateurs publics". Ce point de vue exprimé dès le 8 décembre 1988 par Paul Quilès dans le journal Le Monde, est aussi le point d'arrivée de la loi de juillet 1990. De même il annonce "une plus grande autonomie de gestion" des personnels" en intégrant, pour avoir leur "adhésion", les garanties de leur statut de fonctionnaires.

  • 6 décembre 1988 : il nomme pour ce "débat" un haut fonctionnaire qui a la particularité d'avoir côtoyé Michel Rocard au Parti socialiste unifié et d'être un ancien dirigeant syndicaliste national de la CFDT, Hubert Prévot.
  • 23 juin 1989 : intervention dans le débat de Michel Rocard, pour "une évolution ambitieuse et "sans tabous" des PTT. (Le Monde, 24 juin)
  • 31 juillet 1989 : le "rapport Prévot" fait la synthèse du débat public. Débat avec les agents des PTT, débat avec les clients, débat tous azimuts, que le rapporteur conclut de recommandations : création de deux entreprises autonomes, urgence de la réforme, "prudence et calme" dans la modalité de son application... 8 000 réunions avec les agents, 75 000 agents en direct par vidéotransmission, 7 journaux tirés à 520 000 exemplaires, 327 000 réponses des usagers : le syndicalisme traditionnel est contourné et divisé.
  • 8 septembre 1989 : le ministre rencontre les syndicats pour discuter des volets sociaux et institutionnels. Absente à ce premier rendez-vous, la CGT seule ne peut jouer la politique de la chaise vide : elle participe au "dialogue" à partir du 3 octobre.
  • 8 novembre 1989 : Le chef du gouvernement, Michel Rocard annonce le dépôt d'un projet de loi, rendant autonomes la Poste et France Télécom., et laissant aux salariés leur statut. Mise en place de commissions et de groupes de travail
  • 20 novembre 1989 : début des négociations sur les « classifications » du personnel, cheval de Troie permettant de contourner le statut de celui-ci. Une intense communication interne est mise en route pour emporter l'adhésion des agents : journal mensuel diffusé à 500 000 exemplaires, service minitel, prospectus, brochures, débats en réseau.
  • 21 mars 1990 : présentation en conseil des ministres du projet de loi. Appel à la grève de la part de la CGT : 3 % de participation selon la direction des PTT. Hormis quelques centres de tri postal, la grève, combattue par la CFDT, est un échec.
  • 2 avril 1990 : le conseil supérieur des PTT adopte le texte.
  • 3 avril 1990 : un appel à la grève lancé par 3 syndicats (CGT, FO, SUD) est suivi par moins de 20 % du personnel selon les chiffres officiels, par 10 000 salariés selon la CGT. Mais aucun mouvement durable ne prend forme.

L'adoption au Parlement

  • 10 mai 1990 : le débat est ouvert à l'Assemblée nationale
  • 12 mai 1990 : la loi réformant les PTT est adoptée en 1re lecture par 284 députés ( 272 élus du Parti socialiste, 2 UDC, dont Raymond Barre, ancien Premier ministre et quelques non-inscrits), contre 45 ( 26 PCF, 3 RPR, 13 UDF, 3 non-inscrits). Les autres députés s'abstiennent (RPR, UDF, UDC)
  • 7 juin 1990 : adoption au Sénat d'un texte remanié : tous les groupes sénatoriaux votent "pour", sauf le groupe communiste.
  • 27 juin 1990: après une deuxième navette entre les deux assemblées, le texte de loi est adopté par 285 députés, contre 30. Seul le groupe PCF a maintenu son opposition à un texte, dont la "méthode Quilès" n'a malgré tout pu faire que l'Assemblée nationale, qui compte 577 députés, le ratifie à la majorité absolue de ses membres (289 voix). Le Monde titre le 14 mai : "l'abstention de la droite et du centre a facilité l'adoption de la réforme des PTT".
  • La réforme des PTT ne s'arrête pas à cette étape. Moins médiatisé que la loi Quilès, un autre volet du changement se joue à l'automne 1990. Le 19 septembre est présenté en conseil des ministres le projet de loi sur la réglementation des Télécommunications. L'enjeu est de sortir ce secteur de toute régulation étatique, telle qu'elle existait en France depuis Louis-Philippe, transcrite dans l’article L.33 du code des PTT, datant du 2 mai 1837.
  • 29 décembre 1990 : adoption de la loi sur les télécommunications, livrant tous les services à la concurrence et à la privatisation, pratiquement sans contrôle.

Les syndicats des PTT et la réforme

  • 9 juillet 1990 : parution de la loi au Journal Officiel. Le même jour a lieu la signature d'un accord social avalisant les réformes des classifications. Il est ratifié par les organisations syndicales CFDT, Force ouvrière, et CFTC. Seule, la CGT refuse de signer. Mais en cours de route, la CFDT-PTT a dû enregistrer la rupture d'un nombre important d'adhérents qui créent une nouvelle organisation syndicale, Sud-PTT dans un paysage social fortement déstabilisé par la réforme.
  • 1er janvier 1991 : La Poste et France télécom naissent en tant que deux "exploitants autonomes de droit public".

Liens internes

Sources

  • PTT Histoire d'une réforme 1989-1990. N° hors série de Messages des Postes des télécommunications et de l'Espace, Ministère des PTE, 1990.
  • Bilan social des PTT, année 1989. Ministère des PTE, 1990.
  • Hubert Prévot : Rapport de synthèse remis à Paul Quilès ministre des Postes, des Télécommunications et de l'Espace, 31 juillet 1989. ( À l'issue du débat public sur l'avenir de la Poste et des Télécommunications ) Ministère des PTE, 1989.
  • Jacques Chevallier : L'avenir de la Poste, rapport de mission au ministre des Postes et Télécommunications et de la Télédiffusion. La Documentation française, mai 1984, collection des rapports officiels. (ISBN: 2-11-001 266-8 )
  • PTT, si on gérait autrement ?. ( Analyses et propositions de la Fédération CGT des PTT pour une gestion efficace du service public ), PTT-CGT, 1984, 336 p.
  • Jocelyne Barreau : la réforme des PTT. Quel avenir pour le service public ? Éditions La Découverte, Paris, 1995. 276 p. ( ISBN: 2-7071-2461-3 )
  • Alain Gautheron : Du bulletin officiel à la communication d'entreprise. Le cas de La Poste et de France Télécom. UFC CGT-PTT, 1998.
  • Emmanuel de la Burgade, Olivier Roblain (coordonné par) : "Bougez avec La Poste", les coulisses d'une modernisation. La Dispute, éditeur, Paris 2006. ( ISBN: 2-84303-133-8 )

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Réforme des PTT de 1990 de Wikipédia en français (auteurs)

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