- Robert François Damiens
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Robert François Damiens ou Damier, né le 9 janvier 1715 à La Thieuloye, près d'Arras (Pas-de-Calais) et mort le 28 mars 1757 à Paris, est célèbre pour avoir tenté d'assassiner le roi Louis XV et pour être la dernière personne à avoir été écartelée légalement en France, sous l'Ancien Régime[1].
Sommaire
Biographie
Contrairement à ce qu'affirma Voltaire, il ne fut jamais soldat mais servit un militaire qu'il suivit en Allemagne lors du siège de Philisbourg en 1734. Traumatisé par l'expérience, il devint valet à Louis-le-Grand, le collège de Jésuites à Paris, qu'il dut quitter pour s'être marié, la règle imposant aux valets d'être célibataires. Il servit comme domestique chez de nombreux conseillers du Parlement de Paris, dont certains parmi les plus virulents contre le roi.
Damiens était grand, mince et brun. Il avait un nez en bec d'aigle et tout le monde le trouvait beau. Il forma avec sa femme et sa fille une famille unie et dut lutter, au fil de ses emplois, pour ne pas trop s'éloigner d'elles. Il passait beaucoup de temps au Palais de justice, s'enquérant des nouvelles et faisant le coursier pour tel ou tel magistrat ou le mouche pour la police[2]. En ces temps de conflit entre le Parlement et le roi, Damiens vécut au cœur de l'opposition parlementaire, et on en conclut, légèrement, que là était la raison de son geste.
L'attentat
Le mercredi 5 janvier 1757, alors que la Cour était à Trianon, Louis XV rendit visite à sa fille, Madame Victoire, qui était restée alitée au château. Alors qu'il allait regagner son carrosse, Damiens fendit la haie des gardes, le chapeau sur la tête, frappa le roi et recula par la trouée qu'il avait pratiquée. Louis XV crut d'abord à un coup de poing, puis trouva son côté ensanglanté. Le dauphin et ses compagnons maîtrisèrent Damiens qu'ils remirent aux gardes et le roi cria alors « Qu'on l'arrête et qu'on ne le tue pas ! ». Le roi retourna à sa chambre et demanda les derniers sacrements.
L'arme du crime était un canif à deux lames, trouvé dans la poche de Damiens. Celle qui avait frappé le roi mesurait 8,1 cm. La blessure, située du côté droit, se trouvait entre la quatrième et la cinquième côte. Les nombreuses couches de vêtement notamment celles en soie, nécessaires à cause de l'hiver rigoureux, avaient amorti la plus grande force du coup. La Martinière, premier chirurgien, sonda la blessure : aucun organe n'était atteint. Il s'agissait donc d'une blessure sans gravité, à moins que la lame n'eût été empoisonnée préalablement. Un courtisan se précipita auprès de l'assassin que l'on avait traîné jusqu'à la salle des gardes. On l'interrogea, l'homme se récria : « Non, sur mon âme, je jure que non ».
Damiens, alors que les gardes lui tenaillaient les pieds avec des pincettes rougies au feu, s'était écrié « Qu'on prenne garde à M. le Dauphin ! » pour faire cesser la torture. Le garde des Sceaux, Machaut d'Arnouville, arrivé peu de temps après, ordonna qu'on mette un gros fagot dans le feu et qu'on l'y jette. Il fut interrompu par l'arrivée du grand prévôt de l'hôtel qui prit en charge le prisonnier.
L'instruction
À Paris, l'agitation était grande. On accusa d'abord les Britanniques, ensuite les Jésuites. Louis XV déclara tout de suite qu'il pardonnait. Il aurait sans doute préféré une peine symbolique pour une blessure bénigne mais ce genre de décision ne lui revenait pas personnellement. Légalement, le crime de Damiens relevait de la prévôté de l'Hôtel du roi, chargée de la police dans les résidences royales. Les premiers conseils tenus par le Dauphin évoquèrent une commission de conseillers d'État et de maîtres des requêtes. Mais des tractations secrètes entre le Parlement de Paris et le roi permirent au premier d'être finalement chargé de l'instruction qu'il mena dans le plus grand secret.
Le 15 janvier, des lettres patentes ordonnèrent donc que Damiens serait jugé par la grande chambre du Parlement — au lieu de la Tournelle, salle ordinaire des audiences criminelles. Le chef d'accusation fut le régicide. Louis XV précisa en préambule :
- « Les sentiments de religion dont nous sommes pénétrés et les mouvements de notre cœur nous portaient à la clémence. Mais nos peuples, à qui notre vie n'appartient pas moins qu'à nous-mêmes, réclament de notre justice la vengeance d'un crime commis contre des jours que nous désirons de conserver pour leur bonheur. »
Le procès
Dans la nuit du 17 au 18 janvier, Damiens fut transféré de Versailles à la Conciergerie à Paris, — là où Ravaillac avait été enfermé. Aucune torture ne fut épargnée au malheureux qui fut attaché sur son lit par un assemblage inouï de courroies de cuir qui lui tenaient chaque membre et étaient retenues par des anneaux scellés au plancher. Mais les deux médecins qui s'assuraient de sa santé obtinrent des magistrats qu'il lui soit permis de se déplacer dans sa chambre et de marcher chaque jour.
Tandis que les magistrats instructeurs entendaient le prisonnier dans le plus grand secret et faisaient arrêter tous les proches, tous également mis au secret, le procès s'ouvrit à la Grand'chambre le 12 février.
Dix audiences se passèrent et Damiens ne fut entendu que le 26 mars 1757. Harcelé de questions interro-négatives ("s'il n'est pas vrai qu'il a dit que", ou "s'il n'a pas dit que") ne lui permettant pas de s'exprimer, il réussit tout de même à dire : « Si je n'étais jamais entré dans les salles du palais, et que je n'eusse servi que des gens d'épée, je ne serais pas ici ».Damiens fut condamné, à « faire amende honorable devant la principale porte de l'église de Paris », où il devait être « mené et conduit dans un tombereau, nu, en chemise, tenant une torche de cire ardente du poids de deux livres », puis « dans le dit tombereau, à la place de Grève, et sur un échafaud qui y sera dressé, tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis le dit parricide, brûlée au feu de soufre, et sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de l'huile bouillante, de la poix résine brûlante, de la cire et souffre fondus et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux et ses membres et corps consumés au feu, réduits en cendres et ses cendres jetées au vent »[3]. Une fois la sentence prononcée, Damiens aurait eu cette phrase laconique restée célèbre : « la journée sera rude »[4].
Le 28, la sentence fut exécutée, dans des conditions particulièrement atroces. Les bourreaux, sans réelle pratique de ce genre de torture, attachèrent quatre chevaux rétifs conduits par des cavaliers enivrés - probablement pour les besoins de la cause - et omirent de couper d’abord les tendons des membres pour faciliter l’arrachement. Le supplice dura deux heures et quart, tandis que la mort de Damiens ne survint seulement qu’à la tombée de la nuit, à l’enlèvement du bras droit, le dernier membre ; une image qui hantera le jeune bourreau Charles-Henri Sanson, alors tout juste âgé de 18 ans[5].
Alors que des femmes du grand monde crurent se faire bien voir du roi en trouvant plaisant le spectacle, la foule gronda car les exécuteurs, horrifiés, n'arrivaient pas à procéder.Après sa mort, sa maison natale fut rasée avec interdiction de rebâtir. Sa femme, sa fille et son père furent bannis du royaume, sous peine de mort immédiate en cas de retour, et le reste de sa famille fut contraint de changer de nom.
Note et Références
- L'ancienne France - La justice et les tribunaux, Firmin-Didot, Paris, 1888, p. 79
- Robert Muchembled, Les Ripoux des Lumières, éd. Le Seuil, 2011
- Surveiller et punir de Michel Foucault Pièces originales et procédures du procès fait à Robert-François Damiens, 1757, tIII, p.372-374. in
- Louis XV victime d’un attentat – 5 janvier 1757 - Coutumes-et-traditions.fr
- Jean-Baptiste Raymond : Louis XIV et la société du XVIIIe siècle (1843) ; p. 281-283
Voir aussi
- Surveiller et punir (p. 9-12) s'ouvre sur la scène de torture de Robert-François Damiens, vue par l'officier Bouton, témoin supposé. Michel Foucault cite alors, comme l'indique la première note de l'ouvrage, Damien le régicide (1937) de A.L. Zevaes (p. 201-214).
Bibliographie
Études historiques
- Pierre Retat (dir.), L'attentat de Damiens. Discours sur l'événement au XVIIIe siècle, Lyon, Éditions du CNRS / Presses Universitaires de Lyon, 1979, 439 p.
- Dale van Kley, The Damiens affair and the unraveling of the Ancien Régime, 1750-1770, Princeton, Princeton University Press, 1984.
- Michel Antoine, Louis XV, Paris, Fayard, 1989 (ISBN 2-213-02277-1).
- Pierre Chevallier, Les régicides. Clément, Ravaillac, Damiens, Paris, Fayard, 1989.
- Berthe Thelliez, L'homme qui poignarda Louis XV, Robert François Damiens, Paris, Tallandier, 2002.
- Claude Quétel, « On a voulu tuer Louis XV ! » in L'Histoire n° 316, janvier 2007, pp. 23-24.
Littérature
- Jacques Delaye, Louis XV et Damiens, éditions Gallimard, 1986.
- Marion Sigaut, Mourir à l'ombre des Lumières, l'énigme Damiens, éditions Jacqueline Chambon, 2010.
Liens externes
- première page de l'arrêt du Parlement contre Damiens sur le site du ministère de la Justice français
- récit de l'affaire transcrit dans le registre paroissial de Javron (Mayenne)
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