Article 7 de la Charte canadienne des droits et libertes

Article 7 de la Charte canadienne des droits et libertes

Article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés

Charte canadienne des droits et libertés | Flag of Canada.svg
Généralités
Étude
Numéro d'article
Préambule 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 16.1 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34
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L'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés est l'article de la Charte des droits de la Constitution du Canada qui protège l'autonomie et les droits juridiques personnelles d'un individu contre les actions du gouvernement. Cette disposition de la Charte fournit à la fois des droits procéduraux et des droits substantiels.[1] Son application dépasse de loin la simple protection du droit à un traitement équitable devant la loi, et dans certaines circonstances a touché à des questions majeures de politique nationale comme le droit à l'assistance sociale[2] et les soins de santé publics.[3] Par conséquent, cette disposition de la Charte s'est révélée quelque peu controversée.

Il existe trois types de protection dans cet article, spécifiquement : le droit à la vie, à la liberté, et à la sécurité de la personne. La restriction de ces droits est seulement constitutionnelle si elle ne viole pas le principe de justice fondamentale.

Sommaire

Texte

Sous la rubrique Garanties juridiques, l'article se lit comme suit :

« 7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. »

— Article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés

Application

La formulation de l'article 7 indique qu'il s'applique à « chacun ». Ceci inclut toute personne se trouvant au Canada, incluant les non-citoyens.[4] Il ne s'applique toutefois pas aux personnes morales.[5]

Les droits garantis à l'article 7 peuvent également être violés par les actions de tiers autres qu'un gouvernement canadien. Le gouvernement n'a qu'à être un participant ou un complice de l'action violant le droit, là où la violation serait une conséquence raisonnablement prévisible de l'action gouvernementale.[6]

L'article 7 ne confère toutefois pas de droits positifs et n'impose aucune obligation positive sur le gouvernement.[2]

Vie

Article détaillé : Droit à la vie.

On trouve d'abord à l'article 7 le droit à la vie, qui de façon très générale est le droit d'être en vie. L'impact juridique de cette disposition a été minime (les arguments voulant que le fœtus a le droit à la vie, ce qui aurait interdit l'avortement, furent rejetés dans Borowski c. Canada (Procureur général) (1989)[7] à cause de leur caractère théorique), mais la vie a été discutée à fond par la Cour suprême dans l'affaire Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général) (1993).[8] Dans cette affaire, la Cour rejette l'argument que le droit au contrôle de son corps, déduit de la sécurité de la personne, surpasse le droit à la vie et justifie ainsi l'euthanasie. Comme l'a écrit la Cour, c'est une croyance « profondément enracinée dans notre société que la vie humaine est sacrée ou inviolable, » et par conséquent la sécurité de la personne ne peut inclure un droit au suicide ; le suicide détruit la vie et est donc dommageable par nature.

Liberté

Article détaillé : Liberté.

On retrouve, en second lieu, le droit à la liberté, qui protège la liberté d'un individu d'agir sans contrainte physique (par exemple, l'emprisonnement serait une violation du droit à la liberté à moins d'être en conformité avec la justice fondamentale). Toutefois, ce droit a été élargi pour inclure le pouvoir de faire d'importants choix personnels. La Cour l'a décrit comme touchant à « l’essence même de ce que signifie le fait d’être une personne humaine autonome dotée de dignité et d’indépendance eu égard aux sujets qui peuvent à juste titre être qualifiés de fondamentalement ou d’essentiellement personnels. »[9] En d'autres mots, le concept dépasse les simples contraintes imposées par le gouvernement et va au cœur même de l'existence humaine.

La liberté de choix est probablement un droit individuel uniquement, et non un droit familial ou syndical également. Dans l'affaire B. (R.) c. Children's Aid Society (1995)[10], lors duquel deux parents ont tenté de bloquer un certain traitement médical pour leur enfant pour des raisons religieuses, il fut affirmé que l'aspect du libre choix dans le droit à la liberté garantissait le respect de la vie familiale privée. Cet argument ce fondait sur la jurisprudence américaine, mais la Cour suprême a fait valoir que l'article 7 de la Charte contient des droits individuels, qui ne peuvent donc pas être des droits familiaux. Cependant, conscients de la présence de choix dans la situation familiale, la Cour suprême était divisée sur la question si oui ou non le libre choix était violé. De même, dans I.L.W.U. c. La Reine (1992) la Cour suprême a mis l'accent sur la nature individuelle de l'article 7 pour rejeter que la liberté des membres d'un syndicat incluait un droit de grève au syndicat lui-même. La Cour a également affirmé que les grèves sont des questions socio-économiques qui ne concernent pas le système judiciaire, et que l'article 7 se préoccupait du système judiciaire.

Les libertés non mentionnés par l'article 7 comprennent la liberté de religion et la liberté d'expression, garantis de manière plus spécifiques par l'article 2 de la Charte, la liberté de voter, qui est garanti par l'article 3, et la liberté de se déplacer à l'intérieur du Canada, d'y entrer et de le quitter, cette liberté étant garantie par l'article 6.[11]

Sécurité de la personne

Article détaillé : Sécurité de la personne.

On retrouve en troisième lieu le droit à la sécurité de la personne, qui comprend les droits de son corps et de sa santé[12] et la protection de l'intégrité psychologique d'un individu, c'est-à-dire que ce droit protège contre les atteintes graves à l'état mental d'un individu par le gouvernement.[13]

Ce droit a engendré beaucoup de jurisprudence importante ; par exemple, l'avortement fut légalisé au Canada par l'arrêt R. c. Morgentaler[14] après que la Cour suprême a jugé que les Comités d'avortement thérapeutique enfreignaient le droit à la sécurité de la personne des femmes en mettant leur santé en danger. Certains juges étaient également d'avis que le contrôle de son propre corps était un droit compris dans la sécurité de la personne, et que l'interdiction de l'avortement violait ce droit. Dans Operation Dismantle c. La Reine (1985)[15] les arguments prétendant que les tests de missiles de croisière étaient une violation de la sécurité de la personne, sous prétexte u'elles risquaient de provoquer une guerre nucléaire, furent rejetés. Dans l'arrêt Chaoulli c. Québec (Procureur général)(2005)[3], certains juges de la Cour suprême étaient également d'avis que l'interdiction par le Québec des soins de santé privés violait la sécurité de la personne, puisque les délais avant l'accès au soins médicaux pouvaient avoir des conséquences physiques.[16]

Certains croient que des droits économiques devraient être déduits de la sécurité de la personne, ainsi que des droits à l'égalité contenus à l'article 15, afin de rapprocher la Charte du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L'argument veut que les droits économiques sont liés à un niveau de vie acceptable et peuvent contribuer au développement des droits civils dans un environnement vivable.[17] Il y a également eu des discussions au sein de la Cour suprême et parmi plusieurs experts à savoir si la sécurité de la personne garantit certains droits économiques. En théorie, la sécurité de la personne serait violée si le gouvernement restreint la capacité d'une personne d'assurer son revenu, en lui refusant l'assistance sociale, en confisquant des biens essentiels à sa profession, ou en lui refusant des licences. Toutefois, l'article 7 se préoccupe principalement de droits juridiques, alors cette interprétation en termes de droits économiques est discutable. Plusieurs enjeux économiques sont également des questions politiques.[18]

Principes de la justice fondamentale

Article détaillé : Justice fondamentale.

Les trois droits garantis à l'article 7 peuvent être supprimés dans les cas où la loi restrictive est « en conformité avec les principes de justice fondamentale. » En d'autres mots, cela signifie que des valeurs fondamentales existent dans le système judiciaire qui l'emportent sur ces droits pour le bien commun. Ces principes comprennent la justice naturelle, et depuis le Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.)[19] en 1985, elles comprennent également des garanties substantielles, incluant les autres garanties juridiques de la Charte (par exemple, la protection contre les fouilles et les saisies abusives garantie à l'article 8, et contre les traitements cruels ou inusités à l'article 12, font également partie de la justice fondamentale à l'article 7). Les autres « principes » sont déterminées par la cour et forment la base du système judiciaire canadien :

« Pour qu’une règle ou un principe constitue un principe de justice fondamentale au sens de l’art. 7, il doit s’agir d’un principe juridique à l’égard duquel il existe un consensus substantiel dans la société sur le fait qu’il est essentiel au bon fonctionnement du système de justice, et ce principe doit être défini avec suffisamment de précision pour constituer une norme permettant d’évaluer l’atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. »

— R. c. Malmo-Levine; R. c. Caine, 2003 CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571

Les exemples qui suivent sont quelques-uns des principes bien établis de la justice fondamentale.

Les lois ne doivent pas être arbitraires

C'est un principe de la justice fondamentale que les lois ne doivent pas être arbitraires.[20] En d'autres mots, l'État ne peut restreindre les droits d'un individu si cela « n'a aucun lien, ou est incompatible, avec l'objectif visé par la loi. »[8]

Nul par manque de précision

Les « principes de la justice fondamentale » exigent que les lois aient une interprétation claire et compréhensible afin de pouvoir définir correctement la règle ou l'infraction.

Ce principe est violé si la loi n'est pas suffisamment claire pour créer un « débat judiciaire. » Il doit y avoir clarté de l'objectif, du contenu, de la nature de la loi, des valeurs sociales, des dispositions législatives connexes et des interprétations judiciaires antérieures. Ceci n'empêche pas d'avoir recours à des dispositions générales en autant qu'on peut en déduire un objectif social légitime.[21]

Portée excessive

Un des « principes de la justice fondamentale » exige que les moyens utilisés pour atteindre un objectif social soient raisonnables et nécessaires. Ce principe est violé lorsque le gouvernement, en quête d'un « objectif légitime », fait usage de « mesures » qui entrent en conflit avec les droits d'un individu de façon inutile et disproportionnée.[22]

Mens rea

Les « principes de la justice fondamentale » exigent que les infractions criminelles entraînant une sentence d'emprisonnement comportent un élément de mens rea. Pour les crimes plus sérieux qui imposent des stigmates avec la condamnation, l'élement mental doit être prouvé de façon « subjective. »[23]

« Choque la conscience »

Dans Canada c. Schmidt (1987)[24], la Cour suprême a jugé que les décisions du gouvernement quant à l'extradition sont liées par l'article 7. De plus, il est possible qu'une peine potentielle dans le pays visé « choque la conscience » à tel point que le gouvernement canadien violerait la justice fondamentale s'il y extradait des personnes, les mettant à risque de quelque chose de choquant. En déterminant ce qui choqerait la conscience, la Cour a affirmé que certains éléments de la justice fondamentale au Canada, tels que la présomption d'innocence, pouvaient donner lieu à une évaluation trop minutieuse de la justice d'un pays étranger et qu'ils sont donc sans rapport à l'extradition. D'un autre côté, la possibilité de la torture serait quelque chose de choquant.

Droit au silence

Dans R. c. Hébert (1990)[25] la Cour a jugé que le droit de garder le silence était un principe de la justice fondamentale. Une déclaration de l'accusé ne peut être obtenue par la tromperie policière et on ne peut déduire la culpabilité du fait du silence de l'accusé.

Principes rejetés

Dans le processus de développement de la justice fondamentale, certains demandeurs ont suggéré plusieurs principes que les tribunaux ont rejetés parce que pas suffisamment fondamentaux au processus de justice.

Dans R. c. Malmo-Levine[20], la Cour suprême à rejeté l'affirmation qu'un élément de « préjudice » était une composante requise pour toute infraction criminelle ; dans le contexte de cette affaire, un tel principe aurait invalidé les infractions reliées au cannabis dans le droit criminel.

Dans R. c. DeSousa[26], la Cour a rejeté l'affirmation qu'une symmétrie doit exister entre tous les éléments d'actus reus et de mens rea.

Dans Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général),[27], la Cour a rejeté l'argument que toute loi affectant les enfants doit être dans leurs meilleurs intérêts.

Comparaison avec d'autres instruments de droits de la personne

La Déclaration des droits américaine garantit également le droit à la vie et à la liberté en vertu du Cinquième amendement, et la Constitution des États-Unis d'Amérique garantit également ces droits sous le Quatorzième amendement. Au Canada, avant l'entrée en vigueur de la Charte, la Déclaration canadienne des droits garantissait les droits à la vie, la liberté et la sécurité de la personne, mais toutes ces lois imposent à ces droits les restrictions du due process (traitement équitable) plutôt que de la justice fondamentale, qui est interprétée de manière plus généreuse.

Une différence importante est que les cinqième et quatorzième amendements américains ajoutent le droit à la propriété privée ; la Déclaration canadienne ajoute la «  jouissance de ses biens. » L'exclusion à l'article 7 d'un droit prévu dans les lois équivalentes est considéré comme importante, et ainsi le droit à la propriété privée n'est même pas déduit des droits de liberté et de sécurité de la personne.[28]

Certains estiment que l'article 7 devrait également protéger la propriété privée. En 1981, le Parti progressiste-conservateur a suggéré que l'article 7 soit modifiée pour inclure la protection de la « jouissance de ses biens. » Certains gouvernements provinciaux, dont celui de l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que le Nouveau Parti démocratique, se sont opposés à ce changement. Le NPD était d'avis que si le droit à la propriété était enchâssé dans la Charte, d'autres droits économiques et sociaux devraient y être ajoutés également. En septembre 1982, après l'entrée en vigueur de la Charte, le gouvernement de la Colombie-Britannique a approuvé une résolution modifiant l'article 7 pour y inclure la protection de la propriété privée ; cet amendement ne fut toutefois pas adopté.[29]

Notes et références

  1. Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l'Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3
  2. a  et b Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429
  3. a  et b Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, [2005] 1 R.C.S. 791
  4. Voir Suresh c. Canada et Singh c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177
  5. Irwin toy ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927
  6. États-Unis c. Burns, 2001 CSC 7, [2001] 1 R.C.S. 283
  7. Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342
  8. a  et b Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519
  9. R. c. Clay, 2003 CSC 75, [2003] 3 R.C.S. 735
  10. B. (R.) c. Children's Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315
  11. Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada. 2003 Student Ed. Scarborough, Ontario: Thomson Canada Limited, 2003, page 980.
  12. Hogg, p. 981.
  13. Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307
  14. R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30
  15. Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441
  16. Dans cet arrêt, la loi québécoise a été invalidée pour violation de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec ; seulement trois juges ont également jugé que la loi violait l'article 7 de la Charte canadienne, donc le jugement ne s'applique qu'au Québec.
  17. Lugtig, Sarah et Debra Parkes, "Where do we go from here?" Herizons, printemps 2002, vol. 15 no. 4, page 14
  18. Hogg, p. 983.
  19. Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), [1985] 2 R.C.S. 486
  20. a  et b R. c. Malmo-Levine; R. c. Caine, 2003 CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571
  21. Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 R.C.S. 1031
  22. R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761
  23. R. c. Vaillancourt, [1987] 2 R.C.S. 636
  24. Canada c. Schmidt, [1987] 1 R.C.S. 500
  25. R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151
  26. R. c. DeSousa, [1992] 2 R.C.S. 944
  27. Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4, [2004] 1 R.C.S. 76
  28. Hogg, pp. 983-984.
  29. David Johansen, LE DROIT À LA PROPRIÉTÉ ET LA CONSTITUTION, Gouvernement du Canada, Division du droit et du gouvernement, octobre 1991.

Source

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