- Postmodernité
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La postmodernité est un concept de sociologie historique qui désigne selon plusieurs auteurs la dissolution, survenue dans les sociétés contemporaines occidentales à la fin du XXe siècle, de la référence à la raison comme totalité transcendante[1]. De cette fin de la transcendance résulte un rapport au temps centré sur le présent, un mode inédit de régulation de la pratique sociale, et une fragilisation des identités collectives et individuelles.
Sommaire
Caractéristiques de la société postmoderne
Un nouveau rapport au temps
La postmodernité est l'éclatement des références temporelles et locales : quand les prémodernes se reposaient sur la tradition et les modernes sur l'avenir, les postmodernes auraient les pieds dans le vide[2] . A la différence de la modernité, la postmodernité ne rattache plus l’idée de progrès à un sens synthétique qui le justifie. Le passé, où les autorités ont été défaillantes dans leur tâche, ne rallie guère, tandis que l'avenir ne réserve plus autant de promesses (le « No future! » des Punks), dans la mesure où il est totalement incertain vu l'évolution exponentielle de l’œuvre humaine.
La sociologie postmoderne donne une place centrale à l'imaginaire de l'ici et maintenant (Michel Maffesoli). Culte du présent, bonne gestion et recherche du bien-être remplacent la volonté de transmission, propre aux prémodernes, comme celle de transformation de la société, caractéristique des modernes (Peter Sloterdijk).
Fragmentation de la société et fragmentation de l'individu
L'ère postmoderne contribue à la fragmentation de l'individu : l’identité se fragilise. Elle se démultiplie ou se compartimente entre des attitudes diverses voire auparavant opposées : « banker le jour, raver le soir »[3], « parfaite maîtresse de maison le soir, femme d’affaires le jour »[4]... En fonction des moments de sa vie, l'individu ne se projette plus dans des modèles mais joue de sa personne à travers plusieurs masques. On tend vers une plus grande flexibilité identitaire (« je est un autre » voire je est plusieurs autres).
Cette fragmentation de l'individu n'est que l'écho de la fragmentation de la société, en de multiples groupes, tribus ou communautés à l'exemple de la culture techno, fragmentation qui se retrouve sur le terrain économique dans l'offre marketing et la publicité et des mass-médias, stimulée par le développement d’Internet. Cette tendance de fond n’empêche pas le développement de la poly-appartenance où un seul individu peut appartenir à plusieurs communautés à la fois mais à des moments différents de son existence quotidienne.
Sous la bannière du droit d'être absolument soi-même, tous les modes de vie deviennent socialement légitimes. Le modèle patriarcal explose au profit de la juxtaposition de modèles sociaux qui cohabitent créant un sentiment de flottement ou un vieillissement accéléré sur les valeurs de référence et les discours qui en découlent. De ces fragmentations résulte la fin des modèles sociologiques patiemment étudiés et conceptualisés.
Un nouveau mode de régulation de la pratique sociale
La postmodernité implique un nouveau mode de régulation des pratiques sociales et de reproduction des rapports sociaux découlant des contradictions de la modernité politique et institutionnelle. Les actes signifiants des individus sont progressivement dissociés d’un ordre commun synthétique (qui dans la modernité leur conférait un sens) et remplacé par des régulations purement autoréférentielles et automatiques (le marché, les technologies, les médias informatiques) dont le mode d'opération n'est plus mesuré par rien d'autre que par leur propre taux de croissance exponentielle.
L’efficacité remplace la légitimité ; la gestion remplace le politique ; le contrôle, la propriété ; et nous nous retrouvons finalement avec des organisations qui prennent des décisions avec de l’information. La postmodernité ainsi entendue est un mode de reproduction sociale d’ensemble, régulée de manière décisionnelle et opérationnelle plutôt que de manière politico-institutionnelle (Michel Freitag).
Les conséquences pratiques de cette dissolution de la référence à la raison, c’est que les actions humaines tendent à se réduire progressivement à un comportement adaptatif, que la pensée s’identifie à un calcul marginal de gain ou de perte, que les rapports humains se réduisent à la compétition ou à la concurrence et les identités ou statuts à ceux de gagnant et de perdant. Enfin, la science dans une société postmoderne renonce à son idéal normatif de réalité et de vérité, au profit de la prévisibilité des résultats de l’action instrumentale. L’activité humaine tend à se justifier par le paradigme général de la résolution de problèmes.
La culture postmoderne
La pensée postmoderne se situe dans la perspective de surmonter le désenchantement du monde, après la désagrégation des repères culturels ou religieux résultant de la modernité, et l'échec patent des utopies révolutionnaires qu'elle avait porté.
- Dans La condition postmoderne, Jean-François Lyotard s'efforce de définir la spécificité de l'esthétique et de l'heuristique des philosophies postmodernes. Ces dernières s'inscrivent dans le prolongement du structuralisme et du déconstructivisme, tout en critiquant l'héritage du freudisme et du marxisme.
- La littérature postmoderne, quant à elle, est caractérisée par une méfiance à l'égard des mécanismes de totalisation. Au lieu de la quête moderniste de sens, les écrivains postmodernes éludent la possibilité même du sens.
La postmodernité ne doit pas être confondue avec le postmodernisme entendu comme un mouvement artistique et architectural, fondé sur une critique du modernisme.
Un concept également sujet à critique
Plusieurs auteurs, comme Alain Finkielkraut dans La Défaite de la pensée, critiquent cette approche du social.
Postmodernité et hypermodernité
Dans Les Temps hypermodernes, Gilles Lipovetsky estime que la dissolution des structures propres à la postmodernité a été, depuis le milieu des années 1980, supplantée par l'hypermodernité, du fait d'une prise de conscience anxiogène de graves problèmes de dérégulations socioéconomiques, sanitaires et environnementales. Le narcissisme, l'insouciance et l'euphorie postmodernes sont dès lors empêchés. On passe de l'épanouissement de soi à l'obsession de soi (crainte de la maladie, de l'âge...).
L'hypermodernité marque ainsi le deuil de la brève utopie postmoderne (années 1950-1960), c'est-à-dire l'utopie d'une société recentrée sur l'individu et valorisant l'hédonisme libertaire. La disparition — libertarienne, et déstabilisante — des repères et des structures d'encadrement traditionnel (État, religion, famille), ainsi que la toute-puissance de la société de marché, ont délivré la modernité de ce qui la freinait encore. Ainsi délestée de ses contre-poids, elle n'a désormais plus qu'à se moderniser elle-même, et s'élève alors à la puissance superlative : tout y devient "hyper".
Bibliographie
- Gilles Lipovetsky, L'Ere du vide : Essais sur l'individualisme contemporain
- Gilles Lipovetsky, Le Crépuscule du devoir
- Gilles Lipovetsky & Sébastien Charles, Les Temps hypermodernes
- Michel Freitag, Dialectique et Société
- Claude Dubar, La Crise des identités : L'interprétation d'une mutation
- Michel Tort, La Fin du dogme paternel, Paris, Flammarion, coll. Champs 2007, 490 p. (réédition de 2005, Aubier).
- Michel Tort, Le Désir froid : procréation artificielle et crise des repères symboliques, La Découverte, coll. Textes À L'appui, 1992, 340 p.
- Alain Ehrenberg, L'Individu incertain
- Alain Ehrenberg, Le Culte de la performance
- Alain Ehrenberg, La Fatigue d'être soi
- Nicole Aubert, L'Individu hypermoderne
- Nicole Aubert, Le Culte de l'urgence : La société malade du temps
- Zaki Laïdi, Le Sacre du présent
- Peter Sloterdijk, La Mobilisation infinie
- Michel Maffesoli, L'Instant éternel : Le retour du tragique dans les sociétés postmodernes
- Michel Maffesoli, La Transfiguration du politique : la tribalisation du monde postmoderne
- Michel Maffesoli, Le Temps des tribus
- Claude Javeau, Les paradoxes de la postmodernité
- Georges Perec, W ou le souvenir d'enfance"
Notes et références
- (fr)Définitions, débats sur 1libertaire.free.fr. Consulté le 3 novembre 2010.
- (fr)Résumé de l'auteur - La postmodernité, Le Rider J., chez Plon, 1991, (ISSN [http://worldcat.org/issn/0180-8214&lang=fr 0180-8214)] sur cat.inist.fr/. Consulté le 3 novembre 2010.
- Caroline Laurent, Olaf Breuning, De la simplicité trash à la libération des signes : Mémoire de Master 1 Homme, sociétés, technologies, Université Pierre-Mendès-France, Grenoble II, UFR sciences humaines, 2006-2007 [lire en ligne (page consultée le 8 septembre 2010)], p. 65-66
- cégep pendant plus de trente ans, a utilisé cette expression dans son cours sur le postmodernisme (vue 14), datant de l'hiver 2005. Jean-Louis Lessard, Québécois, professeur de littérature en
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Une synthèse des théories du changement social tentant de dessiner ce que sera la société "postmoderne" de demain. (Livre de Crook, Pakulski, Waters)
- Thierry Labica, « Le grand récit de la postmodernité. À propos de Le Postmodernisme ou la logique du capitalisme tardif de Fredric Jameson », in La Revue internationale des livres et des idées, n° 1, sept.-oct. 2007 (en ligne)
- Article de réflexion sur la postmodernité, Le postmoderne ou l'hémorragie du discours, revue Sens Public
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