Port-Couvreux

Port-Couvreux
Vue du site de Port-Couvreux en 2005.
Port-Couvreux en 1983.

Port-Couvreux est un lieu-dit de la Grande Terre des îles Kerguelen où eut lieu l'une des seules tentatives d'installation humaine sur cet archipel.

Histoire

Lorsque le Baron Pierre Decouz revient en France après sept mois d'hivernage du 27 mars au 18 octobre 1912, il raconte aux Bossière que l'élevage du mouton pourra assez bien réussir aux îles Kerguelen (mais durant l'hiver il faudra des abris et du fourrage) et que l'archipel entier pourra accueillir 200 000 bêtes à laine.

Le projet des Bossière est plus sérieux que d'habitude, il était prévu de construire une ferme, des enclos et une bergerie pour 500 moutons sur la côte Est de la presqu'île BOUQUET de la GRYE en un lieu baptisé PORT COUVREUX par René BOSSIERE. Ami des deux frères, Abel COUVREUX, ingénieur, vice-président des Sultanats du Haut Oubangui et qui fut administrateur et généreux bienfaiteur de la socié­té des îles Kerguelen, était décédé à la fin de l'année 1912. Ce mouillage bien abrité baptisé PORT SULHOUT par les baleiniers américains puis SEELHORST-HAFEN du nom d'un officier de l'expédition allemande de la "GAZELLE" en 1874, avait été été reconnu et visité à plusieurs reprises par les Norvégiens dès 1908 et par Henry BOSSIERE en en 1909.

Mais une fois de plus rien ne va se passer comme prévu. Après le départ du Havre du navire Yves de Kerguelen en décembre 1912, c'est R. Bossière, fort de ses relations en Amérique du Sud, qui accepte la mission très pénible d'effectuer à bord du navire Jacques le voyage aux îles Kerguelen, via les îles Malouines. Parti de Swansea le 10 février 1913, le voilier arrive le 15 avril à Montevideo d'où il repart 2 mois plus tard à destination des îles Malouines. Il quitte ensuite celles-ci le 10 juillet avec un chargement de 1 600 moutons, et arrive aux îles Kerguelen le 16 août, après une traversée agitée et surtout avec deux mois de retard sur le calendrier prévu. La traversée va durer 40 jours dans des conditions épouvantables. Beaucoup de moutons meurent de froid. Contre toute prévision, il n'y retrouve pas le Yves de Kerguelen et son commandant, le capitaine Allaire, qui, lassé par trois mois d'attente sur place occupé à faire des relevés de côtes, est reparti début août à destination de l'Afrique du Sud, en dépit des instructions formelles qui lui avaient été données par les Bossière, compromettant ainsi tous leurs projets. Faute de mieux, l'équipage du "Jacques" conduit par le capitaine Frostin, réussit cependant à mettre à terre à Port Couvreux le 20 août 1913.

Les 1 150 moutons ayant survécu au voyage, ainsi que la totalité du matériel apporté. Malheureusement, les tempêtes de neige se succèdent dans un froid glacial sur la presqu'île Bouquet de la Grye, sur laquelle les moutons sont ainsi débarqués, aride et ravagée par les lapins sauvages, constitue l'un des endroits les plus défavorables de l'archipel pour l'élevage projeté. Compte tenu des circonstances, il est décidé que les moutons seront tous déposés à Port Couvreux. Lors des opérations de débarquement de nombreux moutons et brebis dont certaines, succombèrent encore du froid. L'équipage du "Jacques" construit hàtivement une petite maison d'habitation et quelques enclos. Fin septembre, le "Jacques" avec René BOSSIERE quitte Kerguelen pour l'Australie, laissant derrière lui trois bergers, ALAVERRY, B. JOLY et T. COMBES à la tête d'un troupeau d'à peine 600 têtes.

Pour compléter le tout, les quatre bergers sont laissés dans un abri provisoire en raison du départ précipité du Jacques qui, avec R. Bossière à son bord, arrivera le 16 octobre à Bunbury en Australie. C'est là que René reçoit un télégramme de sa société le priant de se rendre d'urgence à Cape Town pour y régler le problème du navire Yves de Kerguelen. Lorsqu'il arrive dans cette ville, le 17 novembre, il y trouve une situation très confuse. La Première guerre Mondiale et l'échec de la tentative d'élevage.

Et les quatre Bergers français restés à Port Couvreux. Les norvégiens ayant laissé de leur côté deux gardiens à l'usine de Port-Jeanne-d'Arc (presqu'île Jeanne d'Arc), un accord est conclu avec l'Aktieselskabet Kerguelen pour affréter un navire en commun. Quand ce bateau (l'ancien Yves de Kerguelen, racheté pour une bouchée de pain par des anglais dans les conditions que l'on sait, et rebaptisé Isle of Kerguelen) vient évacuer les bergers à cause de la Première Guerre mondiale, il reste moins de 200 moutons vivants sur les 1 150 débarqués par le Jacques... L'établissement baleinier, qui a un peu souffert pendant ces sept années d'abandon, est facilement remis en état, ainsi que le bâtiment d'habitation de Port Couvreux. Mais le berger envoyé aux îles Kerguelen en septembre 1920 pour reprendre les activités d'élevage ne retrouve que deux béliers vivants, et repart en France à la fin de l'année.

Pour essayer de donner une nouvelle impulsion à la branche élevage de la société, mais sans doute surtout, comme l'a suggéré Briot (1990), pour tenter un essai de colonisation des îles Kerguelen. Loin de désespérer, René BOSSIERE profite d'un navire sud-africain pour repartir en 1922 avec ALAVERRY et un autre berger pour acheminer une cinquantaine de moutons et quelques porcs à Port Couvreux. Les bâtiments sont restaurés et une bergerie et une porcherie sont construites. En 1924, 18 mois , les résultats ne sont pas brillants : il reste 18 moutons sur les 53 amenés en 1922 auxquels s'ajoutent trois "rescapés" du "JACQUES". Le manque de soin et de surveillance y sont pour beaucoup. Une cinquantaine de moutons sud-africains, et des porcs sont encore achetés et acheminés à Port Couvreux parle "LOZERE", le nouveau navire de la société "Pèches Australes" que les BOSSIÈRE viennent de créer. Une petite usine de fabrication de poudre de viande à partir des carcasses de phoques est construite à proximité pour nourrir les porcs. En dépit du manque de moyens des bergers et des conditions très difficiles, l'élevage donne quelques résultats. De la laine de très bonne qualité est récupérée et vendue à bon prix en France. Lors de la 3" campagne de chasse du Lozère en 1927, la porcherie et la bergerie sont agrandies et une vingtaine de moutons. deux béliers et quelques truies viennent augmenter le cheptel sur place et Trois couples de bergers du Havre. dont certains avec des enfants, c'est ainsi que M. et Mme Georges Le Galloudec et leur fillette Georgette âgée de 9 ans, M. et Mme Léon Ménager et leur fille Léone âgée de 12 ans, ainsi que M. et Mme Pierre Petit embarquent, en août 1927, à bord du navire Lozère partant pour sa troisième campagne. Lors de l'escale à Port Natal (Durban) en Afrique du Sud, ils achèteront bien quelques animaux domestiques (porcs reproducteurs, moutons, vaches et chèvre Angora), et arrivé à Port Couvreux, ils s'y installent de nouveau en 1927 dans des conditions très précaires.

Mais les résultats rie sont pas au rendez-vous. L'ennui et la solitude des bergers, les conditions climatiques et le manque de pâturage font que l'élevage stagne et,même si les porcs s'acclimatent bien, leur chair a un goût très désagréable en raison de leur nourriture à base de poudre de viande de phoque et de poisson. Les colons PETIT, MENAGER, LE GALLOUDEC, JEGU, SELLIER et leur famille se succédèrent sur cette terre désolée menant une vie triste et difficile, rythmée par le passage des navires durant les campagnes de chasse de l'été austral. Certains d'entre eux décèderont à Port Couvreux par accident ou par maladie dont Georges Le Galloudec ayant trouvé une mort tragique fin décembre 1927, et le petit cimetière à l'écart des habitations témoignera de leurs vicissitudes et de leur souffrance. Les couples de bergers et leur enfants seront évacués définitivement en 1931 en même temps que les naufragés du Lozère.

Aujourd'hui, le lieu est à l'abandon. Pourtant l'administration des TAAF essaie de maintenir en état quelques bâtiments de ces anciennes stations baleinières et d'élevage qui font partie du patrimoine des terres Australes, dont une mission scientifique est actuellement chargée de faire l'inventaire. Le petit cimetière de Port Couvreux est entretenu périodiquement par les hommes de la base de Port aux Français, comme d'autres tombes dispersées dans tout l'archipel. Si la malchance et le manque de moyens ont toujours fait obstacle aux ambitions des frères BOSSIERE, il faut néanmoins souligner que le choix de Port Couvreux comme site d'élevage ne fut pas judicieux. Alors même que la presqu'île Bouquet de la Grye est très limitée en pâturage d'accena et d'azorella, nourriture indispensable aux moutons, et qu'en outre ces pâturages sont balayés par des vents très froids, les frères BOSSIERE choisirent néanmoins ce site en raison des avantages que ce mouillage offrait aux navires pour s'abri­ter et pour effectuer des débarquements dans de bonnes conditions. Mais en dépit des échecs. leurs efforts auront permis à la France de conserver cette terre de la désolation deve­nue un sanctuaire pour la protection de certaines espèces animales et un véritable laboratoire pour la recherche scientifique.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Port-Couvreux de Wikipédia en français (auteurs)

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