- Pierre Mitchell
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Pierre Mitchell, né à Dublin en Irlande le 4 février 1687, mort à Bagnères de Bigorre le 16 septembre 1740, est un industriel bordelais d'origine irlandaise.
Mitchell est un pionnier en France de la fabrication des bouteilles. Il fonde en 1723 la première verrerie bordelaise, qui devient la principale fabrique de bouteilles en France et est promue manufacture royale en 1738. Il en développe l'industrie et le négoce, devient en plus armateur, se lance dans le commerce maritime, et crée le domaine viticole du Château du Tertre.
Sommaire
Biographie
Origine irlandaise
Issu d'une ancienne famille irlandaise, Pierre Mitchell est le fils de Jean Mitchell, écuyer, et d'Elisabeth O'Connel. Il est baptisé à Dublin le 4 février 1687. Son père Jean Mitchell lutte pour les Stuart, puis fait partie des réfugiés jacobites à la cour de France avec le roi Jacques II d'Angleterre.
La verrerie
Pierre Mitchell se fixe dans le Bordelais, il y est d'abord charpentier de barriques. La modestie de sa condition de reflète dans son contrat de mariage, où il reconnaît humblement qu'il n'a rien à proposer, que son métier[1].
Il fonde ensuite la première verrerie du Bordelais, d'abord en louant une maison et un terrain à la palu des Chartrons, où il construit son premier fourneau ; mais le terrain ne convient pas bien et le loyer est trop élevé[2]. Il déménage alors à Eysines, près de Lescombes[3]. Il affirme posséder un secret pour la fabrication des bouteilles[4] ; ce serait l'utilisation de la houille à la place du bois. Les débuts sont difficiles et les incidents sont nombreux[4].
Mitchell déplace de nouveau sa verrerie en 1723 pour s'installer au faubourg des Chartrons, à l'emplacement actuellement occupé par la rue de la Verrerie, l'impasse Mitchell, la place Mitchell, la rue d'Aviau et le cours de Verdun ; à l'époque, l'endroit est couvert de marais, de vignes et de champs[3],[5]. La verrerie qu'il y crée est la première verrerie bordelaise, et devient le principal centre de production de bouteilles en France[6]. Les lettres patentes des 25 octobre et 16 novembre 1723 reconnaissent sa primauté et lui accordent même un privilège d'exclusivité. Lorsqu'en 1726 un concurrent[7] est autorisé à s'installer à Bourg près de Bordeaux, Mitchell veut s'y opposer ; la chambre de commerce, consultée par l'intendant, préconise le rejet de la demande de Mitchell : « Le sieur Mitchell n'a qu'à faire des verres et bouteilles supérieurs à ceux de la manufacture de Bourg et il la fera tomber d'elle-même »[8].
La construction du grand four de la verrerie Mitchell, en forme de cône, est fortement similaire aux premiers fours anglais de ce type, en cone-glass ; il en existait un à Dublin où Mitchell habitait avant de s'installer à Bordeaux. Ce grand four en forme de cône est visible de loin dans le paysage bordelais[9].
En fabrication de bouteilles, Pierre Mitchell serait le créateur du Jéroboam, ainsi nommé par les Bordelais en 1725, et de la bordelaise[10]. Le contrôleur Lemarchant en visite chez Mitchell en 1749 y observe une très grande variété de formes et de tailles[9].
Il obtient pour sa verrerie de le titre envié de manufacture royale par lettres patentes du 4 mars 1738. Elle devient alors la « Verrerie royale de Bordeaux ».
Diversification
Mitchell entame une large politique de diversification de ses activités. Industriel, négociant, il crée un domaine viticole et devient armateur pour le commerce maritime.
Château du Tertre
Pierre Mitchell se constitue un « domaine viticole de premier ordre »[11]. Il rachète d'abord, en 1724, une partie de la seigneurie d'Arsac ; ensuite il agrandit progressivement son domaine, par plus de vingt actes notariés, et il y fait construire le Château du Tertre vers 1736[11]. Ce vignoble sera un cinquième grand cru dans la classification officielle des vins de Bordeaux de 1855.
Armateur
Armateur, il achète successivement en janvier et juillet 1740 le Saint-Pierre, galère de 140 tonneaux et 6 canons, et le Saint-François, de 60 tonneaux, pour le commerce maritime[12].
Pierre Mitchell est mort le 16 septembre 1740 à Bagnères de Bigorre.
Famille et postérité
Alliance et descendance
Pierre Mitchell épouse Jeanne O'Hicky[13], et a un fils et trois filles[3] :
- François-Patrice Mitchell (v. 1740-1792), industriel verrier, négociant et armateur, qui succède à son père.
- Elizabeth Mitchell, qui épouse vers 1745 Armand Saige, directeur de la Chambre de commerce, oncle du futur maire François-Armand de Saige[14].
- Anne-Marie Mitchell, qui épouse en 1750 Louis de Larmandie, écuyer, de Bergerac[15].
- N. Mitchell, qui épouse M. Carton de Grammont.
Postérité de la verrerie
Article détaillé : François-Patrice Mitchell.Après la mort du fondateur, la verrerie Mitchell est dirigée par sa veuve, puis à sa majorité par leur fils François-Patrice Mitchell. Celui-ci devient jurat de Bordeaux, obtient de Louis XVI, en septembre 1777, des lettres de reconnaissance de leur ancienne noblesse, avec le titre de gentilhomme verrier et le droit de continuer à diriger son industrie sans déroger à la condition de noble. Il crée un deuxième établissement vers 1756[16] et continue l'extension de l'entreprise.
La verrerie fondée par Pierre Mitchell est transférée en 1819 par les fils de François-Patrice, Pierre-Thomas et William, quai de Bacalan. Les fils de Pierre-Thomas étendent l'activité et créent une autre verrerie en 1855[3]. L'activité continue jusqu'aux années 1930[4].
Nomenclature conservée
Article connexe : Listes des voies de Bordeaux.Le souvenir des Mitchell et de leur verrerie est conservé dans la toponymie bordelaise :
- Place Mitchell, à Bordeaux[5].
- Impasse Mitchell, à Bordeaux.
- Rue Mitchell, devenue par corruption la rue Michel[3], à Bordeaux.
- Rue de la Verrerie, à Bordeaux.
Sources bibliographiques
- « Mitchell », dans Édouard Féret, Statistique générale, topographique, scientifique, administrative, industrielle, commerciale, agricole, historique, archéologique et biographique du département de la Gironde, Bordeaux, Féret et fils, 1874-1889, p. 457-458.
- Archives historiques du département de la Gironde, 1859-1929/32 (I-LVIII). 1933/36 (n. s. I). 1859. 1908 (T. 43).
- Patrick Clarke de Dromantin, Les réfugiés jacobites dans la France du XVIIIe siècle : l'exode de toute une noblesse “pour cause de religion”, Presses universitaires de Bordeaux, 2005.
Notes et références
- Anne-Marie Cocula, Michel Combet, Château et stratégies familiales: actes des Rencontres d'archéologie et d'histoire en Périgord les 22, 23 et 24 septembre 2006, Scripta varia, volume 13, Ausonius, 2007.
- Clarke de Dromantin 2005, p. 322.
- Féret 1874, p. 457.
- Dossier sur la bouteille bordelaise, 1re partie, p. 4. [PDF] Verreonline,
- Ville de Bordeaux, site officiel bordeaux.fr, « Place Mitchell ».
- Dossier sur la bouteille bordelaise, 1re partie, p. 2. [PDF] Verreonline,
- Bathazar Fouberg, gentilhomme verrier originaire de Wusbourg (Allemagne). Bernard Gallinato, Les Corporations à Bordeaux à la fin de l'ancien régime..., 1992.
- Pour l'anecdote et la citation : voir Bernard Gallinato, Les Corporations à Bordeaux à la fin de l'ancien régime: vie et mort d'un mode d'organisation du travail, Bordeaux, Presses Univ. de Bordeaux, 1992.
- Christophe Bouneau, Michel Figeac, Le verre et le vin de la cave à la table du XVIIe siècle à nos jours, Centre d'études des mondes moderne et contemporain, Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, 2008.
- bouteille de Bordeaux sur le site du musée de la sommellerie Voir la notice sur la
- Clarke de Dromantin 2005, p. 136-137.
- Clarke de Dromantin 2005, p. 424.
- (en) « O'Hickey », Edward Mac Lysaght, Irish families, their names, arms and origins, Dublin, Allen Figgis, 1972, p. 180-181. Ou Jane O'Hickey, également orthographié Hickey ou Hickie.
- (en) Keith Michael Baker, Inventing the French Revolution: essays on French political culture in the eighteenth century, Cambridge University Press, 1990, p. 130-131 [lire en ligne].
- Pierre Meller, État-civil des familles bordelaises avant la révolution - Mariages, Bordeaux, 1909, p. 143.
- Clarke de Dromantin 2005, p. 323, 327.
Voir aussi
Articles connexes
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