- Perversion narcissique
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L'expression perversion narcissique est proposée par le psychanalyste Paul-Claude Racamier, en 1986 dans Entre agonie psychique, déni psychotique et perversion narcissique[1], en 1987 dans La Perversion narcissique[2], puis en 1992 dans Génie des origines[3].
Racamier ne cherche pas à qualifier des individus mais à identifier l'origine d'un dysfonctionnement dans les interactions : Gérard Bayle explique que la notion « sert son souci de décrire et de traquer les processus pervers dans les familles et dans les groupes »[4]. La mise en actes de ces stratégies est précisée par Racamier[5]. Elle a été popularisée dans les années 1990 par Marie-France Hirigoyen et Alberto Eiguer[6].
Malgré un écho populaire important, le concept reste limité à la littérature francophone. La perversion dite "narcissique" n'est pas reconnue comme une notion à part entière. Elle est très peu reprise par les psychanalystes car, dans la réalité clinique, elle ne diffère pas de la perversion[7] dite de "caractère" ou "morale".
Il convient de distinguer la "perversion de caractère"[8], dont l'objectif est de dénier le droit à l'autre de posséder des intérêts propres afin de nourrir les siens, de l'"aménagement pervers" dont la pratique consiste à dénier au sexe féminin un pouvoir phallique, de la "perversion sexuelle" dont l'objet est d'imposer ses désirs sexuels aux autres sans leur accord.
Sommaire
Définition
La perversion dite "narcissique" est souvent confondue avec le trouble de la personnalité narcissique, défini comme la surestimation de soi-même et de ses capacités, l'impression d'être unique, le besoin d'être reconnu comme exceptionnel tout en acceptant difficilement les critiques.
La perversion narcissique d'un proche, d'un conjoint, d'un parent, d'un enfant, d'un supérieur peut briser un couple, défaire une vie ou ruiner une carrière professionnelle. Celle-ci cherche à déstabiliser l'autre, par une séduction flatteuse ou un acharnement souvent sournois et subtil, ainsi que par une disqualification insidieuse et récurrente. Le but est d'obtenir un moyen de contrôle sur l'affection, l'attention et la disponibilité de l'autre ; sans reconnaître sa propre vulnérabilité.
La mise en œuvre de l'intention perverse opère principalement dans la discrétion, souvent sur un mode "passif-agressif" ou charmeur, par retournement de situation, et, en cas de risque, en prenant soin d'éviter toute forme de preuve, de témoignage ou de risque de dénonciation publique.
La perversion désigne le fait de détourner, de renverser et de retourner. Elle correspond à certaines stratégies du sujet assurant la satisfaction de ses pulsions aux dépens des autres. Ils sont utilisés comme des choses et leurs sentiments sont niés.
« La perversion est une anti-relation, elle ne fonctionne que sous le mode du rapport, elle ne produit que des rapports de force, donc de pouvoir : séduction, emprise, domination. [...] La perversion joue sur tous les tableaux. Elle mêle l’inversion de la réalité à la banalisation des situations graves et au déni des actes profanateurs. Elle prône l’impudeur et le non-respect de l’intimité, échange fausses confidences contre confidences forcées, renverse les principes humains, retourne les situations en défaveur de la vérité et empoisonne pour garder l’autre en prison malgré lui…[9] »
En bref, « le mot de perversion est employé pour qualifier l'instrumentalisation de l'humain et toutes les entreprises de désubjectivation »[10].
Références
- Revue française de psychanalyse, vol. 50, no 5.
- Gruppo, no 3.
- Paul-Claude Racamier, Génie des origines, 4e partie p. 279–340, Payot, 1992 (ISBN 978-2228885126). Il la décrit comme "une organisation durable caractérisée par la capacité à se mettre à l'abri des conflits internes, et en particulier du deuil, en se faisant valoir au détriment d'un objet manipulé comme un ustensile ou un faire-valoir.", P.-C. Racamier, Cortège conceptuel, Apsygée, 1993 (ISBN 290787408X).
- source utilisée) Gérard Bayle, Paul-Claude Racamier, PUF, « Psychanalystes d’aujourd’hui », 1997. (
- « Il n’y a rien à attendre de la fréquentation des pervers narcissiques, on peut seulement espérer s’en sortir indemne. » Paul-Claude Racamier (rapportée ici)
- ISBN 2747532542, p. 48. Jeanne Defontaine, l'Empreinte familiale : Transfert, Transmission, Transagir, L'Harmattan, 2007. ISBN 2296034683, p. 81. Maurice Hurni, Saccages psychiques au quotidien perversion narcissique dans les familles, L'Harmattan, 2002.
- Serge Reznik et al., Le malaise pervers, Che Vuoi ? n° 32, L’Harmattan, décembre 2009.
- Jean Bergeret (psychanalyste), La personnalité normale et pathologique, 3eme Edition, Dunod, 2007, p.160 & 169.
- Eyrolles, 2010, pp. 69 et 85. Saverio Tomasella, La perversion : renverser le monde,
- Stock, L'autre pensée, 2006, p. 322. Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillière, Histoire et Trauma, La folie des guerres,
Voir aussi
Bibliographie
- Répondre de sa parole, Daniel Lemler, Erès, 2011, ISBN 978-2-7492-1347-7.
- La perversion : renverser le monde, Saverio Tomasella, Eyrolles, 2010, ISBN 978-2-212-54693-4.
- Le harcèlement moral - La violence perverse au quotidien, Marie-France Hirigoyen, Pocket, 2010, ISBN 978-2-266-09243-2.
- "Le malaise pervers", Serge Reznik et al., Che Vuoi ? n° 32, L’Harmattan, décembre 2009. ISBN 978-2-296-10680-2.
- La constitution de l'être, Marie-Claude Defores et Yvan Piedimonte, Bréal, 2009.
- La perversion : se venger pour survivre, Gérard Bonnet, PUF, 2008.
- La perversion ordinaire, Jean-Pierre Lebrun, Denoël, 2007.
- Le pervers narcissique et son complice, Alberto Eiguer, Dunod, 2004.
- La perversion narcissique, Revue française de psychanalyse, 2003/3, ISBN 213053564X.
- Le pervers narcissique dévoilé, Jean-louis Roche, éditions du pavé, 2010, ISBN 9782963402636.
Liens externes
Catégories :- Concept de psychanalyse
- Psychopathologie psychanalytique
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