- Méthode de Laue
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La méthode de Laue est un procédé de radiocristallographie qui consiste à recueillir le cliché de diffraction d'un faisceau polychromatique de rayons X ou de neutrons par un monocristal fixe. Cette méthode, la plus ancienne des méthodes de diffraction, doit son nom à Max von Laue qui obtint le prix Nobel de physique en 1914 pour ses travaux sur la diffraction.Sommaire
Historique
La méthode de Laue est historiquement la première méthode de diffraction de rayons X. Elle fut mise en œuvre pour la première fois en 1912 par Walther Friedrich et Paul Knipping, sur les idées de Max von Laue[1].
La méthode de Laue fut utilisée pour la détermination de structures cristallines, avant d'être remplacée pour cela par des techniques plus précises ou plus commodes. Facilement disponible en laboratoire, la méthode de Laue reste encore largement utilisée pour orienter les monocristaux suivant une direction cristallographique particulière.
L'invention des synchrotrons ouvrit des possibilités nouvelles d'utilisations de la méthode de Laue. Les intensités importantes des flux permit de tirer parti des avantages de la méthode de Laue, i.e. principalement la possibilité d'obtenir en un temps très court une très grande quantité d'information sans avoir à bouger l'échantillon. Des stratégies optimisées de collectes et traitement des données permirent notamment la réalisation d'expériences de diffraction en temps réel avec une résolution temporelle inférieure à la nanoseconde.
La méthode de Laue peut également être utilisée en diffraction des neutrons. Le diffractomètre VIVALDI à l'institut Laue Langevin est consacré à cette méthode[2],[3].
Aspects techniques et expérimentaux
Sources de rayons X
La méthode de Laue requiert un faisceau de rayons X polychromatique couvrant de manière continue une large gamme de longueurs d'onde.
Un tel faisceau est réalisé naturellement dans les sources conventionnelles de rayons X : c'est le rayonnement de freinage, ou Bremsstrahlung, produit par la décélération des électrons a leur arrivée sur l'anode. Ce rayonnement est produit quel que soit le matériau d'anode choisi, mais il est plus ou moins intense selon le matériau. On peut utiliser des tubes classiques à anode de cuivre, mais les plus indiqués sont les tubes de tungstène (utilisés pour l'absence de raies spectrales fournissant un Bremsstrahlung continu)[4].
En synchrotron, les rayons X sont produits par accélération d'électrons dans un anneau circulaire. Le contrôle du faisceau d'électrons permet d'obtenir des faisceaux couvrant tout la gamme des rayons X (et même au-delà).
Sources de neutrons
Les neutrons peuvent être produits dans deux types de source :
- réacteur, où les neutrons sont produits par fission nucléaire de noyaux atomiques lourds (par exemple, 235U ou 239Pu) ;
- source à spallation, où les neutrons sont produits lors de bombardements d'une cible (plomb liquide par exemple) par des protons hautement énergétiques issus d'un accélérateur de particule.
Les neutrons ainsi obtenus produisent, après ralentissement dans de l'eau lourde, un faisceau polychromatique utilisable pour la méthode de Laue.
Détecteurs
La methode de Laue requiert un détecteur plan, placé perpendiculairement au faisceau incident. Il s'agissait initialement de plaques photographiques. Les appareils modernes utilisent des détecteurs à deux dimensions de type detecteur CCD ou détecteur à luminescence photostimulée (image plate).
Géométries
On distingue deux géométries différentes : la diffraction de Laue en transmission et en réflexion. Dans le premier cas, l'écran est place derrière l'échantillon ; on collecte les faisceaux diffractés vers l'avant. Dans le second cas, on collecte les faisceaux diffractés vers l'arrière. Travailler en réflexion permet de réaliser l'expérience sur des échantillons fortement absorbants sans avoir à les amincir.
Description théorique
Article détaillé : Théorie de la diffraction sur un cristal.Représentation géométrique
On considère la diffraction d'un faisceau polychromatique par un cristal fixe.
Pour une longueur d'onde donnée, un faisceau incident est décrit par son vecteur d'onde dirigé dans le sens de propagation du faisceau et de norme 2π/λ. On considère que le faisceau polychromatique contient toutes les longueurs d'onde entre deux valeurs minimale et maximale λmin et λmax. Un faisceau diffracté est décrit de même par son vecteur d'onde . Les deux vecteurs et permettent de définir le vecteur de diffusion, souvent noté :
- .
Les directions dans lesquelles les faisceaux diffusés interfèrent de manière constructive sont alors données par la condition de Laue : il suffit que l'extrémité du vecteur de diffusion coïncide avec un nœud du réseau réciproque. Le cristal étant fixe, il est commode pour donner une représentation géométrique de la méthode de Laue de dessiner le lieu des extrémités de ce vecteur.
Puisqu'on ne s'intéresse qu'à la diffusion élastique, c'est-à-dire aux ondes diffusées à la même énergie que le faisceau incident, on ne considère pour une longueur d'onde donnée que les vecteurs diffusés de même longueur que le vecteur d'onde du faisceau incident. Quand le faisceau diffusé décrit toutes les orientations possibles, l'extrémité du vecteur de diffusion décrit une sphère de rayon 2π / λ, c'est la sphère d'Ewald. En tenant compte de toutes les longueurs d'onde présentes dans le faisceau incident, on obtient une famille de sphères. Tous les nœuds présent dans cette zone donnent lieu à diffraction, et donc peuvent mener à une tache de diffraction sur le détecteur.
Propriétés du cliché de diffraction
Un cliché de Laue est une image distordue du réseau réciproque. De manière générale, à des points alignés dans le réseau réciproque correspondent des taches situées sur une conique sur le cliché (des ellipses ou des branches d'hyperbole). De plus, les différentes harmoniques d'une réflexion sont toutes confondues dans la même tache.
Utilisations
Orientations de cristaux
Avant de réaliser une expérience de physique sur un cristal, il est souvent nécessaire de l'aligner suivant une direction cristallographique précise. La méthode de Laue permet de le faire de manière routinière. Le cristal est placé sur une tête goniométrique. Le cliché obtenu est une figure composée d'un ensemble de taches représentant toutes les directions de l'espace réciproque. Il est alors nécessaire, à ce niveau, d'indexer les taches de diffraction, c'est-à-dire retrouver la nomenclature [hkl] des directions de l'espace réciproque qui ont diffracté et les nommer.
Dans un second temps on peut alors calculer les désorientations en fonctions du point (direction hkl) à corriger en le ramenant, par exemple, au centre du diagramme. Le calcul des angles de corrections s'obtenait anciennement avec des abaques dit de Greninger référencés en fonction des distances cristal-film. À ce jour plusieurs logiciels (OrientExpress) permettent des indexations par superposition des diagrammes théoriques et pratiques, ils permettent aussi le calcul automatique des corrections angulaires à apporter à la tête goniométrique ou au système de réorientation.
Détermination de la classe de Laue
Partant d'un cristal de structure cristallographique inconnue, la détermination de sa classe de Laue est la première étape sur le chemin vers la structure complète. La méthode de Laue permet de mettre en évidence les symétries d'un cristal, et en principe, grâce à plusieurs clichés réalisés selon des directions complémentaires, d'affecter le cristal à une des onze classes de Laue. Dans la pratique, cette méthode est tombée en désuétude au profit de méthodes plus commodes (méthode de Buerger, goniomètre à quatre cercles)[5].
Détermination des paramètres de maille d'un cristal
Des méthodes permettant de déterminer les paramètres de la maille d'un cristal par la méthode de Laue ont été décrites dès les premiers temps de la cristallographie par William Henry Bragg et William Lawrence Bragg. Quelles qu'elles soient, ces méthodes requièrent une information sur la longueur d'onde (ou l'énergie) des faisceaux diffractés, et en particulier la longueur la plus courte λmin produisant une tache sur le cliché de diffraction. Dans un tube à rayons X de laboratoire, cette information peut être obtenue approximativement à partir de la tension d'accélération du tube. En synchrotron aujourd'hui, on dispose de détecteurs permettant d'analyser l'énergie des rayons diffractés. Cela permet d'identifier les symétries de la maille et d'en calculer ses paramètres[6].
Notes et références
- Rousseau (1995), p. 134
- (en) Wilkinson C., Cowan J.A., Myles D.A.A., Cipriani F., McIntyre G.J., « VIVALDI - A Thermal-Neutron Laue Diffractometer for Physics, Chemistry and Materials Science », dans Neutron News, vol. 13, 2002, p. 37-41
- Description du diffractomètre VIVALDI sur le site de l'ILL.
- Rousseau (1995), p. 135
- Rousseau (1995), p. 141
- (en) Q.S. Hanley, J.W. Campbell et M. Bonner Denton, « Application of Energy Resolved Measurements to Laue Diffraction: Determination of Unit-Cell Parameters, Deconvolution of Harmonics and Assignment of Systematic Absences », dans J. Synchrotron Rad., vol. 4, 1997, p. 214-222
Bibliographie
- (en) B. E. Warren, X-Ray Diffraction, Addison-Wesley Publishing Company, 1969, chap. 6, p. 75-84
- (en) Z. Ren, D. Bourgeois, J. R. Helliwell, K. Moffat, V. Srajer, B. L. Stoddard, « Laue crystallography: coming of age », dans J. Synchrotron Rad., vol. 6, 1999, p. 691-917 [texte intégral]
- (en) J. R. Helliwell, Tables internationales de cristallographie, vol. C [lire en ligne], chap. 2.2.1 (« Laue Geometry »), p. 26-29
- (en) K. Moffat, Tables internationales de cristallographie, vol. F [lire en ligne], chap. 8.2 (« Laue crystallography: time-resolved studies »), p. 167-176
- J. J. Rousseau, Cristallographie geométrique et radiocristallographie, Masson, 1995 (ISBN 2-225-84990-0), chap. 11 (« Diagrammes de Laue »)
- (en) Amoros, Buerger and Amoros, The Laue method, New York, Academic Press, 1975
Voir aussi
Liens externes
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