Mouvement de libération des femmes

Mouvement de libération des femmes
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En France, le Mouvement de libération des femmes est né de plusieurs groupes et courants, de réformistes à radicaux[1]. À la fois héritier du mouvement de mai 1968 et du Women's Lib américain naissant, des luttes pour le droit à la contraception et à l'avortement amorcées par le Planning familial, des revendications à l'égalité de tous les droits, moraux, sexuels, juridiques, économiques, symboliques, et de la lutte contre différentes formes d'oppression et de misogynie.

Sommaire

Chronologie

Historiographie

L'histoire de sa "fondation" a posé un problème historiographique, mais quarante ans après, sa chronologie repose désormais sur un nombre croissant de travaux d'historien(ne)s et de témoignages oraux et écrits des actrices, certes parfois contradictoires et polémiques[2].

Premières années

Entre 1967 et 1970, plusieurs groupes de travail se forment[3]. Une association mixte, Féminin, Masculin, Avenir (FMA) issue de la FGDS (socialiste), présidée par Anne Zelensky, organise depuis 1967 des réunions sur les relations entre les hommes et les femmes et une grande réunion dans la Sorbonne occupée de Mai 68 sur le thème des femmes[4]. Des réunions non mixtes ont lieu à partir d'octobre 1968, à l'initiative de Monique Wittig, théoricienne féministe et auteur du roman d'avant-garde L'opoponax[5][6], avec Antoinette Fouque, Josiane Chanel, Gille Wittig etc., en tout une dizaine de femmes qui travaillent sur la sexualité féminine et sur l’association des luttes de femmes aux luttes anti-colonialistes et aux luttes de classe. Vers 1970, d'autres groupes éphémères apparaissent également : les Oreilles vertes, les Polymorphes Perverses, les Petites Marguerites et de nombreux autres[7].

Comme en témoignent les photographies d'époque[8], le premier meeting public de ce qui deviendra le MLF a lieu à l’Université de Vincennes, au printemps 1970. En mai 1970, dans la revue L'Idiot international, paraît le premier texte féministe français : Combat pour la Libération de la Femme, co-signé par Monique Wittig, Gille Wittig, Marcia Rothenburg et Margaret Stephenson. La première sortie médiatique du Mouvement a lieu le 26 août 1970, quand un groupe d'une dizaine de femmes déposent sous l’Arc de triomphe à Paris, une gerbe à la femme du soldat inconnu (en solidarité avec la grève des femmes américaines, qui célèbrent ce jour-là le 50e anniversaire de leur droit de vote). Sur leurs banderoles on peut lire : "Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, Sa femme", et Monique Wittig porte une banderole : "Un homme sur deux est une femme." À l'automne 70, paraît « Libération des femmes, année zéro », un numéro spécial de la revue Partisans[9], qui rassemble des témoignages anonymes, et des textes signés par des Françaises et des Américaines. On lit dans la présentation : "Le phénomène n'est pas limité aux États-Unis. Partout en Europe occidentale, simultanément depuis plus de deux ans, en Angleterre, en Hollande, en Suède et au Danemark, en Allemagne, en France, maintenant en Italie, des groupes de femmes se sont spontanément formés pour réfléchir aux moyens de lutter contre leur oppression."

Les premières A.G. des Beaux-Arts ont lieu dès l'automne 70, le mercredi soir tous les quinze jours, dans la joie et l'euphorie. Puis en mai 1971, paraît le premier des six numéros du journal Le Torchon brûle, édité jusqu’en 1973, et ouvert à toutes. On y lit (éditorial Torchon no 2): "Le mouvement, ce sont toutes ces femmes qui se réunissent sur la base de leur révolte pour en mieux comprendre le pourquoi et le comment et pour pouvoir lutter ensemble. Le mouvement de libération des femmes n'est pas une organisation, il n'y a pas et il n'y a pas à avoir 'd'équipe dirigeante'."

Bien que le mouvement soit non-mixte, la question du désir lesbien et de l'homosexualité a du mal à émerger. Plusieurs militantes du MLF, sous l'impulsion de Françoise d'Eaubonne, participeront à l'émergence du Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR) en mars 1971 puis des Gouines rouges connu comme groupe de liaison entre le MLF et le FHAR.

Trois tendances principales

On peut distinguer trois tendances principales dans le MLF.

Premièrement, la tendance « Lutte des classes/Luttes des Femmes» tente d’associer l’analyse marxiste et la revendication féministe, et prône la double militance : au MLF pour les questions des femmes, dans les organisations politiques de gauche pour la « politique générale » ayant analysé qu'il y avait un lien important entre ces luttes bien qu'il puisse y avoir affrontement sur la question spécifique des femmes. Cette politique est défendue à l'origine par le Cerle Elisabeth Dimitriev qui s'impliqua dans le MLF dès le début 1970 pour un mouvement autonome et non mixte et dans la campagne du "Manifeste des 343" pour la contraception et l'avortement. Elle est présentée dans la plate forme "Sortir de l'ombre, pour un féminisme autogestionnaire" (Mai 1972, réédition en 1975).

Ensuite, la tendance féministe qui se subdivise entre féministes radicales et féministes réformistes. Pour les radicales comme Monique Wittig, il s’agit d’accéder au lesbianisme et d’abolir le terme « femme » marqué par l’oppression : à l’horizon le « genre », et ce qui se nommera le « queer ». Christine Delphy, pour qui les femmes constituent une classe définie par l’obligation de « fournir des services domestiques gratuits », préconise la prise de pouvoir par les femmes pour parvenir à « la destruction totale du système de production et de reproduction patriarcal ». L’orientation réformiste s’incarne dans la Ligue du droit des femmes, présidée par Simone de Beauvoir, et dans plusieurs collectifs d’aide aux femmes (tels que SOS Femmes violées).

Enfin, le groupe « Psychanalyse et Politique », développé autour d'Antoinette Fouque qui se présente comme "une tendance politique du mouvement" dans son manifeste D'une Tendance[10] et propose une articulation de l'inconscient et de l'histoire qui a fait la spécificité d'une partie du mouvement français. Antoinette Fouque veut « faire émerger le sujet femme » et dégager, contre le dogme freudien, « Il n’y a qu’une libido et elle est phallique », une autre libido qu’elle appellera bientôt libido 2 ou libido utérine[11]. Cette tendance du MLF, financée par la mécène Sylvina Boissonnas, est à l'origine des éditions Des femmes (1973), des librairies Des femmes à Paris (1974-1999), Marseille (1976-1989) et Lyon (1977-1988), du journal le Quotidien des Femmes, en 1974, du mensuel et de l'hebdomadaire Des femmes en mouvements1977 à 1982.

Malgré les polémiques et les dissensions, les différents groupes se retrouvent ponctuellement, jusqu’en 1976, pour des actions communes : pour le droit à l’avortement, contre les violences faites aux femmes.

En octobre 1979, Antoinette Fouque crée une association loi de 1901 Mouvement de Libération des Femmes - MLF dont elle est présidente, et dépose le sigle MLF à l'institut national de la Propriété Industrielle, sans consultation préalable de l'ensemble du Mouvement. Ce geste d'appropriation déclenche une importante polémique[12],[13], relayée par les médias[14]. En mars 1982, Antoinette Fouque se dégage de toute responsabilité politique active à l'association "MLF déposé" [15]. En 1989, elle crée l'Alliance des Femmes pour la Démocratie. En octobre 2008, plusieurs historien(ne)s et une centaine de militantes historiques du MLF répondent à la tentative d'Antoinette Fouque de célébrer prématurément les "40 ans" du Mouvement[16][17][18][19]

Avancées politiques et sociales

Le vote de la loi Veil dépénalisant l'avortement, le 18 janvier 1975, est une victoire pour les féministes qui revendiquaient le droit à l'interruption volontaire de grossesse. En 1974, un premier Secrétariat d’État à la Condition féminine a été créé en France, et le fossé s’élargit entre les réformistes et celles qui tiennent à l’indépendance du Mouvement. En 1975, a lieu l’Année internationale de la Femme, organisée par les Nations unies. Les femmes du Mouvement de Libération des Femmes (le MLF dans son acception la plus large) ont profondément transformé la société et les valeurs à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Elles ont permis un bond en avant considérable des droits des femmes, notamment les réformes du droit à la maîtrise de la fécondité, l’égalité professionnelle et parentale, la loi sur la parité.

Publications journalistiques

Notes et références

  1. Le siècle des féminismes, sous la direction d'Eliane Gubin, préface de Michelle Perrot, éd. de L'Atelier, 2004.
  2. Guillaume Devin, Les solidarités transnationales, L'Harmattan, 2004.
  3. Françoise Picq, Libération des femmes, les années-Mouvement, Seuil, 1993.
  4. Anne Zelensky-Tristan, Histoire de Vivre, Mémoires d'une féministe, éd.Calmann-Lévy, 2005.
  5. MLF, Le mythe des origines, Entretien inédit sur sa fondation avec Monique Wittig, ProChoix n°46, décembre 2008, p.63.
  6. Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, Paris-Match, janvier 2008.
  7. Claire Duchen, Feminism in France, éd. Routledge, 1986, p. 9, extraits en ligne
  8. Archives personnelles de Monique Wittig; On Monique Wittig, Namascar Shaktini, University of Illinois Press, 2005.
  9. Partisans : Libération des Femmes, Année Zéro no 54-55, Maspero, juillet-octobre 1970
  10. Le Torchon Brûle n°3, page 18, 1971.
  11. Catherine Clément, Matin de Paris, 16 juillet 1980
  12. Françoise Picq, opus cité.
  13. Chroniques d'une imposture, du Mouvement de Libération des Femmes à une marque déposée, collectif, préface de Simone de Beauvoir, Voix off, 1981
  14. Katia D.Kaupp, Bataille pour un drapeau, Nouvel Observateur du 31 décembre 1979
  15. Des Femmes en Mouvements hebdo, n°83-84, 19 mars 1982
  16. L'héritage féministe détourné, texte signé par "des femmes du MLF ni déposé ni co-fondé", Libération, 7 octobre 2008.
  17. Michelle Perrot, Antoinette Fouque a un petit côté sectaire, Propos recueillis par Laure Daussy, Le Figaro, 9 octobre 2008.
  18. Caroline Fourest, Le féminisme pour les nuls, Le Monde, 10 octobre 2008.
  19. MLF, Le mythe des origines, op.cité

Voir aussi

Articles connexes

Liens connexes

Publications

  • L'Idiot international no 6, Combat pour la libération de la femme, mai 1970.
  • Partisans no 54-55, Libération des femmes Année Zéro, éd. Maspéro, juillet-octobre 1970, réédité en poche en 1972.
  • Le Torchon brûle, 6 numéros de 1971 à 1973 (réédition, éd. Des Femmes, 1982).
  • Le Livre de l'oppression des femmes, Belfond, 1972.
  • Chroniques d'une imposture, du Mouvement de libération des femmes à une marque commerciale, préface de Simone de Beauvoir, AMLF, 1981.
  • Cathy Bernheim, Perturbation, ma sœur. Naissance d'un mouvement de femmes 1970-1972, éd. du Seuil, 1983, éd. Félin poche, sept. 2010.
  • Christine Delphy, Les Origines du Mouvement de libération des femmes en France, Nouvelles Questions féministes no 16-17-18, Paris 1991.
  • Françoise Picq, Libération des femmes, les années-Mouvement, Paris, Seuil, 1993.
  • Antoinette Fouque, Il y a deux sexes, Paris, Gallimard, 1995 et 2004 (revue et augmentée).
  • Monique Wittig, Paris-la-politique et autres histoires, P.O.L., 1999.
  • Muriel Rouyer Du M.L.F. à la parité : itinéraires du féminisme français, encyclopédie Universalis, Universalia, 2002.
  • Le Siècle des Féminismes, sous la direction d'Eliane Gubin, préface de Michelle Perrot, éditions de l'Atelier, 2004.
  • Marie-Jo Bonnet, "Qu'est-ce qu'une femme désire quand elle désire une femme?" Odile Jacob, 2004 (le chapitre sur "Le désir, instrument de libération").
  • Namascar Shaktini (Margaret Stephenson), On Monique Wittig, University of Illinois Press, 2005.
  • Anne Zelensky-Tristan, Histoire de vivre, Mémoires d'une féministe, Calmann-Lévy, Paris 2005.
  • Bibia Pavard, Les Éditions des femmes, histoire des premières années (1972-1979), préface de Jean-François Sirinelli, Paris, L'Harmattan, 2005.
  • Marie-Jo Bonnet, Les femmes artistes dans les avant gardes, Odile Jacob, 2006. (chapitre sur "le MLF, Nouvelle conscience, nouvelle politique").
  • Mémoire de femmes : Depuis 30 ans des femmes éditent, 1974-2004, Des femmes, troisième édition, 2006.
  • Antoinette Fouque, Gravidanza, Féminologie II, Paris, Des femmes, 2007.
  • Génération MLF, éd Des femmes, 2008.
  • Séverine Auffret, Séminaire d’histoire des idées féministes, Université populaire de Caen.
  • Acacia Condès, Routes, Une histoire d'engagement, éd. L'Harmattan, 2008.

Documentaire

  • Debout ! Une histoire du Mouvement de libération des femmes (1999), documentaire réalisé par Carole Roussopoulos [projet "Témoigner pour le féminisme" lancé par l'association Archives du Féminisme].

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Mouvement de libération des femmes de Wikipédia en français (auteurs)

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