Moussa ag Amastan

Moussa ag Amastan
L'arrivée de Moussa ag Amastan à Paris en 1910 dans une revue française de l'époque, Le Petit Journal

Moussa ag Amastan (né en 1867 et mort le 23 décembre 1920) est un chef touareg (amenokal) du Hoggar, en Algérie qui est resté à la tête de la confédération des Kel Ahaggar de 1905 à 1920. Il fait partie de la tribu noble des Kel Ghela.

Sommaire

Éléments biographiques

De religion musulmane, il est décrit comme « fervent » dans sa pratique religieuse par Charles de Foucauld et Maurice Benhazera[1]. Affilié d'abord à la Tijaniyya[1], il se rapproche vers l'âge de 30 ans du religieux qadirite Bay Al-Kunti qui réside à Téleya dans l'Adrar des Ifoghas et qui devient pour lui une source de conseils spirituels[2].

En 1901 Moussa ag Amastan fait partie de la coalition Kel Ahaggar qui mène un rezzou contre les Berabich de l'Azaouad soumis aux autorités française de Tombouctou[3].

En 1902, Mohammed ag Gheli, un homme de mère touarègue et de père arabe, fut attaqué et dévalisé par plusieurs Kel Ghela. Il alla se plaindre aux autorités françaises, pour lesquelles il travaillait depuis plusieurs années. Les militaires prirent ce prétexte pour confier une expédition punitive au lieutenant Cottenest. Le 7 mai 1902, la bataille de Tit vit périr plusieurs centaines de Touaregs sous le feu des auxiliaires arabes de Cottenest. Moussa ag Amastan n'avait pas pris part à la bataille et avait déconseillé aux siens de la livrer, car il savait que le rapport de forces leur serait défavorable.

Le 19 janvier 1904, après plusieurs échanges d'émissaires avec les Français, Moussa ag Amastan se rendit à In Salah pour parlementer avec le capitaine Métois, subordonné direct du commandant François-Henry Laperrine. Métois posa des conditions relativement modérées à son interlocuteur. Les instructions écrites qu'il lui remit ne parlaient pas de soumission mais seulement des « conditions dans lesquelles le Gouvernement français accepte sa collaboration »[4]. Moyennant quoi, Métois lui décerna le titre d'amenokal, ce qui n'aurait certainement pas suffi à le faire reconnaître comme tel par les siens si, lassés du fait que les Français leur interdisaient d'accéder aux oasis où ils pouvaient commercer, ils ne s'étaient pas rapidement ralliés à lui. Désormais, les Kel Ahaggar allaient être les alliés de la France dans le Sahara, encore que beaucoup d'entre eux aient préféré faire défection et se retirer en zone insoumise. Laperrine désapprouva la modération de son subordonné, et dès l'année suivante, Dinaux, le successeur de Métois, fit comprendre à Moussa ag Amastan qu'il était le subordonné des Français et non leur allié.

Sa rencontre en 1905 avec Charles de Foucauld, qui accompagnait la colonne Dinaux et allait bientôt s'installer à Tamanrasset, fut le départ d'une longue amitié, bien qu'il ait d'abord été réticent à l'idée qu'un religieux chrétien s'installât en pays touareg[5]. Lors d'un voyage en France que les autorités avaient jugé habile d'organiser, comptant l'éblouir au spectacle de la puissance du pays colonisateur, Moussa ag Amastan est même venu passer quelques jours en Bourgogne chez la sœur du prêtre.

Il s'est battu aux côtés des Français contre Kaocen et le sultan Tegama, lors de la révolte de l'Aïr en 1916-1917, mais il semble cependant, que, au début de l'année 1917, il ait hésité sur la conduite à suivre et ait pris langue avec Kaocen. Quoi qu'il en soit, il est toujours resté un musulman pieux et sincère, et c'est le désir d'éviter aux siens des souffrances inutiles, et non une quelconque sympathie pour les Français, qui lui a fait préférer la voie de la conciliation avec l'occupant[6].

Son amour pour sa cousine Dâssîne-oult-Yemma a inspiré des poèmes dont quelques-uns ont été recueillis et traduits par Charles de Foucauld[7]. En 1924, Angèle Maraval-Berthoin a adapté en roman des poèmes qu'elle a présentés comme ayant été composés par lui[8].

Citation

« J'ai pleuré et j'ai versé beaucoup de larmes, et je suis en grand deuil. Sa mort m'a fait beaucoup de peine... Charles, le marabout, n'est pas mort que pour vous autres seuls, il est mort aussi pour nous tous. Que Dieu lui donne la miséricorde et que nous nous rencontrions avec lui au Paradis.  » (Lettre du 13 décembre 1916 à Marie de Blic, sœur de Charles de Foucauld)[9]

Notes et références

  1. a et b Keenan 2004, p. 44
  2. Pandolfi 1998a, p. 47
  3. Pandolfi 1998a, p. 45
  4. Pandolfi 1998a
  5. Voir Paul Pandolfi, 1997. Sauront-ils séparer entre les soldats et les prêtres ?, sur l’installation du Père de Foucauld dans l’Ahaggar, Journal des Africanistes 67 (2) : 49-71
  6. Voir Dominique Casajus, 2009, Charles de Foucauld. Moine et savant, Paris, CNRS Éditions : 41
  7. Charles de Foucauld, 1997. Chants touaregs. Recueillis et traduits par Charles de Foucauld. Paris, Albin Michel: poésies 79 et suivantes
  8. cf. page 73 et suivantes de Études berbères et chamito-semitiques, Salem Chaker et Andrzej Zaborski, Éditions Peeters, Paris, 2000
  9. Voir Dominique Casajus, « Charles de Foucauld face aux Touaregs. Rencontre et malentendu », Terrain n° 28, 1997

Bibliographie

  • Maurice Benhazera, Six mois chez les Touareg du Ahaggar, Algérie, 1908
  • Angèle Maraval-Berthoin, Chants du Hoggar, L'Édition d'Arts, Paris 1924
  • Ghoubeïd Alojali, Histoire des Kel Denneg avant l'arrivée des Français, Copenhague, 1975
  • Paul Pandolfi, « In Salah 1904 – Tamanrasset 1905 : la double soumission des Touaregs Kel-Ahaggar », dans Cahiers d'études africaines, vol. 38, no 149, 1998a, p. 41-83 [texte intégral] 
  • Paul Pandolfi, Les Touaregs de l’Ahaggar. Sahara algérien, Paris, Karthala, 1998b
  • Lionel Galand (éd.), Lettres au Marabout. Messages touaregs au Père de Foucauld Paris, Belin, 1999, 256 p. (bibliogr., glossaire, index, reproductions)
  • Jeremy Keenan, The lesser gods of the Sahara : social change and contested terrain amongst the Tuareg of Algeria, Taylor & Francis, 2004 (ISBN 0-7146-8410-4) 

Voir aussi

Liens externes


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