- Marie-Anne-Christine de Bavière
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Marie Anne Christine de Bavière
Fille de Ferdinand Marie de Bavière et de Henriette de Savoie, Marie Anne Christine Victoire Josèphe Bénédicte Rosalie Pétronille de Bavière naît le 28 novembre 1660 à Munich. Elle meurt à Versailles en 1690 à l'âge de 30 ans.
Biographie
Dès ses huit ans, elle est promise à son cousin Louis de France, fils de Louis XIV, dit le « Grand Dauphin », qui en a sept.
En vue d’une si brillante destinée, la future reine de France reçoit une éducation fort soignée. Outre sa langue maternelle, l’allemand, elle parle couramment le français et l’italien, et sait le latin. Elle manifeste très tôt sa joie de devenir dauphine de France, pays dont elle se sent déjà très proche, n’oubliant pas que sa mère (fille de Christine de France, fille d’Henri IV) est elle-même une cousine germaine de Louis XIV.
Elle épouse donc le Grand Dauphin le 7 mars 1680. Elle reçoit un accueil très solennel et chaleureux dans son nouveau pays. Son français parfait impressionne très favorablement. Dès son arrivée à Strasbourg, accueillie en allemand par les autorités de la ville, elle les interrompt : « Messieurs, parlez-moi français ! » (un siècle plus tard, accueillie au même endroit, une autre dauphine, autrichienne cette fois, l’archiduchesse Marie-Antoinette, revivra exactement la même anecdote et fera la même réponse).
Les chroniqueurs s’accordent sur sa beauté très médiocre : bien qu’elle soit sa parente, étant issue d’autre branche (catholique) de la Maison de Bavière, la princesse Palatine, épouse de Monsieur, frère du roi, dit la trouver « horriblement laide ». Plus nuancée, madame de Sévigné reconnaît qu’elle n’est pas jolie, mais qu’elle le compense par ce qu’on appellerait aujourd’hui beaucoup de charme. Ainsi rapporte-t-elle :
« Madame la dauphine est l’objet de l’admiration : le Roi avait une impatience extrême de savoir comment elle était faite. Il envoya Sanguin, comme un homme vrai et qui ne sait point flatter : « Sire, dit-il, sauvez le premier coup d’œil, et vous en serez bien content ». Cela est dit à merveille ; car il y a quelque chose à son nez et à son front, qui est trop long, à proportion du reste ; elle fait un mauvais effet tout d’abord. Mais on dit qu’elle a une si bonne grâce, de si beaux bras, de si belles mains, une si belle taille, une si belle gorge, de si belles dents, de si beaux cheveux, et tant d’esprit et de bonté, caressante sans être fade, familière avec dignité, enfin tant de manières propres à charmer, qu’il faut lui pardonner ce premier coup d’œil... ». Reçue personnellement par la dauphine un peu plus tard, elle ajoute : « Sa laideur n’est point du tout choquante, ni désagréable ; son visage lui sied mal, mais son esprit lui sied parfaitement bien. Elle ne fait pas une action, ne dit pas une parole, qu’on ne voie qu’elle en a beaucoup ».
Rapidement, les débuts prometteurs à la Cour de la princesse se dégradent.
Dans sa vie publique d’une part. Louis XIV comptait fortement sur sa belle-fille pour remplacer dans ses fonctions officielles la reine, Marie-Thérèse d'Autriche, très effacée et qui devait mourir en 1683. Si elle en avait les capacités, le goût de la représentation manquait à Marie-Anne. Madame de Caylus, nièce de madame de Maintenon, est un témoin irremplaçable, quoique plutôt sévère: « Le Roi, par une condescendance dont il se repentit, avait laissé auprès de madame la dauphine une femme de chambre allemande élevée avec elle, et à peu près du même âge : cette fille, appelée Bessola, (…) fut cause que madame la dauphine, par la liberté qu’elle eut de l’entretenir et de parler allemand avec elle, se dégoûta de toute autre conversation et ne s’accoutuma jamais à ce pays-ci ». Madame de Caylus ajoute ensuite qu’il est possible, à sa décharge, que le caractère de la dauphine, « ennemi des médisances et de la moquerie », ait aussi influencé son refus de prendre part à la vie de la Cour, toute faite de « raillerie et de malignité ».
Cependant son attachement pour Barbara Bessola lui paraît rester la cause la plus décisive du goût de la dauphine pour la retraite, « peu convenable aux premiers rangs ». C’est pourquoi le Roi proposa à la dauphine de marier Bessola à un homme de qualité, afin de lui permettre de participer à la vie de la Cour et de rompre l’isolement auquel son rang subalterne la contraignait à Versailles, obligeant par là-même la dauphine à vivre dans le même isolement pour ne pas quitter sa compagnie. « Mais la dauphine, par une délicatesse ridicule, répondit qu’elle ne pouvait y consentir, parce que le cœur de Bessola serait partagé. »
Louis XIV cependant, conseillé par madame de Maintenon, ne se décourage point. « Il crut, à force de bons traitements, par le tour galant et noble dont il accompagnait ses bontés, ramener l’esprit de madame la dauphine, et l’obliger à tenir une cour. » Ainsi organisait-il chez elle des loteries dont les prix étaient « ce qu’il y a de plus rare en bijoux et en étoffes », ou, lorsque le jeu de hoca (une sorte d’ancêtre de la roulette, plus tard interdit à la Cour tant les sommes qu’on y perdait étaient vertigineuses) fut très à la mode, y jouait-il exclusivement chez elle. « Des façons d’agir si aimables, et dont autre belle-fille eût été enchantée, furent inutiles pour madame la dauphine ; et elle y répondit si mal, que le Roi, rebuté, la laissa dans la solitude où elle voulait être, et toute la Cour l’abandonna avec lui.»
Dans sa vie privée d’autre part. Madame de Caylus, toujours impitoyable, après avoir rappelé la laideur de la princesse, ajoute avec une cruauté certaine : « Et cependant Monseigneur (le dauphin) l’aima, et peut-être n’aurait aimé qu’elle, si la mauvaise humeur et l’ennui qu’elle lui causa ne l’avaient forcé à aller chercher des consolations et des amusements ailleurs . (...) Il est aisé de comprendre qu’un jeune prince, tel qu’était Monseigneur alors, avait dû s’ennuyer infiniment entre madame sa femme et la Bessola, d’autant plus qu’elles se parlaient toujours allemand, langue que lui n’entendait pas, et sans faire aucune attention à lui. Il résista cependant, par l’amitié qu’il avait pour madame la dauphine ; mais, poussé à bout, il chercha à s’amuser chez (sa demi-sœur) madame la princesse de Conti, fille du Roi et de madame de La Vallière (cette princesse menait une vie fort dissipée, multipliant les liaisons, facilitées par une beauté si éclatante que sa réputation était parvenue jusqu’au roi du Maroc qui en vain, cela va sans dire, la demanda, en mariage à Louis XIV). Il y trouva d’abord de la complaisance et du plaisir parmi la jeunesse qui l’environnait : ainsi il laissa madame la dauphine jouir paisiblement de la conversation de son allemande. Elle s’en affligea quand elle vit le mal sans remède, et s’en prit mal à propos à madame la princesse de Conti. Son aigreur pour elle, et les plaintes qu’elle en fit souvent à Monseigneur, ne produisirent que de mauvais effets. Si nos princes sont doux, ils sont opiniâtres ; et s’ils échappent une fois, leur fuite est sans retour. Madame de Maintenon l’avait prévu, et en avait averti inutilement madame la dauphine. »
Le Grand Dauphin, en effet, ne s’arrêtera plus sur sa lancée, commençant une liaison avec mademoiselle de Rambures, propre fille d’honneur de la dauphine, future marquise de Polignac, qui restera sa maîtresse jusqu’en décembre 1686, date à laquelle il rompit en découvrant que dans ses lettres, elle le surnommait « le gros giflard ». D’autres amours la remplacèrent.
La princesse, du reste, était consciente que sa laideur était un handicap, aussi bien détestait-elle poser pour un portrait, car les peintres la flattaient toujours. Selon Voltaire, « ses maux empiraient par le chagrin d’être laide dans une cour où la beauté était nécessaire. »
Il apparaît clair aujourd’hui que si la dauphine s’est autant coupée du monde, c’est aussi en raison de sa mauvaise santé. Saint-Simon relève lui-même qu’elle « était toujours mourante » et que « sa courte vie ne fut qu’une maladie continuelle ». Voltaire précise que « sa santé toujours mauvaise la rendait incapable de société. » Et cependant, comble de disgrâce, « on lui contestait jusqu’à ses maux ; elle disait : 'Il faudra que je meure pour me justifier !' ». Madame de Caylus est un bon témoin de la véracité des mots de Voltaire, et elle illustre bien l’opinion de la Cour à propos de la santé de la dauphine : « Elle passait sa vie renfermée dans de petits cabinets derrière ses appartements, sans vue et sans air ; ce qui, joint à son humeur naturellement mélancolique, lui donna des vapeurs. Ces vapeurs, prises pour des maladies effectives, lui firent faire des remèdes violents ; et enfin ces remèdes, beaucoup plus que ses maux, lui donnèrent la mort, après qu’elle nous eut donné trois princes. »
En effet, malgré sa vie conjugale décevante, la dauphine donne trois fils à son époux :
- Louis, duc de Bourgogne (1682-1712), qui épousa en 1697 sa cousine Marie-Adélaïde de Savoie ;
- Philippe, duc d’Anjou (1683-1746), roi d’Espagne en 1700, qui épousa en 1701 sa cousine Marie-Louise de Savoie, sœur de la précédente, puis en 1714 Elisabeth Farnèse ;
- Charles, duc de Berry (1686-1714), qui épousa en 1710 sa cousine Marie-Louise-Elisabeth d’Orléans.
Ces trois naissances alternèrent cependant avec de très nombreuses fausses couches (ainsi notamment une première en 1681, trois en 1685 et deux en 1687…). La naissance de son dernier fils se passa mal, et la santé de la dauphine se détériora encore davantage à compter de cette époque. Aussi mourut-elle « persuadée que sa dernière couche lui avait donné la mort ». Elle en était si persuadée qu’en donnant sa dernière bénédiction à ses enfants, peu avant de rendre l'âme, elle soupira, en embrassant le petit duc de Berry, le vers d’Andromaque: « Ah ! mon fils, que tes jours coûtent cher à ta mère ! ». Il est vrai que l’abcès au bas-ventre qui sembla être la cause immédiate de son trépas pouvait amener à faire le lien avec son dernier accouchement. Toutefois, il est probable que c’est des suites de la tuberculose que mourut la dauphine, le 20 avril 1690, avant ses trente ans. Elle léguait à Barbara Bessola son prie-Dieu, son secrétaire, et 40 000 francs, tout en la recommandant au roi, qui lui alloua une pension de 4000 livres.
Le célèbre évêque de Nîmes, Fléchier, prononçant l’oraison funèbre de la dauphine, interprète de façon plus charitable et plus édifiante que ses contemporains, l’isolement volontaire où se confina cette princesse : « On la vit renoncer insensiblement aux plaisirs, et se faire une solitude où elle pût se dérober à sa propre grandeur, et jouir d’une paix profonde au milieu d’une cour tumultueuse.»
Bibliographie
- Simone Bertière, Les Femmes du Roi-Soleil, Éditions de Fallois, 1998, ISBN 2-253-14712-5
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