Malhoun

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Melhoun

Introduction

L'origine du Malhoune ou Melhoun ou Malhun en arabe الملحون remonte au XIIe siècle, et emprunte ses modes à la musique arabo-andalouse en simplifiant ses modes et se développe sous une forme littéraire ne respectant pas la structure grammaticale classique (le Qasideh). Le poème écrit en zajal (زجل)est enrichi de mélodies populaires, cette création va donner naissance au Melhoun. La chanson populaire arabe du Maghreb emprunte ses modes à la musique andalouse, en les simplifiant. La Qassida a cependant conservé la division du texte en strophes comme dans le chant andalou : le couplet (ghson : branche ou rameau) peut comprendre de huit à seize vers, un court refrain (harba : lance) offre une alternance qui permet de rompre la monotonie du discours musical du chant Melhoun. Beaucoup confondent le melhoun et le wahrani qui diffèrent pourtant par sa finesse musicale du warahni.

Al malhoun aurait eu ses prémices à l’époque almohade où de nombreuses productions maghrébines et andalouses du zajal ont vu le jour selon Ibn Khaldoun. La forme première du malhoun était véhiculée par les maddahin, s’accommodait en effet très bien avec la mission de diffusion d’information que s’étaient assigné les premiers Almohades.

Parmi les doyens de la musique Melhoun on a: Lakhdar Ben Khlouf , Ben Msyeb, Mostefa Ben Brahim et Haj Houcine Toulali.

Détail

De nombreux termes génériques ont été utilisés pour désigner le Melhoun. On trouve : « Qarîdh », la « langue », les « paroles », le « nidhâm », la « poésie », l’« âme », la « science du génie » et enfin le Melhoun. On pense que ce dernier terme dérive de la racine « lahn », qui signifie mélodie ; malhûn désignerait donc des paroles dont la mélodie serait déjà prête ; le poète n’ayant plus qu’à composer selon des mesures pré-établies. Les paroles se chanteraient donc sans avoir besoin d’être mises en musique, celle-ci existant préalablement à celles-là.

Voyons maintenant comment ce genre est apparu.

La naissance de ce patrimoine authentique est à chercher dans le Sud marocain, plus exactement dans la région du Tafilalet, à l’époque des Almohades, autour de l’année 1 147. Mais il n’a commencé à se développer qu’à partir de l’ère des Saadiens, lorsque des artistes novateurs en ont examiné les mesures et l’on codifié en différents « Surûf », qui sont au Melhoun ce que les taf’ilât sont à la poésie classique. On considère que le premier à s’être consacré à cet art fut le Cheikh Abd el-Aziz el-Maghraoui, qui a désigné le pied métrique sous le terme de « Dân », il est devenu le modèle suivi par les poètes marocains dans leurs compositions. Est apparu après lui le poète el-Masmûdi, qui a lui adopté le mot « Mîli » pour désigner le pied, ce terme ne voulait absolument rien dire mais est tout de même devenu lui aussi un modèle.

Le phare d’où brillait cet art de mille feux étant le Tafilalet, resté jusqu’à présent son berceau le plus prolifique, il n’en reste pas moins que bien d’autres villes ont excellé dans ce genre musical, et n’en sont pas moins devenues aussi importantes que le Tafilalet ; ce sont: Asfi (Safi), Fès, Ben Msyeb, Marrakech, Meknès, Rabat, Salé, Taroudant, Tlemcen, Oran...etc.

L’art du Melhoun se joue selon dix modes, nommés :

  • Le Bayati de la musique arabe classique, que l’on nomme Maya pour le Melhoun,
  • Le grand Hejaz,
  • Le Sika,
  • Le Araq el-Ajem,
  • L’Ispahan,
  • Le Hejaz oriental,
  • Le Razd andalou,
  • Le Raml el-Maya taziriya
  • Le Bughiat Raml el-Maya.


Les rythmes sont au nombre de trois :

  • Le Haddari : 4 / 2,
  • Le Dridka : 8 / 6
  • Le Gbahi : 8 / 5.

Cette musique habitait le cœur de personne, des amateurs et des créateurs, issues des catégories sociales les plus diverses. Sous l’impulsion des musiciens professionnels et de l’élite cultivée, il a continué à jaillir du plus profond de la société marocaine. L’art du Melhoun est la voix qui a exprimé les préoccupations des marocains, leurs croyances et leurs émotions. Il représente la sédimentation de la mémoire marocaine à travers les âges. Il est relié à la vie quotidienne des marocains dans leurs heurs et malheurs, il est considéré comme l’auxiliaire artistique et culturel le plus important de la civilisation marocaine. Ses poèmes abordent tous les thèmes : spirituels, intellectuels et autres, sous des formes artistiques de toute beauté, alliant la splendeur des images à celle des mots.

Parmi les thèmes abordés par le Melhoun, on trouve les « Tawassoulât ». Dans les recueils, ce sont des poèmes mystiques, composés par de grands hommes du soufisme tel le théologien Laamiri et Sidi Abd el-Qader el-Alami, garant de Fès, qui est considéré comme un des plus grands mystiques du Maroc. Il a composé un ensemble de pièces poétiques évoquant le désir de se fondre dans l’essence divine et des poèmes à la louange de l’Elu, que le salut et la bénédiction de Dieu soient sur lui. Ces poèmes, aux images les plus belles qui soient, ont touché la conscience de tous les arabes car ils ont été composés en arabe classique dans un style non moins beau que celui d’un Ibn Faredh ou d’un autre de ses comparses puis mises en musique.

Le terme « Tawassul » désigne les poèmes d’invocation dans lesquels l’adorateur se confie avec ferveur à son adoré. C’est un thème poétique qui comprend les poèmes de louange, d’action de grâce, d’invocation et de gratitude envers Dieu, exalté soit-il. Apparaissent également des poèmes de remords, de retour à Dieu et d’imploration du pardon divin, ainsi que toutes sortes d’autres thèmes religieux dans lesquels l’artiste se retourne sur sa vie, pleure ses erreurs et ses faux pas.

  • La louange : Elle peut être religieuse ou mondaine. La première s’adresse au Prophète, à sa noble famille, à ses compagnons, aux saints, mystiques et hommes de Dieu. Quant à la seconde, elle s’adresse aux rois du Maroc et aux grands de ce monde qu’ils soient hommes de religion, nobles, bienfaiteurs ou savants.
  • Les recommandations : Ce sont des poèmes d’exhortation et des poèmes didactiques, les thèmes qu’ils abordent se recoupent parfois avec ceux des « Tawassulât » ; les plus belles pièces étant celles dans lesquelles l’artiste interpelle les gens en général, ou bien une personne particulière à travers laquelle il s’adresse en fait à lui-même.
  • Les « printaniers » : Ce sont de splendides tableaux de la nature, décrivant le plus souvent la luxuriance du printemps. Les pièces renferment beaucoup de noms désignant toutes sortes d’arbres, de plantes, de fleurs et d’oiseaux. Mais si le thème mis en exergue dans ce genre est la description de la nature au faîte de sa magnificence, de sa splendeur, ornée de sa plus belle parure, les poètes qui l’ont traité en ont rarement pour autant négligé l’éclat de la beauté féminine, qu’ils ont rêvé dans des pièces galantes appelées « Ochaqi ».
  • Le « ochaqi » : C’est la poésie amoureuse du Melhoun. Les poètes populaires y ont excellé, décrivant les différents états émotifs engendrés par l’éloignement de l’être aimé, sa rencontre, la séparation, le rendez-vous, les soupirs, les pleurs et la joie.
  • Le « saqi » :Ce sont des poèmes bacchiques qui célèbrent la bonne compagnie, les réunions entre amis, la gaieté suscitée par le vin. Le poète a ici innové et laissé libre cours à son imagination. On trouve dans ce genre des images ravissantes, représentant superbement le rapprochement de la coupe aux lèvres. Evoquant le fait de boire du vin avec vanité, blâme ou bien encore s’en détournant malgré son attrait. Il y a aussi des poèmes dans lesquels le vin n’apparaît que comme symbole mystique, sans qu’il y ait absolument aucun rapport avec la boisson que l’on nomme « vin ».
  • La thrène (el-Rithâ’) : Appelée aussi « Azou », le poète y exprime sa douleur, consécutive à la perte d’un être cher, d’un proche, d’un chef patriote, d’un homme de culture, d’un artiste ou d’un héros.
  • La satire (Hajou) : Elle est lancée pour attaquer un traître, un imposteur, un harpagon, mais il constitue aussi un moyen de flétrir les parasites et les plagieurs en règle générale, pour faire apparaître leur faiblesse et leur vice.
  • La « Tarjama » : Humour et moquerie, pouvant parfois dévier vers une forme de racisme. Le poète s’y attaque à la charlatanerie, aux faux devins, à la cupidité et à tous les défauts et pratiques détestables qui laissaient perplexe l’élite cultivée.

En fin de compte, le Melhoun ne se limite pas seulement à de belles paroles, mises en poèmes à la magie enchanteresse, il est bien plus, avec tout cela, un riche trésor culturel pour la mémoire universelle, maghrébine en particulier ; c’est un livre ouvert qui nous parle des péripéties de l’histoire, un dictionnaire fidèle qui protège la langue du splendide Maghreb.

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