- Lucky Luciano
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Charles Luciano Photographie de la police de Lucky Luciano en 1936Nom de naissance Salvatore Lucania Surnom Lucky « Le Chanceux »
Capo di tutti capiNaissance 24 novembre 1897,
Lercara Friddi, Sicile, ItalieDécès 26 janvier 1962 (à 64 ans)
Naples, ItalieNationalité Italienne,Americaine Profession Parrain de la famille Luciano (future Famille Genovese)
Capo di tutti capiCharles « Lucky » Luciano (24 novembre 1897, Lercara Friddi, Sicile, Italie - 26 janvier 1962, Naples, Italie) est un mafieux italo-américain né sous le nom de Salvatore Lucania. Il fut certainement le criminel dont l'influence historique fut la plus grande. Le magazine Times l'a classé parmi les principaux bâtisseurs d'empire du XXe siècle : un empire du crime[1]. Deuxième « Capo di tutti Capi » (chef de tous les chefs) après l'assassinat de Salvatore Maranzano, Luciano a été le véritable créateur du trafic international d'héroïne[2].
Sommaire
Jeunes années
Luciano immigra aux États-Unis avec ses parents en 1907. Il commença très tôt par le vol à l'étalage et le racket des garçons juifs et Italiens plus jeunes en échange de sa protection. C'est ainsi qu'il rencontra Meyer Lansky, pour qui il conserva une indéfectible amitié. Effectivement lorsqu'enfant, il menaça Lansky, ce dernier ne se laissa pas intimider et refusa sa protection. C'est également durant sa jeunesse qu'il rencontra celui qui sera plus tard le leader de la mafia de Chicago : Al Capone[3]. À 18 ans, Luciano fut arrêté (avec Armand Taheri, alors âgé de 15 ans) pendant qu'il livrait de l'héroïne et passa six mois en prison. Sa notoriété s'accrut au sein du Five Points Gang, dont les membres étaient aussi connus comme les « Five Pointers ». En 1920, il était un contrebandier important (anglais : powerful bootlegger), et s'associe avec Frank Costello, Meyer Lansky et Bugsy Siegel, et accessoirement Joe Adonis et Vito Genovese[3] dans la contrebande d'alcool et dans le racket des commerçants. À la même période, Costello lui fit rencontrer Dutch Schultz et Arnold Rothstein.
Deux versions différentes expliquent son surnom de « Lucky » (« le Chanceux ») : la plus vraisemblable le rattache à un règlement de compte, en 1926, par les sbires d'un des deux principaux parrains new-yorkais, Masseria ou Maranzano. Laissé pour mort à l'issue de son passage à tabac, il survivra miraculeusement, gardant seulement plusieurs cicatrices faciales, dont une paupière endommagée, toujours à moitié fermée. L'autre version indique qu'il misait souvent sur le bon cheval lorsqu'il jouait aux courses.
Avant 1925, Luciano réalisait un chiffre d'affaires brut de plus de 300,000 $ par an. Cependant, il empochait beaucoup moins chaque année en raison de l'accroissement des coûts de corruption des politiciens et de la police. Luciano et ses associés ont dirigé le plus grand trafic d'alcool de New York, étendu jusqu'à Philadelphie. Il importait le scotch directement d'Écosse, le rhum des Caraïbes et le whisky du Canada. Il s'est aussi impliqué dans le jeu.
La guerre des Castellammarese
Article détaillé : guerre des Castellammarese.Lucky Luciano rejoignit ensuite la famille d'un des plus puissants parrains de New York, Joe Masseria. Luciano enrageait de voir de nombreuses opportunités d'affaires s'envoler en raison de l'antisémitisme de la mafia, et Masseria se méfiait de son ambition.
De 1930 à 1931, la famille Masseria et celle de son rival Salvatore Maranzano s'affrontèrent au cours de la guerre des Castellammarese, avec pour conséquence plusieurs dizaines d'assassinats. Pour mettre fin à cette hécatombe (et préparant avec Meyer Lansky un plan pour prendre le pouvoir), Luciano passa un marché avec Maranzano pour trahir Masseria. Masseria sera assassiné dans son restaurant favori, pendant que Luciano est aux toilettes. Luciano se retourna ensuite contre Salvatore Maranzano, son nouveau patron, qui se méfiait de lui[3].
La vision de Luciano, sa volonté de bousculer les vieilles traditions de la mafia, ses relations (en particulier Meyer Lansky) et son sens aigu de la stratégie, ainsi qu'un charisme indéniable, amenèrent Lucky Luciano, désormais parrain de l'une des cinq familles de la Cosa Nostra de New York, à devenir un membre important du Syndicat du crime.
Ascension et chute
À 46 ans, Luciano règne sur le milieu. Il réunit une conférence du crime à Chicago - dont Al Capone sera l'hôte -, et une autre à New-York dans un hôtel de Park Avenue pour annoncer les grandes lignes de son projet de syndicat du crime. Reprenant les idées glanées auprès d'Arnold Rothstein, il veut que les activités illégales se donnent les mêmes structures que les grandes entreprises industrielles américaines. Il généralise le système des "familles" à l'échelon national. Chaque clan doit exercer une autorité absolue sur son territoire ou sa ville. Un Conseil Syndical sera chargé des contentieux et des assassinats, pour lesquels il crée une force de frappe commune : la Murder Incorporated, société anonyme pour les meurtres. Pas d'initiatives personnelles ni de crimes gratuits. Autre règle : on ne se tue qu'entre mafieux. Les autres, policiers, magistrats ou politiciens, on les corrompt, car Luciano pense que tout homme est achetable, il suffit d'y mettre le prix[3].
Luciano, jeune gangster brillant et avide de pouvoir arriver au sommet, devient une célébrité et amasse des sommes considérables pour l'époque. Il s'installe dans le luxe au Waldorf Astoria, porte des costumes différents chaque jour et fréquente les plus belles call-girls de New-York[3]. Son idée de décentralisation du crime avec à sa tête la commission lui octroie un pouvoir que plus aucun gangster ne connut après lui[3].
Cependant, en 1936, le procureur Thomas Dewey monta un complot visant soi-disant à mettre au jour un grand réseau de prostitution que Luciano était accusé d'organiser selon des procédés d'optimisation industrielle[3]. Lors du procès, plusieurs prostituées et souteneurs furent appelés à témoigner, et Luciano écopa d'une peine de 30 à 50 ans d'emprisonnement. Bien des preuves montrent maintenant que cette histoire de prostitution avait été créée de toutes pièces. Il fut incarcéré à la (très) dure prison de Sing Sing, où il occupa le poste de bibliothécaire. Son avocat parvint à le faire transférer à la prison de Dannemora où, grâce à ses accointances politiques, il put bénéficier d'un traitement de faveur (champagne, caviar, etc.) et recevoir régulièrement ses associés, continuant ainsi à gérer son empire. Plus tard, Luciano sera transféré à Great Meadow, dans une «maison de repos» du système pénitentiaire new-yorkais où il restera jusqu'à la fin de la guerre[3].
Seconde Guerre mondiale
La légende voudrait qu'en échange d'une libération anticipée, il ait rendu à l'État américain de nombreux services.
En décembre 1941, les services secrets de l'US Navy (l'ONI) contactèrent Joseph Lanza (en), « patron » mafieux du Fulton Fish Market, pour distribuer des cartes syndicales aux agents américains afin qu'ils puissent enquêter sur les espions allemands[4]. Lanza leur transmit le nom de Luciano[4], lequel fut recruté pour aider à l'enquête[4] et transféré de Dannemora vers une prison plus agréable[4]. Les autorités américaines craignaient en effet que le port de New York ne fasse l'objet de tentatives de sabotage de la part d'agents nazis. Jusqu'en 1945, le Syndicat des dockers, totalement contrôlé par la Mafia, notamment par l'intermédiaire d'Albert Anastasia, aurait ainsi exercé un contrôle très ferme sur les installations portuaires. Selon l'historien John Dickie, « voilà certainement à quoi se résume la collaboration de Luciano avec le gouvernement fédéral », « rien ne [prouvant] qu'il se soit rendu en Sicile pendant la guerre, ni qu'il ait été libéré en échange du soutien de la Mafia au débarquement allié »[4].
Selon d'autres sources, cependant, cette collaboration aurait franchi une nouvelle étape en 1943 lorsque les services secrets américains lui auraient demandé d'entrer en contact avec les principales « familles » siciliennes, dont notamment le parrain de Palerme, Calogero Vizzini, afin qu'elles facilitent le débarquement allié en Sicile par des sabotages et des missions de renseignements. La Mafia aurait ainsi joué un rôle non négligeable dans la réussite des opérations militaires. Plus tard, les Américains lui auraient demandé de contenir l'influence communiste dans l'île.
Lucky Luciano nie cependant cette version des faits dans son livre testament[5].
Il n'en demeure pas moins qu'à la fin de la guerre, le procureur Thomas Dewey - devenu gouverneur de l'État de New York - annonça le 3 janvier 1946 que Lucky Luciano allait être libéré à la condition qu'il quitte aussitôt l'Amérique et passe le reste de ses jours en Sicile. En conséquence de quoi, le 8 février 1946, Lucky s'est embarqué à bord du Laura Keene (il sera donc resté 9 ans en prison, au lieu de 30). Avant que le navire n'appareille, ses amis y organisèrent une fête gigantesque à laquelle assista toute la pègre et de nombreuses personnalités. Mais rompant l'accord passé, Luciano ne se rendit pas en Sicile.
La conférence de La Havane
En décembre 1946, poursuivant un voyage qui l'avait amené au Venezuela et au Mexique, Luciano se rendit à Cuba où il organisa (avec Meyer Lansky, Frank Costello et Joe Adonis) la conférence de La Havane. Au cours de cette période, la Mafia américaine avait complètement infiltré le gouvernement cubain. Par précaution, Luciano achète pour la somme de 150 millions $ avec l'aval de Fulgencio Batista le Nacional Hôtel où aura lieu la réunion. Cette réunion fut l'occasion pour lui de réaffirmer son rôle dirigeant sur le syndicat du crime. Albert Anastasia, Joseph Bonanno, Lepke Buchalter, Vito Genovese, Tommy Lucchese, Carlos Marcello, Willie Moretti, Joe Profaci, Bugsy Siegel, Santo Trafficante, Bo Weinberg, et Abner Zwillman étaient présents. Cette réunion engendra des décisions de première importance comme l'investissement massif dans les casinos de la Havane, l'assassinat de Bugsy Siegel, qui après ses investissements à Las Vegas, n'avait pu rembourser les sommes prêtées par la Commission. Par ailleurs, il rendit un arbitrage dans la rivalité entre Albert Anastasia et Vito Genovese. Ce dernier, ambitieux et vindicatif, souhaitait le retrait de Luciano : la gestion de sa famille, que convoitait Genovese, avait été confiée à Costello et Lansky, ce qui provoqua une vive altercation.
En février 1947, le gouvernement américain fit pression sur le gouvernement cubain de Fulgencio Batista pour que Luciano soit expulsé vers l'Italie, menaçant de suspendre les livraisons de produits pharmaceutiques[3].
Trafic international d'héroïne
En 1947, Luciano s'installa à Naples où il mena un grand train de vie jusqu'à sa mort. La mafia continuera à l'approvisionner en fonds, régulièrement, sans jamais faillir, même après avoir « officiellement » perdu son titre de roi du crime. Officiellement, chef d'une entreprise d'import-export, il tissa des liens avec les mafias italiennes, la Camorra, la Ndrangheta et la Cosa nostra sicilienne. Considérant les énormes bénéfices potentiels d'un marché en pleine expansion, il tente d'organiser un trafic international d'héroïne, malgré les réserves qu'il avait auparavant exprimées envers Vito Genovese, précurseur dans cette activité. Mais ces tentatives restent infructueuses.
En octobre 1957, il organisa au Grand Hôtel des Palmes à Palerme une conférence à laquelle participèrent les principaux parrains siciliens ainsi que des représentants des Cinq familles new-yorkaises, dont Joseph Bonanno et son consigliere Carmine Galante. Il concrétisa ainsi des liens solides entre les mafias américaine et sicilienne et y mit en place des filières de trafic d'héroïne : l'opium provenant de Turquie. Il aurait également forgé des liens déterminants avec les trafiquants corse et la pègre marseillaise, notamment Antoine Guérini, dont les réseaux de trafic furent connus sous l'appellation : French Connection[6].
Dernières années et décès
En 1959, depuis Naples, il piégea Vito Genovese lors d'une transaction d'héroïne dont furent averties les autorités fédérales. Au début des années 1960, il entra en conflit avec Meyer Lansky, qu'il soupçonnait de détourner des sommes qui lui étaient dues, mais renonça à agir[3].
Dans sa luxueuse villa de 60 pièces, 484 via Tasso à Naples, Luciano ne ressemble plus au truand qu'il a été. Il déclare qu'il a l'air d'un « dentiste à la retraite ». Ses cheveux sont poivre et sel, il porte des lunettes, et s'amuse avec son chien. Voir cette galerie de photos. Il est surtout tombé amoureux - pour la première fois - d'une milanaise de 20 ans sa cadette, Igea Lissoni, avec laquelle il vivra 11 ans. Elle décèdera d'un cancer du sein en 1958. Luciano ne s'en remettra jamais. Depuis quelques années, son cœur lui donne du souci[3]. Sous traitement, il a toujours sur lui sa boîte de pilules. L'Amérique lui manque et il se morfond de ne pouvoir y retourner. On le voit ainsi dans les lieux fréquentés par des touristes ou militaires américains, pour le seul plaisir de converser en anglais avec eux[7].
Le 26 janvier 1962, il est venu chercher à l'aéroport de Naples-Capodichino le scénario du film sur sa vie, apporté par l'assistant du réalisateur Barnett Glassman. La Mafia américaine n'était pas favorable par principe à tout film qui aurait attiré l'attention sur elle. Alors qu'il vient d'avaler une de ses pilules, il s'effondre, terrassé par une crise cardiaque. Il est 17:26. Salvatore Lucania alias Charles "Lucky" Luciano avait 64 ans. Il n'y aura pas d'autopsie.
La loi américaine ne considérant pas qu'un cadavre ait une nationalité quelconque, Salvatore Lucania Charles "Lucky" Luciano sera enterré aux États-Unis, dans le caveau familial dont il avait fait l'acquisition en 1935 au St. John's Cemetery de Middle Village, à New-York. Dans la tradition des obsèques de grands parrains de Cosa Nostra, un cortège funéraire de plus de 2000 personnes l'accompagnera[3].
Films et télévision
- En 1972 dans le film de Terence Young, Cosa Nostra, Lucky Luciano est joué par Angelo Infanti.
- Le réalisateur italien Francesco Rosi a réalisé en 1974 un film biographique, Lucky Luciano, dans lequel il relate la vie du chef mafieux en Italie, après son expulsion. Le rôle principal est joué par Gian Maria Volontè.
- Dans le deuxième film de sa trilogie sur la mafia (The Godfather), Francis Ford Coppola met en scène une rencontre des principaux parrains à La Havane et évoque les relations entre le gouvernement cubain de l’époque et le crime organisé.
- En 1991, dans le film Les Indomptés (Mobsters, de Michael Karbelnikoff), le rôle est interprété par Christian Slater.
- Andy Garcia l'a également incarné dans le film Les Seigneurs de Harlem de Bill Duke en 1997.
- En 2010, Vincent Piazza joue le rôle du Lucky Luciano de l'ère de la Prohibition dans la série télévisée d'HBO Boardwalk Empire, créée par Terrence Winter.
Livres
- William Reymond, Mafia S.A.
- Martin Gosch, Lucky Luciano, Le Testament (livre dicté par Lucky Luciano lui-même avec la condition sine qua non de ne publier ce livre que 10 ans après sa propre mort pour le protéger lui ainsi que ses connaissances ; finalement publié en 1975.
- Lucky Luciano : de la rue au grand pouvoir, in André Nolat, Sept récits à l'encre noire, éd. Edilivre-Aparis, 2011.
- Corteggiani, Malès & Mitton, De silence et de sang, t.1 à t.10, éd. Glénat (personnage fictif dont l'histoire est très sensiblement identique).
Liens externes
- Site officiel de la marque de prêt à porter pour homme Lucky Luciano
Liens internes
Notes et références
- http://205.188.238.181/time/time100/builder/profile/luciano.html
- http://www.lesechos.fr/info/inter/300195139.htm
- http://www.lefigaro.fr/international/2008/08/13/01003-20080813ARTFIG00024-lucky-luciano-empereur-du-crime-.php
- John Dickie (2004), Cosa Nostra. La mafia sicilienne de 1860 à nos jours, éd. Perrin, 2007, chap. VI, p. 266
- Lucky Luciano, Le Testament, Martin Gosch.
- http://www.masicile.com/46-lucky-luciano.htm
- http://www.answers.com/topic/charles-lucky-luciano
Précédé de :
Giuseppe MorelloUnderboss de la Famille Masseria
1930-1931Suivi de :
Vito GenovesePrécédé de :
Joe MasseriaParrain de la Famille Luciano
1931-1946Suivi de :
Frank CostelloPrécédé de :
Salvatore MaranzanoCapo Di Tutti Capi
1931-1946Suivi de :
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