- Levantins
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Levantin
Le terme Levantins, de Levant, région où le soleil se lève, Machrek en arabe, a désigné en français (et en italien, Levantini) à partir du XVIe siècle l'ensemble des habitants du Proche-Orient. Ainsi, dans la fable de La Fontaine Le Rat qui s'était retiré du monde :
- "Les Levantins en leur légende
- Disent qu'un certain Rat las des soins d'ici-bas,
- Dans un fromage de Hollande
- Se retira loin du tracas."
Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, ce terme a surtout servi à désigner des résidents de l'Empire ottoman et de ses États successeurs, d'ascendances européennes ou mixtes diverses. Pour la plupart catholiques romains (« latins ») ou uniates, mais aussi parfois protestants, les Levantins étaient ressortissants de divers États catholiques ou protestants (France, Italie, Autriche-Hongrie, Angleterre, etc.), ou l'étaient devenus afin de bénéficier des avantages codifiés dans les capitulations. Le site de l'Ambassade de France à Ankara réduit la définition des Levantins aux Français installés dans l'Empire ottoman.
Certains Levantins avaient toutefois conservé la nationalité ottomane, ainsi, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, plusieurs gouverneurs de la province autonome du Mont-Liban, qui devaient obligatoirement être des sujets ottomans chrétiens, furent des Levantins melkites d'Alep (Syrie), de la famille Franco.
Dans l'Égypte du XIXe siècle, le terme Levantins désignait les résidents syriens, grecs, arméniens et autres, ni autochtones, ni turcs (12 000), ni européens (7 000), ni esclaves, il y en avait environ 10 000 au milieu du siècle sur 2 891 000 habitants (Clot-Bey, 1838).
Il existait dans les échelles du Levant, les villes portuaires de Méditerranée orientale, une langue de communication commune aux Levantins et aux marins et marchands de toutes nationalités, la lingua franca, la "langue franque" à base d'espagnol et d'italien, avec des éléments d'arabe, de persan et de turc.
Comme le précise le dictionnaire de l'Académie française, ce terme « a été parfois utilisé avec une intention péjorative, par allusion à l'habileté en affaires prêtée aux Orientaux ».
Pour les Levantins, habitants de l'Est de l'Espagne ("Levant"), voir Communauté autonome de Valence et Communauté autonome de Murcie. Le terme désigne aussi les fans de l'équipe de football valencienne, Levante Unión Deportiva (es).
Sommaire
Smyrne et la communauté francophile des Levantins
Édouard Balladur[1], ancien Premier ministre français, est issu de cette communauté smyrniote. Dans son clan, on parle français et on ne se marie qu'entre catholiques (même si le conjoint est étranger). Le vicaire général de l'archevêché de izmir fut dom Emmanuel Balladur, disparu en 1847. Pierre Balladur, père d'Édouard, sera ainsi l'un des directeurs, à istanbul, de la Banque ottomane, devenue aujourd'hui un trust international, mais qui gère alors les capitaux des puissances occidentales, et de leurs entrepreneurs en Orient. L'établissement, disparu une première fois, puis remonté sur ses bases a été fondé par quelques familles levantines (dont les Glavany, dont est issu Jean Glavany, ancien ministre).
À Izmir, du moins de 1900 à 1905, il n'y avait pas que des Levantins de souche. Ainsi, Augustin Gindorff, ingénieur des mines, était belge et catholique. Il a été durant les années susdites directeur de la Compagnie ottomane des eaux à Izmir.
En 1996, le nombre de Smyrniotes francophones était évalué à environ 200 personnes, le plus souvent bénéficiant de la double nationalité. Deux lycées turcs assurent des cours entièrement francophones. À Smyrne, il ne subsiste que quelques rares et vieilles pittoresques demeures levantines, l'église du quartier arménien, Sainte-Hélène et la cathédrale St. Polycarpe. Il reste aussi quelques mots, pour désigner la corniche qui surplombe la mer, on dit encore le "cordon" plutôt qu'un terme turc.
Citations
- Onnik Jamgocyan, auteur d'une thèse sur les banquiers levantins :
« Ils étaient connus pour être diplomates, habiles en affaires. Ils avaient le sens de la parole donnée. Ils pouvaient se prêter jusqu'à des millions entre eux sans jamais signer le moindre papier. Tout reposait sur la confiance. »
- Un journaliste turc :
« ils étaient membres d'un microcosme fermé sur lui-même, ne faisant jamais l'effort de s'intégrer à la société où ils vivaient (…). Grâce au passeport de leur patrie où ils ne mettaient jamais les pieds ils se comportaient avec la plus grande arrogance, en maîtres de nos ports. »
- Henri Morgenthau, ambassadeur des États-Unis à Constantinople avant et pendant la Première Guerre mondiale :
« environ 3 000 citoyens britanniques et français résidaient à Constantinople. La majorité appartenait à la classe, connue sous le nom de Levantins ; presque tous étaient nés en Turquie, et dans de nombreux cas, leurs familles se trouvaient établies dans ce pays depuis deux ou plusieurs générations. La conservation de leurs droits de citoyens européens constitue, pour ainsi dire, leur unique lien avec la nation dont ils sont issus. Il n'est pas rare de rencontrer dans les principales villes turques des hommes et des femmes, qui sont de race et de nationalité britanniques, mais ne parlent pas anglais, le français étant le langage habituel des Levantins. La plupart n'ont jamais mis le pied en Angleterre ou dans une autre contrée européenne ; ils n'ont qu'une demeure : la Turquie[2]. »
Personnalités levantines ou d’origine levantine[3]
- Édouard Balladur, famille levantine smyrniote d'origine arménienne d'Iran ;
- Jean Glavany, famille levantine ottomane d'origine grecque catholique de Chios ;
- Antonin Artaud, par sa mère, Euphrasie Nalpas, d'une famille levantine d'origine anglo-normande, installée à Smyrne au temps de la quatrième croisade et dont on retrouve la trace en Angleterre au XIIe siècle ;
- Nubar Pacha, homme d'État égyptien, famille levantine smyrniote d'origine arménienne, émigrée en Égypte ;
- Henri et Daniel Filipacchi, famille levantine smyrniote d'origine vénitienne ;
- Stéphane Collaro, famille levantine smyrniote d'origine italienne ;
- Albert Caraco, famille levantine d'origine juive (séfarade) ;
- Adolphe Thiers.
Levantins dans la littérature
- Volpone, dans la pièce homonyme (1605) de Ben Jonson, plusieurs fois adaptée par d'autres auteurs tant au théâtre (Stefan Zweig, Jules Romains), qu'au cinéma (Maurice Tourneur en 1941, Pierre Sabbagh en 1978), est un commerçant levantin établi à Venise.
Levantins dans le commerce
- Enzo Dirlik
Ordre levantin
Le premier ordre alphabétique, notamment dans l'alphabet phénicien et ceux qui en découle, est qualifié d'ordre levantin. On distingue cet ordre dans la langue arabe de l'ordre alphabétique actuel.
Article détaillé : Numération arabe.Notes
- ↑ Pour plus de précisions concernant la famille Balladur, voir A. Naaman, Histoire des Orientaux de France.
- ↑ Mémoires de l’ambassadeur Morgenthau
- ↑ Enfants célèbres de Smyrne
Liens externes
- Cercle du Levant, un site dédié aux échelles du Levant et aux familles levantines ;
- Quelques Levantins d'Istanbul ;
- Giovanni Scognamillo, héritier de l'Istanbul cosmopolite, AFP, 23/02/2005 ;
- Françoise Raes, Péra, européenne nostalgie, La Libre Belgique, 29/07/2005.
Bibliographie indicative
- Ouvrage cité dans le texte
- Abdallah Naaman, Histoire des Orientaux de France du Ier au XXe siècle, éditions Ellipses, Paris, 2004 (ISBN 2729814051).
recensions dans Le Monde Diplomatique et dans L'orient-Le Jour
- Autres ouvrages
- Claude Liauzu, Éloge du Levantin, Confluences Méditerranée, N°24, hiver 1997-1998 ;
- Abdallah Naaman, Les Levantins, une race, éditions Naaman, Beyrouth, 1984 ;
- Guy de Lusignan, Mes familles - nos mémoires, de l'Empire ottoman à nos jours, Éditions universelles, 2004, (ISBN 9082235084) ;
- Livio Missir de Lusignan, Vie latine de l'Empire ottoman, Éditions ISIS, Istanbul, 2004 ;
- Livio Missir de Lusignan, Familles latines de l'Empire ottoman, Éditions ISIS, Istanbul, 2004 ;
- Livio Missir de Lusignan, Smyrnensia, Tome I, (sous presse chez ISIS, Istanbul) ;
- divers écrits de Livio Missir de Lusignan ;
- Livio Missir de Lusignan, Entre Orient et Occident, Liber Amicorum, Bruxelles, 2001 (infos: amilu@skynet.be) ;
- Marie de Testa & Antoine Gautier, Drogmans et diplomates européens auprès de la Porte ottomane, éditions ISIS, Istanbul, 2003, 479 p. (sur l'enseignement des langues orientales en Europe et des biographies individuelles et familiales sur les Adanson, Chabert, Crutta, Deval, Fleurat, Fonton, Fornetti, Jaba, Murat, Roboly, Ruffin, Stoeckl, Testa, Timoni, Wiet) ;
- Antoine Gautier, Un consul de Venise à Smyrne, Luc Cortazzi (ca 1714-1799), Le Bulletin, Association des anciens élèves, Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), mai 2005, pp. 35-54 ;
- Antoine Gautier, Un diplomate russe à Constantinople, Paul Pisani (1786-1873), Le Bulletin, Association des anciens élèves, Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), octobre 2004, pp. 11-30 ;
- Antoine Gautier, Anne Duvivier, comtesse de Vergennes (1730-1798), ambassadrice de France à Constantinople, Le Bulletin, Association des anciens élèves, Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), novembre 2005, pp. 43-60.
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