- Les Hussards (mouvement littéraire)
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L'expression les Hussards désigne un courant littéraire français qui, dans les années 1950 et 60, s'opposa aux existentialistes et à la figure de l'intellectuel engagé qu'incarnait Jean-Paul Sartre. Le roman de Roger Nimier Le Hussard bleu a donné son nom au mouvement.
Si le mouvement apparaissait comme assez hétéroclite, les Hussards se distinguaient notamment par leur opposition à Sartre et leur antigaullisme de droite. François Dufay leur reconnaissait surtout « l'amour du style ; un style bref, cinglant, ductile », un anticonformisme rafraîchissant, le refus des modes, le goût des causes perdues.
Sommaire
Genèse
Le nom a été donné par l'écrivain Bernard Frank à ce groupe qui s'est constitué au hasard des rencontres littéraires (chez des éditeurs notamment) et qui se réunissait dans des cafés du quartier de Saint-Germain-des-Près dès la fin des années 1940. Ce groupe d'amis était logés dans les petits hôtels très modestes situés autour de l'église de Saint-Germain qui ne logeaient que des clients permanents payant leur chambre au mois. Ces écrivains passaient une partie de leur journée à écrire dans les différents bistros qui voulaient bien d'eux. Leur quartier général parisien était le bar du Pont-Royal, le Bar Bac ou, un temps, le siège des éditions Gallimard. Ils se retrouvaient le soir dans un petit restaurant de la rue Jacob (disparu aujourd'hui) qui s'appelait « Aux Assassins » (il avait été le théâtre d'un crime au début du siècle). Ces réunions informelles accueillaient beaucoup de monde extérieur à la littérature, notamment des peintres et des artistes.
L'article de Bernard Frank, qui popularisa l'appellation de « Hussards », parut dans la revue Les Temps modernes en décembre 1952 sous le titre de « Grognards & Hussards ». Il y décrit les "Hussards" comme les successeurs des "Grognards". Pour lui, il s'agit d'un "groupe de jeunes écrivains que, par commodité, je nommerai fascistes. Blondin, Laurent en sont les prototypes." [1]
Placé sous le double patronage de Jacques Chardonne et Paul Morand, ce groupe était composé d'un noyau dur, qui comprenait Antoine Blondin, Michel Déon, Jacques Laurent, et avait pour chef de file Roger Nimier, « le premier de la classe » selon François Nourissier. Blondin en parle ainsi : "À côté d'autres manifestations, nous étions quatre à créer une sorte de club Roger Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon et moi."[2]
Chacun des écrivains rattachés au groupe refusa néanmoins l'étiquette de Hussard. Michel Déon, dans Bagages pour Vancouver, et Jacques Laurent, dans Histoire égoïste, ont même dénié l'existence du groupe. Les Hussards se connaissaient bien néanmoins et certains d'entre eux étaient très liés (Nimier et Blondin en particulier).
D'autres auteurs ont pu être rattachés au groupe : Kléber Haedens, Stephen Hecquet, Roland Laudenbach, Félicien Marceau, François Nourissier, Jacques Perret, André Fraigneau, Willy de Spens ou encore Guy Dupré.
Opposition à Sartre
Les Hussards ont en commun d'avoir participé à la Revue de la Table ronde (liée à l'origine à la maison d'édition du même nom, La Table ronde[3]), qui a été créée pour faire pièce à la revue sartrienne Les Temps modernes. À la Revue de La Table ronde ont également contribué des écrivains de renom comme François Mauriac, qui la parrainait, Jacques Chardonne, Jean Giono, Marcel Jouhandeau, Henry de Montherlant, Jean Paulhan ou Jean Schlumberger.
Par la suite, ils se sont aussi opposés au Nouveau roman.
Droite littéraire, anti-gaullisme
Le mouvement des Hussards peut être compris comme l'une des expressions de l'Action française ou, plus largement, de la droite littéraire.
Si ce mouvement des années 1950-60 a peu de rapport avec l'Action Française d'avant-guerre, ses deux parrains Jacques Chardonne et Paul Morand n'ont rien renié de leurs idées de jeunesse (cf. leur correspondance citée dans Le soufre et le moisi. La droite littéraire après 1945 de François Dufay).
La plupart des Hussards, Roger Nimier en tête, ont défendu l'Algérie française et signé l'appel contre le manifeste des 121, qui était un appel à la désertion pendant la guerre d'Algérie. Ils ont ouvertement manifesté leur opposition à la politique du général de Gaulle en Algérie.
Bernard Frank apparaît comme l'exception « de gauche » des Hussards (et Hussard tardif).
Poétique des Hussards
Une des particularités des Hussards réside en leur style. Adeptes d'un style rapide et incisif, de phrases courtes dites "définitives". Dans son article séminal, Grognards & Hussard, Bernard Frank décrit leur style de la façon suivante : "Ils se délectent de la phrase courte dont ils se croient les inventeurs. Ils la manient comme s'il s'agissait d'un couperet. À chaque phrase il y a mort d'homme."[4]
Les Hussards rejetaient les modes contemporaines tout en s'inscrivant dans une certaine tradition littéraire. Ils se reconnaissaient dans une lignée d'écrivains allant du cardinal de Retz et du duc de Saint-Simon à Paul Morand et Marcel Aymé, en passant par Stendhal et Alexandre Dumas. Au panthéon des Hussards, figuraient également Georges Bernanos (pour Nimier) ou Joseph Conrad (pour Déon).
Postérité
Un groupe d'écrivains, réunis autour de la revue Rive droite, a revendiqué dans les années 1980-90 une filiation avec les Hussards. Il était composé notamment de Patrick Besson, Eric Neuhoff et Denis Tillinac, qui dirigea entre 1992 et 2007 les éditions de La Table ronde. L'expression de « néo-Hussards » a été employée à leur sujet. Adeptes d'un style sec et coupant, ils se distinguaient néanmoins de leurs aînés sur le plan politique. Aucun d'entre eux ne s'est jamais réclamé de l'Action française et l'un d'entre eux, Denis Tillinac, s'est toujours défini comme un gaulliste de cœur et de raison.
Le comédien et auteur, promoteur des belles-lettres Fabrice Luchini rend aussi régulièrement hommage à ce mouvement littéraire[5].
Bibliographie
- Raphaël Chauvancy, Jacques Laurent, Éditions Pardès, coll. « Qui suis-je? », 2009.
- Marc Dambre, (dir.) Les hussards Une génération littéraire, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2000.
- François Dufay, Le soufre et le moisi. La droite littéraire après 1945. Chardonne, Morand et les hussards, Paris, Perrin, 2006. ISBN 2-262-01907-X
- Bernard Frank (écrivain), "Grognards & Hussards", Les Temps modernes, décembre 1952. Réédition dans Grognards & Hussards, suivi de La Turquie, Paris, Le Dilettante, 1984.
- Pol Vandromme, La Droite buissonnière, Paris, Les Sept Couleurs, 1960.
Lien externe
Notes et références
- Bernard Frank, Grognards & Hussards suivi de La Turquie, Paris, Le Dilettante, 1984, p. 32.
- Antoine Blondin, O.K. Voltaire, Paris, Quai Voltaire, 1987, p. 16
- Roland Laudenbach, proche de la revue La Nation française et Le Crapouillot. fondée en 1944 par
- Bernard Frank, Grognards & Hussards suivi de La Turquie, Paris, Le Dilettante, 1984, p. 34.
- Express, 8 mai 2010, par exemple
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