- Les Effigies des peintres célèbres des Pays-Bas
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Les Effigies des peintres célèbres des Pays-Bas, est un ouvrage de l'humaniste, poète et artiste liégeois Dominique Lampson, Lampsonius, publié en 1572, dont le titre original en latin est Pictorum aliquot celebrium Germaniae inferioris effigies.
Commandé par Jérôme Cock, cet ouvrage fut édité à Anvers par la veuve du commanditaire. L'ouvrage est composé de 23 gravures représentant les effigies de peintres des Pays-Bas. Ces gravures sont accompagnées de vers rédigés en latin, évoquant les œuvres principales de l'artiste dépeint, son mérite ou encore certains éléments de sa vie. Ces textes furent traduits en néerlandais dans Le grand livre des peintres de Karel van Mander, puis en français par Henri Hymans.
Pour rédiger cet ouvrage, Lampson s'est inspiré des Descrittione di tutti i Paesi Bassi (1567) de Francesco Guicciardini. Mis à part cette source textuelle, Lampson a pu recueillir de nombreuses informations auprès des peintres eux-mêmes qu'il put fréquenter à l'académie de Lambert Lombard. C'est là qu'il rencontra en effet Guillaume Key et Frans Floris.
Historique
L'éditeur d'estampes d'Anvers, Jérôme Cock, conçut, en 1570, le projet de publier un recueil de portraits des peintres célèbres des Pays-Bas. A sa demande, Lampsonius rédigea des inscriptions en vers latins pour être placées au bas de ces portraits[1]. Ces inscriptions témoignent autant de son talent littéraire que de sa profonde connaissance de l'histoire de l'art. Le recueil parut à Anvers, sous le titre suivant : Pictorum aliquot celebrium Germaniae inferioris effigies..., una cum doctiss. Dom. Lampsonii hujus artis peritissimi elogiis[2].
Le marchand anversois n’eut pas le bonheur de voir le projet des Effigies prendre véritablement forme. Il décéda en effet en 1570, soit deux ans avant que sa veuve et Lampson se décident à le mettre sous presse. La publication de Cock et de Lampson peut être considérée comme un ouvrage fondateur. La profession de peintre profitait en effet pour la première fois d’un recueil d’effigies qui lui était exclusivement consacrée. Il existait de nombreux livres de ce type dédiés à des personnages illustres, mais jamais les artistes n’avaient joui d’un tel honneur[3].
La première image des Pictorum Aliquot Celebrium Germaniae Inferioris Effigies présente Hubert van Eyck sous les traits repris de l’un des juges intègres du Retable de Gand alors qu’un texte de Lampson nous éclaire sur cette place d’honneur qui lui est donnée. Il ouvre cette petite histoire de l’art en image des anciens Pays-Bas uniquement pour mettre en scène la véritable figure fondatrice de celle-ci qui n’est autre que son frère cadet, Jan van Eyck.
- Moi qui le premier fis voir de quelle manière les belles couleurs se mélangent à l’huile de lin, avec mon frère Hubert, j’ai bientôt étonné Bruges de cette découverte que peut-être Apelle n’aurait pu faire et que notre vaillance eut bientôt répandu par le monde entier.
La dixième planche des Effigies qui est dévolue à Lucas de Leyde, souligne la tendance de l’ouvrage de Cock et de Lampson à concevoir une histoire de l’art non seulement flamande, mais propre au nord des Alpes. Alors que les noms de Jan van Eyck et de Lucas de Leyde sont passés à la postérité, plusieurs artistes auxquels furent dédiés l’une de ces 23 planches, sont restés dans l’ombre. Citons néanmoins: l’épigramme de Joachim Patinir
- Si, Joachim, ton image brille d’un éclat incomparable parmi les autres, ce n’est pas seulement parce que c’est la main de Cort qui l’a gravée sur le cuivre, main qui ne craint aucune rivale. Mais c’est aussi parce que Dürer, admirant ton art, alors que tu peignais des champs et des maisons, a autrefois dessiné sur le parchemin ton image au moyen d’une pointe de bronze ; Cort rivalisant avec ce dessin, s’est dépassé lui-même et, à fortiori, tous les autres.
et celle de Henri Blès dont il dit:
- La ville de Dinant a donné le jour à un peintre que le peintre-poète a loué dans ses vers. Les sites pittoresques de son pays ont fait de lui un artiste, aucun maître ne le dirigeant. L’obscure Bouvignes a envié cette gloire à sa voisine et produit Henri, habile en l’art du paysage. Mais autant Bouvignes le cède à Dinant, ô Joachim [Patenier], Henri te le cède. [4]
Jérôme Cock occupe la dernière page, en hommage à sa mémoire:
- Me trompé-je ? Le peintre, Jérôme, n’a-t-il pas tracé ton portrait après ta mort ? Il révèle, aux yeux non avertis, je ne sais quoi d’engourdi et de languissant. Hélas, le crâne que montre ta main gauche le dit plus clairement encore ; les artistes que j’ai nommés ont précédé Cock ; lui en fermant la marche, les appelle à lui vers la mort.[5]
Peintres figurant dans l'ouvrage de Lampson
- Hubert van Eyck
- Jan van Eyck
- Jérôme Bosch
- Rogier van der Weyden
- Dirk Bouts
- Bernard van Orley
- Jan Gossaert, dit Mabuse
- Joachim Patinir
- Quentin Metsys
- Lucas de Leyde
- Jean le Hollandais, ou van Amstel
- Josse van der Beke
- Mathieu Cock
- Herri Met de Bles
- Jean-Cornélis Vermeyen
- Pierre Coecke
- Jan van Scorel
- Lambert Lombard
- Pierre Bruegel l'Ancien
- Guillaume Key
- Lucas Gassel
- Frans Floris
- Jérôme Cock
Notes et références
- J Helbig, Hist. de la peinture au pays de Liége, dans les Mémoires de la Société d'Emulation de Liége, t. IV (1873), p. 354
- Anvers, sub intersigno quatuor ventorum, 1572 ; in-4°
- P. Eichel-Lojkine (P.), Le siècle des grands hommes. Les recueils de vies d’hommes illustres avec portraits du XVIe siècle, (Louvain-Paris-Sterling, 2001)
- D. Lampson, op. cit., pp. 50-51
- ibidem, Nicolas Galley Hauterive, 2005, pp, II.4 Pictorum Aliquot Celebrium Germaniae Inferioris Effigies, pp. 131-141
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