- Le désert des Tartares
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Le Désert des Tartares
Le Désert des Tartares Auteur Dino Buzzati Genre Roman Version originale Titre original Il deserto dei Tartari Langue originale Italien Pays d'origine Italie Date de parution originale 1940 Version française Éditeur Robert Laffont Date de parution 1949 Le Désert des Tartares est un roman de Dino Buzzati édité en italien en 1940. La traduction française ne sera publiée qu'en 1949.
Sommaire
Présentation
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Ce qui suit dévoile des moments clés de l’intrigue.
Le roman traite de façon suggestive et poignante de la fuite vaine du temps, de l'attente et de l'échec dans le cadre d'un vieux fort isolé à la frontière du « Royaume » et de « l'Etat du Nord », séparés par un désert énigmatique. Le lieutenant Drogo attend la gloire dont le privera la maladie. En effet après une longue carrière ritualisée par les activités routinières de la garnison du vieux fort Bastiani, il voit se préciser enfin l'attaque des Tartares dont l'existence apparaissait de plus en plus mythique, mais évacué pour des raisons médicales, Drogo ne peut participer au combat et se rend compte, au seuil de sa mort, que son seul adversaire n'est pas les Tartares, mais la mort. Ainsi, il se rend compte que les Tartares n'étaient qu'un divertissement, une occupation, qui lui permettait d'oublier la mort, lui qui en avait extrêmement peur.
Commentaires
Cette œuvre renvoie pour une part à l'influence de Kafka (influence que Buzzati a toujours réfutée) par l'esprit de dérision et l'expression de l'impuissance humaine face au labyrinthe d'un monde incompréhensible mais aussi au courant existentialiste des années 1940-1950 et de Jean-Paul Sartre avec La Nausée (1938) ou d'Albert Camus avec L'Étranger (1942), pour ne citer que des œuvres majeures contemporaines du Désert des Tartares. Mais Buzzati a surtout été influencé par Pascal, dans sa manière, par exemple, d'appréhender la mort. Par ailleurs ce roman, qui a œuvré à la notoriété de l'auteur et a connu un succès mondial, n'est pas dénué de rapport dans sa description d'un « présent perpétuel et interminable » avec deux autres grands classiques : Les Choses, de Georges Perec (1965) et La Montagne magique de Thomas Mann (1924). Julien Gracq reprend quant à lui en 1951 la problématique du « présent perpétuel » dans Le Rivage des Syrtes (Prix Goncourt) pour décrire la longue attente avant l'entrée du héros dans l'Histoire et le moment où celle-ci bascule.
Cette oeuvre est, avant tout, un procès au temps. Tout le roman est axé sur la fuite du temps. On peut tout rattacher à ce thème. Par exemple, le découpage du livre en trente chapitres courts et de même taille donne l'illusion d'une régularité dans l'avancée du roman.
De même, les habitants du fort sont des malades du temps. C'est-à-dire qu'ils font partie des malchanceux qui, selon Buzzati, sont soumis à une terrible conscience du temps qui passe et de la mort qui approche. Ainsi, les deux groupes, les civils contre les militaires, sont deux groupes que tout tend à éloigner. Dès le chapitre 1, Drogo et son ami se séparent et ne se reparleront plus, dans l'avenir, comme avant. De même, ils ne veulent aller au château que pour la gloire, mais quand ils y arrivent, ils veulent en repartir avant de ne pouvoir et vouloir le quitter, ce qui montre leur attachement à leur déshumanisation : en faisant toujours les mêmes tâches (ce qui transforme le temps qui passe en un présent perpétuel, Drogo est très surpris le jour où il découvre qu'il est un vieillard et qu'il n'a rien fait de sa vie) ; en voyant toujours les mêmes personnes (ce qui aboutit à un mode de vie très sécurisant), ils ne pensent plus à la mort et ont donc gagné leur pari. Ces soldats, qui ont donc très peur de la mort, ont l'espoir de participer à un grand évènement, c'est-à-dire triompher des Tartares, ce qui leur permettrait d'être éternels, la postérité les retenant. Le règlement absurde du fort leur permet d'occuper leur esprit. La plaine, toujours remplie de brouillard, est favorable à leur imagination, au rêve, à l'espoir. L'interdiction d'instruments optiques pour scruter la plaine peut être perçue pour maintenir le mystère. Enfin, la construction de la route peut être perçue comme une métaphore de la vie : la vie se construit, et quand l'ennemi, à savoir la mort, attaque, il n'y a rien à faire face à cette force surhumaine. Les habitants sont vaincus par les Tartares, donc par la mort.
Prolongements et cinéma
Valerio Zurlini a fait une adaptation cinématographique très réussie du roman en 1976 : Le Désert des Tartares, tourné dans la forteresse de Bam, au sud de l'Iran.
Jacques Brel s'est inspiré du personnage de Drogo dans sa chanson Zangra qui reprend en quelques strophes le destin dérisoire et tragique de l'officier en garnison « au fort de Belonzo / qui domine la plaine / d'où l'ennemi viendra / qui (le) fera héros... ».
Citations
« Ce fut un matin de septembre que Giovanni Drogo, qui venait d'être promu officier, quitta la ville pour se rendre au fort Bastiani, sa première affectation. » ( Première phrase du roman)
« Il me semble que c'était hier que j'étais arrivé. » (page 74)
« Mais une question lui vint ensuite à l'esprit : et si tout était une erreur ? » (dernière page)
« Cependant, le temps passait, toujours plus rapide; son rythme silencieux scande la vie, on ne peut s'arrêter même un seul instant, même pas pour jeter un coup d'oeil en arrière. « Arrête ! Arrête ! » Voudrait on crier. Mais on se rend compte que c'est inutile. Tout s'enfuit, les hommes, les saisons, les nuages; et il est inutile de s'aggripper aux pierres, de se cramponner au sommet d'un quelconque rocher, les doigts fatigués se desserrent, les bras retombent inertes, on est toujours entrainé par ce fleuve qui semble lent, mais qui ne s'arrête jamais. » (Chapitre 24).
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Catégories : Roman de Dino Buzzati | Roman paru en 1940 -
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