Le Contrat Social

Le Contrat Social

Du contrat social

Du contrat social

Illustration de Du contrat social

Première édition, Amsterdam 1762.


Auteur Jean-Jacques Rousseau
Genre Philosophie politique
Pays d'origine France France
Lieu de parution Amsterdam
Éditeur Marc-Michel Rey
Date de parution 1762

Du contrat social ou Principes du droit politique est un ouvrage de philosophie politique de Jean-Jacques Rousseau publié en 1762. Il est connu pour exposer avec clarté et force que la seule forme de pouvoir politique légitime est le pouvoir qui trouve son fondement dans la volonté du peuple (ou « volonté générale »). Il est souvent considéré comme le principal inspirateur des idées de la Révolution française.

Sommaire

Contexte du Contrat social

Origine et les fondements de l’inégalité

La politique est un sujet qui intéresse Rousseau depuis longtemps, et le Contrat social n’est pas la première de ses œuvres qui y soit consacrée. Ainsi, dès 1735 il donne une idée de ce que sera sa conception et son intérêt pour le sujet politique dans l’article « Économie Politique » de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers avec cette phrase : « Il est certain que les peuples sont, à la longue, ce que le gouvernement les fait être » ; phrase qu’en 1752 il reformule dans la préface de Narcisse ou l'Amant de lui-même : « les vices n’appartiennent pas tant à l’homme qu’à l’homme mal gouverné. »

Le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, paru en 1755 est le travail de Rousseau pour répondre à la question posée par l’académie de Dijon en 1753 « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle ? ». La nature de l’homme avant que l’Histoire et les types de société ne l’altèrent est pour Rousseau le moyen de comparer et de statuer sur ces différents types d’organisation. Rousseau définit donc l’état de nature, qui n’est pas un « état sauvage » mais une fiction philosophique comme hypothèse heuristique, un état obtenu par abstraction en soustrayant ce que la société a apporté à l’homme. Il décrit ensuite la façon qu’a eue l’homme de s’organiser en société, à partir de la pratique de l’agriculture et du droit de propriété qui en advient nécessairement. Le Discours traite de la légitimité des sociétés et des types de pouvoirs, et expose ce que seront les fondations politiques du Contrat social.

Présentation du Contrat Social

Dans Du contrat social, Rousseau établit qu’une bonne organisation sociale repose sur un pacte garantissant l’égalité et la liberté entre les citoyens. Ce pacte est contracté entre tous les participants, c’est-à-dire l’ensemble exhaustif des citoyens. Dans le pacte social, chacun renonce à sa liberté naturelle pour gagner une liberté civile. La souveraineté populaire est le principe fondamental du contrat social. L’indivisibilité de cette souveraineté est un autre principe fondamental, par lequel il faut comprendre que le pouvoir du Souverain ne saurait être divisé (Rousseau emploie ce terme pour désigner le peuple souverain) et ne peut s’en séparer par intérêt personnel, car l’intérêt personnel est contraire à la recherche de l’intérêt général, seul objectif du contrat social. Ce contrat social, Rousseau le voit comme faisant suite à l’état de nature dans lequel règne la loi du plus fort. Pour lui, la loi du plus fort ne peut être un principe directeur d’une société car il est incompatible avec l’intérêt général, et donc avec le contrat social : « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. »
La perte du contrat social, c’est le retour à l’état de nature, primitif, animal, « tyrannique et vain ». Une société qui rompt son contrat social ne serait plus une société libre...

Du contrat social commence par ces mots :

« Je veux chercher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu’ils sont, et les lois telles qu’elles peuvent être. Je tâcherai d’allier toujours, dans cette recherche, ce que le droit permet avec ce que l’intérêt prescrit, afin que la justice et l’utilité ne se trouvent point divisées. » (Livre I, Préambule)

Du contrat social est un traité de philosophie politique présentant comment l’homme, une fois passé de l’état de nature à l’état de société, peut mettre en place un ordre social au service de l’intérêt général. Le pacte social que propose Rousseau établit que chacun doive renoncer à ses droits naturels pour obtenir la liberté que procure la société. Cette aliénation de chaque sujet de l’État est ce pacte qui offre à chacun l’égalité : « Les clauses [du pacte social] se réduisent toutes à une seule : l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté : car premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous ; et la condition étant égale pour tous, nul n’a intérêt de la rendre onéreuse aux autres. » (Livre I, Chapitre 6) La légitimité du pacte social repose sur le fait que l’homme n’aliène pas au sens propre son droit naturel mais comprend que le pacte social est au contraire la condition sine qua non de l’existence de son droit naturel.

C’est sur ce pacte que Rousseau fait reposer la démocratie. Si la liberté et l’égalité ne sont pas assurées par le peuple souverain (qu’il appelle le Souverain par personnification) envers lui-même, ou si des intérêts particuliers font que le pacte est divisé ou aliéné (chapitres 2.1 et 2.2 référence), alors c’est l’état de nature primitif qui reprend ses droits. Rousseau dit que rompre ce pacte sera faire que « l’état de nature subsisterait, et l’association deviendrait nécessairement tyrannique ou vaine ».

Pour Rousseau, « le principe de la vie politique est dans l’autorité souveraine », et toute division de cette autorité est nuisible : « Toutes les fois qu’on croit voir la souveraineté partagée, on se trompe ; que les droits qu’on prend pour des parties de cette souveraineté lui sont tous subordonnés, et supposent toujours des volontés suprêmes dont ces droits ne donnent que l’exécution. »

Il aborde également les problèmes législatifs, dans le livre II, (« par le pacte social, nous avons donné l’existence et la vie au corps politique : il s’agit maintenant de lui donner le mouvement et la volonté par la législation. ») en précisant la notion de loi, qui s’applique à l’ensemble du peuple, et est statué par l’ensemble du peuple, souverain : « Quand tout le peuple statue sur tout le peuple, il ne considère que lui-même ; et s’il se forme alors un rapport, c’est de l’objet entier sous un point de vue à l’objet entier sous un autre point de vue, sans aucune division du tout. Alors la matière sur laquelle on statue est générale comme la volonté qui statue. C’est cet acte que j’appelle une loi. » (Livre II, Chapitre 6) Dans cette partie délicate, Rousseau s’attache à maintenir et à démontrer que « seulement l’intérêt public gouverne ». Il commence alors à aborder les différents organes du corps politique, avec, par exemple le législateur.

Le livre III présente les diverses formes de gouvernement, de législatures, et le livre IV entre plus précisément dans les pratiques démocratiques (tribunat, élection...)

Plan détaillé de l’ouvrage

LIVRE I

L’introduction du livre I est essentielle, car c’est là que Rousseau définit les fins du Contrat Social : « Je veux chercher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre (...) ». Rousseau se demande donc à quelles conditions le pouvoir politique pourra être légitime, c’est-à-dire un type de société dans lequel l’homme ne sera pas aliéné. Il prendra cependant constamment « l’intérêt » en compte voulant dire par là qu’il voudra décrire un pouvoir politique légitime et qui en outre correspondra aux intérêts de tout homme.

Chapitre I (« Sujet de ce premier Livre »). Il commence par la célébrissime phrase « l’homme est né libre, et partout il est dans les fers ». Par là, de manière lapidaire, Rousseau dénonce l’état d’aliénation qu’introduit toute forme de pouvoir politique illégitime et la thématique des chapitres suivants.

Chapitre II (« Des premières Sociétés »). Rousseau va d’abord montrer que le fondement de toute société est une convention. La Famille est le premier cas étudié par Rousseau dont il nie aussitôt qu’elle soit naturelle. Ce qui est naturel ou plus exactement ce qui est inscrit dans la nature de l’homme c’est le désir de se conserver : « Sa première loi est de veiller à sa propre conservation, ses premiers soins sont ceux qu’il se doit à lui-même ». Et Rousseau d’ajouter « (...) les enfants ne restent-ils liés au père qu’aussi longtemps qu’ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. »

Rousseau évoque ensuite l’opinion d’Aristote, de Hobbes et Grotius selon laquelle la société ne repose pas sur une convention mais sur la supériorité de certains individus. Selon cette thèse, c’est donc la supériorité de certains qui est au fondement de la hiérarchie sociale. Rousseau critique cette idée en faisant remarquer que « tout homme né dans l’esclavage naît pour l’esclavage, rien n’est plus certain. » Mais il explique aussitôt : « les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu’au désir d’en sortir ; ils aiment leur servitude comme les compagnons d’Ulysse aimaient leur abrutissement ». La hiérarchie sociale n’est pas naturelle mais repose sur une convention originelle. Il se moque même de cette idée car étant lui-même descendant d’Adam et de Noé, il pourrait prétendre pouvoir régner sur l’ensemble du genre humain.

Chapitre III (« Du droit du plus fort »). Ce chapitre ainsi que le chapitre IV vont disqualifier deux types de pouvoirs comme types de pouvoir illégitime : l’esclavage et la force. Rousseau disqualifie le deuxième type de pouvoir en raison de l’argument suivant : quand je cède à la force, à la menace physique ou à la menace, je fais preuve de prudence. Mais cela ne signifie pas que celui qui use de sa force contre moi en ait le droit ou que son pouvoir soit légitime. « Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ; c’est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir ? »

Chapitre IV (« De l’esclavage ») : L’esclavage est lui aussi une convention illégitime. La raison principale de Rousseau pour affirmer cela est la suivante : celui qui est mis en esclavage ne peut pas le vouloir volontairement- en tout cas s’il est sain d’esprit. L’esclavage est donc toujours le fruit d’une contrainte extérieure et il ne saurait donc être légitime. « Ainsi, de quelque sens qu’on envisage les choses, le droit d’esclavage est nul, non seulement parce qu’il est illégitime, mais parce qu’il est absurde et ne signifie rien. » Ces mots, esclave et droit, sont contradictoires; ils s’excluent mutuellement. Soit d’un homme à un homme, soit d’un homme à un peuple, ce discours sera toujours également insensé : « Je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j’observerai tant qu’il me plaira, et que tu observeras tant qu’il me plaira. ». Car, selon Rousseau, renoncer à la liberté est incompatible avec la nature humaine (« c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs »). Un tel renoncement ne peut avoir de prix.

Rousseau soulève en outre toute une série de difficultés que rencontrent ceux qui voudraient affirmer la légitimité de l’esclavage.

  • Grotius affirme par exemple que tout un peuple pourrait aliéner sa liberté pour se rendre sujet d’un roi. À cela Rousseau répond que même si un homme avait le droit de s’aliéner auprès d’un maître il ne pourrait le faire pour ses enfants (« ils naissent hommes et libres ; leur liberté leur appartient, nul n’a droit d’en disposer qu’eux »).
  • De plus, « Grotius et les autres tirent de la guerre une autre origine du prétendu droit d’esclavage. Le vainqueur ayant, selon eux, le droit de tuer le vaincu, celui-ci peut racheter sa vie aux dépens de sa liberté ; convention d’autant plus légitime qu’elle tourne au profit de tous deux. » Mais la guerre n’est pas une relation privée mais d’État à État et ne saurait exister dans l’état de nature ou dans l’état social où les lois conditionnent les rapports humains. La guerre et le droit de conquête n’ont comme fondements que la loi du plus fort.

Chapitre V (« Qu’il faut toujours remonter à une première convention »). Ce chapitre revêt une importance particulière car c’est seulement ici que Rousseau va commencer à développer sa propre conception de ce qui constitue un pouvoir légitime.

La question que soulève Rousseau est la suivante : comment est-ce que la constitution d’un peuple en tant qu’entité sui generis est possible ? En d’autres termes : à quelle(s) condition(s) est-ce qu’un agrégat d’individus forme un tout qu’on peut qualifier de peuple ? « il serait bon d’examiner l’acte par lequel un peuple est un peuple ; car cet acte, étant nécessairement antérieur à l’autre, est le vrai fondement de la société. »

Lorsque « des hommes épars [sont] successivement asservis à un seul », il ne s’agit en effet que d’agrégation et non d’association ; une organisation qui ne résiste pas au temps. D’après Grotius un peuple peut se donner à un roi. Le peuple est donc un peuple avant de se donner. Le vrai fondement de la société est ce qui fait que le peuple se considère comme tel, et c’est ce qu’il faudra étudier. C’est cette question qui amènera Rousseau à exposer la célèbre théorie du contrat social.

Chapitre VI (« Du pacte Social »).

Dans ce chapitre Rousseau va apporter une réponse très originale à la question qu’il a soulevée au tout début du Contrat Social : « Je veux chercher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre (...) » (Préface au premier livre). En d’autres termes : comment est-ce que une autorité quelconque peut être imposée de manière légitime à un peuple ? « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant. Tel est le problème fondamental dont le Contrat social donne la solution. »

L’originalité de la solution de Rousseau est qu’il va dépasser le dualisme opposant le peuple et le pouvoir politique l’un à l’autre. Il va en effet voir dans la constitution d’un pouvoir politique reposant sur le contrat social le fondement même de l’existence du peuple. En termes kantiens on peut dire que le pouvoir politique dans la mesure où il repose sur le contrat social est la condition de possibilité de l’existence du peuple en tant que peuple et non en tant que simple agrégation. « (...) Cet acte d’association produit un corps moral et collectif, composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. » La question de la légitimité d’un pouvoir reposant sur le contrat social ne se pose donc plus. L’autorité politique n’est en effet plus une violence faite au peuple mais ce qui lui permet d’exister.

Le contrat social est nécessaire selon Rousseau lorsque les besoins sont supérieurs à ce que chaque homme peut faire pour y subvenir par lui-même. Pour survivre il leur faut alors s’unir et « agir de concert ».

La condition fondamentale du contrat social est « l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté ». L’essence du pacte social est résumée ainsi : « Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout ». Ceci a plusieurs conséquences:

  • l’engagement est total et identique pour tous ;
  • chacun n’a aucun intérêt à le rendre injuste car cette injustice le concernerait directement ;
  • « enfin, chacun se donnant à tous ne se donne à personne ».

Cet acte d’association produit un corps moral et collectif s’appelle maintenant République ou corps politique (autrefois on disait : « Cité »), nommé par ses membre « État quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables ». Les citoyens prennent le nom de peuple : « Citoyens comme participant à l‘autorité souveraine, Sujets comme soumis aux lois de l’État. »

Chapitre VII (« Du Souverain ») : L’association est double et réciproque : chaque individu est citoyen car il participe à l’autorité souveraine, et sujet car il est soumis aux lois. Le souverain ne saurait par son unité se limiter lui-même avec des lois, il n’est tenu que par ce qu’ exige le contrat social. Le souverain n’a pas besoin de garant par rapport à ses sujets : il ne peut avoir d’intérêt contraire aux particuliers qui le composent. En revanche chaque individu peut avoir une volonté particulière qui diffère de celle du souverain (en acceptant les droits qui sont les siens en tant que citoyen mais en refusant ceux de sujet), c’est cette injustice possible qui donne au souverain le droit de contrainte. On peut forcer celui qui ne respecte pas les règles « à être libre » donc à les respecter car « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ». Cette contrainte rend le pacte social possible, et garantit son bon fonctionnement et sa justice, sans cela l’engagement serait absurde.

Chapitre VIII : (« De l’état civil ») : Le passage de l’état de nature à l’état civil transforme l’animal vivant de l’instinct en homme doué de raison et intelligent, fondant ses actes sur la raison ; il gagne alors la liberté morale et la possibilité de propriété (différente de la possession qui est l’effet de la force) garantie par la loi.

Chapitre IX (« Du domaine réel ») : Dans le cadre du contrat social chacun se donne, ainsi que tous ses biens, au souverain, qui les restitue en garantissant le droit. Le droit de propriété est donc un des effets du pacte social, qui n’existe que grâce à la sécurité de la communauté.

Le droit de premier occupant sur un terrain, qui n’est un droit qu’après création du droit de propriété, dépend de plusieurs conditions : que personne n’y habite précédemment, qu’on occupe seulement la quantité de terrain nécessaire, et qu’on y travaille. La propriété est alors limitée, et le pacte social permet une égalité morale et légitime entre les hommes. « le pacte fondamental substitue […] une égalité morale et légitime à ce que la nature avait pu mettre d’inégalité physique entre les hommes, et que, pouvant être inégaux en force ou en génie, ils deviennent tous égaux par convention et de droit ».

LIVRE II

Chapitre I (« Que la souveraineté est inaliénable ») : Les principes établis dans le premier livre établissent que les forces de l’État peuvent seulement être dirigées par la volonté générale (l’accord des intérêts particuliers) pour tendre vers le bien commun. Le souverain, étant un collectif, peut s’accorder provisoirement avec la volonté d’un homme, mais ne saurait se soumettre dans la durée à sa volonté : il ne peut être représenté que par lui-même.

Chapitre II (« Que la souveraineté est indivisible ») : Le souverain est un être collectif, il ne peut être divisé ou exclure quiconque sans quoi il ne serait plus que l’expression d’une volonté particulière. Seul l’exécutif peut être segmenté, mais ses parties restent subordonnées à la loi, et donc au souverain.

Chapitre III (« Si la volonté générale peut errer ») : Les délibérations du peuple peuvent cependant aboutir à l’erreur si, au lieu de comptabiliser chaque voix et chaque volonté on les laisse se dissoudre dans des associations partielles : la somme de ces associations n’aboutit pas alors à la volonté générale et au bien commun. De plus, si l’ une de ces associations « est si grande qu’elle l’emporte sur toutes les autres », la délibération n’aboutit qu’à un avis particulier : ces associations doivent être évitées ou, si elles existent, suffisamment nombreuses pour refléter la volonté générale.

Chapitre IV (« Des bornes du pouvoir Souverain ») : Le pacte social donne au souverain un droit absolu sur tous ses sujets. Néanmoins ce droit, pour exister, doit être raisonné : la volonté du souverain a toujours une cause et « ne peut charger les sujets d’aucune chaîne inutile à la communauté ». Le souverain ne peut agir que sur les cas généraux et doit laisser les faits ou les droits particuliers à l’exécutif (« par la nature du pacte, tout acte de souveraineté […] oblige ou favorise également tous les Citoyens, en sorte que le Souverain connaît seulement le corps de la nation et ne distingue aucun de ceux qui la composent »).

Chapitre V (« Du droit de vie et de mort ») : Les contractants du pacte doivent accepter le risque d’être condamnés à mort pour assurer leur propre sécurité vis-à-vis des assassins potentiels ; le souverain ne peut ordonner de tuer mais pourra conférer ce droit, et le droit de grâce lui appartient.

Chapitre VI (« De la loi ») : La législation est ce qui permet au corps politique de se conserver. La justice vient de Dieu mais elle n’est pas en soi suffisante, il faut la possibilité de sanction (donc la loi) pour qu’elle garantisse l’égalité. La loi ne peut statuer que sur les cas généraux et abstraits, elle est la volonté de « tout le peuple […] sur tout le peuple ». Elle est faite par tout le peuple qui ne saurait « être injuste avec lui-même », et concerne aussi le Prince, puisqu’il fait partie de l’État ; pour l’aider à faire les bons choix concernant lui-même, le peuple sera aidé dans ses choix par le législateur qui lui fera « voir les objets tels qu’ils sont, quelque fois tels qu’ils doivent lui paraître, lui montrer le bon chemin qu’[il] cherche, [le] garantir de la séduction des volontés particulières, rapprocher à ses yeux les lieux et les temps, balancer l’attrait des avantages présents et sensibles, par le danger des maux éloignés et cachés ».

Chapitre VII (« Du Législateur ») : Le législateur doit posséder des qualités extraordinaires, presque inhumaines : « Il faudrait des Dieux pour donner des lois aux hommes ». Il a pour but d’éclairer la volonté générale, et pour cela devra modifier les hommes qui la composent et faire d’eux, à partir d’unités isolées, des parties indivisibles du tout. Il a un emploi à part dans l’État : il constitue la république mais « n’entre point dans sa constitution », ses lois commandent les hommes mais lui n’en commande aucun. Il ne fait que suggérer, n’exerce aucun pouvoir législatif ou exécutif. Si le peuple n’est pas en mesure de l’entendre, il peut utiliser la force de conviction et le prestige de la religion en mettant « les décisions dans la bouche des immortels ».

Chapitre VIII, IX et X (« Du peuple ») : La bonne législation ne peut être adoptée par n’importe quel peuple ou État. Les coutumes et les préjugés ne doivent pas être trop enracinés, il faut attendre que le peuple soit assez mature, et le temps de cette attende dépend des types de gouvernement ayant précédés et des attentes du peuple.

  • L’État devra être « ni trop grand pour être bien gouverné, ni trop petit pour pouvoir se maintenir par lui-même », trop grand il serait administrativement trop lourd, incapable d’agir partout et n’aurait pas un patrimoine commun à tous ses membres, trop petit il serait faible par rapport aux autres États.
  • Il faut que l’État ait la bonne proportion entre le nombre d’habitants qui l’occupent et sa superficie, « que la terre suffise à l’entretien de ses habitants, et qu’il y ait autant d’habitants que la terre en peut nourrir ». L’État doit être ordonné dans un moment de jouissance et de paix et non de crise politique ou de famine.

Rousseau résume ces chapitres : « Quel peuple est donc propre à la législation? Celui qui, se trouvant déjà lié par quelque union d’origine, d’intérêt ou de convention, n’a point encore porté le vrai joug des lois; celui qui n’a ni coutumes, ni superstitions bien enracinées ; celui qui ne craint pas d’être accablé par une invasion subite; qui, sans entrer dans les querelles de ses voisins, peut résister seul à chacun d’eux, ou s’aider de l’un pour repousser l’autre ; celui dont chaque membre peut être connu de tous et où l’on n’est point forcé de charger un homme d’un plus grand fardeau qu’un homme ne peut porter; celui qui peut se passer des autres peuples, et dont tout autre peuple peut se passer ; celui qui n’est ni riche ni pauvre, et peut se suffire à lui-même; enfin celui qui réunit la consistance d’un ancien peuple avec la docilité d’un peuple nouveau. »

Chapitre XI (« Des divers systèmes de Législation ») : La liberté et l’égalité sont les objets principaux d’un système de législation : la liberté car ses membres doivent être indépendants de l’État pour faire sa force, l’égalité pour maintenir la liberté. L’égalité ne signifie pas que tous les membres soient strictement au même niveau ou la suppression de la propriété, mais que les différences soient décentes. La législation doit tendre vers l’égalité, et s’adapter à l’État auquel elle est destinée, à sa géographie, son économie et la densité de sa population.

Chapitre XII (« Division des Lois ») : Il y a trois sortes de lois :

  • les lois politiques, relatives à l’État lui-même (les seules dont traite le Contrat social),
  • les lois civiles, qui régissent le rapport des membres entre eux ou envers l’État,
  • les lois criminelles, qui concernent les sanctions liées à la désobéissance aux autres lois.

Une quatrième loi, à part bien que très importante peut être ajoutée : il s’agit « des mœurs, des coutumes et surtout des opinions », dédiée au législateur elle garantit les autres lois.

LIVRE III

Chapitre I (« Du gouvernement en général »)

Chapitre II (« Du principe qui constitue les diverses formes de gouvernement »)

Chapitre III (« Division des gouvernements »)

Chapitre IV (« De la démocratie »)

Chapitre V (« De l’aristocratie »)

Chapitre VI (« De la monarchie »)

Chapitre VII (« Des gouvernements mixtes »)

Chapitre VIII (« Que toute forme de gouvernement n’est pas propre à tout pays »)

Chapitre IX (« Des signes d’un bon gouvernement »)

Chapitre X (« De l’abus du gouvernement et de sa pente à dégénérer »)

Chapitre XI (« De la mort du corps politique »)

Chapitre XII (« Comment se maintient l’autorité souveraine »)

Chapitre XIII (« Suite »)

Chapitre XIV (« Suite »)

Chapitre XV (« Des députés ou représentants »)

Chapitre XVI (« Que l’institution du gouvernement n’est point un contrat »)

Chapitre XVII (« De l’institution du gouvernement »)

Chapitre XVIII (« Moyens de prévenir les usurpations du gouvernement »)

LIVRE IV

Chapitre I (« Que la volonté générale est indestructible »)

Chapitre II (« Des suffrages »)

Chapitre III (« Des élections »)

Chapitre IV (« Des comices romains »)

Chapitre V (« Du tribunat »)

Chapitre VI (« De la dictature »)

Chapitre VII (« De la censure »)

Chapitre VIII (« De la religion civile »)

Chapitre IX (« Conclusion »)

Le style

Le style, l’expression, la rhétorique du texte sont passionnantes, percutantes, efficaces, et permettent de comprendre à merveille, avec un peu d’attention comme le recommande Rousseau, ses idées neuves et qui peuvent paraître « contraires aux idées communes ». Une leçon d’écriture politique et philosophique intemporelle, et comme dirait Boileau, voilà la preuve que « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ».

Postérité du Contrat social

Kant et Rousseau

Il est assez peu connu que la formule de Rousseau « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est la liberté. » (Livre I, Chapitre 8), a fortement influencé la notion d’autonomie du sujet chez Kant. Roger Vernaux[1], écrit que « La doctrine kantienne revient à intérioriser dans la personne et pour sa vie morale, la liberté civile telle que Rousseau l’a définie pour la vie sociale… » Il vaut la peine de le souligner parce que Gellner dans Nations et nationalismes considère que la notion d’autonomie appliquée aux peuples ou aux nations, participe d’une sorte d’importation du vocabulaire de Kant dans la politique, alors que, au contraire, c’est bien la pensée politique de Rousseau que Kant a importée (légitimement d’ailleurs) dans sa philosophie morale, dans la Critique de la raison pratique.

Rousseau et la Révolution française

Rousseau propose avec le contrat social de réformer la société dans laquelle il vivait : l’Ancien Régime ne permettait pas l’expression libre de la volonté générale ni celle de la volonté individuelle. Le Contrat social, en entraînant en partie la Révolution française (et en étant une de ses références importantes) permettra l’expression de la volonté générale mais pas celle de la liberté individuelle, que Rousseau ignore dans ce texte, alors qu’il en faisait une des thèses principales de l’Émile, insistant sur l’importance du développement individuel et de l’épanouissement des facultés naturelles de chaque individu : en cela ces deux textes peuvent être considérés comme complémentaires.

Notes et références

  1. Roger Vernaux, Le vocabulaire de Kant, tome II, Paris, 1973, p. 224

Voir aussi

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