La Guimard

La Guimard

Marie-Madeleine Guimard

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Marie-Madeleine Guimard
Paris, BNF Gallica
Paris, BNF Gallica

Naissance 1743
Paris
Décès 1816 (à 71 ans)
Paris
Nationalité France France
Profession(s) Danseuse

Marie-Madeleine Guimard, née rue de Bourbon-Villeneuve à Paris, baptisée le 27 décembre 1743, morte à Paris le 4 mai 1816, a été une des plus célèbres danseuses de la seconde moitié du 18e siècle. Actrice en vue de la société libertine, elle a été un mécène au goût très sûr et favorisa la carrière de plusieurs artistes dont Fragonard. Son mari Despréaux, professeur de danse de Madame du Barry et de Mme de Champcenetz, assurait quelle jouait « parfaitement la comédie, ainsi que lopéra-comique. Sa figure expressive peignait aisément toutes les sensations quelle éprouvait ou était censée éprouver (...) Une noble simplicité régnait dans sa danse: elle se dessinait avec goût et mettait de lexpression et du sentiment dans ses mouvements, et elle était inimitable dans tous les ballets anacréontiques. En quittant le théâtre, elle emporta ce genre agréable avec elle »[1].

Sommaire

Les débuts

Fille naturelle de Fabien Guimard, inspecteur des toiles de Voiron, et dune demoiselle Bernard, son père ne la reconnut que douze ans plus tard et elle fut légitimée en 1765. Marie-Madeleine Guimard commença sa carrière de danseuse en 1758 à la Comédie-Française qui possédait alors un corps de ballet. Mais son ascension sociale date de son admission en 1761 à lAcadémie royale de Musique.

LOpéra, appelé par certaines mauvaises langues le « tripot lyrique », servait de « vivier » de jeunes sujets pour la riche société capable de les entretenir sur un grand pied[2]. Cette situation était admise et tolérée du fait de la franchise que conférait aux intéressées leur engagement à lopéra. Une fois « encataloguée », la jeune artiste échappait de fait à la tutelle parentale.

« Bien faite et déjà en possession de la plus jolie gorge du monde, dune figure assez bien, sans être jolie, lœil fripon et portée au plaisir »(sources?), elle avait, malgré sa maigreur, lart de séduireégalement celui dit-on de savoir « sapprêter » –. En 1760, elle eut une première liaison avec le danseur Léger dont elle eut un enfant. Mais elle avait déjà été remarquée parmi les figurantes de lOpéra , peu farouche, elle avait répondu aux avances de ses premiers soupirants, le président de Saint-Lubin et Bertin dit « des parties casuelles » pour le distinguer de son homonyme le ministre. Sophie Arnould qui lui reprochait de commettre sept fois par jour les sept péchés capitaux, sentendit répondre: « à nous deux cela fait le double ». Marie-Madeleine Guimard était intelligente, raffinée et avait infiniment desprit. Son charme personnel nen fit jamais une courtisane ordinaire et le ton trivial adopté à son sujet par certains historiographes à la suite des Goncourt ne lui convient pas. Elle fut aimée par quelques hommes parmi plus riches et les plus influents de lépoque, notamment Jean-Benjamin de Laborde, premier valet de chambre ordinaire du roi, mécène et compositeur de musique. Une fille, appelée également Marie-Madeleine, naquit de leur liaison en avril 1763. Selon les usages du temps, Marie-Madeleine Guimard obtint une rente viagère importante ce qui lui permit davoir un train de vie en rapport avec sa notoriété montante. Contrairement à Melle Dervieux, elle ne quitta pas lOpéra ou, tant par ses relations que par son talent, elle obtint une sorte davancement. Passionnée de musique, elle partagea cette passion avec le second de ses amants qui fut aussi un ami, le duc de Soubise, mélomane distingué, qui recevait ses amis dans son fameux hôtel de la rue de lArcade. tous les musiens et amateurs du temps défilèrent chez lui, entre autres le chevalier de Saint-Georges qui y donna à jouer certaines de ses compositions et dirigea à la suite de Gossec un choeur damateurs. La future Julie Talma, si remarquable par son esprit[3], alors connue sous le nom de « Melle Julie » appartenait elle aussi à ce cercle. Melle Guimard, fut admise à danser pour le roi qui lui fit verser une pension de 1 500 livres. Ses appointements à lOpéra étaient plus importants et tant Laborde que Soubise, qui se jalousaient, lui faisaient des cadeaux divers, toujours somptueux.

Marie-Madeleine Guimard eut bientôt les moyens de soffrir un hôtel rue de Varennes, dans le faubourg Saint-Germainon disait une « maison » lorsque des roturiers lhabitaient–, quelle vendit au bout de quelques années au duc de Villeroy.

Le Théâtre de Pantin

Elle eut bientôt aussi sa petite maison hors paris, dans le village de Pantin, secteur aussi apprécié que Romainville pour ses bois et sa qualité de lair. La maison, achetée le 7 septembre 1766, se composait de deux corps de bâtiment situés rue de Montreuil (actuelle rue Charles-Auray) à lemplacement de lécole Paul-Langevin. Les travaux daménagement, sur un projet confié à Cherpitel, furent largement à la charge de Charles de Rohan, prince de Soubise dont les nouvelles à la main, parlent alors comme dun véritable sultan, qui entretenait plusieurs maîtresses à la fois. Passionnée par le théâtre, Melle Guimard voulut avoir un petit théâtre de société dont le projet fut annexé sur les plans de cette nouvelle maison.

Melle Guimard se partageant plusieurs années entre sa résidence parisienne et le village de Pantin elle séjournait aux beaux jours. « On parle daller à Pantin comme daller à Versailles » applaudir des spectacles « pour lesquels Charles Collé semble faire uniquement son théâtre de société, Carmontelle écrire ses proverbes, de La Borde composer sa musique ». Ces spectacles «  le tout-Paris aristocratique du temps, y compris les princes du sang, brigue lhonneur dêtre admis », sont cités parmi ceux , parfois, sont représentés des spectacles libertins. Ils débutent le jeudi 7 décembre 1768, jour de la Vierge, par la Partie de chasse de Henri IV, qui, en raison de son succès, est redonnée la veille et le jour de Noël. En juillet de lannée suivante, le bruit court dune suspension des spectacles du fait de labsence de Soubise, mais ils reprennent peu après avec le triomphe de la Tête à perruque.

Des représentations de plus en plus licencieuses se succèdent, à tel point quon craint leur interdiction par les autorités, notamment « la parade la plus épicée de Vadé », Madame Engueule, parade suivie dune fricassée dansée par Melle Guimard et par Jean Dauberval devenu son greluchon. De même La vérité dans le vin de Charles Collé, qualifié de « chef-dœuvre du théâtre grivois » obtient un franc succès. Marie-Madeleine Guimard y joue un rôle, de sa voix qualifiée de « sépulcrale » ou « rauque » selon le comédien Fleury.

Il est possible de se faire une idée de cette tonalité grivoise, par le discours de clôture de septembre 1770 reproduit par Goncourt dans sa biographie. Centré sur les notions « dentrée et de sortie », il est dune lourde vulgarité.

À la fin des années 1770, Melle Guimard, qui avait de gros besoins dargent, eut lidée - qui lui dailleurs peut-être suggère - douvrir un « bureau de recettes » avec la complicité dune évêque libertin, monseigneur de Jarente de La Bruyère, évêque dOrléans, qui aurait été son amant. elle se faisait le porte parole, auprès de Jarente, de demandes de membres du clergé désirant des augmentations de traitement. Ces demandes étaient assorties de pourboires variables selon limportance de la demande. Louis XVI informé du manège se mit en colère et morigéna lévêque Jarente.

Le « Temple de Terpsichore » à Paris

Hôtel de la Guimard, chaussée dAntin, dessin de Jean-Baptiste Maréchal.

Cédant à la mode, elle se fait construire par larchitecte Ledoux un magnifique hôtel dans le nouveau quartier de la chaussée dAntin, comportant une salle de spectacle pouvant accueillir 500 personnes. Louverture attendue de ce « temple de Terpsichore » seffectue le 8 décembre 1772, mettant fin aux spectacles de Pantin.

Un dîner prévu dans lhôtel fut interdit par larchevêque de Paris. Les victuailles de ce festin de cent couverts furent alors portées au curé pour en faire la distribution aux pauvres, et ce festin manqué sappela le « Souper des Chevaliers de Saint-Louis », à cause des cinq louis, prix de la cotisation

Mais largent manqua bientôt et la danseuse fut dans lobligation de mettre son hôtel en loterie (hôtel qui sera détruit lors des travaux effectués par le baron Haussmann).

Article détaillé : Hôtel de mademoiselle Guimard.

Peu après sa retraite, elle se marie en 1789 avec Jean-Étienne Despréaux (1748-1820), danseur et chansonnier.

Bibliographie

  • Edmond de Goncourt, La Guimard, daprès les registres des Menus Plaisirs, de la bibliothèque de lOpéra, Paris, 1893.
  • Guy Scarpetta, La Guimard, Gallimard, 2008

Extraits des Mémoires secrets (dits) de Bachaumont concernant la Guimard

24 janvier 1768 (III)
« On parle beaucoup dune belle action de Mlle Guimard, la première danseuse de lopéra. Cette actrice, très célèbre pour ses talents, ayant un rendez-vous dans un faubourg isolé, avec un homme dont la robe exigeait le plus grand mystère, a eu loccasion dy voir la misère, la douleur, et le désespoir répandus dans le peuple de ce canton, à loccasion des froids excessifs. Ses entrailles ont été émues dun pareil spectacle, et des 2000 écus, fruits de son iniquité, elle en a distribué elle-même une partie, et porté le surplus au curé de Saint-Roch pour le même usage.

On sera peut-être surpris quil y ait un homme assez fol pour payer aussi cher une semblable entrevue. On le sera moins quand on saura que Mlle Guimard est entretenue par le maréchal prince de Soubise, dans le luxe le plus élégant et le plus incroyable. La maison de la célèbre Deschamps, ses ameublements, ses équipages napprochent en rien de la somptuosité de la moderne Terpsichore.

Ella aura trois soupers par semaine : lun composé des premiers seigneurs de la Cour, et de toutes sortes de gens de considération ; lautre, dauteurs, dartistes, de savants qui viennent amuser cette muse, rivale de Mme Geoffrin en cette partie ; enfin un troisième, véritable orgie, sont invites les filles les plus séduisantes, les plus lascives, et la luxure et la débauche sont portées à leur comble. »


9 juillet 1769 (IV)
« Un sujet de lOpéra très précieux au public dans son genre excite les craintes de la perdre. Mademoiselle Guimard, dont les talents pour la danse font les délices des amateurs, est à la veille, dit-on de faire banqueroute ; on assure que M. le Maréchal Prince de Soubise lui retira les 2000 écus par mois, dont il la gratifiait ; ce qui fait un objet de 72 000 livres de rentes de moins, fixes par an, indépendamment des objets particuliers. M. de La Borde est ruiné et ne peut plus contribuer aux amusements de cette nymphe que par son goût et par sa musique. Elle a été obligée de suspendre des délicieux spectacles, et divers créanciers la tourmentent au point quelle ne sait de quel côté faire face. On évalue à plus de 400 000 francs le montant de largent quil lui faudrait pour le présent. On espère pourtant que quelque Milord, ou baron allemand, viendra au secours de la moderne Terpsichore : nouvelle honte pour les Français, si un étranger leur donnait cet exemple ! »


31 décembre 1770 (XIX)
« Aux couplets, cantiques et chansons qui ont amusé les amateurs de lopéra a succédé une caricature qui fait lobjet de leur curiosité et de leur empressement. Il faut se rappeler, pour son intelligence, ce quon a dit il y a déjà quelques temps, que M. le Prince de Soubise donnait 2000 écus par mois à Mademoiselle Guimard, célèbre danseuse du théâtre lyrique, que le sieur La Borde composait la musique des spectacles de cette Terpsichore, et présidait à leur exécution, et quenfin le sieur Dauberval était lami de cœur, ce que ces demoiselles appellent en termes techniques le Guerluchon.
En conséquence, dans lestampe en forme de concert, on y voit dune part le Prince de Soubise jouant de la poche ; le sieur La Borde tenant un ballet dune main et de lautre une règle ou bâton de mesure ; le sieur Dauberval donnant du cors et la Demoiselle Guimard se balançant comme en cadence, et tenant en main un papier chargé de quelques notes de musique avec ce titre en gros caractères, CONCERT A TROIS. »


27 juillet 1772 (XXIV)
« La fameuse parade exécutée sur le théâtre de Mademoiselle Guimard a pour titre Madame Engueulle et cause beaucoup de rumeur ; on craint que la police ne prenne inspection de ce spectacle licencieux et le fasse fermer. »


16 janvier 1779

(Mademoiselle Guimard est nommée trésorière de lOpéra)

« Cest Guimard quon vient délire

Trésorière à lOpéra
On a raison, car elle a

La plus grande tirelire »


Iconographie

  • Olivier Blanc, Portraits de femmes, artistes et modèles au temps de Marie-Antoinette, Paris, Carpentier, 2006

Bibliographie

  • P. Lacome, Étoiles du passé, Paris, 1898.
  • G. Capon et Y. Plessis, Les Théâtres clandestins, Paris, 1904.
  • Jal, Dictionnaire

Notes et références

  1. Jean-Etienne Despréaux, Mémoires, Revue rétrospective
  2. Cette tradition ancienne a dailleurs perduré, en France et à létranger, jusquau XXe siècle
  3. Elle eut un salon important sous la Révolution et le Directoire et fut aimée de Benjamin Constant

Liens externes

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