- Jehan Rictus
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Jehan-Rictus
Gabriel Randon, dit Jehan-Rictus, né à Boulogne-sur-Mer le 23 septembre 1867 et mort à Paris le 6 novembre 1933, est un poète français, célèbre pour ses œuvres composées en langue populaire.
Sommaire
Biographie
Il naquit à Boulogne-sur-Mer, non reconnu, ni par son père ni par sa mère. Cependant ceux-ci se chargèrent par la suite de l'élever.
Sa mère était Adine-Gabrielle Randon (Domitille-Camille-Gabrielle-Adine Randon de Saint-Amand sur son état-civil de naissance, Gabrielle Randon de nom de plume). Elle avait 21 ans. Elle était la fille d'un militaire en retraite, Joseph-François-Théodore Randon de Saint-Amand (le « de Saint-Amand » étant peut-être une fantaisie) et de sa jeune femme britannique. Son père, selon certaines sources, aurait été professeur de gymnastique, travaillant entre le Nord de la France et Londres. L'enfant passa les premières années de son enfance entre Paris et la Grande-Bretagne.
Gabriel avait 9 ans quand ses parents se séparèrent. La mère et l'enfant vinrent habiter Paris. Celle-ci était une caractérielle et avait pris son fils en grippe. Elle lui fit quitter l'école vers l'âge de 13 ans pour gagner sa vie. À un âge non précisément connu (entre 16 et 19 ans), il se sépara définitivement de cette mère avec qui il était en conflit permanent. Livré à lui-même, il survécut en exerçant divers petits métiers (livreur, manœuvre, balayeur, garçon de course, employé de commerce...). La vie ne lui fut guère clémente, et il se retrouva souvent sans toit, conduit à côtoyer les clochards et vagabonds de Paris.
Cependant ce fut surtout le Montmartre des artistes et des anarchistes qu'il fréquenta, écrivant des poèmes (d'une facture encore classique) qui furent publiés dans des revues. À partir de 1889 il occupa divers postes d'employé de bureau, mais s'y montra particulièrement instable. C'est dans l'un de ces bureaux qu'il put se lier d'amitié avec Albert Samain. Les deux poètes s'aidèrent pour faire entendre leurs voix dans les milieux littéraires.
Vers 1892, il s'orienta vers le journalisme.
Puis lui vint l'idée de composer des poèmes où un clochard s'exprimerait dans le français populaire de l'époque. En novembre 1895, il débuta au cabaret des Quat'z'Arts, sous le pseudonyme de Jehan Rictus, qu'il gardera. (Sur la fin de sa vie, l'auteur insistait pour qu'on mette un trait d'union à son pseudonyme, ce que de nombreux éditeurs, critiques, etc. ont omis, considérant « Jehan » comme un prénom et « Rictus » comme un faux patronyme.)
Il remporta un franc succès dans ce métier de chansonnier à partir de février 1896 grâce à son poème le plus connu, Le Revenant, où un sans-abri croit rencontrer le Christ. Dès lors il fut amené à réciter ses poèmes, non seulement dans les cabarets mais dans des fêtes syndicales et politiques, et dans des dîners mondains. Il fréquenta également le Lapin Agile, où il rencontra Guillaume Apollinaire, Max Jacob.
En 1897 parut en souscription son premier recueil, Les Soliloques du pauvre. Vite épuisé le livre fut réédité par le Mercure de France.
Un nouveau recueil Doléances parut en 1900, suivi en 1902 de la plaquette les Cantilènes du malheur, contenant surtout La Jasante de la Vieille où l'auteur fait parler la mère d'un guillotiné comme elle est venue se recueillir à la fosse commune où son fils a été inhumé.
Une édition refondue des Soliloques parut en 1903. Paré de nombreuses illustrations de Steinlen, c'est son livre le plus connu.
L'unique roman de l'auteur, Fil de fer, parut en 1906. Jehan-Rictus y évoque son enfance à la Poil de carotte.
La liste de ses œuvres compte également des volumes d'intérêt bien moindre : une pièce de théâtre en un acte, Dimanche et lundi férié ou le Numéro gagnant, jouée en 1905, un essai pamphlétaire Un bluff littéraire : le cas Edmond Rostand en 1903, une pantomime la Femme du monde en 1909.
Parurent chez l'auteur en 1907 deux plaquettes de poèmes isolés : la Frousse et les Petites Baraques.
Il contribua également à des revues : légendes pour L'Assiette au Beurre vers 1903, poèmes dans Comœdia, articles dans les Hommes du Jour. Il fallut attendre 1914 pour que paraisse son second recueil poétique majeur, ..le Cœur populaire, qui réunit ses principaux poèmes en argot ne faisant pas partie des Soliloques. Après cela, il ne publia quasiment plus.
Il revint sur le devant de la scène dans les années 1930, quand son amie la romancière Jeanne Landre publia Les Soliloques du Pauvre de Jehan Rictus, le premier livre à être consacré au poète, mais un fâcheux ouvrage tendant à établir une « légende Jehan Rictus ». Cet ouvrage affirme par exemple qu'il serait petit-fils de Jacques Randon, comte et maréchal de France (en réalité il était petit-fils d'un cousin germain de Jacques Randon).
Autre exagération : la pauvreté du poète. En réalité il parvenait à vivre correctement, presque bourgeoisement, de diverses ressources : droits d'auteurs, subsides publics et privés.
Il faut également éviter de voir en lui un anarchiste, encore moins un homme de gauche. Certes, il s'était passionné pour les idées anarchistes à ses débuts, ce que l'on retrouve dans de nombreuses pages des Soliloques, il prêta son concours à de nombreuses manifestations révolutionnaires, en tous cas jusqu'en 1914, et il fut toute sa vie sincèrement préoccupé du sort des plus démunis. Par contre, il abandonna rapidement les espoirs révolutionnaires, rejoignant même certaines idées du quotidien L'Action française après 1918 (même si, contrairement à ce qui a été écrit, il ne fut jamais membre de ce parti, ni « camelot du Roy »). Notamment il était favorable à la restauration de la monarchie, tout en regrettant la médiocrité du personnel politique monarchiste.
Ce changement resta essentiellement privé, l'auteur n'ayant presque rien fait paraître après 1914. Le seul poème où il apparaît est Conseils, qui clôt le Cœur populaire.
D'autre part, la Guerre le fit revenir sur le pacifisme qu'il prônait jusqu'alors.En avril 1931, il enregistra chez Polydor trois disques 78 tours de ses poèmes.
Il mourut à Paris en 1933 à l'âge de 66 ans. S'il n'avait plus rien publié depuis 1914, son œuvre continuait à être connue ; ainsi la chanteuse Marie Dubas avait fait dans les années 1930 une interprétation de La Charlotte qui eut un grand succès (mais que l'auteur désapprouva).
Il laisse un immense journal intime inédit.
Extraits
Extraits des Soliloques du pauvre
- L'Hiver
- Merd' ! V'là l'Hiver et ses dur'tés,
- V'là l'moment de n'pus s'mett' à poils :
- V'là qu'ceuss' qui tienn't la queu' d'la poële
- Dans l'Midi vont s'carapater !
- V'là l'temps ousque jusqu'en Hanovre
- Et d'Gibraltar au cap Gris-Nez,
- Les Borgeois, l'soir, vont plaind' les Pauvres
- Au coin du feu... après dîner !
- ...
- Et qu'on m'tue ou qu'j'aille en prison,
- J'm'en fous, je n'connais pus d'contraintes :
- J'suis l'Homme Modern', qui pousse sa plainte
- Et vous savez ben qu'j'ai raison !
- Le Printemps
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- La journée
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- Bon, v’là l’Printemps ! Ah ! salop’rie,
- V’là l’monde enquier qu’est aux z’abois
- Et v’là t’y pas c’te putain d’Vie
- Qu’a se r’nouvelle encore eun’fois !
- La Natur’ s’achète eun’ jeunesse,
- A s’ déguise en vert et en bleu,
- A fait sa poire et sa princesse,
- A m’fait tarter, moi, qui m’fais vieux.
- ...
Oeuvres
- Les Soliloques du Pauvre [L'Hiver] (plaquette, 1895)
- Les Soliloques du Pauvre (1897, révisé en 1903 et en 1921)
- Doléances (1900)
- Cantilènes du malheur (1902)
- Un bluff littéraire, le cas Edmond Rostand (pamphlet) (1903)
- Dimanche et lundi férié, ou le Numéro gagnant (pièce en un acte), 1905
- Fil-de-fer (1906, roman)
- Les Petites Baraques (plaquette, 1907)
- La Frousse (plaquette, 1907)
- ..le Coeur populaire (1914, révisé en 1920)
- Posthume
- Lettres à Annie, 1955
- Édition moderne
- Les Soliloques du pauvre (2009), édition critique par Denis Delaplace, à partir des éditions de 1897, de 1903 et des éditions postérieures, avec une introduction, des notes, une partie des illustrations de Steinlen et un dictionnaire-glossaire final, Paris, éditions Classiques Garnier, 345p.
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