- Jacquerie des nu-pieds
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Révolte des va-nu-pieds
La révolte des va-nu-pieds (parfois appelés nu-pieds) est un soulèvement populaire qui toucha la Normandie en 1639 à la suite de la décision de Louis XIII d’instaurer la gabelle dans le Cotentin à la place du privilège de quart-bouillon.
Sommaire
Contexte
Le soulèvement des Nu-Pieds est l’aboutissement d’une succession de troubles ou « émotions » qui agitent la Normandie depuis plus d’une décennie. Depuis longtemps le budget royal est en déficit (de 58 millions de livres en 1639 pour un total de dépenses de 172 millions). La royauté a recours, pour se financer, à des expédients fiscaux. La Normandie, une des plus riches provinces du royaume, est mise à forte contribution. À chaque fois la pression fiscale provoque des troubles, comme par exemple à Rouen en 1623, pour protester contre l’obligation d’acheter au fisc les charges de brouettiers, de chiffonniers… ou en 1628 et 1634 pour protester contre une taxe sur le marquage du cuir.
À partir de 1635, l’intervention militaire française dans la Guerre de Trente Ans accroit la pression fiscale, alors que les épidémies de peste ont limité les récoltes et les échanges commerciaux, et donc les rentrées d’argent nécessaires au paiement des impôts. En 1636, la création de la nouvelle généralité d'Alençon permet de vendre 57 « offices », la création de la Cour des Aides de Caen 93 « offices », la création de la nouvelle Élection de Saint-Lô 41 « offices ». Les caisses royales se renflouent mais les « officiers » anciens et nouveaux enregistrent une baisse des revenus de leurs « offices ». En décembre 1636, les villes sont soumises à l’emprunt forcé : Rouen doit vendre une partie de son patrimoine immobilier. En janvier 1639, la création d’un emprunt forcé sur les habitants « aisés » les oblige à fournir la liste de leur patrimoine.
En janvier 1639, le gouvernement décide de supprimer le privilège de quart-bouillon dont bénéficiait le Cotentin. On faisait bouillir du sable salé : un quart de la production revenait au roi (qui le revendait avec taxe), les trois quarts restants étaient commercialisés par les producteurs (sans taxe). Désormais toute la production est soumise à la gabelle) et vendue exclusivement dans les greniers à sel royaux pour en faciliter le contrôle, ce qui triple le prix du sel.
Déroulement
Le 16 juillet 1639, Charles Le Poupinel, chargé de collecter les impôts, est assassiné par la population d’Avranches. Les troubles se répandent rapidement dans l’ensemble de la région, jusqu’à Caen, Rouen et Bayeux. Le général des insurgés, Jean Quetil, prend le nom de Jean Nu-Pied.
La jacquerie regroupe presque toutes les catégories sociales : les paysans (manouvriers, sauniers…), des laboureurs, des clerc, des gentilhommes, (souvent appauvris), qui se chargent de l’exercice militaire, mais aussi des petits robins qui sont jaloux des officiers de gabelle qui ont réussi.
Suivant leurs prédécesseurs dans la région, les gautiers qui soutenaient la Ligue catholique, leur révolte est très religieuse. Ils se placent sous le patronage de saint Jean-Baptiste. Très influents dans la révolte normande, les prêtres encadrent les révoltés.
L’idée se répand qu’en vertu du vieux droit de la Charte aux Normands de 1315, ce sont les Normands qui doivent fixer l’impôt. Il y a une forte cohésion régionale. Les plus cultivés des insurgés écrivent des manifestes où est loué le temps des ducs où la Normandie était indépendante mais aussi le temps des bons rois (Louis XII et Henri IV) où le centralisme, ainsi que les impôts, étaient faibles.
Sur ordre de Richelieu qui veut faire un exemple, cette sédition est férocement réprimée par le colonel Jean de Gassion placé sous les ordres du chancelier Pierre Séguier. Barnabé du Laurens de la Barre, sieur écuyer, président en l’Élection de Mortain prend activement part à la répression de ce soulèvement. La révolte est finalement écrasée le 30 novembre 1639 à Avranches, les responsables sont jugés et les villes normandes perdent leurs privilèges. Le châtiment s’abat sur Rouen où le chancelier Séguier s’établit à l’abbaye royale de Saint-Ouen, en 1640, loge ses soldats chez l’habitant, remplace la municipalité par une commission et interdit le Parlement. Quand il marche sur Caen, toute la Normandie est terrorisée. Barnabé du Laurens de la Barre sera anobli en septembre 1654 par lettres patentes signées du roi Louis XIV.
Étymologie
Le terme « va-nu-pieds » apparaît en 1639 dans l’ouvrage d’Antoine Fauvelet du Toc, Histoire des secrétaires d’État[1], sous la graphie « Va nuds pieds » puis en 1646, dans les colonnes du Mercure françois, sous l’appellation « Jean va Nuds-pieds ». L’expression est à l’origine du substantif « va-nu-pieds », de forme invariable.
Notes
- ↑ Antoine Fauvelet du Toc, Histoire des secretaires d’estat, contenant l’origine, le progrès, et l’etablissement de levrs charges, auec les eloges, les armes, blasons, & genealogies de tous ceux qui les ont possedées jusqu’à present, Paris, C. de Sercy, 1668
Références
- Pierre Carel, Une émeute à Caen sous Louis XIII et Richelieu (1639) : la révolte des Nu-Pieds en Basse-Normandie, Caen, E. Valin, 1886 ;
- Madeleine Foisil, La Révolte des nu-pieds et les révoltes normandes de 1639, Paris, PUF, 1970 ;
- Jean-Louis Ménard, La Révolte des nu-pieds en Normandie au XVIIe siècle, Paris, Dittmar, 2005 ;
- Boris Porchnev, Les Soulèvements populaires en France de 1623 à 1648, S.E.V.P.E.N., Paris, 1963 ; réédité sous le titre Les Soulèvements populaires en France au XVIIe siècle, Flammarion, Paris, 1972.
Bibliographie
- Mémoires du président Bigot de Monville sur la sédition des nu-pieds et l’interdiction du parlement de Normandie en 1639, Rouen, Métérie, 1876
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