- Héphaestion
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Héphaestion ou Héphaistion (en grec ancien Ἡφαιστίων / Hêphaistíôn), né à Pella en 356 av. J.-C., mort à Ecbatane en 324, est un général macédonien, second, meilleur ami, compagnon et peut-être amant[1] d'Alexandre le Grand.
Sommaire
Biographie
Carrière auprès d'Alexandre
Fils de l'aristocrate Amyntas, il est élevé auprès d'Alexandre, qui est né la même année, et reçoit lui aussi l'enseignement d'Aristote. Officier dans la cavalerie des Compagnons, il commande l'escadron de la garde royale. A l'arrivée en Asie en 334 av. J.-C., il dépose avec Alexandre une couronne sur les tombes d'Achille et de Patrocle près de Troie. Élien explique ainsi qu'Héphaestion « laissait ainsi entendre qu'il était l'amant d'Alexandre, comme Patrocle avait été celui d'Achille »[2]. Il est le seul historien antique à faire allusion à une telle relation ; Héphaestion est cité par les autres historiens comme étant « l'ami le plus cher d'Alexandre ».
Suite à la bataille d'Issos en 333, la famille royale perse est capturée. Selon la Vulgate d'Alexandre, Sisygambis, la mère de Darius III, aurait alors confondu Héphaestion, qui « l’emportait par la taille et la beauté », avec Alexandre, qui magnanime aurait rétorqué : « Lui aussi est Alexandre »[3]. Cette fable proviendrait de l'historien Clitarque, sachant que le thème de la ressemblance vestimentaire entre Alexandre et Héphaestion est commun à Alexandrie à la fin du IVe siècle av. J.‑C. Arrien considère cet épisode comme une invention[4]. La scène a inspiré à Paul Véronèse le tableau La Famille de Darius devant Alexandre.
En 332 av. J.-C., il obtient le titre de sômatophylaque (garde du corps) parmi sept compagnons d'Alexandre[5]. Il est plusieurs fois blessé en combattant auprès d'Alexandre, notamment à la bataille de Gaugamèles (331). Il participe à l'interrogatoire et au supplice de Philotas et profite de sa mort pour monter en grade. En 330, il est nommé hipparque (chef d'une des hipparchies de cavaliers)[6], puis peu avant la conquête de l'Inde vers 327, il est nommé chiliarque (chef de la cavalerie des Compagnons et équivalent du vizir achéménide)[7], ce qui en fait le second dans la hiérarchie macédonienne. Lors des noces de Suse en février 324, il épouse Dryptéis, la fille cadette de Darius III. Par ailleurs, Héphaestion soutient Alexandre dans sa tentative d'unir à la cour les usages grecs et perses comme en témoigne l'épisode de la proskynèse (prosternation), très contestée parmi les officiers macédoniens.
La nomination d'Héphaestion au poste de chiliarque provoque une vive concurrence avec le chancelier Eumène de Cardia qui a autorité sur les correspondances royales et l'intendance de l'armée[8] ; plusieurs différends d'ordre financier et protocolaire les opposent[9]. Mais son plus grand rival est Cratère, principal commandant de la phalange. Les deux hommes en viennent à se battre durant l'expédition d'Inde. Afin notamment d'éloigner les deux rivaux, Alexandre ordonne à Cratère de retourner en Macédoine à la tête d'une troupe de vétérans[10]. Diodore de Sicile fait dire à Alexandre : « Cratère, certes, aimait son roi, mais Héphaestion aimait Alexandre »[11]. Enfin, Olympias aurait également, par jalousie, témoigné une certaine hostilité envers le favori.
Funérailles et héroïsation
Héphaestion tombe malade, suite à des excès de nourriture et de boisson, et meurt le 10 novembre 324 av. J.-C. à Ecbatane, probablement de la fièvre typhoïde. Alexandre serait resté à pleurer une journée entière sur le corps de son défunt favori, comme Achille devant Patrocle, et ordonne que Glaucos, le médecin d'Héphaestion, soit crucifié, supplice particulièrement cruel. Toujours en l'honneur de son favori, Alexandre aurait fait raser l'acropole et les remparts d'Ecbatane[12]. Élien affirme qu'en signe de deuil[13] :
« [Alexandre] jeta des armes dans son bûcher, fit fondre de l'or et de l'argent avec le mort et mit dans le feu ce célèbre habit [du Grand Roi] considéré comme très précieux chez les Perses. Il coupa ses boucles à la manière des héros homériques, geste par lequel il imitait l'Achille du Poète »[14].
Alexandre impose immédiatement l'héroïsation d'Héphaestion au sein de l'empire asiatique et des cités grecques d'Europe dont Athènes[15]. Alexandre ordonne, le temps du deuil, que l'on éteigne à travers l'empire les feux sacrés entretenus par les Mages, comme les Perses ont coutume de faire à la mort du Grand Roi. L'oracle de Zeus Ammon à Siwa, habituellement consulté pour les cultes funéraires, prescrit de sacrifier au « dieu Héphaestion ». Enfin, Alexandre demande au satrape d'Egypte que l'on élève à Alexandrie et sur l'île de Pharos deux hérôa et qu'on inscrive le nom du favori sur les contrats officiels[16]. D'abord honoré en tant que héros, Héphaestion est l'objet à la mort d'Alexandre d'un culte divin à Alexandrie où sa popularité est grande[17].
Sous l'influence d'Eumène de Cardia, l'habile chancelier, tous les officiers contribuent à la construction à Babylone d'un tombeau majestueux, de forme pyramidale ou cubique selon les sources[18]. Les cérémonies fastueuses prévues pour Héphaestion (elles auraient coûté la somme considérable de 12 000 talents) servent en fait, plus tard, aux funérailles d'Alexandre, mort le 13 juin 323 av. J.-C.
Postérité artistique
Héros divinisé, Héphaestion bénéficie d'une grande popularité à Alexandrie à la fin du IVe siècle av. J.‑C. ; il est associé à Alexandre dans la statuaire locale comme en témoigne deux statuettes alexandrines formant groupe qui représentent Alexandre et Héphaestion vêtus du même costume (Musée national archéologique d'Athènes). Cette popularité à Alexandrie peut expliquer le rôle de premier plan que joue Héphaestion dans la Vulgate d'Alexandre issue de Clitarque (via Diodore de Sicile, Quinte-Curce et Trogue-Pompée), historien à la cour de Ptolémée Ier.
En dehors d'Alexandrie, on connait deux bustes d'Alexandre et d'Héphaestion provenant de Kymé d'Éolide (Villa Getty). On sait aussi que Lysippe, le portraitiste attitré d'Alexandre, a sculpté un portrait d'Héphaestion[19]. Enfin la statue datant du IVe siècle av. J.-C. connue sous le nom de « lion de pierre » (Sang-e-Shir en persan), que l'on peut encore voir à Hamadan (ancienne Ecbatane), serait peut-être un présent fait par Alexandre pour commémorer Héphaestion.
Filmographie
- Dans le film Alexandre d'Oliver Stone (2004), Héphaestion est incarné par Jared Leto (ainsi que par l'Irlandais Patrick Carroll dans le rôle d'Héphaistion adolescent). Conseillé par l'historien Robin Lane Fox, Oliver Stone dresse le portrait d'un Héphaestion effacé, attentionné et fidèle à Alexandre ; les deux personnages sont présentés comme amants.
Notes
- Lane Fox (professeur à Oxford), Alexander the Great, 1974, p. 113.
- Élien, Histoires variées [lire en ligne], XII, 7.
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XVII, 37, 6. On retrouve cette citation chez Quinte-Curce, Plutarque et Justin.
- Arrien, Anabase, II, 2, 16.
- Il convient de ne pas confondre le titre de commandant de la garde équestre et celui de garde du corps.
- Cleitos le Noir ; à la fin du règne on compte jusqu'à quatre hipparchies de Compagnons. Arrien, Anabase, III, 27, 10. Après la mort de Philotas, Alexandre procède en effet à une réforme de la cavalerie qui est d'abord scindée en deux hipparchies commandées par Héphaestion et
- Arrien, Anabase, VII, 14, 10.
- Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Eumène, 7, 13. Eumène est à cette époque lié par l’amitié à Cratère, rival d’Héphaestion.
- Plutarque, 2, 1-10.
- Antipater par Cratère. Alexandre aurait en effet projeté de remplacer à la tête de la régence
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 114, 2.
- Elien, Histoires variées, VII, 8.
- Elien, ibid.
- D'après la traduction de A. Lukinovitch et A.F. Morand, Belles Lettres, 2004.
- Lucien de Samosate, De Calumnia, 17 ; Hypéride, Epitaphios, 21. Sur le culte d’Héphaestion voir Paul Goukowsky, Essai sur les origines du Mythe d’Alexandre, Université de Nancy, 1978, I, p. 204-205 et les notes complémentaires dans la traduction française de Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, CUF, coll. « Les Belles Lettres », 1976. Arrien, Anabase, 7, 3, 26 ;
- Arrien, Anabase, VII, 23, 6.
- Justin, Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée [détail des éditions] [lire en ligne], XII, 2.
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 115, 1-5 ; Plutarque, Vie d'Eumène, 2, 10 ; Arrien, Anabase, VII, 4, 15. On doit à Diodore une description précise, mais conjecturale, de ce monument.
- Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne], XXXIV, 61.
Sources
- Arrien, Anabase, I, 12 ;
- Élien, Histoires variées [lire en ligne], VII, 8 ; XII, 7 ;
- Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Alexandre, passim ; Eumène, 2.
Bibliographie
- Olivier Battistini (dir.) et Pascal Charvet (dir.), Alexandre le Grand, Histoire et dictionnaire, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 2004 (ISBN 222109784X).
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