Homosexualité dans le judaïsme

Homosexualité dans le judaïsme

Sommaire

Condamnation de l'homosexualité masculine dans la Torah

Comme dans les religions monothéistes ultérieures, l'homosexualité masculine est interdite dans le judaïsme. Deux passages dans la Torah semblent la condamner :

Dans le Lévitique : la relation sexuelle entre hommes est présentée comme une « abomination » ("To'évah" en hébreu).

1. "Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination." : Lévitique 18:22

L'interprétation du rabbin Gabriel Farhi[1] énonce qu'il ne s'agirait pas ici d'une condamnation de pratiques sexuelles entre deux hommes au sens strict mais que la condamnation porte sur le "comme", autrement dit un homme qui a des relations sexuelles avec un homme devrait faire autrement qu'avec une femme. Cette interprétation ne condamnerait dès lors que le rapport sexuel anal (autorisé avec une femme). La sodomie pose en effet la question du consentement du partenaire passif (l'interdit condamnerait dans ce verset le viol homosexuel pratiqué par les Cananéens). La sodomie d'un homme consisterait alors à féminiser le partenaire passif en l'assimilant à une femme, d'où son interdiction.

2. "L'homme qui couche avec un homme comme on couche avec une femme : c'est une abomination qu'ils ont tous deux commise, ils devront mourir, leur sang retombera sur eux." : Lévitique 20:13. Notons que la peine de mort n'est pas appliquée car depuis la chute du Temple, un sanhédrin ne peut se constituer pour la prononcer.

Si ces deux passages interdisent des pratiques, les sentiments et le désir homosexuel ne sont pas condamnés.

Traditionnellement les deux versets ont été interprétés comme une prohibition totale des pratiques homosexuelles mais des interprétations modernes remarquent qu'ils se trouvent à la fin d'une série des lois que interdissent l'inceste homme/femme, ils pourraient donc s'interpréter comme une interdiction à l'inceste homme/homme.

Condamnation du crime d'Onan

Le crime d'Onan (fils de Juda) a consisté en un refus de l'application du lévirat qui l'enjoignait de donner une postérité à son frère en fécondant Tamar, sa belle-sœur. Le texte de la Genèse 38:9 dit "Cependant Onan savait que la postérité ne serait pas sienne et, chaque fois qu'il s'unissait à la femme de son frère, il laissait perdre à terre pour ne pas donner une postérité à son frère". Ce crime fut associé à la masturbation, appelée aussi onanisme, bien qu'il puisse s'agir aussi, selon le texte, d'un coït hétérosexuel interrompu. Il est utile de remarquer que la sodomie de la femme consentante est une pratique sexuelle non mentionnée parmi les interdits. Par ailleurs, la contraception est autorisée dans le judaïsme dans le cadre du planning familial.

Le récit de Sodome et Gomorrhe

Dans le verset 19:5 de la Genèse, les habitants de Sodome veulent "connaître" (= "iada'" en hébreu, qui signifie avoir des relations sexuelles) les compagnons de Loth. La destruction de la ville qui achève ce récit fut dès-lors considérée comme une punition de Dieu contre ce crime d'homosexualité.

Le verset énonce: "Ils appelèrent Loth et lui dirent : où sont les hommes qui sont venus chez toi cette nuit ? Amène-les-nous pour que nous les connaissions" (Genèse 19:5).

À la suite de ce verset, les mots latin sodomia et français sodomie et leurs dérivés, tel sodomite ont été appliqués à l'homosexualité (pas seulement masculine), le terme de gomorrhéenne ayant été utilisé pour désigner spécialement les lesbiennes.

David et Jonathan

Le premier livre de Samuel parle d'une relation d'amitié intense entre David et Jonathan qui fut interprétée (par Thomas Römer) comme une relation de type homosexuel.

Samuel 18:1-3 "Lorsqu'il eut fini de parler à Saül, l'âme de Jonathan s'attacha à l'âme de David et Jonathan se mit à l'aimer comme lui-même. Saül le retint ce jour même et ne lui permit pas de retourner chez son père. Jonathan conclut un pacte avec David, car il l'aimait comme lui-même."

Samuel 20:17 "Jonathan prêta de nouveau serment à David, parce qu'il l'aimait de toute son âme. "

Au second livre de Samuel on trouve un verset des lamentations de David qui traduit des sentiments ambigus vis-à-vis de Jonathan: "J'ai le coeur serré à cause de toi, mon frère Jonathan. Tu m'étais délicieusement cher, ton amitié m'était plus merveilleuse que l'amour des femmes." (2 Samuel 1:26)

Le commandement de procréer

Le mariage dans le judaïsme est un commandement. Contrairement au christianisme, le célibat et la chasteté sont réprouvés en vertu du verset "Dieu dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie" Genèse 2:18.

La procréation constitue aussi un commandement selon le verset de la Torah qui dit "Dieu les bénit et leur dit : soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la." L'impératif de procréation ne s'adresse cependant qu'aux hommes, ce qui permet de justifier, dans certains cas, la contraception.

Le lesbianisme

La Torah n'évoque pas et donc ne condamne pas l'homosexualité féminine. Les rabbins du Talmud (Yebamot 76a, chabbat 65 a-b, sanhedrin 69b) en discutent à propos du mariage des prêtres, pour savoir si des pratiques lesbiennes peuvent conduire à un empêchement au mariage. Ils concluent qu'il n'y a pas là matière suffisamment sérieuse pour empêcher la mariage avec un prêtre. Maïmonide (Michné Tora, les relations sexuelles interdites) expose qu'il n'y a pas de prohibition précise mais enjoint tout de même le mari à ne pas exposer sa femme à des personnes connues pour leurs pratiques lesbiennes et il conseille de lui donner le fouet. Le vrai problème ne viendrait pas d'une éventuelle pratique sexuelle prohibée mais de la femme mariée qui refuserait les relations sexuelles avec son mari[2]. Certains textes contemporains sont plus sévères que ceux du passé. Un écrit contemporain expose par exemple que le lesbianisme est une "perversion de la nature et de l'ordre divin" et qu'il est "intrinsèquement répugnant[3]"

L'homosexualité dans le judaïsme libéral

De la même façon que la tradition juive interdit à un homme de s'unir sexuellement avec une femme mariée à un autre homme, ainsi exige-t-elle d'un homme de s'interdire toute relation amoureuse avec un autre homme, quel que puisse être le degré d'amour qu'il ressent pour lui. C'est en tous cas l'attitude des rabbins orthodoxes, même si les positions sont en fait souvent beaucoup plus complexes (le rabbin Steven Greenberg notamment).

Les courants libéraux du judaïsme acceptent l'homosexualité, y compris pour les rabbins dans le cas du judaïsme réformé américain.

En France, le Beit Haverim est une association gay et lesbienne qui milite dans le sens d'une plus grande reconnaissance de l'homosexualité parmi la communauté juive. Voir un résumé en anglais

Notes et références

  1. http://www.akadem.org/sommaire/themes/liturgie/3/1/module_1794.php Conférence Akadem de Gabriel Farhi
  2. Martine Gross, Judaïsme et homosexualité féminine, in S.S Lipsyc Femmes et judaïsme aujourd'hui, editions in press, p. 277-294
  3. Michael Kaufman,the woman in Jewish Law and Tradition. Northvale N.J. Jason Aaronson, 1993, p. 127-128

Bibliographie

  • Rebecca Alpert, Like Bread on the Seder Plate : Jewish Lesbians and the Transformation of Tradition, New York, Columbia University Press « between men~between women », 1997.
  • Rebecca Alpert, Lesbian Rabbis: The First Generation, Rutgers University Press, 2001.
  • Chistie Balka et Rose Andy, Twice Blessed: on Being Lesbian or Gay and Jewish Boston, Beacon Press, 1989.
  • Boyarin, Itzkovitz et Pellegrini (dir.), Queer Theory and the Jewish Question, Columbia Univ Press, 2003.
  • Martine Gross, Les rabbins français et l'homoparentalité: discours et attitudes, Archives de sciences sociales des religions,137,2007
  • Martine Gross, Judaïsme et homosexualité féminine , in Sonia Sarah Lipsyc (ed),Femmes et judaïsme aujourd'hui, éditions in press, 2008
  • Rabbi Steven Greenberg, Wrestling with God and Men: Homosexuality and the Jewish Tradition, University of Wisconsin Press, 2004.
  • Thomas Römer et Louise Bonjour, L'Homosexualité dans le Proche-Orient ancien et la Bible, Labor et Fides, 2005.
  • David Shneer et Caryn Aviv (dir.), Queer Jews, Londres et New York, Routledge, 2002.

Films

Voir aussi


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