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Apirou
Apirou
apr.w Apirou, Abirou, Hapirou ou Habirou est le nom donné par de nombreuses sources sumériennes, égyptiennes, akkadiennes, hittites, mitannites, et ougaritiques (datant environ de -2000 à -1200) à une catégorie de la population du nord-ouest de la Mésopotamie et du Croissant Fertile, depuis les frontières de l'Égypte, jusqu'en Canaan et en Iran. Le portrait qu'on dresse des Apirou varie selon la source et l'époque : ils sont nomades, semi-sédentaires, hors-la-loi, marginaux, rebelles, mercenaires, esclaves, travailleurs migrants, etc.
Les termes Habiru et Hapiru se trouvent dans les tablettes akkadiennes en écriture cunéiforme et semblent correspondre au terme apr.w[1] apparaissant dans les textes égyptiens à partir de Thoutmôsis III, conventionnellement prononcé « Apirou » (w étant la marque du pluriel en égyptien). Dans les annales mésopotamiennes, on les identifie par le logogramme sumérien sa.gaz, dont la prononciation est inconnue. Apirou signifie peut-être poussiéreux, à l'instar des nomades de la steppe.
Sommaire
Les sources
Sources sumériennes
Des documents sumériens datant du règne de Shoulgi, roi d'Ur v. -2150, décrivent « un peuple voyageant sans vêtements, dans un silence de mort, détruisant tout sur son passage ; les hommes vont où bon leur semble, plantant leurs tentes et leurs campements ; ils vivent dans la contrée sans observer les décrets de mon roi. »
Ce peuple est désigné par un logogramme cunéiforme en deux caractères dont la prononciation est inconnue, transcrit de manière conventionnelle par sa.gaz. Bien qu'il existe des occurrences de ce logogramme dans les textes sumériens, aucun des deux caractères n'a de signification propre dans cette langue. Certains ont proposé pour ce logogramme une prononciation gub.iru en sumérien.
Le logogramme sa.gaz a été identifié dans certains documents au mot akkadien habbatu, qui signifie « brigand » ou « voleur de grand chemin ».
Sources mésopotamiennes
Le logogramme sa.gaz apparaît dans des textes du sud de la Mésopotamie, datés d'environ -1850. Dans ces textes il s'applique à de petites bandes de soldats, des mercenaires employés par des cités-états en échange de nourriture ou de moutons. Un de ces textes utilise le mot Akkadien « Hapiri » à la place du logogramme. Un autre les décrits comme des « soldats venus de l'ouest ».
Le prisme de Tikunani, aux environs de -1550, liste les noms de 438 soldats « Habiru » servants le roi Tunpi-Teššub de Tikunani, une petite cité-état de Mésopotamie centrale. La majorité de ces noms sont typiquement Hourrites, les autres sont sémites, a l'exception d'un nom Kassites.
Un autre texte, aux environs de -1500, les décrits en soldats et laboureurs, organisés en bandes de tailles variables commandés par des sa.gaz : une bande de Tapduva est composée de 15 soldats, un autre de Sarkuhe de 29, une autre en aurait 1436.
Sources égyptiennes
Les lettres d'Amarna
Article détaillé : Lettres d'Amarna.Les lettres d'Amarna sont l'une des sources les plus significatives concernant les Apirou. Ces lettres regroupent la correspondance diplomatique du pharaon Akhénaton (Amenophis IV), vers -1340. Elles proviennent de ses vassaux en Canaan et d'autres rois de l'époque. Elles sont écrite en écriture cunéiforme Akkadienne.
De nombreuses lettres sont un appel à l'aide du Pharaon, écrites par des rois attaqués par des tribus nomades ou semi-nomades, qui formaient des alliances changeantes avec l'un ou l'autre des royaumes pour mener des guerres locales. Ces peuples sont appelés par le logogramme sa.gaz dans certaines lettres et par le nom « Hapirou » dans d'autres.
Autres sources égyptiennes
Plusieurs sources égyptiennes, avant et après les lettres d'Amarna, mentionnent un peuple nommé `pr.w en hiéroglyphes, pour lesquelles « .w » est la marque du pluriel. La prononciation de ce mot ressemble à Apirou. Par des similarités de contexte et de description, ce mot est assimilé à l'akkadien Habirou/Hapirou.
Dans son récit de la conquête de Joppas, Toth, général du pharaon Thoutmôsis III, demande à ce que son cheval soit rangé à l'intérieur de la ville, afin de ne pas se faire voler par un Apir.
Sur deux stèles de Memphis et Karnak, Amenhotep II, le fils de Thoutmôsis III, se vantent d'avoir fait 89 600 prisonniers dans sa campagne en Palestine, incluant 127 princes et 179 nobles de Rétjénou, 3600 Apirou, 15200 bédouins, 36600 Hourrites, etc ...
Une stèle du règne de Séthi Ier raconte que le roi mène une expédition en Syrie et Palestine, en réponse à une attaque des « Apirou du mont Yarmouta » contre une ville locale. Un nombre indéterminé d’Apirou furent capturés et ramenés comme esclaves en Égypte.
Une liste des biens offert à divers temples par le pharaon Ramsès III inclut plusieurs serviteurs, égyptiens et étrangers : 86 486 à Thèbes (dont 2607 étrangers), 12 364 à Héliopolis (dont 2093 étrangers), et 3079 à Memphis (dont 205 étrangers). Les serviteurs étrangers sont décrits comme des "maryanu (soldats), des apiru, et des personnes déjà comprises dans les listes du temple.
Sources hittites
Le logogramme sa.gaz est mentionné dans au moins une douzaine de documents du royaume Hittite, depuis un peu plus de -1500 ans. Dans plusieurs documents on peut lire la phrase suivante : Les troupes de Hatti et les troupes de Sa.gaz. Hatti signifiant le noyau de l'empire.
Deux vœux du règne de Suppiluliuma Ier invoquent parmi une liste de déités « ... les dieux des Lulahhi, (et) les dieux des Hapiri , Ereshkigal, les dieux et déesses du pays Hatti, les dieux et déesses du pays Amurru, ... »
Il y a une autre occurrence dans un traité entre Duppi-Teshub d'Amurru et Tudhaliyas du Carchemish, arbitré par Mursilli II. Le monarque hittite se souvient de quand il avait restauré le roi Abiradda sur le trône de Jaruwatta, une ville dans le pays de Barga, qui fût capturée par les Hourittes et donnée au "grand-père de Tette, le sa.gaz".
Sources mitannites
Une inscription sur une statue trouvée à Alalakh en Anatolie du sud-ouest, qui présente le prince Idrimi[2] d'Alep (environ -1500 à -1450) dans le Mitanni, rapporte qu'après que sa famille a dû fuir vers Emar, il les a abandonnés pour se joindre au peuple « Apirou » à « Ammija dans la terre de Canaan ». Les Apirou l'auraient reconnu comme le « fils de leur grand roi » et se serait « réunis autour de lui » il les décrit comme incorporant des « originaires de Halab, du pays de Mukish, du pays de Nihi avec aussi des guerriers du pays d'Amae. » Après avoir vécu parmi eux pendant sept ans, il les aurait menés victorieusement dans une attaque par la mer contre la ville d'Alalakh, dont il devint le roi pour 30 ans jusqu'à l'inscription.
Sources ougaritiques
Dans la ville portuaire de Ougarit, au nord de la Syrie, une tablette cunéiforme qui était encore en cours de cuisson lors de la destruction de la ville (vers -1200) mentionne les prm (que l'on suppose être les Apirou, -m correspondant au suffixe pluriel ougaritique.
Interprétations
Lorsqu'on découvrit les premiers textes mentionnant les Apirou dans la correspondance d'un roi de Canaan avec un pharaon égyptien, certains opérèrent rapidement le rapprochement avec le terme biblique `bry (dérivé de עבר), autrement dit les « Hébreux », et pensèrent que ces lettres constituaient une preuve extra-biblique de l'invasion de Canaan menée par Josué. Néanmoins, après de nombreuses recherches, cette hypothèse est maintenant largement abandonnée. Les personnes faisant partie des groupes d'Apirou portent, en effet, des noms d'origine variée ne permettant pas de supposer une appartenance ethnique unique[3]. De plus, des fouilles sur les hautes terres de Canaan laissent notamment supposer que les premiers Israélites n'apparaissent qu'à partir de -1200 (voir aussi Shasou et Apirou dans les documents égyptiens).
Les Apirou comme groupe ethnique éparpillé
Les Apirou étaient-ils des Hébreux ?
Selon le Dictionnaire de l'Antiquité, « Le terme de Hapirou/Habirou a fait couler beaucoup d'encre, en partie en raison de sa ressemblance avec le nom des Hébreux, avec lequel il semble finalement n'avoir aucun rapport »[4].
Quand les archives de Tell el-Amarna ...
Apirou comme terme générique
Notes
- ↑ Wörterbuch der Ägytischen Sprache – Tome 1, page 181, ligne 17.
- ↑ (en)+(de)Inscription d'Idrimi
- ↑ Dictionnaire de l'Antiquité, Olivier Rouault, dir. Jean Leclant, PUF, 2005, page 1026.
- ↑ Olivier Rouault, p. 1026 du Dictionnaire de l'Antiquité, direction Jean Leclant, édition PUF, 2005
Bibliographie
- (en) Robert D. Biggs, (revue du livre de M. Salvini). Journal of Near Eastern Studies 58 (4), octobre 1999, page 294 ;
- (en) Michael D. Coogan (éditeur), Oxford History of the Biblical World, Oxford University Press, page 72 (ISBN 0195139372) ;
- (en) Moshe Greenberg, The Hab/piru, American Oriental Society, New Haven, 1955 ;
- George E. Mendenhall :
- (en) The Tenth Generation : The Origins of the Biblical Tradition, The Johns Hopkins University Press, 1973 ;
- (en) Ancient Israel's Faith and History : An Introduction to the Bible in Context, Westminster John Knox Press, 2001 ;
- (en) Mirjo Salvini, The Habiru prism of King Tunip-Tejjup of Tikunani. Istituti Editoriali e Poligrafici Internazionali, Rome, 1996 (ISBN 8881470934).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Le nom « Hebrew » dans l'archéologie et les Écritures (site à orientation religieuse).
- [1] Résumé d'un cours de Jean-Marie Durand (Collège de France) sur les Habiru.
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