Gwenhwyfar

Gwenhwyfar

Reine Guenièvre

La reine Guenièvre par William Morris

La reine Guenièvre est un personnage de la légende arthurienne.

Sommaire

Le personnage légendaire

Nom

L'origine du nom Guenièvre vient selon toute vraisemblance du mot gallois « Gwenhwyfar » (ancienne graphie « Gwenhwyvar ») qui signifie "le blanc fantôme", "la dame blanche" ou "la blanche fée". (Ce qui est l'origine du prénom Jennifer). Dès lors, on peut affirmer que Guenièvre possède un caractère féerique qui lui confère un aspect magique, si ce n'est de l'Autre-monde. Elle n'est pas sans évoquer la bansidh de la mythologie celtique de l'Antiquité.

Famille

Il peut exister des différences entre les textes, mais elle est généralement donnée comme la fille de Léodagan ou Leodegranz de Carmelide. Bien qu'elle soit habituellement sans enfant, dans Perlesvaus Lohot est le fils légitime du couple royal – dans d’autres récits il est le fils illégitime d’Arthur – et dans un Morte Arthure anglais en vers allitératifs du XIVe siècle, elle a deux fils de Mordred. Dans le Lancelot-Graal et le poème allemand Diu Crône, elle a une demi-sœur et un frère qui jouent un rôle d’adversaire. Des cousins sont mentionnés sporadiquement dans divers récits du cycle arthurien.

Reine, dame courtoise et graal païen

Guenièvre est avant tout l’épouse du roi Arthur. Sa beauté, son éloquence ainsi que le prestige de sa cour font de la reine une figure à la fois prisée par les chevaliers, haïe par ses semblables et qui confine à la féerie. Célèbre pour sa relation adultère avec Lancelot du Lac, le personnage de Guenièvre est une de ces figures, à l’instar d’Yvain, qui témoignent de l’encourtoisement de la légende arthurienne opérée au XIIe siècle. Mais Guenièvre est plus que cela : elle est à la fois la dame courtoise et le graal païen des longs cycles en prose.

La reine du pays de Logres est d’abord la dame courtoise pour qui toutes les prouesses s’accomplissent : Lancelot, dans Le Chevalier à la Charrette (1176-1181), apparaît comme son amant soumis à ses volontés, au risque de se voir humilié et bafoué dans son honneur. Guenièvre a été enlevée par Méléagant qui la désire. Arthur, roi inactif et passif laisse Gauvain se charger de ramener la reine à la cour. C’est lors de son errance qu’il rencontre un chevalier anonyme qui s’avère bientôt être Lancelot du Lac, « le meilleur chevalier au monde ». L’épisode de la charrette est caractéristique de ce dévouement sans faille (ou presque !) du chevalier à sa dame, idéal courtois par excellence : Lancelot, après avoir hésité le temps de deux pas à monter dans la charrette d’infamie menée par un nain, celle des prisonniers, des assassins et autres indignes :

« Sur le moment, le chevalier a poursuivi sa route sans y monter ; il a eu tort, tort d’avoir honte et de ne pas aussitôt sauter dans la charrette car il le regrettera un jour. Mais Raison, qui s’oppose à Amour, lui dit de ne pas monter, le retenant de ne pas monter, le retenant et lui enseignant de ne rien faire ni entreprendre qui puisse lui apporter honte ou reproche. Ce n’est pas du cœur mais de la bouche que vient ce discours, que Raison ose lui tenir. Mais Amour, enfermé dans le cœur, l’exhorte et l’invite à monter tout de suite dans la charrette. Amour le veut alors il y saute ; il n’a plus peur de la honte, puisque c’est l’ordre et la volonté d’amour. » (vers 329-380)

Lancelot, devient alors asocial au nom de l’amour absolu qu’il voue à la reine. Celle-ci, lors de sa rencontre avec Lancelot au château de Gorre lui reprochera cette influence de la raison sur la folie passionnelle. Convoitée par Méléagant, Lancelot et, dans une moindre mesure par Gauvain, la reine fait l’objet de toutes les attentions. Elle est, par conséquent, celle qui tient les rênes du pouvoir. Par son statut de reine, Guenièvre est la représentation du pouvoir politique dérobé à Arthur. Si la cour du roi est l’épicentre des vertus courtoises, il est indéniable de voir la reine comme étant véritablement à la tête du pays de Logres, pouvoir officieux certes, mais le plus puissant. Ce trait caractéristique de la reine est exacerbé lorsqu’au Tournoi de Noauz elle demande à Lancelot, alors méconnaissable sous des armes inconnues, de jouter « au mieux » et « au pire » selon ses volontés. Le chevalier, en amant fidèle et dévoué, ne peut que se soumettre à ses volontés :

« La reine appela sa demoiselle d’honneur et lui dit : allez donc, mademoiselle, prendre votre palefroi. Je vous envoie au chevalier d’hier et dites-lui seulement qu’il doit encore jouter au pire. Et quand vous lui aurez communiqué cet ordre, faites bien attention à sa réponse ! Elle ne perdit pas de temps, car elle avait bien remarqué la veille au soir la direction qu’il prenait, ne doutant pas qu’on la renverrait l’y trouver. Elle parcourut donc les rangs et finit par trouver notre chevalier. Aussitôt elle alla discrètement lui dire de se battre au pire s’il voulait garder l’amour et les bonnes grâces de la reine, car c’était son mot d’ordre. Et lui, puisqu’elle l’ordonnait, répondit : C’est très bien ainsi ! »

Amante exigeante, Guenièvre est une amoureuse absolue. Elle est, de fait, la maîtresse tyrannique (tyrannos en grec signifie le maître) de Lancelot : la situation de ce dernier à la cour d’Arthur est significative de l’emprise de la reine sur lui. En effet, Lancelot ne fait pas partie véritablement de la cour d’Arthur mais est cependant le plus ferme soutien du roi. Aide auxiliaire, il ne mène pas ses aventures au nom du monarque mais bien au nom de la reine, la seule qui ait le pouvoir de domination sur lui.

Par conséquent, Guenièvre devient aux yeux de Lancelot un véritable Graal : le parallèle n’est pas inintéressant. Ce qui frappe d’emblée, c’est la posture féerique ou du moins magique de la reine. Elle est la résurgence du « blanc fantôme » des sagas nordiques : la blancheur de son teint et l’éclat de sa chevelure d’or sont à rapprocher de ce fait. À cela s’ajoute que Guenièvre semble avoir les mêmes caractéristiques que les fées : celles-ci ont pour habitude d’apparaître à proximité des lieux aquatiques. Lancelot retrouve le peigne de la reine avec quelques-uns de ses cheveux sur le rebord d’une fontaine. En outre, le couple qu’elle forme avec lui est identique à celui qu’une fée, telle que Mélusine, forme avec un homme. Celui-ci est généralement en quête lorsqu’il rencontre une de ces créatures de l’Autre-monde. La fée jette son dévolu sur un homme et lui promet son amour total à une seule condition qui, de tous points de vue, est irréalisable. Cette contractualisation du lien amoureux tissé entre le chevalier et la fée illustre cette proportion inadéquate de l’homme et de la femme, de l’humain et du divin, du terrestre et du céleste. Guenièvre a passé un contrat avec Lancelot identique à celui de Mélusine avec son amant. Ainsi est-elle une figure de l’Autre-monde qui donne à la société arthurienne une connotation beaucoup plus spirituelle qui, sans cela, ne serait qu’un bien pâle reflet de la société du XIIe siècle.

Ainsi, la matière originelle du mythe de Guenièvre a été transformé au cours d’un lent processus que l’on peut définir en trois étapes : d’abord la mise par écrit des légendes nordiques, galloises et bretonnes à la fin du IXe siècle, montrant Guenièvre comme la figure mythique de la souveraineté puis par l’encourtoisement des textes au début du XIIe siècle sous l’impulsion d’Aliénor d'Aquitaine et de sa fille Marie de Champagne, pour finir par une christianisation des éléments textuels à l’époque où l’Église étendait à la fois son pouvoir politique et sa diffusion culturelle. Il est évident que l’on peut rapprocher Guenièvre du Saint-Graal. D’abord par la médiation de Lancelot qui voit en son amie une véritable déesse suite à la cristallisation de son amour. Le chevalier lui voue un véritable culte, une liturgie païenne, n’hésitant pas à s’agenouiller devant elle comme le ferait un vassal devant son seigneur ou le prêtre devant l’autel.[1] Guenièvre est pour Lancelot ce que le Graal est à Perceval ou à Galahad, c’est-à-dire l’objet absolu de la quête chevaleresque. Chaque quête a des traits communs : elle exige ascèse et patience afin de progresser vers un état supérieur. Lancelot doit être parfait pour être digne de sa dame, tout comme Perceval pour devenir le gardien du Graal. Néanmoins, la christianisation de la matière va insérer la caractéristique de la hiérarchie entre les différentes quêtes. Celle de Guenièvre est vouée à la sphère terrestre et charnelle tandis que celle du Graal est tournée vers le céleste, la spiritualité et le divin. Dès lors, c’est le signe de la fin et de la lente dégradation que va subir le monde arthurien qui s’achève en apothéose dans La Mort le Roi Arthur.

Figure archétypale de la dame courtoise, fée, déesse, Guenièvre est un personnage aux multiples facettes qui illustre le foisonnement de l’imagination médiévale. Femme idéalisée ou cristallisation fantasmatique des désirs de l’homme, elle est la projection du désir charnel et des aspirations spirituelles.

L'enlèvement de Guenièvre

Le thème de l’appropriation de Guenièvre, par enlèvement ou séduction, apparait déjà dans les sources galloises. Dans la Vie de Gildas (av. 1136) du moine Caradoc de Llancarfan, elle est enlevée par Melwas (Méléagant ?), roi d’Aestiva Regio (« Pays de l’Été », peut-être le Somerset), et emprisonnée à Glastonbury. Après une recherche d’un an, Arthur la localise et se prépare à venir la reprendre avec une armée ; la guerre est évitée grâce à l’entremise de Gildas et le couple est réuni. L’archivolte de la Porta della Pescheria ( portail nord) de la cathédrale de Modène, construite entre 1099 et 1184, porte une représentation de cet épisode[2]. Selon Geoffroi de Monmouth, Guanhumara (Guenièvre), issue d’une grande famille romaine, est laissée par son mari Arthur à la garde de Mordred lorsque lui-même part sur le continent attaquer l’empereur fictif Lucius Hiberius ; Mordred usurpe le trône et la reine. À partir de Chrétien de Troyes, elle devient l'amante de Lancelot, mais selon une tradition reflétée dans le Roman de Yder (~1210) et La Folie Tristan du manuscrit de Berne[2], son amant serait Yder. En tout état de cause, Guenièvre est souvent enlevée ou séduite. Outre les interprétations psychologiques, morales ou courtoises de son infidélité, des spécialistes ont proposé qu’elle ferait originellement partie des reines symboles de souveraineté : les enlever revient à s’emparer du royaume de leur mari[3]. Le médiéviste Roger Sherman Loomis (1887 –1966) voyait pour sa part Guenièvre comme une sorte de Perséphone celtique. Le fait qu’elle soit souvent tenue prisonnière dans un lieu qui l’isole du monde et la proximité étymologique des noms de son kidnappeur (Mordred, Melwas, Meleagant, Meljakanz, Melianz etc.) ont pu inciter à voir dans ce dernier un personnage surnaturel unique, maître comme Hadès du monde infernal[4]. Le délai d’un an nécessaire pour qu’Arthur récupère Guenièvre dans la Vie de Gildas pourrait aller dans le sens d’un mythe comparable à celui de Perséphone, dont certains voient un équivalent dans l’enlèvement de Bláthnat par Cú Roí de la mythologie irlandaise[5].

Adaptations

Dans l'immense littérature relative au Roi Arthur, on signalera les œuvres touchant de plus près la rôle féminin de Guenièvre. Une série de 2 tomes contant l'histoire du roi Arthur sous la forme de journal intime de Guenièvre est sortie récemment aux éditions France Loisirs, écrite par Nancy Mc Kenzy.

Bande dessinée

Cinéma

Télévision

Actrices ayant joué le rôle de la reine Guenièvre

Références et notes

Les citations de la section Dame courtoise sont extraites de Lancelot ou le Chevalier à la charrette par Chrétien de Troyes, préface et traduction de Mireille Demaules, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1996.

  1. Charles Méla, La Reine et le Graal, Paris, le Seuil, 1984.
  2. a  et b Alison Adams, The Romance of Yder, DS Brewer, p.18 [1]
  3. Manuel Aguirre, “Life, Crown and Queen: Gertrude and the Theme of Sovereignty,” The Review of English Studies 47 (1996): 163-74, at 171.
  4. Georgianna Ziegler, “The Characterization of Guinevere in English and French Medieval Romance,” diss., U of Pennsylvania, 1974 (Ann Arbor, Michigan: University Microfilms International, 1982) 183-4
  5. Tom P. Cross et Clark Harris Slover (traducteurs et éditeurs) “The Tragic Death of Cu Roi Mac Dairi,” Ancient Irish Tales, New York: Henry Holt & Co., 1936 328-32.

Bibliographie

  • Peter Noble The Character of Guinevere in the Arthurian Romances of Chrétien de Troyes, Lancelot and Guinevere: a casebook, ed. Lori J. Walters (New York: Garland, 1996)
  • Mandy van den Houten Guinevere : The Sovereignty Godess of Arthurian Litterature? mémoire de maitrise d’Études médiévales, Université d'Utrecht, 2007 [2]


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