- Glass-Steagall Act
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Glass-Steagall Act est le nom sous lequel est généralement connu le Banking Act de 1933 aux États-Unis. Celui-ci a :
- instauré une incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d'investissement ;
- créé le système fédéral d'assurance des dépôts bancaires ;
- introduit le plafonnement des taux d'intérêt sur les dépôts bancaires (la Regulation Q).
Il tient son nom d'un sénateur démocrate de Virginie, Carter Glass, ancien secrétaire au Trésor, et d'un représentant démocrate de l'Alabama, Henry B. Steagall, président de la commission Banque et Monnaie de la chambre des représentants.
Battu en brèche depuis le milieu des années 1970 et largement contourné par l'ensemble de la profession bancaire, il a finalement été abrogé le 12 novembre 1999 par le Financial Services Modernization Act, dit Gramm-Leach-Bliley Act, juste à temps pour permettre la fusion constitutive de Citigroup.
Sommaire
Contexte historique
Fin XIXe siècle et début XXe siècle, des faillites bancaires retentissantes avaient déjà soulevé la question du risque de liquidité pour les établissements financiers. La « doctrine Germain » – du nom du banquier français Henri Germain, directeur à l'époque du Crédit lyonnais – est formulée une première fois en 1882, puis en 1904. Elle préconise clairement l'idée qu'il faut séparer les activités de banque de dépôt de celles de banque d'affaires.
Aux États-Unis, la crise boursière d'octobre 1929 déclenche l'inquiétude chez les déposants qui craignent que la banque de dépôt qui abrite leur compte, ait pu subir de lourdes pertes suite à l'effondrement du marché des actions. Or beaucoup d'établissements ont engagé leurs avoirs dans des investissements à moyen ou long terme. Ne pouvant faire face aux demandes de retrait des déposants, ils se retrouvent en situation de non-liquidité. Comme l'industrie bancaire est très morcelée, ces retraits massifs de déposants craignant la banqueroute, acculent les banques à la faillite et finissent par causer une réaction en chaîne proprement dévastatrice.
Pour remettre la situation d'aplomb, deux grandes options s'offrent schématiquement au législateur :
- ou bien forcer une concentration des banques en quelques grands groupes solides et diversifiés ;
- ou au contraire, organiser la protection de l'industrie bancaire en l'état, en la laissant morcelée.
Le contexte politique va trancher assez vite. En 1933, un jeune procureur, conseiller auprès de la Commission des Affaires monétaires et Finances du Sénat américain, Ferdinand Pecora, conduit devant ladite Commission des auditions très violentes et spectaculaires de dirigeants de banques sur leur rôle détestable dans le krach. Il fait enfin basculer l'opinion en faveur d'une limitation du rôle des banques.
Séparation des métiers bancaires
Le Glass-Steagall Act distingue deux métiers bancaires :
- la banque de dépôt (commercial banking, en anglais), c'est-à-dire les activités de prêts et de dépôts,
- la banque d'investissement (investment banking, en anglais), c'est-à-dire les opérations sur titres et valeurs mobilières,
et les déclare désormais incompatibles. Les banques existantes doivent choisir d'abandonner l'un des deux métiers.
Les conséquences structurelles
J.P. Morgan & Co. choisit la banque commerciale, mais des dirigeants mécontents de ce choix quittent l'établissement et fondent la banque d'investissement Morgan Stanley. Lehman Brothers ferme ses activités bancaires, ne restant que maison de titres, tandis que Chase et City toutes deux abandonnent les marchés financiers.
Le paysage bancaire américain va donc se polariser et cette législation va en fait faire émerger des banques d'investissement de très grande taille mais qui n'ont pas la surface financière que donnerait leur adossement à une grande banque de dépôts.
Par ailleurs, il a contribué à limiter de facto la taille des groupes bancaires américains. Malgré la taille de l'économie américaine, jusqu'à la fin du XXe siècle, les plus grandes banques de la planète seront, sans efforts particuliers, japonaises ou européennes.
Remise en cause pour « inadaptation à la croissance des marchés financiers »
Or les marchés financiers vont connaître un développement spectaculaire à la suite :
- de l'adoption du système des changes flottants en mars 1973 ;
- de la suppression des commissions fixes sur les valeurs mobilières aux États-Unis le 1er mai 1975 ;
- des forts mouvements de taux d'intérêt décidés en 1979 par la banque centrale américaine (FED) pour éradiquer l'inflation.
Ces évolutions fragilisent le Glass-Steagall Act et le privent de pertinence.
Tandis que les banques commerciales, via certains artifices comptables et juridiques, et surtout via la création de filiales à l'étranger, en particulier à Londres, participent pleinement à la croissance des marchés financiers, les banques d'investissement se trouvent, elles, de plus en plus sous-capitalisées.
Tout cela fragilise donc le système financier. Par ailleurs, il le délocalise et redonne vie à la City de Londres, dont il fait durablement la première place financière du monde.
La banque centrale américaine va tenter plusieurs fois d'assouplir le système à partir de 1986, mais ce n'est que devant le lobby réclamant la légalisation de la fusion géante entre City et Travellers que le Sénat américain se résoudra à abolir ce dernier « vestige des années trente ».
La FDIC et le système fédéral d'assurance des dépôts bancaires
Continuant à favoriser la préservation d'un paysage bancaire morcelé, le Glass-Steagall Act a également créé la Federal Deposit Insurance Corporation, ou FDIC, c'est-à-dire le système fédéral d'assurance des dépôts bancaires.
Portée par la suite jusqu'à 100 000 dollars, la garantie accordée aux déposants, pour leur dépôt dans chaque banque, va encourager ceux-ci à placer leur argent dans nombre d'établissements de petite taille. Elle est ainsi indirectement à la source de la vague de faillites spectaculaires de nombreuses caisses d'épargne (Savings and Loans ou S&L) en 1989, qui avaient été « déréglementées » en 1980-82 par l'administration Reagan.
La Réglementation Q
La Regulation Q plafonne le taux de rémunération des dépôts bancaires à terme. N'étant pas conçue pour un univers inflationniste, elle a causé des déséquilibres importants dans le système financier américain dans les années 1960 et 1970. On lui doit l'essor original du marché de l'Eurodollar et, là encore, une part de l'importance de Londres comme place financière.
Elle a été abolie en 1980 par le Depository Institutions Deregulation and Monetary Control Act.
Vers un retour au Glass-Steagall Act ?
La crise financière de 2007-2010 a remis en évidence la pertinence d'une séparation des fonctions bancaires :
- En décembre 2009, les sénateurs John McCain (républicain/Arizona}, Maria Cantwell (démocrate/ État de Washington), et l’ancien gouverneur de la Réserve fédérale Paul Volcker ont avancé l’idée d’un retour au Glass-Steagall Act par le biais d’une remise en vigueur du texte de loi originel (Banking Act de 1933[1]). Le Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act de juillet 2010 est partiellement inspiré de cette proposition.
- En Europe, un nombre grandissant d’experts appellent également à l’adoption de législations bancaires strictes inspirées du Glass-Steagall Act[2].
Bibliographie
- Anderson, Benjamin, Economics and the Public Welfare, New York: D. Van Nostrand Company, 1949.
- Barth, James R. et al., “Policy Watch: The Repeal of Glass–Steagall and the Advent of Broad Banking”, Journal of Economic Perspectives n°14, avril 2000, p. 191–204.
- Firzli, M. Nicolas, “Orthodoxie financière et régulation bancaire : les leçons du Glass-Steagall Act”, Revue analyse financière, jan. 2010, p. 49– 52.
- Lewis, Toby, “New Glass-Steagall Will Shake Private Equity”, Financial News, 22 janvier 2010.
- Herald Tribune, “Elders of Wall St. Favor More Regulation“, 17 février 2010
Liens externes
Articles connexes
Références
Catégories :- Réglementation bancaire
- 1933 aux États-Unis
- Loi fédérale des États-Unis concernant la finance
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