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Changes flottants
Un régime de changes flottants, ou régime de changes flexibles, est une modalité du système monétaire international où l'on ne définit pas d'étalon monétaire international auquel chaque devise pourrait faire référence et où le change des devises entre elles se détermine sur un marché spécialisé.Le cours suit la tendance du jour, on parle d'appréciation ou de dépréciation de la monnaie.
Origines de la mise en place depuis 1971 d'un système de changes flottants
Depuis l'origine de la monnaie il y a près de 3000 ans jusqu'à 1914, les devises ont été définis par rapport un étalon métallique. Après la guerre de 1914, l'étalon-or qui s'était généralisé en occident n'a pas pu être rétabli du fait des trop grandes disparités dans la répartition de l'or, concentré pour l'essentiel aux États-Unis. On a mis en place des étalons de change-or, c'est à dire des systèmes où une ou deux monnaies étaient définis en or et servaient de monnaie de réserve et d'échanges pour l'ajustement des balances de paiement.
Le système mis en place à Bretton Woods était un système de change fixe avec étalon de change or basé sur le seul dollar. Once d'or valait 35$. Les autres monnaies étaient définies soit directement par rapport au dollar soit via le cours de l'or en dollar. Les changes étaient fixes mais ajustables c'est à dire que moyennant l'accord des autres un pays pouvait dévaluer ou réévaluer sa monnaie pourvu qu'un plan d'ajustement fut mis en œuvre. Le FMI était chargé de la supervision de ce mécanisme.
Ce dispositif donnait au dollar une place particulière. Les déficits de la balance des paiement américaine étant financés par des dollars "qu'il n'appartient qu'à eux d'émettre", ce pays pouvait ne pas s'en soucier. On appelle cette attitude le "benign neglect". Robert Triffin était connu pour avoir théorisé la fin des accords de Bretton Woods par son dilemme de Triffin, d'autre part le triangle de Mundell explique bien l'incompatibilité croissante entre mobilité des capitaux et change fixe. Pendant les années 1960, les dépenses militaires américaines ainsi que la course à l'espace conduisirent le gouvernement américain à multiplier les dépenses et à créer une immense liquidité internationale de dollars. Cette licence attira d'abord les remarques du général de Gaulle qui dans une conférence célèbre demanda le retour à l'étalon-or et commença à exiger des paiements en or, en place de dollars. Ce fut l'Allemagne qui en 1971 mettra fin aux accords de Bretton Woods : agacée d'avoir à créer de l'inflation contre un afflux constamment croissant de dollars, la BUBA, la banque centrale allemande, sensibilisé à l'inflation par l'hyperinflation du début des années 1920, cessa de les accepter. Le Président Nixon prit alors la décision de supprimer la convertibilité or du dollar.
Après quelques années où on tergiversa, de premiers accords en 1973 mirent fin au système des changes fixes et ajustables, les accords de la Jamaïque en 1976 établirent le cadre juridique nécessaire à la mise en place d'un système de changes flottants.
Les changes flottants n'ont pas été un choix technique réfléchi de longue date et fruit du consensus des économistes, mais une solution de facto imposée par le jeu des relations de puissance.
A compter de ce jour l'ensemble des monnaies du monde ont été des monnaies papiers sans référence à un étalon quelconque, dont la valeur ne pouvait se lire qu'au jour le jour au rythme des transactions sur le marché des changes.
L'absence de théorie générale des changes flottants lors de son introduction
Les changes flottants n'ont fait l'objet d'aucune étude ou de publication pendant toute la période classique et néoclassique, c'est à dire jusqu'en 1921. Le flottement était une singularité et presque un accident. L'étalon or n'était plus discuté depuis les années 1870, la fin de l'Union latine et la démonétisation de l'argent aux Etats-Unis (en 1873). Les désordres d'après guerre conduisirent à des situations monétaires variées. Le flottement des monnaies autrichiennes et allemandes eut pour conséquences une hyper inflation douloureuse. La conférence d'Athènes s'empressa de reconstruire un système de changes fixes. Il fut balayé par la crise de 1929 et l'éclatement du système monétaire qui s'en suivit, marqué par des dévaluations compétitives nombreuses et un approfondissement de la crise. Personne ne recommanda les changes flottants. Au contraire dès la paix revenue un nouveau système de changes fixes fut mis en place. Les manuels d'économie jusqu'à la fin des années soixante traitait le sujet par prétérition ou en quelques lignes péjoratives.
Par exemple le manuel Dalloz de 1969 sur la monnaie rédigé par Henri Guitton, un professeur de haute réputation dans ces années là, traite des changes flottants en une demi page (sur 647) simplement pour noter que l'expression "changes erratiques" laisse progressivement la place dans les quelques débats qui ont lieu sur le sujet à l'expression de changes flexibles plus descriptif et moins connoté. Il est vrai que dans des traités universitaires comme celui de Paul Leroy-Beaulieu, on parle de "monnaies dépréciées au change erratique" pour les monnaies sans rattachement à l'or et donc "flottantes" dans les conditions de l'époque où l'étalon-or était "le système des pays civilisés" [1] . Gottfried Haberler dans son magistral ouvrage (Prospérité et dépression - société des nations - Genève 1943) évoque les "changes libres" comme une curiosité, "un cas extrême dans notre échelle des relations possibles entre les monnaies des différents pays" [2]. "Nous n'entendons pas avancer qu'un tel système ait jamais existé". A lire la suite de sa description théorique des conséquences, il ne vaut mieux pas car les mouvements de capitaux auraient des effets imprévisibles, et un rôle déstabilisant et amplificateur du cycle.
Deux auteurs seulement, aux antipodes l'un de l'autre, l'un étant un économiste libéral Milton Friedman et l'autre un socialiste Meade, défendirent les changes flottants, non pas tant sur une base scientifique que sous forme d'a priori doctrinal. Certains, comme Mundell, ont parlé de "pamphlets" à propos de ces textes plus que d'écrits économiques scientifiques. Pour Milton Friedman la monnaie est "une marchandise comme une autre". Le prix des devises doit s'apprécier librement sur un marché libre. Le pays qui se laissera aller aura une monnaie faible, les vertueux une monnaie forte. Quoi de plus naturel ? James Edward Meade (1907 - 1995) était un auteur socialiste anglais plutôt extrême qui voulait que les salaires soient fixés par le gouvernement sans se préoccuper du taux de change. Son traité : The Balance of Payments (1951) est une œuvre majeure. Mais aucun des deux auteurs n'avaient réellement convaincu de l'opportunité de remettre en cause l'existant.
Lorsque les circonstances eurent voulu que les changes flottassent, tous les milieux économiques et financiers accueillirent la nouveauté avec beaucoup de réticence. Les Européens cherchèrent à créer des mécanismes de stabilité entre eux. Ce fut l'ECU puis l'Euro, que Milton Friedman accueillit en annonçant qu'il s'effondrerait rapidement. L'administration américaine elle même n'était pas particulièrement fière du système des changes flottants. Elle n'avait renoncé aux accords de Bretton Woods qu'à leur stock d'or défendant. Le président de la Fed en 1980, Paul Volcker, n'hésitera pas à affirmer : "à une économie mondiale il faut une monnaie mondiale", suggérant que l'agitation brownienne de dizaines de monnaies ne saurait faire un vrai système monétaire international. Mais en conservant le dollar comme monnaie mondiale et en permettant aux seuls États-unis de payer ses déficits dans sa propre monnaie, le système paraissait n'avoir que des avantages pour des États-Unis "leader du monde libre".
La très faible théorisation de la pratique des changes flottants depuis 1971
A la suite de Milton Friedman quelques éléments de doctrine des changes flottants se sont dégagés autour des idées suivantes :
Avantages inhérent au change flottant
- Limitation spontanée de la spéculation. Les modèles de Robert Mundell et Marcus Fleming montrent la faiblesse d'un régime change fixe par l'épuisement des réserves de change, munition d'une Banque Centrale pour maintenir le cours de sa monnaie fixe. Le change flottant ne permet plus aux marchés financiers, et à la spéculation, de parier sur l'effondrement d'un régime de change, comme l'avait fait avec succès Georges Soros en 1992 avec la livre Sterling d'Angleterre. Cela s'explique par l'extrême mobilité des capitaux liée à la dérèglementation et le décloisonnement des marchés dans les années 70s.
- Les changes flottants donnent toute latitude à chaque gouvernement de mener les politiques monétaires et d'expansion économique qui lui convient. La contrainte de change est levée. L'exemple de l'expérience historique du Canada en matière de flottaison est fréquemment citée. Cela signifie qu'une Banque Centrale se libère d'une tâche pour se consacrer pleinement à sa politique interne: comme la maitrise des taux d'intérêt en intervenant sur le marché interbancaire, ou la contraction de sa masse monétaire afin de minimiser l'inflation.
- Ajustement automatique de la balance des paiements, chaque déficit sur la balance courante se soldera par une entrée nette de capitaux. Il ne faut pas perdre de vue qu'en économie internationale, un déficit de la balance courante résulte d'un différentiel entre épargne et absorption. Un déficit entrainera une dépréciation de la monnaie domestique qui permettra une amélioration de la compétitivité prix.
- Le fait que les réserves de change ne soient plus utilisées pour maintenir un régime de fixité, permet aux Banques Centrales dont la balance courante est excédentaire, de transformer ces réserves en fonds souverains: ce qui posent un problème politique, car la rationalité traditionnelle de l'agent économique disparait au profit d'intérêts politiques. La Chine est connue pour accumuler des réserves de changes qu'elle transforme en fonds souverains et rachète des bons du trésor américains.
- Les mouvements de capitaux pourvu qu'ils soient totalement libres permettront la stabilisation des taux d'intérêt à travers le monde. Il s'en suivra également une stabilisation des changes.
- L'étalon-or a fait son temps, on ne peut retourner à un système indexé sur l'or par son manque en quantité, et son aspect archaïque, Keynes la qualifiait de " Relique Barbare ".
Les inconvénients
- La persistance de déséquilibres externes: la théorie monétariste voulait que le fait qu'un pays ait une balance courante déficitaire provoque une dépréciation de la monnaie qui in fine permettrait une correction de la balance courante. En pratique les déséquilibres persistent, notamment aux États-Unis qui accumulent des créances vers le reste du monde.
- Une illusoire autonomie des politiques monétaires. Les monétaristes croyaient que le change flottant permettrait de donner une liberté de manœuvre pour mener des politiques monétaires, malheureusement pour mener une politique monétaire il faut d'abord que sa propre monnaie soit crédible aux yeux des agents économiques. Ainsi à titre d'exemple, quand le Zimbabwe mène une politique monétaire, elle n'aura aucune incidence du fait d'une hyperinflation, alors que la Fed peut se permettre de mener des politiques efficaces. Pour cette raison, beaucoup de pays comme la France ont abandonné leur crédibilité monétaire pour emprunter celle de leur voisin, notamment la crédibilité du Deutsch Mark pendant les années 70s.
- L'épaississement de la sphère financière, notamment avec des Edges Funds qui dépassent en taille le PIB d'un pays, font relativiser sur la notion d'un prix de marché pour la monnaie d'un petit pays. La dollarisation est apparue comme solution efficace pour éviter tout problème inhérent à la spéculation.
Cette vulgate a fini par s'imposer dans la presse qui évite généralement d'aborder ces questions considérées comme trop techniques et ennuyeuses. Mais elle a été très vivement critiquée presque immédiatement par J. Rueff et après plusieurs années d'exercice par au moins deux auteurs, prix "Nobel" comme Milton Friedman.
Une première contestation radicale : celle de Jacques Rueff
"J'ai souvent démontré et j'affirme à nouveau ici que le rétablissement de la convertibilité métallique du dollar — sans recours à l'artifice des droits de tirage spéciaux — rendrait au monde, par le contrôle des évolutions cycliques de l'activité économique une acceptable stabilité des prix. Pareille stabilité des prix ramènerait rapidement les taux d'intérêt à long terme, des niveaux aberrants où ils se trouvent actuellement, à des valeurs répondant à la rentabilité réelle de la production. Cette baisse engendrerait une augmentation des investissements devenus rentables, laquelle serait source d'une amplification très sensible de la productivité du travail. Dans pareil cadre, la procédure consacrée des négociations collectives donnerait aux travailleurs le bénéfice des augmentations de productivité et, par là, leur procurerait des augmentations de salaires de grande valeur, lesquelles ne seraient plus constamment érodées par le malhonnête artifice de la hausse des prix. Rétablissement de la convertibilité monétaire,(sous entendu : en or. Ndlr) protection scrupuleuse de la procédure des négociations collectives, telles sont les deux voies propres à rendre aux systèmes économiques de l'Occident la possibilité de durer. En dehors d'elles, il n'est que faux semblants, aventures et mensonges." Revue d'Économie Politique, 57, janvier-février 1947, pp.5-33
La contestation de Mundell et de Maurice Allais après plusieurs années d'expérience des changes flottants
Robert Mundell dans "The case for a world currency", disponible en ligne à l'adresse http://www.cbe.csueastbay.edu/~lkahane/4705-6705/Mundell2005.pdf, un article donné en 2005, a fait voler en éclat la plupart des arguments en faveur des changes flottants.
Il y démontre :
- Qu'il n'y a jamais eu de stabilité des changes au contraire une dramatique volatilité.
- Qu'il n'y a pas eu non plus de convergence des taux d'intérêt.
- Que les réserves ont fortement augmenté. Voir la confirmation par Maurice Obstfeld (http://emlab.berkeley.edu/~obstfeld/OSTreserves.pdf) : "depuis la fin de l'ère Bretton Woods, le niveau des réserves globales est passé de 2% du PIB global à 6% en 1999". Ce taux a encore augmenté avec l'accroissement massif des réserves chinoise entre 1999 et 2008.
- Que c'est la spéculation qui s'est installée avec de nombreuses attaques erratiques contre les monnaies.
- Que les chocs n'ont pas été atténués mais aggravés par les changes flottants
- Que les changes flottants provoquaient une instabilité financière endogène
- Que l'indépendance des politiques monétaires n'était utile que si le monde était dans le désordre mais que cela n'était pas un objectif en soi, au contraire.
Il observe les très nombreuses crises monétaires et financières qui se sont succédé depuis 1971 et craint des épisodes encore plus graves;
La contestation de Maurice Allais est plus radicale encore. Dans un livre majeur, La Crise mondiale aujourd'hui (Clément Juglar, 1999), il observe que les changes flottants créent les conditions d'un désordre généralisé, qu'ils accroissent les risques sur chaque opération commerciale ou financière internationale, et qu'ils ne peuvent déboucher que sur une crise mondiale de type 1929. "Ce qui doit arriver arrive !", annonce-t-il.
Il est intéressant de noter que ces analyses ne feront l'objet d'aucune couverture médiatique par exemple en France , sinon un bref commentaire dans le Monde où le livre de Maurice Allais est accueilli par un "nous voilà prévenu" plein d'ironie.
La crise démarrée en 2007 et qui s'approfondit en 2009 en récession mondiale, donne une confirmation pratique particulièrement saisissante aux thèses de ces deux auteurs.
L'effet des changes flottants sur l'économie globale
La succession des crises monétaires et financières
L'histoire monétaire depuis l'introduction des changes flottants est une longue suite d'accidents monétaires et conjoncturels d'une gravité certaine.
- Crise de 74, dite "choc pétrolier", mais en fait réaction à un effondrement du dollar
- Stagflation des années 70 avec à la fois une très forte inflation et un stagnation de la croissance. La France sort de cette décennie avec un fort endettement et un chomage structurel important.
- Crise de l'endettement des pays souverains. Les excès de crédit liés à la flambée des pétro-dollars mettent en difficulté de nombreux pays notamment en voie de développement. Du Nigeria au Mexique, le FMI doit courir d'un incendie à un autre jusqu'en 1985.
- Crise du début des années 80, forte aux Etats unis et au Royaume uni, provoquée par la reprise en main du Président de la FED, M. Volcker.
- Crise des obligations pourries
- Faillites des "savings and loans"
- Crise de 1992-93, première récession d'après guerre, avec une fragilisation de tout le système bancaire mondial.
- Faillite de LTCM avec un risque systémique sur le système bancaire mondial (1.500 milliards de dollars d'en cours menacés).
- Crise de 1998 avec la faillite de la Baring et des explosions monétaires en Orient, en Russie et en Amérique du Sud.
- Crise de 2001-2002 avec l'explosion de la bulle formée par une double spéculation mondiale sur le dollar et les marchés boursiers américains
- Faillite de Enron significative de nouveaux comportements financiers à haut risque.
- Crise financière dite des "subprimes" amorcée par le blocage des enchères de CDO, se généralisant à l'ensemble du marché interbancaire et aboutissant au Krach de septembre 2008 et à la faillite de la banque Lehman-Brothers et de nombreuses autres banques à travers le monde.
Après avoir mis fin aux "trente glorieuses" le système monétaire international des changes flottants s'est finalement effondré entraînant le commerce international avec lui et provoquant la pire crise économique depuis 1929.
La financiarisation et la dérégulation de la finance mondiale par les changes flottants
Les changes flottants ont conduit les Etats à se soucier moins du taux de change de leur monnaie et à laisser des libertés de plus en plus grandes aux mouvements de capitaux. Ils ont permis l'interconnexion des différents marchés monétaires et financiers mondiaux. La bourse de Paris passe rapidement pour près de 60% entre les mains d'investisseurs étrangers. Des villes se financent en empruntant dans des devises étrangères. De grandes entreprises lèvent des capitaux dans un coin du monde et les investissent dans un autre. Toutes les transactions exigent au moins deux spéculations : une sur l'actif négocié et l'autre sur les monnaies des parties à l'échange. Les banques doivent offrir des mécanismes de couverture pour tous les risques nouveaux qui apparaissent. En même temps les possibilités d'arbitrage entre monnaies, entre pays, entre marchés, donnent naissance à une activité de marché gigantesque. La salle de marché devient le centre nerveux de bien des banques. On y travaille pour compte propre aussi bien que pour alimenter les activités de gestion de fortune.
Les structures anciennes des banques craquent : les hedge-funds se mettent en place pour tirer parti le mieux possible de la fluctuation des marchés. La dérégulation financière conduit à une déspécialisation des banques et une course à la taille et à la polyvalence. La banque assurance prend son essor. De nouveaux produits financiers apparaissent comme les produits dérivés adossés et les produits structurés. Un vertige mathématique actuariel conduit à des types de dettes bancaires d'une complexité toujours plus grande. Les opérations hors bilan, hors bourse et hors régulation se généralisent.
Jamais la finance n'a été plus libre, plus mondiale, plus complexe et n'a drainé autant d'argent. On parle d'économie Casino. Les mouvements de capitaux représentent plusieurs dizaines de fois la valeur des transactions internationales sur les biens et les services.
Sous la présidence de la Greenspan, la FED devient conciliante et accepte notamment le développement incontrôlé des CDS, des techniques qui permettent de se couvrir partiellement des risques associés aux variation de taux d'intérêt d'un pays à l'autre et de ceux des variations de changes. Les honoraires (les fees) remplacent le produit des crédits comme source essentielle du produit net bancaire. Les bonus des dirigeants et des principaux "dealers" des banques explosent et atteignent des sommets jamais vus.
Il va de soi qu'en système de changes fixes, la plupart des complexité financières n'auraient aucun intérêt et le champ de la spéculation serait réduit de plusieurs magnitudes.
Les intérêts en jeu sont tels que la finance anglo-saxonne verrouille pratiquement tout débat sur les changes flottants.
Les Européens s'y mettent. Des pays comme l'Islande jouent à fond la carte financière et accumulent des actifs sans rapport avec le PIB du pays. L'UBS en Suisse par exemple tente de se faire une place aux Etats-unis et de devenir une banque universelle leader aussi dans la banque d'investissement au prix d'investissements colossaux. L'économie des pays de l'Est sortis de la mouvance de l'URSS se retrouve presque intégralement financés par des banques européennes, notamment Autrichienne et Suédoise, mais aussi française.
Alors que les dirigeants des banques centrales restent mal disposés face aux changes flottants, les Ministres des finances et les banquiers s'emballent pour les promesses de la financiarisation totale et universelle des économies.
L'explosion du système financier mondial en régime de changes flottants
La crise de 2007-2008 va très au delà de la seule question des crédits immobiliers aux classes pauvres (crédits dits subprimes) et de leur diffusion par voie de CDO. La faillite de Lehman Brothers révèle la vulnérabilité trop longtemps minimisée ou niée, de l'ensemble du système financier mondial. Le système bancaire américain s'effondre ainsi que celui du Royaume uni. Les plus grosses banques sont renflouées par l'Etat et quasiment nationalisées. Partout en Europe des banques doivent faire face à des pertes colossales et à l'évanouissement de leur capital qui doit être conforté par les Etats. Les bourses s'effondrent partout. Le commerce international se bloque. Des secteurs comme le bâtiment et l'automobile connaissent une récession brutale. Les prix chutes sur les marchés de "commodities". Les Hedge funds sont amenés à dénouer en catastrophes leurs opérations et à restituer ce qu'ils peuvent à leurs clients. Près de la moitié d'entre eux cessent leur activité.
Les changes flottants aggravent la crise. Tous les capitaux aventurés cherchent à rentrer chez eux ou à atterrir dans des pays à monnaie solide. La flambée du Yen provoque une récession immédiate au Japon. L'effondrement des monnaies des Pays de l'Est met en cause tous les prêts qui leur ont été faits. Les banques autrichiennes sont très fortement engagées et perdent à concurrence, menaçant la stabilité de l'Euro. D'une façon générale tous les petits pays à monnaie flottante voient leur monnaie s'effondrer malgré leurs tentatives de s'y opposer notamment par la hausse des taux d'intérêt, qui par ailleurs bloquent l'économie. Les emprunteurs en monnaie forte des pays à monnaie dévaluée ne peuvent plus rembourser. Les prêteurs qui ont converti des monnaies fortes pour faire des prêts en monnaie dévaluée sont remboursés à une fraction de ce qu'ils prévoyaient. Les pays qui ont des "currency board" ont de plus en plus de difficulté à le maintenir compte tenu de la dévaluation de leurs voisins. Ils entrent dans des politiques de déflation extrêmement pénibles et socialement perturbantes. Toutes les transactions internationales sur les biens et les services tributaires du crédit se congèlent. Le Baltic Index s'effondre. Les bateaux s'entassent à l'entrée des ports faute de chargement. Les cours des matières premières s'effondrent.
On lance d'immenses plans de relance sans trop savoir s'ils ont des chances de succès en régime de changes flottants : Keynes était contre les changes flottants ! Sa proposition de Bancor est celle d'une monnaie internationale stabilisant l'ensemble de l'économie mondiale et n'imposant pas à un pays de porter avec tous les effets pervers que cela comporte, l'émission d'une monnaie de réserve mondiale. .
Des réponses nationales à un collapsus systémique international sans fixer un horizon monétaire mondial stable seront-elles suffisantes ?
Le G20 et les changes flottants
En annonçant un nouveau "Bretton Woods" chargé de créer une nouvelle architecture financière mondiale, on pouvait penser que les Etats souhaitaient mettre en œuvre une réforme du système monétaire international. Les travaux préliminaires semblent indiquer le contraire, l'accent étant mis sur la levée du secret bancaire, et des changements dans les modalités de supervision, de notation, de comptabilisation et de rémunération des activités financières. Le FMI se verrait confier des ressources accrues pour faire face aux difficultés financière des petits pays. les Etats-unis ne comptent pas remettre en cause leur privilège monétaire et les financiers ne veulent pas cesser toutes les activités qui ont été leur axe de développement pendant ces trente dernières années, en dépit du désastre général actuel. Si la conjonction des plans de relances massifs et du sauvetage des banques par la "planche à billets" fonctionne, il est probable que les changes flottants ne seront pas réformés.
Si la crise persiste et s'emballe notamment avec des effondrements de monnaies internationales comme le dollar ou le Yuan, alors la critique des changes flottants deviendra universelle et la pression pour la mise en place d'un système coordonné de changes fixes difficilement évitable.
Notes et références
Articles connexes
- Régime de change
- Marchés financiers
- Accords de Bretton Woods
- Accords de la Jamaïque
- Monnaie
- Finance
- Banque
- Cycle économique
- Etalon-or
- Système monétaire international
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Catégorie : Politique monétaire
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