Le FPR a été créé en Ouganda, en 1987-1988 par les exilés tutsi de la première et de la deuxième république du Rwanda. Les origines du FPR remontent à 1979, quand est fondée la Rwandese Refugee Welfare Foudation (RRWF), association caritative qui devient un mouvement politique, la Rwandese Alliance for National Unity (RANU) l'année suivante. Le FPR est issu du RANU. De 1981 à 1986, une partie des jeunes Tutsis de la RANU s'engagent dans la guérilla de Yoweri Museveni contre Milton Obote, alors président de l'Ouganda, qui entretient des campagnes xénophobes contre les Tutsis. Selon Gérard Prunier, le mouvement de M. Museveni compte, quand il prend le pouvoir, au moins trois mille tutsis, sur un total de quatorze mille hommes[1]. Parmi ces militaires d'origines rwandaises, plusieurs occupent de hautes fonctions dans l'armée ougandaise. Ainsi, Fred Rwigema, président fondateur du FPR, est secrétaire d'État à la Défense, puis conseiller du président Museveni. Paul Kagame est chef de la Sécurité militaire. Parmi les autres exilés tutsis, se trouvent le commandant Sam Kaka, chef de la Police militaire, le Dr Bayingana, chef du service de santé de l'armée ougandaise, et le commandant Musitu, responsable du service d'entraînement[2].
Cette forte présence des Rwandais suscite des critiques au sein de l'armée ougandaise, et les officiers font pression sur M. Museveni pour que ses alliés quittent, sinon le pays, du moins leurs fonctions[3]. Le FPR choisit alors de reprendre le pouvoir par la force au Rwanda. Il se dote d'une branche militaire, l'Armée patriotique rwandaise, formée par des officiers et soldats tutsis de l'armée ougandaises. M. Museveni ne fait rien pour gêner les desseins du FPR/APR. La première offensive est déclenchée le 1er octobre 1990, mais c'est un échec et Fred Rwigema est même tué, dans des circonstances non élucidées, dès le 2 octobre[4]. Le 14, Paul Kagame rentre des États-Unis, où il suit une formation militaire, pour devenir chef du FPR.
Plusieurs accords de cessez-le-feu sont signés entre le gouvernement rwandais et le FPR, mais ce dernier les viole tous (en 1991, 1992 et 1993), jusqu'aux accords d'Arusha d'août 1993. Après l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion de Juvénal Habyarimana, le FPR reprend l'offensive et s'empare cette fois-ci du pouvoir.
Le FPR avait notamment pour objectifs le retour des exilés au Rwanda, le refus de l'ethnisme qui a plongé le Rwanda dans le génocide, et la lutte pour un Rwanda démocratique. À propos des buts poursuivis par les dirigeants du FPR, M. Prunier estime qu'ils s'inspirent de Yoweri Museveni. Il s'agit « de conserver le pouvoir de décisions essentielles au sein d’un noyau central familier, constitué de réfugiés tutsis d’Ouganda, ajouter un nombre “d’outsiders” choisis dont quelques Hutus fiables, puis essayer de construire une direction officielle plus large, d’apparence “pluriethnique” pour la façade[5]. »
Parti majoritaire depuis le génocide, le FPR s'est coalisé avec d'autres partis pour former les gouvernements depuis le 19juillet1994. Son chef est le président Paul Kagame.
Selon certains, c'est la branche armée du FPR qui serait l'auteur de l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion du président Juvénal Habyarimana accompagné de son homologue burundais Cyprien Ntaryamira. C'est la conclusion à laquelle est parvenu le juge français Jean-Louis Bruguière au terme de l'enquête sur cet attentat[6]. L'attentat du 6 avril 1994 ayant été l'élément déclencheur du génocide contre les Tutsis[7], des défenseurs de cette hypothèse considèrent que le FPR est coresponsable de ce génocide[8]. L'utilisation de l'attentat et de l'incertitude sur ses auteurs pour détourner l'attention des vrais responsables du génocide n'est pas nouvelle : un major rwandais a été condamné par la justice belge à 20 ans de prison le 6 juillet 2007 pour avoir rendu possible le massacre des casques bleus belges au printemps 1994; il était également accusé d'avoir propagé des rumeurs selon lesquelles les soldats belges avaient tiré sur l'avion transportant les présidents rwandais et burundais. Et selon l'avocat du condamné, la mort des dix soldats belges ne serait qu'un épisode d'une guerre civile qui durait depuis 1990[9].
Selon l'ONU[10], Amnesty international[11], Human Rights Watch[12], Physicians for Human Rights[13], le Centre international des droits de la personne[14] et des africanistes comme Filip Reyntjens[15], les troupes du FPR ont commis de nombreuses exactions contre les populations rwandaises pendant la guerre civile qui débuta en 1990, lorsqu'il prit le contrôle du pays d'avril à juillet 1994, puis au cours des années qui suivirent. Gerald Gahima, procureur général du Rwanda de 1994 et 2003, membre du FPR jusqu'à cette date, a corroboré ces accusations, dans un entretien accordé au journaliste Thierry Cruvellier le 5 décembre 2000 : « Le FPR a commis des violations des droits de l'homme, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité[16]. » Reporters sans frontières dénonce également des violations de la liberté de la presse[17] et a classé le régime FPR parmi les « prédateurs de la liberté de presse » dans son rapport 2007. Selon l'avis des organisations de défense des droits de l'homme, le FPR se comporterait quasiment en parti unique, tenterait d'empêcher l'établissement de partis d'opposition et procéderait à des arrestations et emprisonnements abusifs ([Faustin Twagiramungu])[18].
Le gouvernement dirigé par le FPR est aussi critiqué pour sa participation aux conflits de la République démocratique du Congo, qui ont impliqué une dizaine d'États africains, et de contribuer à piller ses richesses naturelles[19].
Depuis 2005, des procédures judiciaires ont été ouvertes en France et en Espagne contre des dirigeants du FPR pour crime de guerre, crime contre l'humanité et assassinat. Selon une enquête en cours de la justice espagnole, le FPR est responsable de la mort de 7 millions de personnes[20].
↑ Selon Abdul Joshua Ruzibiza (Rwanda, l'histoire secrète, éd. du Panama, 2005, pp. 108-109), Fred Rwigema a été tué par des membres de l'APR. En tout état de cause, le FPR/APR n'a mené aucune enquête sur cette mort, malgré la promesse de M. Kagame d'en ouvrir une.
↑ « Rwanda : révélations d'un expert de la justice internationale », Le Monde, 7 mai 2004 ; Filip Reyntjens, « La “transition politique” au Rwanda », dans L'Afrique des grands lacs : annuaire 2003-2004, éd. L'Harmattan, 2004, pp. 9 à 13. Roméo Dallaire semble pencher pour cette hypothèse : J'ai serré la main du diable, Libre expression, 2003, pp. 383, 396, 413, 432, 451 et 632
↑Brussels court jails Rwandan ex-major for 20 years over deaths of peacekeepers, dépêche de l'agence AP, 6 juillet 2007
↑Rapport de la commission internationale non gouvernementale sur les violations massives des droits humains en République démocratique du Congo, juin 1998
↑ Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteurs, éd. Fayard/Mille et une nuits, 2005, p. 495
Voir aussi
Bibliographie
(en) Colin M. Waugh, Paul Kagame and Rwanda : power, genocide and the Rwandan Patriotic Front, McFarland & Company, Inc., Jefferson, N.C., 2004, 254 p. (ISBN 0-7864-1941-5)
(fr) Serge Desouter, Rwanda, le procès du FPR : mise au point historique, L'Harmattan, 2007, 335 p. (ISBN 978-2-296-02559-2)
(fr) James K. Gasana, Rwanda : du parti-État à l'État-garnison, L'Harmattan, 2002, 348 p. (ISBN 2-7475-1317-3)
(fr) Gaspard Musabyimana, La vraie nature du FPR-APR d'Ouganda en Rwanda, L'Harmattan, 2003, 273 p. (ISBN 2-7475-4847-3)
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